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Essai longue durée Porsche 996 Carrera 2

Porsche 996 Carrera 2

Un peu rétif à froid, le 6 cylindres à plat semble toujours hésiter avant de démarrer, avec parfois ce « chklonk » caractéristique qu’on entend aussi sur les 997. Quelques à-coups occasionnels peuvent aussi être ressentis sur les premiers mètres. L’absence d’inertie et le couple modéré à très bas régime demandent une certaine vigilance: je confesse quelques calages lamentables. Le dosage des gaz est aussi parfois un peu hésitant, comme si la pédale d’accélérateur avait une réponse non-linéaire. Ces quelques défauts mineurs mis à part, les prestations du boxer 3.6 de la Carrera sont excellentes. Souple, coupleux, bourré de caractère, il est à l’aise dans toutes les situations, à 1500 tours en sixième comme à 7000 tours en 3. Les reprises sont charnues, les montées en régime brillantes, avec un beau crescendo du côté oriental du compte tours. La sonorité d’origine est très attachante, rauque, avec ce sifflement asthmatique caractéristique, comme si l’échappement avait des fuites. Pas d’artifice acoustique comme la crécelle d’une M3 ou le concerto d’un V12 Aston, on fait dans le macrobiotique chez Porsche : rien que du naturel. De ce point de vue, la 996 fait partie de ces grandes voitures qui n’ont pas besoin d’être poussées dans leur dernier retranchements pour distiller un réel plaisir de conduite. Heureusement d’ailleurs, nous le verrons plus loin.

Grâce à un poids contenu (1370kg annoncés), les accélérations et reprise sont de premier ordre, en témoignent ce 0-160 mesuré en 11.3s sur un GTechPro RR. La boîte est à l’unisson, avec des verrouillages précis et relativement rapides, même si le passage 3-4 n’est, sur cet exemplaire du moins, pas aussi limpide qu’on le souhaiterait. La motricité est excellente, le poids et la position du moteur en porte-à-faux arrière n’y sont pas étrangers, tout comme la monte pneumatique arrière généreuse (285/30/18 en option), mais des provocations sur les deux premiers rapports – à fortiori sur chaussée humide –  viendront à bout du grip des gros boudins. L’intervention du contrôle de stabilité/antipatinage PSM est assez brutale, bien moins subtile que BMW n’a su le faire sur la M3 par exemple. Peut-être est-ce le seul moyen d’empêcher la sanction du tête-à-queue ?

Accélération Porsche 996 Carrera 2

Depuis 1963, la Porsche 911 perpétue ce qui, à bien des égards, peut être considéré comme une aberration technique : un moteur en porte-à-faux arrière. Alors que la plupart des voitures de sport ont un moteur central, c’est-à-dire situé en quelque part entre l’essieu avant et l’essieu arrière, le 6 cylindres boxer des 911 est logé derrière les roues arrière, à l’instar d’une VW Coccinelle ou d’une Trabant.

L’avantage est de permettre un packaging attractif (un coupé « 2+2 » de 4.46m) et un gain en motricité. Le désavantage, théorique, est une répartition des masses fortement reportée sur l’essieu arrière (plus de 60%), un moment d’inertie important (la masse du moteur est éloignée du centre d’inertie) et des transferts de poids accentués entre les phases d’accélération et de freinage.

Au fil des générations, les ingénieurs de Porsche ont réussi à rendre la Carrera plus sûre et plus rapide, atténuant par la conception et les aides électroniques (le PSM est optionnel) les aspects les plus traîtres de cette configuration. Toutes les maladresses ne seront pas pardonnées, mais la voiture est globalement saine et sûre à des rythmes de conduite raisonnables. C’est lorsque la cadence augmente que les choses se corsent. Trait commun aux berlinettes à moteur central comme une F355 ou une 360 Modena, les changements d’appui en freinage sont à surveiller, avec un risque accru de décrochage brutal dû au balourd logé dans le pare-choc arrière. Ce même balourd va plaquer les roues arrières au sol en accélération, avec pour corollaire un allègement de l’avant. La résultante est une tendance tenace au sous-virage en accélération. Epingle suivie d’une rectiligne ? Pas de problème, il suffit de ne pas prendre une ligne géométrique et de privilégier la sortie, comme sur toutes les voitures puissantes. Enchaînements rapides ? Terriblement frustrant: dès qu’on ouvre en grand depuis le point de corde, l’avant devient flou et finit par élargir la trajectoire. Si vous prenez votre pied à carver de belles trajectoires en vous appuyant sur un avant incisif, la 996 sera une conquête difficile et vos courbes risquent de finir en polygones. Ajoutez des changements d’assiette prononcés dans la troisième dimension, et une certaine impression de brouillon s’installe.

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 La bonne nouvelle, c’est que la recette existe. Probablement. Entre une presse spécialisée dithyrambique, des légions d’inconditionnels et un palmarès probant, l’espoir est permis. La mauvaise : la quête du Graal est une entreprise – ou pénitence – à l’issue incertaine. Même si on finit par comprendre, est-ce que le plaisir sera au rendez-vous ? La réponse viendra peut-être après un solide régime de sorties sur circuit. Dans l’attente de cette révélation, la Porsche Carrera conjugue praticité et caractère avec un brio qui la rend attachante au quotidien, mais un peu décevante à l’attaque. Le reflet impitoyable de compétences de pilotage qui ne sont pas faciles à assimiler. Miroir ô miroir, saurai-je un jour te conduire ?

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