Essai longue durée BMW M3 E46: Sportcooning


Une BMW M3 (E46) au long cours, ou la démystification d’une sportive. 

Las du manque de puissance d’une Smart City Coupé et de longs moments de solitude à observer l’aiguille du compteur dégringoler inexorablement de 120 à 110 km/h à la moindre côte autoroutière, la question du choix d’une nouvelle auto oscilla longtemps entre raison (Toyota Aygo) et l’hédonisme (BMW M3). L’Aygo ayant des retards de livraison, la M3 eut gain de cause, bien aidée par les premiers frimas de l’automne et la poussée de cocoonisme en résultant.

M3 ce serait, avec une boîte manuelle s’il vous plait. La boîte SMG2, malgré toutes ses qualités, me semblait moins adaptée à un usage hivernal, surtout en regard de la réputation des bavaroises sur la neige. Avec un objectif de 50KCHF pour 50’000 km, la quête s’annonçait difficile. Très peu de choix dans le réseau de concessionnaires, prédominance de boîtes séquentielles chez les grossistes et les privés, et des voitures qui se vendent nettement au-dessus de la cote Eurotax. La providence mit sur notre chemin un particulier vendant sa M3 anthracite (pardon, Sparkling Graphite) manuelle de 2003 avec 33’000km : 58’000 CHF après négociation avec un train de Michelin PS2 moribonds, un chouïa sous la cote de revente, mais une véritable affaire en regard du marché, en tous cas c’est ce que je veux croire. Fort bien équipée (sauf d’un toit ouvrant qui m’aurait plu) et en très bon état apparent, avec 6 mois de garantie constructeur pour dormir tranquille.

Au-delà de sa réputation de drifteuse née, entretenue par les clichés suggestifs de publications subversives, la M3 E46, c’est avant tout une gueule. Sobre, musculeux, ramassé, ajoutez des jantes de 19 pouces presque caricaturales aux quatre coins et vous avez un coupé sportif qui flatte la rétine à chaque coup d’œil. Il fut un temps où les Munichoises savaient être belles et consensuelles. A l’intérieur, cuir noir, bandeau d’aluminium brossé, petits accents de design sympa comme les haut-parleurs Harman Kardon, des sièges tellement réglables que la recherche de l’optimum pourrait faire l’objet d’une thèse de doctorat. Question qualité des matériaux et d’assemblage, le menu est plus varié (ou avarié). Il y a du bon (les contre portes, le tableau de bord, le volant, les commodos), du moyen (la console centrale, avec des pièces mobiles jolies mais légères au toucher), et du franchement mauvais comme l’habillage d’assise des sièges : plastic dur, arêtes saillantes, ajustage à la polonaise. Bilan : pas mal dans l’absolu, mais pour une voiture à 100’000 francs, c’est largement perfectible. Messieurs les bavarois, allez donc faire un stage à Ingolstadt pour apprendre comment on fait des intérieurs de qualité. A noter que pour satisfaire une rétine exigeante, il faudra piocher dans la liste d’options, tout se paie.

Me voici donc par une jolie matinée d’Octobre dans les rues de la capitale fédérale au volant de notre nouvelle acquisition, appréciant sans retenue le luxe de notre nouveau « City Coupé » alors que j’en dirige le mufle vers l’autoroute. L’amortissement est ferme mais pas sec, je découvre à chaque feu rouge un gadget de plus alors que la voix cristalline de Sheryl Crow me raconte des histoires de cœurs solitaires et de fleurs sauvages. Le moteur est raisonnablement souple, mais pas de miracles malgré la distribution variable, le couple à bas régime n’a rien d’impressionnant. Le confort sur autoroute à allure légale est remarquable pour une sportive, le 6 en ligne se fait oublier, le niveau sonore faible. Au premier freinage pour sortir faire le plein, première surprise : les freins dûment testés lors de la course d’essai font toujours ce grommellement bizarre, mais en plus ils vibrent maintenant. La voiture a pourtant à peine plus de kilomètres. La conclusion s’impose : j’ai voilé les disques en essayant moi-même la voiture, suite à un freinage appuyé de 160 à 80 km/h. Ma M-experience commence bien.

Qu’à cela ne tienne, coupons par la voie des champs pour rejoindre destination et voyons ce que cette M3 a dans le ventre. Démarrage depuis le stop de l’échangeur, accélération, le grondement se transforme en un bruit rauque et métallique, avec une belle balance entre le bruit d’admission et d’échappement, agressif, sportif. Le six en ligne pousse fort, tout à son aise à prendre des tours, l’aiguille du compte tours se ruant sur la diode orange logée entre 7500 et 8000 t/min. Légère côte,  grande courbe à droite, prise d’appui impeccable, une épingle rapide se dessine, rétrogradage, le pédalier présente de bonnes dispositions au talon pointe, on sent à travers la jante charnue du volant les roues avant mordre le bitume, pas une once de sous-virage, et la motricité permet d’ouvrir dès la corde pour ressortir comme une balle dans le hurlement du 3.2L. Du potentiel, de l’équilibre, un cocktail largement au-delà des limites du raisonnable sur route ouverte si on déguste sans modération.

  

Deuxième test, un joyau de route secondaire déserte comme en regorge la campagne vaudoise, tortueuse, étroite, forçant à une improvisation rigoureuse sur la distance visible. L’amortissement est presque un peu trop dur sur certaines inégalités, peut-être la rançon des 19 pouces, mais le grip des Michelin Pilot Sport 2 impressionne, tant en entrée qu’en sortie. Je m’attendais à un train arrière plus volage, mais rien de vicieux tant qu’on s’abstient de provocations ou d’erreurs grossières. Un tel parcours met en valeur l’avantage incontestable des boîtes séquentielles à commande au volant, une M3 SMG2 me permettrait de me concentrer sur ma conduite alors que je me bats avec (contre ?) la boîte 6. Nous y reviendrons.

Au quotidien, la M3 se révèle être docile et polyvalente, même si la longueur des portes force à des contorsions dans les parkings, et quelques détails d’ergonomie irritent : l’absence de passe ceinture force à se démonter le dos pour aller chercher l’appendice sur le montant central ; certains contacteurs sont mal disposés, comme les commandes d’antibrouillards cachées par le volant, le bouton de DSC et de mode Sport qui ne sont pas côte à côte. Un DSC très doux par ailleurs, remarquable de discrétion et d’efficacité dans ses interventions, ça change du comportement binaire de l’ASR des Ferrari Modena et Maranello. DSC salvateur sur neige où, expérience faite, je recommande une certaine circonspection si l’index droit vous démange: de placide et contenu avec le DSC enclenché, on passe à des réactions valant leur pesant d’adrénaline, même en ligne droite.

Les frimas d’un automne rigoureux ont aussi mis en relief une mauvaise volonté évidente à froid, avec des à-coups perceptibles à bas régime et une boîte 6 qui cumule presque tous les défauts concevables, son étagement mis à part. Incroyablement dure, pas vraiment précise, lente même à chaud, on est loin, très loin de ce qu’on peut attendre d’une sportive contemporaine. Même le pommeau chromé d’une Ferrari 550 est plus docile, c’est dire. Renseignements pris auprès des aficionados, le défaut est reconnu, cette boîte Getrag peut être considérée comme un ratage. Si vous êtes prêt à vivre avec une boîte séquentielle au quotidien, une SMG2 semble rester le meilleur choix pour une M3 à moins qu’un remède n’existe.

 

Première tentative, le remplacement de l’huile de boîte et de pont par des nouveaux lubrifiants spécifiés par BMW, respectivement MTF-LT-2 (PN 83220309031) et SAF-XJ+FM Booster (PN 83222282583). Résultats: une facture de 251 CHF, aucune différence selon l’aveu du chef mécanicien du concessionaire local, la boîte se comporte selon lui comme toutes les M3. Je réserve mon jugement, ça n’a pas l’air pire en tous cas.

Les options qui se présentent alors sont:

– l’ablation de la CDV (clutch delay valve), un simple restricteur de flux qui retarde l’action de l’embrayage, pas étonnant que ça gratouille lorsqu’on passe les rapports un peu vite. Purge du circuit hydraulique obligatoire sous peine d’altération du point de friction. Il semble que BMW a conçu cette pièce pour rendre l’embrayage moins sensible et plus facile pour une clientèle d’outre-atlantique aussi ignare en matière de boîtes manuelles que de géographie européenne,
– monter un kit de sélection courte (SSK, Short Shifter Kit) comme celui d’UUC.

Ni l’une ni l’autre ne sera mise en oeuvre.

A ce stade, il est encore trop tôt – fort heureusement – pour parler d’entretien ou de fiabilité, mais quelques gremlins à signaler toutefois:

– un indicateur de pression de pneus impossible à recalibrer après le passage en pneus d’hiver. Le bidule semble être caractériel, malgré des pressions correctes et équilibrées. – un radar de recul qui se mit à biper de manière ininterrompue pendant une journée, peut-être sâle ? – un petit schgling-schgling irritant à gauche du tableau de bord dont la cause m’échappe.

L’ordinateur de bord est plutôt optimiste, 0.8 à 0.9L en dessous d’une consommation moyenne mesurée à 11.13 L/100km sur 3100 km, avec des maximas/minimas à 11.95 et 9.8L/100km (sur des pleins complets). L’autonomie dépasse ainsi facilement les 500km en conduite normale. Bonne surprise, les Bridgestone LM25 de 225/40/18 acquis pour l’hiver ne dénaturent pas trop ni le comportement ni l’esthétique et offrent une bonne adhérence sur le sec, le mouillé et la neige.

Les coûts d’entretien devraient être contenus, chaque BMW étant vendue avec les « services gratuits » sur 10 ans ou 100’000km. L’affichage du tableau de bord m’annonce une révision dans 5000 km, une opportunité pour voir à quel point BMW se rattrape sur les fluides et si les recettes énoncées plus haut donnent à la M la commande de boîte qu’elle mérite.

 

Epilogue

Cinq mille kilomètres plus tard, des obligations professionnelles feront de la vente de notre M3 une décision rationnelle et facile. Les jantes ont été refaites à neuf pendant l’hiver (tournage et laquage, 150 CHF la pièce), les Michelin Pilot Sport sont neufs également (2244 CHF montés équilibrés), le service « gratuit » effectué dans le réseau BMW (339 CHF pour les fluides), la voiture est dans un état impeccable de l’aveu même du concessionnaire qui me fera malgré tout une offre de reprise pitoyable.

Réaliser la vente de particulier à particulier prendra du temps (3 mois) et des concessions financières (2000 CHF de moins que l’Eurotax vente), avec au total deux acheteurs potentiels. Malgré la saison automnale, la confrontation avec la réalité du marché de l’occasion est brutale, surtout pour un modèle supposément prisé et peu kilométré. Dépréciation : 5000 CHF en un an et 8500 kilomètres.

S’il doit rester un (bon) souvenir, c’est celui d’une sortie sur glace au Grand St Bernard, un pied monumental à drifter entre les murs de neige. Une propulsion, un bon équilibre et une adhérence précaire, la recette d’un des côtés les plus ludiques de l’automobile. Pour le reste, erreur dans le produit ou erreur sur la personne. Alors que j’attendais une sportive pointue et dévergondée, j’ai découvert un coupé cossu à l’esthétique valorisante mais aux prestations en demi-teinte. Inutile de revenir sur la boîte, mais le moteur est creux et manque de souplesse, les performances n’ont rien de renversant et le comportement routier laisse transparaître une inertie significative liée au centre de gravité haut perché. En termes d’agilité et de performances moteur, le passage d’une Porsche 996 à une M3 E46 rend le contraste flagrant, la M3 gardant à son avantage son avant accrocheur en entrée de virage. Une déception, peut-être amplifiée par des attentes irréalistes.

Coûts

Le coût au kilomètre s’établit à 1.78 CHF/km, en comptant sur :

– Ammortissement: 5000 CHF (différence nette entre prix d’achat et prix de vente)
– Equipement: 2572 CHF, soit 2520 CHF pour un train de pneus d’hiver (Bridgestone LM25) sur jantes Autec de 17 pouces et 52 CHF pour une paire de passe-ceintures BMW.
– Entretien et consommables: 2244 CHF pour un train de Michelin Pilot Sport en dimensions 19″ d’origine, 234 CHF pour la vidange de la boîte et du pont, 339 CHF pour le service “gratuit”, et 600 CHF pour refaire les jantes à neuf.
– Assurance et impôts: 3000 CHF par an avec casco complète et taxe sur le canton de Vaud.

 

Caractéristiques techniques

BMW M3 E46 Porsche 996 Carrera
Moteur 6 cylindres en ligne, 24 soupapes 6 cylindres à plat, 24 soupapes
Cylindrée 3246 cm3 3596 cm3
Puissance 343ch à 7900 t/min 320ch à 6800 t/min
Couple 365 Nm à 4900 t/min 370Nm à 4250 t/min
Poids à vide (constr.) 1570 kg 1370kg
Rapport poids/puissance 4.57 kg/ch 4.28 kg/ch
Vitesse de pointe 250 km/h (limitée) 285 km/h
Accélération 0-100km/h 5.2s 5.0s
Consommation mixte CE 11.9 L/100km
Consommation mesurée 11.13 L/100km 11.1 L/100km
Pneumatiques 225/45/18 & 255/40/18 (origine)
225/40/19 & 255/35/19 (option)
205/50/17 & 255/40/17 (origine)
225/40/18 & 285/30/18 (option)
Prix de base 91900 CHF 119350 CHF
Coût au kilomètre 1.78 CHF/km 2.26 CHF/km

 

Courbes d’accélération

Mise en parallèle entre des mesures séparées de la BMW M3 E46 et de la Porsche 996 Carrera. Les conditions de test ne les rendent pas directement comparables, mais reflète la proximité des accélérations et l’espacement respectif des rapports de boîte, la Porsche tirant plus long que la M3. La courbe rouge est celle d’une Lamborghini Gallardo. Les démarrages sont réalisés avec retenue dans le respect de la mécanique.

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