Essai Jaguar F-Type V8 S: démesure
Jaguar a avantageusement délaissé son sélecteur rotatif pour un manche à impulsion qui rappelle les commandes BMW par sa logique et le système PDK de Porsche par sa finition. Un bel appendice, libéré par une gâchette métallique, avec une sélection R-N-D sur la grille principale, un bouton P et une grille secondaire de sélection manuelle doublée de palettes solidaires du volant. Derrière l’interface, une boite automatique ZF à convertisseur de couple et 8 rapports, commune au reste de la gamme. A la gauche du levier, le commutateur d’assistance électronique, lui aussi de style aéronautique, avec les stries diagonales évocatrices d’un danger imminent. L’interface graphique de l’écran tactile multimédia est identique à celle des XF et XJ, avec en bonus un écran de configuration du mode dynamique. Dispositif original, le panneau supérieur est motorisé, dévoilant lorsqu’on met le contact les bouches d’aération centrales.
Jaguar propose donc la Type F avec trois motorisations : deux versions du nouveau V6 à compresseur, 340ch/450 Nm ou 380ch/460 Nm, et la version V8 S équipée du V8 de 5 litres, lui aussi coiffé d’un compresseur volumétrique Twin Vortex. Ce dernier, dénommé AJ133 et commun notamment à la XFR, développe un couple massue de 625 Nm dès 2500 t/min, et la puissance culmine à 495 chevaux à 6500 t/min. Jaguar a gardé de la marge pour des versions encore plus musclées puisque ce même groupe développe jusqu’à 680 Nm et 550 chevaux dans la XFR-S, la XKR-S et la XJR. Les performances revendiquées sont un 0-100 km/ en 4.3s. le 80-120 km/h avalé en 2.5s et une vitesse de pointe limitée électroniquement à 300 km/h.
Des chiffres probants car, surprise, la F-Type est lourde. La documentation de Jaguar est confuse à ce sujet, revendiquant tour à tour 1665kg dans certains prospectus (ce qui aurait été une bonne nouvelle) et 1812 kg (équivalent DIN) sur d’autres (le fascicule de spécifications et tarifs), une valeur en phase avec la mesure à 1797 kg de notre exemplaire équipé des sièges performance, probablement plus légers que les sièges sport d’origine. Si cette confusion dans la documentation est singulière, le verdict est sans appel : 1.8 tonnes pour un roadster de 4.47m, c’est beaucoup. Une Porsche 991 Carrera S Cabriolet pèse 1536 kg vérifiés, soit 261 kg de moins !
La répartition 52.4% AV – 47.6% AR n’est pas surprenante du fait de la position en porte-à-faux partiel du V8 sur le train avant, mais la faute n’est même pas à mettre sur le gros 5 litres puisque les deux versions V6 et V6-S ne sont plus légères que de 34 maigres kilogrammes (1778kg selon Jaguar). La marque revendique pourtant une construction en aluminium léger pour la caisse et les panneaux extérieurs, à l’exception du coffre réalisé en composites. Peut-être que la caisse de la F-Type a dû être considérablement renforcée pour lui procurer une rigidité qui, volant en main, est au-dessus de toute critique ? Le lancement de la F-Type coupé permettra de comprendre si l’adjonction d’un toit a permis un régime minceur sur l’ensemble.
La F-Type V8-S se révèle rapidement intimidante. Il y d’abord cette explosion sonore qui “gratifie” chaque mise en marche du V8, les valves d’échappement pneumatiques étant ouvertes au démarrage à froid jusqu’à ce que la dépression s’établisse dans les conduites de commande. La sonorité est agressive, rauque, résonnant dans chaque parking sous-terrain, retombant sur un ralenti de chalutier avant d’être enfin jugulée par les soupapes logées aux extrémités des marmites. Le seuil de l’embarras et du socialement acceptable est largement dépassé à mon goût pour une auto sensée s’accommoder aussi bien du métro-boulot-dodo que de balades le week-end.