Essai Lamborghini Urus: corrida dans le Chianti

Un SUV Lamborghini, incongru ou génial ?

Nous sommes sur une belle route de Toscane, sinueuse, large et déserte. Devant moi, mon collègue cravache une Lamborghini Huracan Evo. A ma grande surprise, je ne suis pas largué. Les lignes droites sont même pour moi une opportunité de reprendre un peu de terrain. Nous roulons sur route en gardant une bonne marge, mais ce tronçon me donne une première idée des qualités de cette Urus.

Lamborghini a donc effectué le pas que d’autres marques ont réussi avant elle, celui d’ajouter un SUV à sa gamme de voitures de sport. Après avoir dévoilé un concept au salon de Beijing en Avril 2012 puis à Pebble Beach en Août de la même année, Lamborghini présente la version de production de son Urus le 4 Décembre 2017.

Présenté comme le premier « Super Sport Utility Vehicle » il vient compléter la gamme “ordinaire” composée actuellement des Huracan et Aventador. Pour rappel, Lamborghini avait déjà produit quelques centaines d’exemplaires d’un SUV dans les années 1980, le LM002.

Lamborghini n’a pas lésiné sur les investissements pour se SUV dont l’ambition est de doubler le volume de vente de la marque. Une nouvelle usine d’assemblage dédiée a été construite sur son site historique de Sant’Agata Bolognese, doublant ainsi la surface du site. Ces nouveaux bâtiments intègrent une nouvelle ligne de peinture, ainsi qu’une piste de test spécifique au SUV.

La ligne d’assemblage principale a été pensée pour être flexible. Chaque station est opérée par 2 ou 3 personnes assistées de robots pour la manutention des pièces lourdes ainsi que la précision des assemblages. D’autres robots assurent l’approvisionnement des pièces nécessaires. On est dans un autre monde que la ligne d’assemblage des Huracan et Aventador,  essentiellement manuelles.

Basé sur la plateforme du groupe VW équipant entre autres les Porsche Cayenne, Audi Q7 & Q8 et Bentley Bentayga, l’Urus dispose d’un châssis dont nous avions pu apprécier les qualités lors de notre essai des Cayenne et Cayenne Coupé. Il est constitué d’assemblages en différents matériaux, comprenant essentiellement de l’aluminium et de l’acier. Cette structure lui donne la rigidité nécessaire à un bon comportement routier.

Sous le capot, nous trouvons un nouveau moteur V8 à essence de 3996 cm3 de cylindrée. Commun aux Porsche Panamera et Cayenne Turbo et, depuis peu, aux RS6 et RS7, il est construit en aluminium. Il dispose de deux turbo-compresseurs twin-scroll installés en position centrale, proche des chambres de combustion. Cette combinaison est garante d’un couple élevé et d’un temps de réponse réduit. Un système de désactivation des cylindres réduit la consommation à faible charge.

Avec une puissance de 650 ch à 6000 t/min, un régime maximal fixé à 6800 t/min et un couple de 850 Nm disponible de 2250 t/min et jusqu’à 4500 t/min, cette déclinaison Lamborghini du nouveau V8 biturbo du groupe VW est la plus puissante jusqu’ici. Le poids DIN annoncé est de 2197 kg, ce qui donne un rapport poids/puissance de 3.38 kg/ch. Les performances annoncées sont remarquables: 0-100 km/h en 3.6 secondes, 0-200 km/h en 12.8 secondes. La vitesse maximale est de 305 km/h.

La transmission aux quatre roues est assurée par une boite automatique à 8 vitesses. Un différentiel central Torsen répartit le couple entre les train avant et arrière. Cette répartition peut varier du standard 40/60 avant-arrière à 70% sur l’avant ou 87% sur l’arrière. Le train arrière dispose d’un différentiel piloté avec possibilité de varier la transmission du couple sur la roues intérieure et extérieure (torque vectoring).

Enfin, les roues arrière sont directrices. L’angle de braquage varie de +/- 3 degrés. L’effet est une réduction virtuelle de l’empattement de 60 cm à basse vitesse pour privilégier l’agilité, et une augmentation de 60 cm à haute vitesse pour une meilleure stabilité.

Des suspensions pilotées ainsi que, pour la première fois sur une Lamborghini, des barres anti-roulis actives permettent de garder l’assiette de cette voiture sous contrôle. Le comportement de la voiture est ajustable à l’aide du « Tamburo », un levier sur à gauche de la console centrale qui permet de choisir l’un des modes suivants : Strada, Sport, Corsa, Sabbia, Terra ou Neve. Trois modes pour la route et trois modes pour le tout terrain, sable, terre ou neige. A droite de la console centrale, un autre levier permet de sélectionner le mode EGO ajustant une combinaison des paramètres de transmission, direction et amortissement.

L’Urus impose plus par sa taille que par un dessin agressif comme les gènes de la marque pourraient le laisser supposer. L’ADN Lamborghini est bien présent, notamment une surface de vitres en proportion très faible qui démarque ce SUV de ses concurrents. La ligne de toit plongeant vers l’arrière ainsi que la vitre du hayon arrière très inclinée soulignent le caractère sportif et la couleur jaune lui convient à merveille à mes yeux.

L’intérieur m’est apparu de très bonne facture. Notre voiture de test dispose des options « carbone » qui, avec le cuir et les surpiqûres jaune, donnent un aspect très typé sport. Le dessin des buses d’aération tout comme les graphiques des affichages sont dans à l’avenant. Lamborghini a soigné les détails pour que l’atmosphère soit cohérente avec son image. L’équipement est moderne et complet. On trouve deux écrans sur la console centrale ainsi qu’un troisième écran derrière le volant. Sans oublier le Head up Display, qui affiche lui aussi une fonte identique à celle de l’instrumentation.

La mise en route du moteur s’effectue à l’aide d’un bouton start placé sous une gachette rouge. Le bruit du V8 est présent à l’intérieur mais il est suffisamment atténué pour ne pas être fatiguant. Le tout a été bien civilisé, probablement pour ne pas effrayer une clientèle forcément plus large que celle traditionnelle à la marque.

Nous prenons la direction du sud à la recherche du soleil et des routes de Toscane. Sur autoroute, notre Urus s’avère un excellent compagnon de voyage. Le confort est de haut niveau, le bruit est très filtré, permettant de longs parcours dans des conditions idéales.

Au sud de Florence, les petites routes nous permettent de mettre à l’épreuve le châssis de ce SUV. Comme nous l’avions déjà relevé lors de nos essais des Porsche Cayenne et Cayenne Coupé qui partagent la même plateforme, la tenue de route est fantastique pour un véhicule aussi grand et haut. Le roulis est très bien maîtrisé et incite à augmenter le rythme sur route sinueuse. Le poids élevé reste perceptible mais les enchaînements de virages ne font pas peur à cet Urus.

Le moteur est un excellent allié pour la conduite rapide, aucun turbo-lag ne vient retarder l’arrivée du couple. La voiture démontre une belle rage, les lignes droites sont avalées à la vitesse de l’éclair. Ce développement du V8 biturbo du groupe est très convaincant.

La boite automatique est un niveau en-dessous dans ces conditions. En mode manuel, on ne perçoit pas toujours si les actions sur les palettes ont bien été exécutées. L’ensemble  moteur-boîte exécute trop discrètement les changements de rapports, surtout lors des rétrogradages. Aucun à-coup ou prise de régime pour confirmer que l’action demandée a été bien effectuée.

La direction fait bien remonter bien les aspérités des routes parfois bien bosselées de Toscane. Le freinage est à son affaire. Le ressenti à la pédale pourrait être un peu plus ferme, mais globalement il ne faiblit pas à ralentir cette voiture après de longs tronçons en roulant fort. La taille des pinces de frein avant est assez impressionnante et contraste avec celles montées à l’arrière. La différence entre les deux est presque comique.

Sur près de 800 km, en grande partie sur des routes principales à bonne allure, notre consommation moyenne s’est établie à 18.95 l/100km. Sur le dernier trajet de retour, en bonne partie sur autoroute, nous avons consommé 13.63 l/100km. Il n’y a pas de miracle, une voiture lourde et performante se paie à la pompe. Le réservoir de 85 litres permet tout de même une autonomie décente.

Reste à parler du prix. En Suisse, un Urus démarre à CHF 237’500.- (€212’416.-) soit à peu près au même niveau que le haut de gamme chez Porsche, la Cayenne Turbo S E-Hybrid Coupé. Il y a ensuite la possibilité de personnaliser son Urus avec de nombreuses pièces en carbone comme notre exemplaire d’essai, particulièrement bien fourni.

Le résultat pour les amateurs de SUV est une voiture de très haut niveau, que ce soit en termes d’équipement, de performance, de qualité dynamique ou de confort d’utilisation. Le moteur et le châssis sont fantastiques, la boite automatique est très bien pour toute utilisation normale, mais pas idéale pour la conduite sportive. Le résultat se voit dans les ventes, Lamborghini a déjà pratiquement doublé ses volumes grâce à ce modèle, et en attendant des variantes probables encore plus performantes.

Prix et options du véhicule essayé

Lamborghini Urus
€ 171’429*
Couleur Giallo Auge € 0
Paquet carbone extérieur bas de caisse € 11’345*
Paquet carbone extérieur haut de caisse € 6’218*
Toit panoramique € 2’200*
Sorties d’échappement noir mat € 700*
Baguettes de seuil de porte en carbone € 1’832*
Jantes “Nath” 22″ titane mat € 3’500*
Pinces de frein jaune € 900*
Paquet lave-glace € 673*
Paquet “sunshine” € 1’304*
Pare brise chauffant et thermo-isolant € 715*
Double vitrage arrière fumé et thermo-isolant € 1’691*
Paquet carbone intérieur console arrière € 800*
Paquet éclairage intérieur € 2’404*
Paquet intérieur carbone avant € 4’200*
Logo Lamborghini sur appuie-tête € 700*
Tapis de sol avec broderie €500*
Coutures jaune € 500*
Configuartion 4 sièges € 3’000*
Sièges cuir avec coutures décoratives € 2’500*
Sièges électrique avec ventilation et massage € 2’500*
Volant multifonction en cuir perforé € 1’000*
Coutures en couleur jaune sur volant € 300*
Sound system Bang&Olufsen € 5’000*
Radio DAB € 600*
Management system pour le coffre € 500*
Modes de conduite ANIMA avec mode offroad € 504*
Assistance de ligne, parking, tempomat avec head up display € 5’000*
Total € 232’515*

* Prix sans TVA

Face à la concurrence – caractéristiques techniques

Lamborghini Urus
Porsche Cayenne Turbo S E-Hybrid Coupé
Moteur V8 bi-turbo 3996 cm3 V8 bi-turbo 3996 cm3
Puissance (ch / t/min) 650 / 6000 680* /5750-6000
Couple (Nm / t/min) 850 / 2250-4500 900* / 2000-4500
Transmission 4×4 4×4
Boite à vitesses Automatique 8 Automatique 8
RPP (kg/ch) (3.38) (3.73)
Poids DIN (constr.) (2197) (2535)
0-100 km/h (sec.) 3.6 3.6
Vitesse max. (km/h) 305 295
Conso. Mixte (constr.) 18.95 (12.3 WLTP) (3.9 – 3.7 WLTP)
Réservoir (l) 85 75
Emissions CO2 (g/km) 279 90 – 85
Longueur (mm) 5112 4939
Largeur (mm) 2016 1989 / 2194
Hauteur (mm) 1638 1653
Empattement (mm) 3003 2895
Coffre (L) 616 – 1596 500 – 1440
Pneumatiques 285/45R21
315/40R21
285/40R21
315/35R21
Prix de base (CHF) 237’500 232’700
Prix de base (EUR) 212’416 179’097

* valeur système

Nos remerciements à Automobili Lamborghini S.p.A pour la mise à disposition de cette Urus.

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Deuxième opinion: taureau perché

Après quelques centaines de kilomètres passés à essayer de semer la gueule béante de l’Urus, je me devais de m’installer à son volant. Et passer d’une berlinette à V10 atmo central à un SUV, aussi puissant qu’il fut, est un exercice vertigineux, déroutant, presque choquant.

La Huracan Evo rend presque 50 cm en hauteur à son encombrant cousin de gamme, mais derrière le volant, la sensation semble encore plus ample, surtout si l’on goûte peu aux SUVs en général et à cet attribut qui les caractérise en particulier.

Tamburo en mode Strada, le châssis sophistiqué de l’Urus n’évite pas un pompage important sur certaines inégalités. L’hydraulique compense bien le roulis, mais les changements d’assiette, amplifiés par la hauteur de la caisse, ne conviendront pas forcément aux estomacs les plus délicats.

Le propos de ce galop est de voir ce dont cet auroch, espèce éteinte de taureaux sauvages, a dans le ventre, je passe le tamburo en mode Corsa et prend l’embranchement vers la SP27, une route sinueuse qui plonge dans une vallée verdoyante avant de remonter vers San Gimignano.

Sur les rectilignes, la poussée est féroce, formidable. Un couple massif, une allonge sans merci, la poigne de ce nouveau V8 revu par Lamborghini est impressionnante, implacable. Au fil des épingles, le freinage m’apparaît par contre nettement moins convaincant du fait de son manque de mordant à l’attaque.

La réaction du châssis à la prise d’appui est nette, mais je me sens un peu à l’abandon dans un siège trop large, à essayer d’appliquer le plus de précision possible à mes impulsions. Je me sens éloigné du théâtre des opérations, déconnecté, presque spectateur.

Remarquablement, l’Urus reste prévisible dans ses réactions et n’incite pas à baisser le rythme sur cette route étroite où l’on pilote à vue. Les sensations sont par contre édulcorées, en particulier par la sonorité moteur presque trop raisonnable pour un produit Lamborghini.

La recette Urus intègre les ingrédients du style Lamborghini, mais ne tente (ou ne réussit) pas le grand écart entre la docilité nécessaire à une utilisation polyvalente et l’immersion totale dans l’univers viscéral des berlinettes Lamborghini. Très symboliquement, plus on prend de la hauteur, plus on s’éloigne de la route.

Tour de force technique, complément attractif pour celles et ceux qui souhaitent vivre le style Lamborghini 365 jours par an, mais rien dans l’Urus ne me ferait tourner le dos à ma RS6 pour le quotidien, ou à une Huracan Evo pour les escapades coupables. Ce n’est pas une critique de l’Urus en tant que SUV, mais la reconnaissance du gouffre qui sépare une berlinette GT d’un SUV de la même marque super sportive.

Jean-Claude Etter

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