Un regard sur une année d’essais, et vers les bouleversements à venir.
Le marché automobile est pris en étau entre des problématiques parfois confuses voire contradictoires. Le réchauffement climatique, la pollution de l’air dans les villes, les anciens diesels sales frappés d’interdictions, les nouveaux diesels propres boudés par les consommateurs sont autant de tiraillements dont aucune solution simple ne semble émerger. Et tant les politiques que les citoyens-électeurs ont une attirance naturelle pour la simplicité.
Si la barre des 130 g/km d’émission de CO2 en 2015 a été atteinte sans trop de douleurs ou sacrifices, il en ira tout autrement pour les 95 g/km en 2020, sans même parler des 59 g/km en 2030. L’industrie dans son ensemble a relativement mal géré l’introduction du cycle WLTP et des tests de Real Driving Emissions. Retards de livraisons voire interruptions de livraisons pour certains modèles de niche, bradages de stocks, ce sont surtout les motorisations essence qui semblent avoir été à la peine.
L’électrification semble inéluctable, mais sa recette reste floue: électriques ? Hybrides plug-in ? Hybrides légères ? Malgré un buzz sans relâche les électriques restent une niche de luxe pour des acheteurs aisés et disposés à faire des sacrifices dans leur mobilité. Les chiffres démontrent que leur empreinte carbone est favorable, mais leur coût reste problématique.
L’année 2018 a été le théâtre de la présentation des premières électriques haut-de-gamme des anglais (Jaguar I-Pace) et allemands (Audi e-tron et Mercedes EQC), 2019 sera celle du verdict commercial pour ces prétendantes à la niche Tesla. La démocratisation est attendue pour 2020 avec la VW I.D. et la promesse d’un produit décent au prix d’un équivalent diesel.
L’offre stimulera peut-être la demande, mais les ingrédients d’une adoption plus large restent à déterminer. Les aides ruineuses consenties par la pétrocratie norvégienne fonctionnent, mais ne sont ni transposables ni efficientes dans la lutte contre le dérèglement climatique. Les électriques restent hors budget pour la plupart ou limitées dans leurs aptitudes.
La seule certitude est que des changements profonds viendront bouleverser le marché automobile dans un horizon proche, peut-être moins de deux ans. La forme exacte que prendra cette révolution dans la mobilité individuelle est bien plus difficile à prévoir. Le panel de 42 autos que nous avons pu essayer en 2018 ne le reflète encore que très peu.
L’essai de la BMW M5 F90 fut un des grands moments de cette année 2018. Non pas parce que c’est une M5, avec toute l’aura que le badge véhicule, mais parce que c’est une limousine sportive éblouissante de compétences. Des performances féroces, un souffle qui paraît inépuisable et un châssis homogène qui passe le couple au sol mais laisse au conducteur le choix d’un train arrière plus ou moins mobile. Ajoutez un intérieur luxueux et il ne manque qu’une version break pour détrôner l’Audi RS6 Avant. Une RS6 qui, malgré son statut d’automobile culte, marque le pas. Légèrement moins performante car plus lourde, moins typée propulsion dans la répartition de son culte, l’über-Avant trahit son âge.
Nous attendions plus de la Cadillac CTS-V, mais une fiche technique peut être trompeuse. Plus abordable que ses concurrentes allemandes, elle n’offre pas le même niveau de prestations, surtout si on la considère comme une candidate à bouffer des kilomètres 365 jours par an. Le plus dommage est sans doute qu’elle ne compense pas ce relatif manque de polyvalence par le caractère de dragster que son esthétique suggère.
L’Audi RS4 Avant B9 est un excellent millésime, avec un retour réussi au V6 biturbo. Les performances réelles et l’agrément sont en forte hausse, et font rapidement oublier le V8 4.2 FSI. Seul regret, l’absence d’une touche RS plus affirmée pour renforcer le contraste avec la S4 Avant. Nous attendions plus de l’Audi A8, notamment dans le registre des aides à la conduite. Le système mild hybrid est par contre réussi.
La commercialisation du Model 3 de Tesla (notre essai) s’est transformée en feuilleton industriel en 2018, une attention discutable tant le produit n’est, somme toute, remarquable que par sa faible consommation électrique. Très mal suspendu à sa sortie, encore sujet à des aléas de qualité inquiétants, le Model 3 débarquera en Europe début 2019 alors que la promesse de l’électrique à 35’000$ reste arlésienne.
Autre objet de buzz, l’Alpine A110 est devenue une obsession franco-anglaise. Notre essai dans les alpes suisses a confirmé les bonnes qualité de la berlinette constatées à son lancement, mais également son amortissement beaucoup trop souple qui se traduit par des mouvements de caisse exagérés et nuit à la précision. L’Alfa Romeo 4C Spyder a évolué dans son comportement mais reste très brute et approximative. Le comportement de la 718 Boxster GTS n’a, lui, rien d’approximatif, mais le 4 cylindres boxer, tout coupleux qu’il est, ne parvient pas à faire oublier les flat six d’antan.
La Porsche 911 GT2 RS mérite la plupart des superlatifs qui l’accompagnent. Elle se pose en complément parfait à la GT3 RS, opposant la brutalité impressionnante de son flat six biturbo aux montées en régimes vertigineuses du 4.0 litres atmosphérique. Deux conceptions presque diamétrales du pilotage, la force contre la finesse.
Nous avons également eu le privilège d’essayer deux autres Porsche d’exception. La 918 Spyder est un tour de force technologique, mais la sonorité de son V8, un ingrédient si essentiel dans l’automobile sportive, fait pâle figure face aux flat-six ou aux V10. La 911 RS 2.7, toute légendaire qu’elle est, accuse le poids de 45 années de développements sans compenser en sensations pures. Sauf peut-être celles, un peu effrayantes, d’une auto d’une valeur stratosphérique qui n’a pas de freins.
La 911 Carrera T est une excellente voiture dans l’absolu, un véritable régal quelle que soit l’humeur, mais les amateurs en quête d’une 911 plus pure et dure risquent de rester sur leur faim. L’exercice de matriçage des options de configuration est presque synthétique. La Corvette Grand Sport est une sportive accomplie mais dure, dont une qualité unique est le toit targa et la possibilité d’arsouiller cheveux au vent.
Avec une ligne aussi osée, aussi ambitieuse, Aston Martin devait marquer un grand coup avec la nouvelle Vantage. Elle s’est avérée perfectible dans trop de registres pour convaincre. L’autre grande nouveauté anglaise de l’année, la Continental GT mk3, est transfigurée par sa nouvelle boîte PDK8 et l’allongement de son empattement, ajoutant des qualités sportives pointues à son arsenal de GT au long cours.
Compactes: la pression
Deux compactes sortent du lot cette année. La Hyundai i30N est une excellente surprise, offrant un rapport prestations-prix de haut niveau pour les amateurs/trices de compactes sportives. Autre grande nouveauté de l’année, l’entrée de Mercedes dans le segment S3/Golf R avec l’A35 AMG 4Matic est une réussite, avec une auto accomplie dont l’excellent châssis supporterait un zeste de panache supplémentaire côté moteur.
SUVs: envahissants
L’appétit des automobilistes pour les SUVs, crossovers et monospaces est tel qu’il menace déjà les investissements dans les berlines et compactes. Grâce à une optimisation du packaging, ils sont devenus plus habitables que leurs homologues classiques, mais leur poids, la hauteur de leur centre de gravité et leur maître couple restent des compromis significatifs. Très rares sont les modèles qui ne le font pas ressentir d’une manière ou d’une autre à la conduite.
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