27’000 km en Ferrari F355 GTS F1: le prix du rêve


Notre premier essai longue durée, paru en Septembre 2005: la Ferrari 355 GTS F1. 

Une 355 GTS F1 en 2005

La Ferrari 355 fut lancée en production en 1994. Evolution majeure de la 348, elle en conserve pourtant la caisse, la majorité sinon la totalité des panneaux de carrosserie sont interchangeables. Une décennie depuis le lancement, et une conception originale qui remonte à une quinzaine d’années, est-ce que ça commence à faire … vieux ?

Après 5 saisons, le plaisir est toujours au rendez-vous. Un plaisir des sens d’abord: le soleil, le vent, les parfums de la campagne, et surtout le chant du V8, mélodieux, varié, subtil, rageur à l’approche de la zone rouge. La qualité, et juste ce qu’il faut de quantité. Sans tomber dans les superlatifs, beaucoup s’accordent à dire que le bruit des 355 est l’un des plus beaux de la marque, et le toit amovible permet d’en profiter pleinement, un plaisir dont les propriétaires de GTB ne suspectent même pas l’existence. Autant mettre de côté tout de suite l’argumentaire sur la perte de rigidité: elle est logique, probablement perceptible, mais absolument pas dérangeante, et largement compensée par le plaisir auditif. Le toit amovible occasionnera aussi quelques couinements sur chaussée déformée si les joints sont secs, mais on s’y fait et une lubrification régulière au spray silicone permet de remédier au problème. Plaisir des yeux également. Une ligne pure et intemporelle, dépouillée des grilles testarossesques très eighties, mais épargnée des turpitudes aérodynamiques qui viendront plus tard dicter la ligne de la 360 Modena et de la 430.

Deux des plus beaux exemples du style classique Pininfarina: 355 GTS 1998 et 550 Maranello 2001

A l’intérieur, design sobre, proche de la lignée 308-328-288 GTO-F40, avec une planche de bord rectiligne et une casquette regroupant le combiné d’instruments. Tous les indicateurs sont analogiques, à l’exception des 7 segments de l’affichage à diode électroluminescente de la vitesse engagée (boîte séquentielle). Là encore, la rupture avec la 360 sera radicale.

Le V8 de la 355 n’a jamais été loué pour son couple et c’est d’autant plus flagrant 10 ans après: les progrès des admissions et distributions variables ont dopé le coffre à bas et moyen régime. Le moteur est cependant très souple et tracte correctement à bas régime, mais la plage d’utilisation sportive est entre 5000 et 8500 tours. En comparaison directe, grosse différence de coffre à moyens régime avec une Modena, et énorme différence avec une 430.

En conséquence, l’absence d’anti-patinage ne se fait jamais regretter, à moins de vraiment provoquer. Les montées en régime sont cependant très naturelles, sans le côté artificiel d’une suralimentation ou de certaines distributions variables. Ce moteur reste extrèmement agréable à vivre, permettant d’enrouler à bas régime sur un mode de balade, les vocalises compensant largement un manque relatif de hardeur en reprises. Si on le taquine, le V8 40 soupapes répond immédiatement présent, avec des montées en régimes enthousiasmantes, accompagnées d’un crescendo sonore éblouissant. Il s’agit tout de même d’une berlinette légère de 380 chevaux ! Pas toujours facile de savoir si on frissone à cause de l’air frais ou sous le charme de cette diva du bel canto automobile.

La boîte séquentielle, elle, a pris un léger coup de vieux en termes de prestations, le contraire serait surprenant. Bluffante bien qu’imparfaite à l’époque, largement perfectible sur les 360, ce n’est qu’avec les 430 que Ferrari est parvenu à un niveau de prestations qui rend l’hésitation difficile pour ce type de voiture. Toute première génération de boîte séquentielle de la production automobile de série, c’est moins les à-coups (qui peuvent être facilement gommés du pied droit avec de l’habitude) que les broutages d’embrayage à chaud qui fatiguent. Parfois désagréable dans les embouteillages ou dans les bouchons en côte, même si parfaitement réussir chaque démarrage reste un challenge pour tout conducteur. Le plus gros défaut des boîtes séquentielles est peut-être de ne pas être parfait ! A noter que les spécialistes disent qu’il y a d’énormes disparités d’un exemplaire à l’autre, cet exemplaire passe pour plutôt bon. Dès qu’on roule, le plaisir est toujours présent, ce malgré un coup de gaz au rétrogradage 3-2 qui reste chroniquement timide. Question de préférence personelle, mais un atout précieux si on roule vite, et la 355 en est plus que capable !

 

Le comportement routier de la 355 reste un admirable compromis qui allie de manière déroutante un excellent filtrage et une absence de roulis et d’inertie malgré une certaine souplesse. Le mode sport est sensé y remédier en durcissant l’amortissement, mais altère également les changements de rapports de la boîte séquentielle: la brutalité résultante le rendent désagréable. Je ne l’ai quasiment jamais utilisé.

Agile mais sain, le comportement est typé berlinette : légèrement sous-vireur en entrée de virage, neutre sous accélération et à surveiller en lever de pied sous changement d’appui. Aucune réaction malsaine à craindre, les vitesses de passage en virage sont hilarantes – pour le conducteur en tous cas – les coups d’œil inquiets de certains passagers dans l’attente d’un freinage qui ne viendra jamais sont un rappel fréquent du grip exceptionnel de l’auto. Centre de gravité bas, moment d’inertie polaire réduit grâce au moteur central arrière, la voiture est diabolique, tant dans les enchaînements serrés que dans les grandes courbes.

A ce niveau de performances, la monte pneumatique et la pression de gonflage sont naturellement à surveiller de près, mais l’absence de toute aide à la conduite ne s’est jamais traduite en frayeur. La motricité est excellente, irréprochable sur le sec, bien aidée en cela par l’absence de couple moteur. Dommage que la direction soit un peu trop assistée et un peu trop démultipliée, affublée de plus d’un volant énorme (sur les versions à airbag), elle permet malgré de tout de bien sentir le train avant, mais n’est certainement pas un point fort de la voiture. Excès de zèle par rapport aux 348.

Les freins sont à la hauteur de leur tâche, sans plus: la puissance est là, mais au prix d’une pression assez franche sur la pédale. La résistance à l’échauffement est sans reproche sur autoroute ou sur parcours sinueux.

Les sièges conjuguent confort et un précieux maintien, nécessaire à retenir quelques dizaines de kilos de viande soumis aux accélérations latérales dont la voiture est capable. A l’usage, la voiture reste un fantastique plaisir. Belle, rapide, homogène, raffinée, saine sans être fade, une vraie voiture plaisir pour la balade ou l’attaque, pour les voyages comme les cols, avec un registre sonore dont on ne se lasse pas. La 355 fut une référence incontestée pendant sa production et reste encore aujourd’hui une fabuleuse auto, pour certains la dernière jolie berlinette Ferrari, avant que la fonction ne prenne le dessus sur le style et l’élégance.

Côté pratique, l’habitacle manque de rangements et offre peu de place pour des sacs ou bagages. Le coffre avant est plutôt spacieux en regard de la vocation de l’auto, largement suffisant pour partir en week-end prolongé à deux avec bagages, loin de la capacité ridicule d’une Gallardo par exemple. La voiture ne chauffe pas, démarre au quart de tour été comme hiver et se plie à toutes les vicissitudes d’une utilisation quotidienne sans problème. La largeur respectable et la longueur des portes peut poser des problèmes de parking, et la garde au sol du bouclier avant est à surveiller de près à l’approche de rampes ou au passage de gendarmes couchés.

Problèmes notoires … vécus

Les collecteurs d’échappement. Selon des statistiques inofficielles mais crédibles, environ la moitié des voitures en souffrent. Les symptômes vont de la fuite progressive, audible et qui altère la note d’échappement et rend le bruit gras, à une déchirure ou fonte totale du collecteur. Invisible à l’œil nu car les collecteurs sont caissonnés pour des raisons de bruit. La pièce coûte 3700 CHF hors main d’œuvre et TVA. Les deux collecteurs ont lâché à 6 mois d’intervalle sur ma voiture. Les pièces d’origine (Ansa) récentes semblent être de meilleure qualité – aucun problème à reporter depuis leur changement – mais beaucoup de propriétaires, échaudés, ont opté pour des adaptables de QV London ou Quicksilver. Le problème n’a pas été corrigé en production, toute voiture avec ses collecteurs d’origine est candidate au problème.

Manchons de cardans. Comme sur beaucoup d’autos, ils finissent par se déchirer et doivent être remplacés avant que les cardans eux-mêmes ne souffrent des éléments. A inspecter à l’achat, mais le coût de la pièce et de la main d’oeuvre sont convetionnels.

Carrossage et usure des pneus. Le carrossage fortement négatif à l’arrière use prématurément les pneus arrières à l’intérieur. Inutile de vérifier l’usure à l’extérieur ou au centre, c’est les 2cm de bande intérieure qui finissent lisses voire à la corde si on ne surveille pas. Inévitable: une réduction du carrossage se traduit, selon les professionnels,  par un sous-virage catastrophique. Un deuxième jeu de jantes arrières pour finir sur circuit des pneus illégaux est une possibilité à envisager.

Bulles sur la console centrale. Sous l’effet de la chaleur, des bulles peuvent se former sous la couverture de la console de ventilation. Une fois apparues, difficile de les faire disparaître. Le prix de la pièce d’origine est comique, mais des adaptables sont disponibles aux Etats-Unis.

Les jauges à essence sont notoirement imprécises, il reste une bonne trentaine de litres lorsqu’elle indique la panne sèche. J’ai candidement harcelé mon concessionnaire dans les premiers mois jusqu’à me faire une raison : le système ne marche tout simplement pas. Il serait parfois plus simple de confesser ce genre de tares au client. Sur les F1, l’absence de jauge de température d’huile est irritant, on finit par extrapoler conservativement sur la température d’eau. J’aurais préféré me passer d’horloge.

Problèmes notoires … épargnés (ou évités)

Guides de soupapes défectueux. Principalement mais pas uniquement réservé aux voitures de 1995, le problème n’est pas nécessairement détectable par des tests de compression/fuite et se traduit plutôt par une consommation d’huile exagérée. Plus de détails disponibles ici.

Raccords d’ailes arrières. Le joint entre les piliers et ailes arrières se boursouflent sous la peinture sur des autos exagérément sollicitées (mode sport sur routes défoncées, usage excessif sur circuit). Vu sur des 355 Challenge comme des GTB, il est aisément visible en observant l’arête de jointure. Passer son chemin …

Cuir de tableau de bord. Faute d’un entretien rigoureux ET adéquat (utilisez des produits de qualité), le cuir du tableau de bord a tendance à se rétracter et à bailler autour des bouches d’aération. Passage obligatoire chez le sellier, probablement cher en main d’œuvre.

Quelques chiffres

Production : Mai 1994 à 1999, 11165 voitures au total

355 GTB GTS Spider
Manuelle 3829 2048 2664
F1 1042 529 1053

Ces volumes de production, dépassés depuis par la 360 (17645 exemplaires), représentent une augmentation considérable par rapport à la 348. La 355 GTS F1 est la configuration la plus rare, mais n’est pas nécessairement la plus recherchée aujourd’hui.

Le prix du plaisir

Essence: moyenne mesurée sur 9000km : 15.8L/100km, extrêmes de 13.4 à 18.4

Pneus: n’ai roulé qu’en Bridgestone Expedia S01, une des 2 montes d’origine. Compter 10 à 14000km avec les arrières (le manque de couple a ses vertus), le double avec les avants. Ceci inclut des sorties circuits, et un rythme de conduite généralement motivé sur route.

Services annuels: compter 1300 à 1400 francs pour l’entretien courant, huile, filtre à huile, bougies, filtres à essence, air, etc … Peu de différence de tarifs entre le réseau et les indépendants.

Grand service, courroies de distribution: le changement des fameuses et redoutées courroies de distribution doit être fait au plus tard tous les 4 ans ou 40’000km, et nécessite la dépose du moteur (ce qui n’est pas le cas sur la 360; la 430 a une distribution par chaîne). Le changement des tendeurs de courroie est également important car une défectuosité aurait des conséquences aussi dramatiques qu’une rupture de courroie. Coût (combiné avec un service annuel) : de 3400.- chez un spécialiste indépendant à 5900.- dans le réseau officiel; la différence réside essentiellement dans le tarif horaire.

A noter que je n’ai encore eu aucune dépense sur les freins (ni disques ni plaquettes) ou ammortisseurs. L’embrayage est lui aussi d’origine. La centrale Bosch Motronic indiquait une usure de 59% à 40’000km, étonnant pour une boite séquentielle. Un spécialiste m’a conseillé de l’user, jusqu’au bout, la main d’oeuvre ne justifie pas un changement préventif.

En chiffres

Mis à plat sur le papier, les chiffres sont brutaux: 1.18 CHF par kilomètre parcouru, hors ammortissement. Les frais fixes sont normaux pour une voiture de cette cylindrée et de cette valeur, les frais variables n’ont rien d’exhorbitant pour une voiture d’exception, l’addition des deux mène cependant à un budget considérable. A noter que les services sont presque à considérer comme des frais fixes: il est peu probable de faire un kilométrage annuel dépassant l’intervale de 10’000 km préconisé.

Un fichier détaillé est disponible ici.

L’ammortissement est un facteur à part. Conséquente sur des modèles récents (et franchement prohibitive sur les V12), la décote a tendance à s’applanir passé un certain cap. Prédire l’évolution est un exercice périlleux, mais il est fort probable que les 355 ont essuyé le gros de leur dépréciation. Difficile de parler de budget raisonnable avec des montants pareils, mais une 355 belle et saine représente en 2005 une des meilleures possibilités de s’offrir une auto d’exception sans craindre une perte de capitale trop forte dans les années à venir.

 

Et si c’était à refaire …

Trajets hebdomadaires, balades dominicales, virées d’un jour, voyages, sorties sur circuit, ma 355 GTS m’a procuré une palette de plaisirs uniques et inoubliables. Encore aujourd’hui, chaque trajet reste un moment particulier, plein du charme et de la sérénité que procurent les belles et bonnes choses au quotidien. Quelques déboires de fiabilité ont certainement terni le tableau, au point de me tenter de la vendre à l’été 2004. L’apprentissage du “monde Ferrari” côté propriétaire, celui d’une qualité de produit perfectible et d’une approche de la satisfaction de la clientèle parfois complaisante, est une belle école de cynisme. Pourtant, si c’était à refaire, en ce mois de mai 2001, ce serait très probablement cette 355 bleu Nart.

Conseils d’achat

Acheter dans le réseau avec, si possible, une Garantie Power d’une année. Pas la panacée, mais apporte une tranquilité d’esprit appréciable. Se renseigner auprès d’utilisateur sur la réputation du concessionaire en question: la politique de prise sous garantie de Ferrari Suisse est rigide, les agents sont souvent mis à contribution pour maintenir un niveau de prestations crédible.

Le risque d’acheter ce genre d’auto hors réseau et sans garantie est significatif, à moins d’investir dans une pratique peu courante ici mais plus répendue aux Etats-Unis, une PPI (Pre-Purchase Inspection), vérification poussée et payante par un spécialiste indépendant.

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