Plus de 2000km au volant de la Jaguar XF Sportbrake, un des pilliers de la croissance de la marque anglaise.
Avec son rachat par le groupe Tata en juin 2008, Jaguar est entré dans la quatrième ère de son histoire. Après 43 années d’indépendance de 1922 à 1965, presque 20 années dans le giron de British Motor Corporation et 18 années au sein du Premium Auto Group de Ford, Jaguar est à nouveau en phase d’investissement et de développement. Le portefeuille de produits s’étoffe, et cette version Sportbrake de la berline de taille moyenne XF en est un exemple pertinent.
L’éthymologie du terme brake appliqué aux engins à roue est à chercher dans l’élevage des chevaux, le terme désignant une carriole destinée à dompter les chevaux de course. S’il fut d’abord utilisé dans le domaine automobile pour désigner des coupés à trois portes au coffre développé – les fameux Shooting Brake, son usage a été batardisé et est désormais employé assez universellement. Si break sonne utilitaire, brake fait chicos. Le passage du Shooting Brake au Sportsbrake reflète l’évolution sociétale du gentleman britton, délaissant la chasse au sanglier pour le golf.
Le portefeuille de la famille XF s’est étoffé avec le temps, mais d’une manière très ciblée, et parfois difficile à comprendre. Alors que la berline XF est disponible en Europe avec trois turbodiesels, un 4 cylindres turbo essence de 240 chevaux, le tout nouveau V6 essence à compresseur et deux versions du V8 pour les XFR et XFR-S, le break n’est disponible qu’avec les motorisations diesel. Il faut donc faire un choix entre un 4 cylindres 2.2 litres de 200 chevaux et deux versions du V6 3.0 développant 500 Nm et 240 chevaux pour la plus sage, et 600 Nm et 275 chevaux pour l’exécution S. La transmission intégrale AWD disponible sur la XJ 3.0 Supercharged manque également à l’appel – Jaguar ne la propose qu’aux Etats-Unis et seule la berline y est importée. La XF est construite sur une plateforme datant de l’ère Ford et, curieusement, commune à la Type S qui la précéda. Les motorisations offertes sont probablement conforme avec la demande du marché européen dans son ensemble, mais peut-être moins pour le Sonderfall Schweiz et l’appétit des helvètes pour les breaks 4×4 élégamment motorisés, à l’image de l’Audi S4 Avant, des BMW Touring xDrive et autres Mercedes 4Matic. L’objet de notre essai sera donc ipso facto un turbodiesel, dans sa version la plus vigousse, le V6 3.0 S de 275 chevaux.
Si la transmission intégrale fait défaut dans le catalogue, le Sportbrake se rattrape avec une esthétique qui, dans cette exécution S avec Black Pack, allie l’élégance naturelle du dessin de Jaguar avec un combo presque tapageur. Ainsi habillée, le Sportbrake attire des regards soutenus de tous les amateurs d’automobiles, voire parfois quelques clichés photographiques. Eradication des chromes, boucliers agressifs, les jantes Kalimnos de 20 pouces donnent à la voiture une présence visuelle indéniable. La décoration intérieure alterne le bon et le moins bon. S’il est appréciable de trouver dans cette anglaise un habillage en cuir – fut-il optionnel – de la planche de bord, toute sa face est habillée de panneaux d’apparence métallique texturée. Ceci ne parait pas configurable, le choix de finitions se concentrant sur l’habillage de la console centrale, les inserts de portes et un mince bandeau courant sur la largeur du tableau. Cet océan de surface grise est imposé par les designers de Jaguar. Le sélecteur rotatif rétractable électriquement est bien présent, mais les ouïes d’aération rotatives – une particularité de la XF – restent obstinément en place. L’ensemble est de bonne facture, je situerais la sellerie légèrement en dessous d’Audi mais largement au-dessus de l’infâme cuir Dakota de BMW.
Une consommation faible exige des rapports longs pour abaisser le régime moteur, permettant juste au couple disponible de maintenir une vitesse de croisière au plat. Pour éviter de trop gros trous dans l’étagement de la boîte, le nombre de rapports s’est ainsi multiplié. Notre XF Sportbrake en est un bon exemple avec une boîte automatique à convertisseur de couple d’origine ZF à huit rapports, et un huitième rapport qui maintient le régime généreusement sous les 2000 t/min à 150 km/h de croisière. A la moindre relance, les rétrogradages sont donc une fatalité. Avec une telle démultiplication, un rétrogradage en 7, 6 voire 5ème est fréquent, sans parler d’un kickdown pied au plancher radical susceptible de faire rentrer le 3ème rapport. L’agrément de conduite n’est donc plus à chercher dans la quête – devenue illusoire – de motorisation suffisamment coupleuses pour reprendre sans descente de rapport, mais bien dans la capacité de la boîte à gérer ces rétrogradages avec pertinence, élégance et agilité.
De ce point de vue, j’ai trouvé l’unité de ZF raisonnablement performante, mais remarquablement perfectible. Si la descente d’un rapport se fait avec rapidité, le tableau s’assombrit si la consigne est de descendre deux, trois, quatre rapports ou plus. La transmission n’est pas capable de faire le saut 8-5 en une seule étape, mais doit passer par les intermédiaires (8-7-6-5), rendant l’opération interminable. On ne parle que d’une grosse seconde, passée à observer l’aiguille du compte-tours grimper par paliers jusqu’au régime requis, mais cette seconde a un parfum d’éternité. La comparaison avec la rapidité des boîtes à double-embrayage est sévère dans cet exercice.
Et la consommation ? Nous avons enregistré 8.03 L/100km sur plus de 2000 km d’essai à une moyenne de 68.5 km/h. L’ordinateur de bord rapporte une valeur résolument plus optimiste de 7.2 L/100km. La différence avec la valeur normalisée de 6.1 L/100km ne parait pas déraisonnable dans la mesure où notre essai s’est déroulé partiellement en montagne avec quatre adultes à bord, et sur une variété de trajets d’autoroute à bonne allure, de ville et de campagne. Pas déraisonnable non plus dans le contexte d’un break de plus de deux tonnes et presque cinq mètres.
Le V6 turbo diesel de 3.0 litres a donc la vertu d’être sobre. Une motorisation essence de puissance comparable aurait très probablement consommé 30% de plus dans les mêmes conditions, mais est-ce au détriment de l’agrément de conduite ? Ce bloc (type AJ-V6D Gen II S) a la particularité d’être suralimenté par deux turbos séquentiels, situés de part et d’autre du V6. Le premier, à géométrie variable, est actif à bas régimes avec pour objectif principal de réduire le temps de réponse au minimum. Dès 2500 t/min, l’air admis est dirigé vers le second, plus gros, dont le souffle doit maintenir le couple maxi jusqu’à la zone rouge. Sur le papier, le résultat est satisfaisant, avec un couple maxi de 600 Nm à 2000 t/min et une puissance de 275 chevaux à 4000 t/min. Ce bloc est conforme aux normes Euro 5 et devra donc être remplacé (ou au moins modifié) d’ici au 1er septembre 2014 pour les nouvelles homologations et au 1er janvier 2015 pour les modèles préexistants comme le XF Sportbrake S.
En dépit de la remarquable isolation phonique de l’intérieur, les cognements et claquements caractéristiques des moteurs à explosion spontanée sont perceptibles à froid, et omniprésents avec les fenêtres ouvertes. La boîte ZF m’a souvent gratifié d’à-coups dans les passages de première à deuxième à froid, mais en utilisation courante, elle démarre en douceur sur le second rapport et fait preuve de l’onctuosité attendue d’un convertisseur de couple. Avec un tel couple, les reprises sont musclées dès 1500 t/min, parfois à la limite de la brutalité lorsque la logique de gestion décide d’un rétrogradage avant que le couple ne déboule.
L’ensemble moteur-boîte m’a surtout convaincu en conduite douce avec des passagers, la logique s’adaptant pour enrouler avec ce mélange de force et de douceur tranquile qu’on attend d’une grande routière. En pleine charge, la transition entre les deux turbos séquentiels est perceptible si on cherche à la déceler, provoquant une légère variations de couple au régime de commutation. On ne peut parler d’à-coup, mais la technologie n’atteint pas la perfection transparente auquel un amateur exigeant pourrait s’attendre. Ce V6 fait preuve d’une belle allonge pour un turbodiesel, poussant avec constance jusqu’au limiteur réglé à 4750 t/min. Avec 275 chevaux pour 2029kg mesurés (et remarquablement répartis à raison de 50.5% sur l’avant et 49.5% sur l’arrière), le rapport poids puissance de 7.38kg/ch se traduit par des accélérations suffisantes, mais qui n’enthousiasmeront pas les conducteurs sportifs pour autant. Le 0-100 km/ en 6.4s paraît plausible, mais la linéarité des montées en régime ne rend par l’exercice particulièrement excitant. L’agrément est à chercher dans le couple et les reprises soutenues qu’il permet, au point d’autoriser quelques polissonneries du train arrière lorsqu’on ouvre en grand en sortie de virages, des velléités survireuses qui sont prestement contenues par le contrôle de trajectoire, sauf si celui est déconnecté.
Des palettes solidaires du volant – faites d’un plastique un peu incongru et aux arêtes saillantes – permettent naturellement d’imposer des changements à tout instant ou, en sélectionnant le mode S avec le sélecteur rotatif, d’être (presque) seul maître des changements de rapport, à l’exception de sous- ou sur-régimes .
Dans cette exécution Sportbrake, la plateforme de la XF offre un espace agréable à l’avant, et un coffre d’une capacité de chargement appréciable allant de 550 à 1675 litres si on rabat les dossiers des sièges arrière. Jaguar a d’ailleurs eu l’excellente idée de loger des verrous de rabattement à la fois au sommet des dossiers et dans le compartiment de chargement. Les passagers arrière sont un peu les parents pauvres dans l’affaire. L’espace qui leur est réservé est largement suffisant pour des adultes, avec une assise longue et une garde au toit plus que suffisante pour mon mètre quatre-vingt-deux, mais l’espace aux genoux n’est pas royal pour autant (3 à 4cm dans mon cas) et l’accès par des portes courtes un peu trop exigu à mon goût. Ma sacoche d’ordinateur Samsonite, bien remplie en l’occurrence, a d’ailleurs eu peine à trouver place derrière le siège conducteur, un comble pour un break de 4.96m. La position légèrement surélevée de la banquette procure par contre une vue plongeante sur l’habitable et les environs qui contribue à la sensation de confort des occupants.
On touche ici à un point fort du XF Sportbrake, le confort est réellement excellent, à commencer par un silence de fonctionnement impressionnant. Le travail d’isolation phonique est remarquable, aucun bruit aérodynamique, un bruit de roulement très contenu et un moteur ronronnant très, très discrètement dans les tréfonds de la plage de régime. Les sièges sont également excellents, offrant de multiples réglages électriques, y compris le rembourrage latéral et la profondeur d’assise. Ils ont également une fonction rafraichissante agréable par temps chaud qui réfrigère le placet et le dossier. La colonne de direction est réglable électriquement également. Combiné à une autonomie conséquente, la XF 3.0 V6 TD S est une grande routière très convaincante, rapide et sereine. Le confort de suspension est bien jugé, ferme sans être sec, offrant une tenue de cap impériale. De même, sur parcours plus sinueux, la XF Sportbrake masque bien son poids et répond avec franchise aux impulsions données au volant. La boîte – encore elle – devient rapidement intrusive en conduite réellement sportive, mais la voiture parvient à conserver une bonne homogénéité sur un rythme rapide et coulé, la répartition des masses très équilibrée n’y étant probablement pas étrangère.
Malgré des dimensions conséquentes, j’ai été surpris par la maniabilité du XF Sportbrake. Les excursions dans des parkings souterrains, domaine où sévissent des hordes d’architectes piétons et sadiques, ne m’ont pas causé de sueurs froides particulières, bien épaulé par les capteurs et caméra de parking et un bon rayon de braquage. Le système stop-start peut devenir agaçant en manœuvres, intervenant parfois dans l’intervalle nécessaire au passage de D en R. Il est déclenchable, fort heureusement, mais sa logique par défaut devrait être moins agressive.
La Jaguar XF Sportbrake est un bon produit, sobre, confortable et performant dans cette exécution haut de gamme. Si elle n’a pas de défaut rédhibitoire, elle n’a pas d’autre avantage particulier face à une concurrence bien ancrée que le fait de se différencier du triumvirat allemand. Il n’y a pas de tribut particulier à cette originalité, le produit est crédible et cohérent, mais il n’y a pas d’avantage marquant non plus, ni en termes de prestations, ni dans le domaine tarifaire. Avec des prix démarrant à 75’100 CHF pour la Sportbrake V6 3.0 Diesel S et dépassant 111’000 CHF pour notre exemplaire fortement optionné, Jaguar s’attaque frontalement à BMW, Mercedes et Audi. Cette politique tarifaire semble malgré tout sourire à Jaguar pour l’instant, dans le monde en général et en Suisse en particulier, les ventes de XF en Suisse étant en voie de doubler en 2013 et d’atteindre les volumes de la Mercedes CLS.
Configuration du véhicule
Jaguar XF Sportbrake 3.0 V6 TD | CHF 88’500 | € 66’600 |
Black pack et pack aérodynamique | CHF 3’900 | € 3’000 |
Système de navigation | CHF 3’100 | Série |
Intérieur sport | CHF 2’950 | € 1’900 |
Jantes 20’’ Kalimnos | CHF 2’400 | € 1’900 |
Tableau de bord avec coutures | CHF 1’850 | Série |
Aide au parcage AV & AR | CHF 1’410 | Série |
Système audio Meridian 380W | CHF 1’300 | € 1’005 |
Phares adaptatifs | CHF 800 | € 630 |
Pack miroir | CHF 800 | N.C. |
Accès Keyless | CHF 760 | Série |
Surveillance anti angle mort | CHF 700 | € 540 |
Bluetooth | CHF 680 | Série |
Hayon à ouverture électrique | CHF 660 | Série |
Radio numérique DAB+ | CHF 600 | € 460 |
Parebrise chauffant | CHF 560 | € 430 |
Volant cuir chauffant | CHF 540 | € 400 |
Vitres latérales fumées | CHF 400 | € 325 |
Sac à ski | CHF 370 | € 290 |
Pédales en acier inox | CHF 240 | Option de pack |
Tapis de sol | CHF 200 | Série |
Recirculation d’air automatique | CHF 100 | € 70 |
Prix cat. du véhicule d’essai | CHF 111’520 | N. C. |
Face à la concurrence
Jaguar XF Sportbrake V6 3.0 Diesel S | Audi A6 Avant 3.0 TDI Quattro | BMW 530d Touring | Mercedes E300 Break | |
Moteur | V6 turbodiesel 2993 cm3 | V6 turbodiesel 2967 cm3 | L6 turbodiesel 2993 cm3 | V6 turbodiesel 2987 cm3 |
Puissance (ch / t/min) | 275 / 4000 | 313 / 3900-4500 | 258 / 4000 | 231 / 3800 |
Couple (Nm / tr/min) | 600 / 2000 | 650 / 1450-2800 | 560 / 1500-3000 | 540 / 1550-2400 |
Transmission | Roues AR | Quattro | Roues AR | Roues AR |
Boite à vitesses | Automatique 8 rapports | Tiptronic 8 rapports | Steptronic 8 rapports | 7GTronic Plus |
RPP (kg/ch) | 7.38 | (6.17) | (7.05) | (8.46) |
Poids DIN (constr.) | 2029 (1880) 50.5% AV 49.5% AR |
(1930) | (1820) | (1955) |
0-100 km/h (sec.) | 6.6 | 5.3 | 5.9 | 7.4 |
Vitesse max. (km/h) | 250 | 250 | 250 | 240 |
Conso. Mixte (constr.) | 8.03 (6.1) | (6.4) | (6.2) | (6.2) |
Réservoir (l) | 70.1 | 75 | 70 | 59 |
Emissions CO2 (g/km) | 163 | 169 | 139 | 162 |
Longueur (mm) | 4966 | 4926 | 4907 | 4905 |
Largeur (mm) | 1877/2077 | 1874 / 2086 | 1860 / 2102 | 1854/2071 |
Hauteur (mm) | 1480 | 1461 | 1462 | 1474 |
Empattement (mm) | 2909 | 2912 | 2968 | 2874 |
Coffre (L) | 550/1675 | 565 | 560/1670 | 600/1855 |
Pneumatiques AV | 245/45R18 | 225/55R17 | 225/55R17 | 225/55R16 |
Pneumatiques AR | 245/45R18 | 225/55R17 | 225/55R17 | 225/55R16 |
Prix de base (CHF) | 75’100* | 79’850 | 70’500 | 74’300 |
Prix de base (EUR) | 66’600 | 65’270 | 58’900 | 52’700 |
* Tarif Sportbrake Diesel S – Version Premium Luxury 88’500 CHF
Nos remerciements à Jaguar Land Rover Suisse pour le prêt de cette Jaguar XF Sportbrake.
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