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Essai Porsche Boxster S

Les cimes se rapprochent et j’aperçois au loin une aire de repos suivie d’un tunnel, je jette un bref coup d’œil à ma droite, le temps d’un dernier adieu à la mer. Je ne m’y connais guère en littérature croate ou même balkanique mais à cet instant, je me plais à croire que nombreux sont les poètes qui ont dû être inspirés à travers les siècles par la composition unique de ce paysage grandiose. J’entends au loin la roche réverbérer les échappements de mes poursuivants, allez, filons, il reste encore la descente, mais je sais d’ores et déjà que cette escalade avec le flat six hurlant constamment entre 5 et 8’000 tours restera à tout jamais gravée dans ma mémoire.

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La descente ne sera pas aussi longue qu’attendu, le reste du parcours jusqu’à Plitvice, célèbre pour ses chutes successives de lacs, me maintiendra relativement en altitude avec, à la clé, encore quelques portions mémorables sur des hauts plateaux quasi déserts, dont le revêtement parfois très dégradé, sans pour autant être truffé de nids de poule, mettra en valeur les aptitudes joueuses de la voiture. Déduction hasardeuse ou pas, je me dis à cet instant qu’elle serait sans doute plus “fun” en toutes circonstances si elle bénéficiait de pneus légèrement moins imposants ; il n’y a pas si longtemps 20 pouces était une taille qui ne convenait qu’aux 4×4 bling-bling, or même ainsi équipées, les arches de ce Boxster semblent à peine remplies. Visite éclair des chutes de Plitvice, repas de midi, la suite, vous la connaissez déjà, le roi de Suède est attendu, il nous faut donc arriver à Zagreb au plus tard à 15h. Mais à peine remonté dans la voiture, un détail me fait froid dans le dos : le GPS indique 130 kilomètres jusqu’à destination, alors que la jauge d’essence me promet une autonomie de 160, euh, 130, 120, bon, le 7ème rapport va être de rigueur. Aucun regret puisque le retour se fera via une nationale surpeuplée de camions, puis l’autoroute. Si au terminus, j’ai réussi à abaisser la moyenne de la journée à 16.3l/100, celle de la matinée flirtait avec les 20l/100 – qui ont donc été largement dépassés durant les périodes d’attaque. Gourmand pour un moteur moderne atmosphérique de 315 chevaux sur une deux places de 1435 kg.

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Il faut être honnête, j’ai pu pousser le Boxster assez loin dans ses retranchements car les conditions étaient extraordinaires, or chez nous, avec la crainte croissante de se faire retirer le permis, il y a peu de chances que le propriétaire lambda prenne le Boxster en défaut. J’aurais apprécié de conduire sa version de base, 265 chevaux avec des pneus de 18 pouces, car je me dis que c’est peut-être là que se trouve le meilleur équilibre vis-à-vis de nos routes publiques… Quoi qu’il en soit, avec le PSM activé, en mode Sport Plus, le comportement reste sain jusqu’à des vitesses inacceptables en dehors de l’autoroute. A ce seuil, plutôt que le comportement châssis, ce sont surtout les inégalités du revêtement qui risquent, typiquement en descente, de provoquer un décrochage du train arrière. Mais sans PSM, hmm… Et que vaudrait la voiture sans PASM ? Sans PTV ? Sans Sport Chrono (bon, ça je le sais) ? Pourquoi nous facturer toutes ces options supplémentaires quand un bon châssis bien réglé ferait l’affaire ? Les acheteurs auraient-ils besoin d’être impressionnés ou flattés par toute la liste de l’artillerie qu’ils emmènent avec eux ? Est-ce que toute cette technologie embarquée constitue réellement un progrès ? A cet instant, je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour Lotus.

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C’est indéniable, Porsche sait faire des outils performants, mais désormais trop performants pour la route car d’un côté, il faut que j’atteigne une vitesse stratosphérique pour commencer à pouvoir jouer avec la voiture, et de l’autre, je ne me sens juste pas assez à l’aise pour débrancher le PSM, or où est le fun lorsque l’armada d’électronique corrige mes erreurs ? Comment puis-je progresser et donc avoir un sentiment de gratification, si rien ne m’indique que j’ai commis une faute ? On n’a pas non plus envie de passer son temps sur un circuit à l’asphalte parfait et si l’on souhaite juste se faire plaisir, cheveux au vent, il existe des alternatives, certes moins performantes, mais moins onéreuses. Vu le succès de Porsche, j’en déduis qu’au fond, améliorer sa conduite n’est pas un but pour l’immense partie des acheteurs qui ne veulent simplement qu’un résultat, glorifiant forcément. A qui le Boxster S est-il alors destiné ? Son prix de base, en regard de sa polyvalence tout de même limitée dans l’absolu, le place d’ores et déjà hors d’atteinte des bourses moyennes. De plus, si je me limite au strict minimum, PTV, PASM, Servotronic Plus, PSE et pack Sport Chrono, il faut une rallonge de 10’000 CHF. C’est sans compter les sièges spéciaux, le cuir, la climatisation, le GPS, la PDK, etc, avec lesquels la barre des 100’000 CHF sera allègrement franchie. Et puisque le Boxster n’est pas exactement débordant de personnalité, qu’est-ce qui justifie le sacrifice si ce n’est le prestige du badge ?

En même temps, si l’on entre sur ce terrain, il est logique d’opter pour la 911 car comme l’a si bien dit Richard Hammond, acheter un Boxster, c’est montrer qu’on n’avait pas les moyens de se payer une 911. L’ego en prend un coup, mais face à la dure réalité des chiffres, le choix peut être compréhensible. La 911 est la meilleure des deux, mais – si l’on veut un cabriolet et que l’on est obligé de rationnaliser ses dépenses – est-elle « 58’000 CHF mieux » que le Boxster S ? Hmmm … je n’irai pas jusque là. Dirai-je que j’ai éprouvé quelque difficulté à écrire cet article ? Pondre un laïus sur une voiture foncièrement mauvaise est chose aisée, chaque tare offrant matière à dissertation, ce qui n’est pas le cas avec un produit globalement bien sous tous rapports. Et c’est là que réside sans doute le principal point faible du Boxster : il est juste bien, voire très bien. Mais pas spécial. Il exécutera pratiquement tout ce qui lui est demandé sans fausse note, mais sans maestria non plus. Or votre sourire au volant d’un roadster ne doit pas dépendre seulement de la route que vous parcourez, mais surtout de l’âme de la mécanique entre vos mains, même lorsque vous n’êtes pas en train de la brutaliser. Si les ingénieurs de Zuffenhausen, si avides de perfection, prenaient un peu de la même drogue que les ex-employés de TVR la veille d’une nouvelle création, peut-être trouveraient-ils le moyen d’instiller ce qui fait le plus cruellement défaut au Boxster : ce so british sense of occasion.

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