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Essai longue durée: 35’000km en Ferrari 550 Maranello

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Pendant et même après la fin de son règne, la 550 a été louée pour son comportement routier. De sa commercialisation en 1997 jusqu’à la dernière année modèle en 2004, la Maranello offrait un niveau de performance et d’accessibilité révolutionnaires. Une décennie plus tard, les standards de comportement ont nettement évolué mais la voiture conserve des qualités dynamiques que je trouve remarquables, malgré ce qu’on appellera avec bienveillance quelques particularités. A allure paisible, tarage et amortissement sont exagérément secs, la sélection du mode ‘souple’ des amortisseurs n’apportant guère d’amélioration sur revêtement dégradé.  A l’image de sa boîte, c’est en haussant le rythme que la signature du châssis prend son sens. La dureté ressentie à rythme paisible s’estompe au profit d’une plus grande fluidité. La voiture plonge au freinage, se cabre à l’accélération, mais prend relativement peu de roulis. Son inertie au changement d’appui est remarquablement faible, lui procurant une agilité insoupçonnable. Bien calé dans le siège, rouler vite en 550 est un exercice exaltant. La direction est légère, facile et directe, mais télégraphe avec précision les conditions d’adhérences sous le train avant, un indicateur fiable de la suite à donner au virage. Si le train avant répond avec franchise, la courbe passe vite et la réouverture des gaz en sortie pourra être franche. Si le train avant sous-vire légèrement, une légère retenue est de rigueur dans les deux phases qui suivent. Prédictible, limpide, l’exercice en serait presque facile s’il ne fallait réaliser en même temps des changements de rapports précis – surtout une généreuse égalisation du régime moteur au rétrogradage, et porter une attention particulière au grip des 295/35/18 chaussant le train arrière.

La 550 est neutre en entrée de courbe et survireuse en sortie. En mode normal, l’antipatinage ASR est brutal, coupant totalement le couple moteur à la moindre dérobade des roues arrières. En mode sport il se fait plus permissif, autorisant un généreux patinage tant qu’aucune accélération latérale significative n’est détectée. Débranché, le pilote est seul maître à bord. Cinq cent soixante-trois newton mètres, un ASR binaire et pas d’ESP pourrait ressembler à la recette d’un désastre garanti. La Maranello est le genre de voiture où débrancher l’ASR n’est pas un acte de bravoure, mais une gourmandise qu’on déguste volontiers quand les conditions s’y prêtent. C’est peut-être dans cette dimension que la 550 a fait sa marque. Une supercar non seulement utilisable, mais exploitable. Une machine à se faire plaisir, pas à se faire peur.

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Pour rouler vite, l’ASR mode sport demeure le meilleur compromis. Un filet de sécurité, l’exigence d’un pilotage propre et coulé pour éviter le seuil de déclenchement, et une marge de manœuvre suffisante. Il n’y a en fait pas de justification à ne pas rouler constamment en mode sport, sauf peut-être en conditions d’adhérence extrêmement précaires où un excès d’optimisme peut se traduire par des dérives aussi inattendues que désagréables. Une voiture qu’on peut presque mettre entre toutes les mains en mode normal, mais qui demande quand même un minimum de bagage technique une fois la bride relâchée.

C’est certainement dans ce domaine des assistances à la conduite que le contraste entre la génération 355/360/550/575 et les 430/599 est le plus flagrant. Sur les premières, les interventions sont gauches et péjorent le plaisir de conduite, il faut donc les contourner. Depuis 2005, l’apparition du manettino et des différentiels pilotés couplés à la gestion moteur, les assistances à la conduite contribuent au plaisir de conduite. Avant il fallait les déclencher pour être un héros. Depuis, elles donnent au conducteur la sensation d’en être un. De mal nécessaire, elles sont devenues un catalyseur au plaisir de conduite, un artifice permettant de sublimer les compétences du pilote. Rien de tel ici, les maladresses se paient, la plupart du temps par une piteuse coupure de couple qui sape le rythme et force douceur et progressivité dans les gestes.

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Le V12 de 5.5L est à la fois pointu et coupleux. Souple comme une contorsionniste chinoise, il permet d’enrouler à des régimes extrêmement bas. J’évite en général la zone 1900-2100 tours, les silencieux Tubi étant particulièrement sonores à ce régime, un mal nécessaire pour donner voix et personnalité, la ligne d’origine rendant la 550 ridiculement aphone. Entre 3500 et 5500 tours, le V12 est à son rythme de croisière. Le couple est omniprésent, les reprises franches, la sonorité grave, profonde. Un timbre qu’on ne retrouve pas sur la 599, devenue beaucoup plus métallique. A moins d’être en mode attaque, c’est la plage où il est le plus agréable à exploiter, tant par sa vigueur que par sa sonorité. C’est cette tendance naturelle à caler le régime médian au-dessus de 4000 tours qui surprend pour un V12, le régime choisi a une importance prépondérante sur la réponse à la pédale, aux antipodes des courbes de couple plates des moteurs suralimentés modernes. Si nécessaire et possible, les 2000 t/min restant jusqu’à la zone rouge (7500 t/min) s’offrent à vous, mais le léger trou entre 6000 et 6500 t/min dénature un peu le crescendo et lui retire un peu de sa saveur. Certains blâment des filtres à air trop restrictifs, je n’ai jamais entrepris de remédier au problème.

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