Essai Toyota GT86: it’s gone 86
Un quart d’heure plus tard, l’autoroute s’est muée en route côtière, route qui eût été somptueuse si elle n’avait été limitée à 50 kmh et parsemée de diesels en tout genre ainsi que de cyclistes un brin masochistes (pour les connaisseurs, pensez Fréjus à Le Lavandou…) ; les 2h30 promises par le GPS pour nos 150 kms nous paraissent alors soudainement plus pertinentes. « Alors, la GT86, c’était comment ? » « Bah, ça cruise bien. Y’a pas de bruit, c’est assez confortable. Pas fatigant, quoi. » Pour ce dialogue sorti instantanément de nos esprits en besoin de dérision, nous en venons même à regretter de ne pas déjà être au volant de la future version cabriolet. Prenant notre mal en patience, nous décidons au premier parking venu d’effectuer une brève halte dans l’optique de capturer quelques clichés tant qu’il est possible de bénéficier de la splendide toile de fond procurée par la Méditerranée.
Dieu merci, nous finirons par nous enfoncer dans les terres et circuler sur des routes certes moins grandioses mais surtout moins fréquentées ! Néanmoins, afin de maintenir un rythme de croisière correct, l’obligation de doubler se manifeste relativement rapidement. Mon coéquipier, qui a une préférence plus marquée pour le tout-terrain, se retrouve alors en territoire peu familier. Sur ce dernier type de véhicule (comme sur bon nombre d’autres produits actuellement), il suffit en principe d’enfoncer la pédale à 2’500 tours et l’on dépasse prestement. Sur la GT86, il en est tout autrement ; vous êtes bien en présence d’un moteur japonais atmosphérique dans la plus pure tradition.
De 1’000 à 5’000 tours, vous flottez dans les eaux paisibles de la Mer Morte. A 5’000 tours… hmm… VTEC just kicked in, yo !!! Oups, désolé 😉 Ici, évidemment point de VTEC, mais l’effet est en tout point similaire ! Le bruit, la respiration, la progression de l’aiguille sur le compteur et le proverbial coup de pied au cul ; bref, la bête sort brutalement de son sommeil. Vous l’aurez donc compris : doubler = obligation de passer un rapport inférieur, voire deux. La contrainte n’en est pas nécessairement une, jongler avec les rapports maintient le conducteur alerte, disons qu’il s’agit plutôt d’un style ou d’une école de conduite, que j’affectionne entre parenthèses.
Suite à une étape obligatoire à mi-parcours durant laquelle nous avons été agréablement ravitaillés, cavaliers comme destrier, mon coéquipier me propose avec fair-play un échange de siège. Hormis la suspension, mon bilan en tant que passager se résume à l’appréciation de la climatisation (simple et fonctionnelle) et des sièges semi-baquets, d’un confort et d’un soutien tout à fait corrects mais dont le tissu provoque une certaine transpiration du dos ; j’aurai l’occasion en soirée de conduire un modèle équipé des sièges cuir/alcantara nettement plus agréables – une des seules options outre le pack aérodynamique. Aussi j’ignore si ma perception me joue des tours, mais en situation réelle, le côté cheap de l’intérieur que j’avais perçu lors du Salon de Genève 2012 ne me frappe plus du tout.
Avant de m’installer derrière le volant, histoire de savoir à quel type de grip m’attendre me vient l’idée de jeter un œil aux pneus. Surprise ! Non pas à cause de la marque, Michelin en l’occurrence, mais à cause du modèle : Primacy ! Oui, il s’agit des mêmes 215/45 R17 que ceux montés d’origine sur les Prius 3 ! Bon, soit, on verra bien. On n’a pas non plus 600Nm à gérer, me dis-je (trois fois moins, m’apprendra en fait la documentation). Je trouve rapidement une position de conduite idéale, il n’y a rien à redire où que ce soit, pédales, volant (365mm, soit le plus petit que Toyota ait jamais mis de série sur une voiture), levier de vitesse (débattement et résistance proches de la perfection), instrumentation (on aurait éventuellement apprécié une jauge de température d’huile), tout est idéalement dimensionné et qui plus est, les deux lignes qui rehaussent les flancs du capot me permettent d’avoir une idée très exacte de la largeur de la voiture. J’ai cru comprendre que tout ceci était l’œuvre du “néo-fonctionnalisme”. Nous y reviendrons. Staaart !
10 minutes. C’est le temps qui se sera écoulé sur des routes totalement inconnues, à un rythme plutôt soutenu aux dires de mon passager, avant que je juge parfaitement sûr de débrancher toutes les aides électroniques, tellement cette GT86 est saine. Tout enclenché, un premier coup de gaz prononcé à mi-virage fait intervenir l’ESP de façon on ne peut plus prévisible. Un tournant plus loin, mode Sport activé, l’ESP se manifestera un peu plus tardivement. Traction Control débranché, les roues sont déjà nettement plus libres de patiner. Puis c’est le débranchement total, seul le différentiel Torsen reste pour m’aider à dompter les 200 chevaux. A ce moment-là, je pressens d’ores et déjà que l’héritage de l’AE86 a été transmis avec succès : l’équilibre parfait semble au rendez-vous. Comme l’explique Tetsuya Tada, l’ingénieur en chef du projet, une répartition 50:50 n’est pas nécessairement gage d’un comportement idéal (la GT86 est à 53:47), par contre une différence de ne serait-ce qu’un centimètre sur le centre de gravité a nettement plus d’impact, or celui-ci a été abaissé à 46 cm. Les transferts de masse sont palpables à tout instant, les pneus et la suspension vous transmettent précisément ce qu’il vous reste comme marge d’adhérence, le décrochage est prévisible et progressif, le rattrapage simplissime, la voiture inspire confiance, jusqu’au point, verra-t-on au cours de la journée, de vous rendre meilleur pilote que vous ne l’étiez au début du voyage, ce qui est la marque des toutes grandes voitures de sport.
En réalité, l’AE86 n’est pas la seule ancêtre dont les gènes ont été injectés dans l’ADN de la nouvelle venue. Elle en hérite certes la philosophie (un poids léger et une étude approfondie de la répartition des masses favorisant un équilibre optimal), mais aussi – Toyota l’espère – cet esprit de customisation au travers de l’aftermarket, afin d’en faire une voiture non seulement populaire, mais aussi de plus en plus redoutable au travers du temps.
L’autre défunte à s’être penchée sur le berceau de la GT86 est la première sportive de Toyota, la Sport 800, dont les ingénieurs ont voulu conserver l’architecture : moteur boxer à l’avant et transmission aux roues arrière.