Formule E: l’interview d’Allan McNish
Ce sont les pistes qui vraiment difficiles. Changements de tapis, bosses, bouches d’égoût, murs. La moindre erreur et c’est le mur, comme à Monaco. Marrakesh et Mexico sont des pistes plus classiques, et les courses y sont vraiment différentes. L’ADN de la Formule E est la course au coeur des villes. Nous développons la FE05 sur circuit, mais avec une vue large sur le spectre de conditions auxquelles nous devrons nous adapter.
Nous venons d’apprendre par exemple que la saison prochaine, nous allons à Riyadh. Nous ne connaissons pas la configuration du circuit, et ne serons vraiment fixés que 10 jours avant la course. Nos outils de simulations et nos banc d’essais sont très sophistiqués, mais nous n’avons aucun contrôle sur les conditions réelles que nous allons trouver sur place.
Q: Le circuit de Zürich est atypique pour la longueur de ses rectilignes, quelles sont les implications ?
R: la vitesse de pointe va être la plus élevée de la saison, proche à l’aspiration des 225 km/h imposés par la FIA, ce qui va entraîner des contraintes en termes de gestion d’énergie, en particulier si la température atteint les 30 degrés prévus. Il y a un très long rectiligne, mais aussi des virages très lents, donc un compromis aérodynamique délicat entre appui et vitesse de pointe selon la position dans laquelle nous nous qualifions. Si nous sommes devant, nous pouvons emmener un peu plus d’appui. Si nous sommes plus en arrière, il faut pouvoir dépasser. A Berlin, nous n’avions pas l’appui maximum alors que Jean-Eric Vergne a fait ce choix. Pour nous, ce n’était pas optimal, mais pour sa voiture et son pilotage, c’était la bonne option.
Q: La FE05 de la saison prochaine est en développement, conservez-vous la même architecture moteur-boîte ?
R: Il va y avoir un développement, mais je ne vais pas aller dans les détails. Nous n’avons pas encore homologué la voiture. On peut qualifier la voiture actuelle de voiture de test, elle est définie à 95%, mais jusqu’à l’homologation, nous avons l’option de changer. L’échéance finale est au mois de Septembre.
Q: Le règlement 2018-2019 vous donne beaucoup plus de lattitude de développement, mais les packs de batteries vont rester standard à moyen terme. Est-ce la bonne stratégie ?
R: Tous les manufacturiers l’ont approuvé. Nous avons un meeting à chaque course, et nous sommes d’accord que c’est la bonne option, pour deux raison. Primo, nous développons des motorisations électriques, pas des batteries. Deuxio, le coût de développement de nouvelles batteries est énorme. Les batteries pourraient être un plus grand différentiateur mais la différence entre le devant et l’arrière de la grille pourrait devenir énorme. Voulons-nous ces coûts et voulons-nous que les batteries comme facteur de performance ? La réponse est non. Dans le futur, ça pourrait changer. Mais ce n’est pas d’actualité pour les saisons 5, 6 & 7, et je pense que ça sera maintenu pour les trois années qui suivront.
Q: Avec l’arrivée de Porsche, Mercedes, BMW, la commonalité des batteries va être compréhensible pour le public ?
R: l’intérêt de la discipline est différent selon qu’on est ingénieur ou spectacteur. Nous devons maintenir un équilibre entre développement technique et coûts, entre performance, spectacle et intérêt stratégique pour les constructeurs. Ce championnat n’a que 4 ans, nous devons le faire grandir avec soin pour maintenir cet équilibre. Pour Audi, il est essentiel de maintenir le pont avec le produit. Nous l’avons fait avec Quattro en rallye, nous l’avons fait avec TFSI, TDI, e-tron, Laserlight, tant d’exemples de transfert de la piste à la route.
Q: Est-ce que la Formule E bénéficie des enseignements retirés de l’évolution de la F1 ou du WEC ?
R: Oui. La Formule E n’a pas d’histoire, de tradition à respecter pour raisons X, Y ou Z. Pas d’héritage d’accords passés comme la position de Ferrari en F1. Nous partons d’une feuille blanche, il y a une mentalité de start-up dans la Formule E, que j’aime beaucoup. Des idées surviennent, nous nous rencontrons avec les teams et la FIA, nous décidons, nous implémentons. Le processus de décision est très agile. FEO (Formula E Operations Limited) n’a pas la tâche facile, mais ils ont réussi à obtenir des résultats remarquables, comme de décrocher Zürich ou Rome cette saison. Le marché de l’automobile, des concessions, est en plein bouleversement, et la présence d’Audi en Formule E est une manière de dire à nos partenaires que nous sommes dans le même bateau. Nous vivons cette révolution, nous nous adaptons à ce monde nouveau.
Q: Est-ce que la saison est assez longue pour rentabiliser les investissements ?
R: Oui, je suis fatigué ! Et mon team aussi ! Nous sommes limités par règlement dans le nombre de mécaniciens, ils ont besoin de repos. Dans les trois prochaines années, peut-être que nous pouvons monter à 15 courses, une course de plus par an.
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