Essai Audi e-tron 55 Quattro: le glouton

Notre verdict sur la première Audi électrique.

2015 fut une année charnière dans la genèse de l’électrification des constructeurs premium allemands. Au salon de Francfort, Porsche présentait le concept Mission E préfigurant la Taycan, et Audi présentait l’e-tron Quattro Concept, un SUV électrique qui allait devenir l’e-tron, désormais commercialisé.

Les médias myopes ont conditionné le lectorat à ne considérer toute nouvelle voiture électrique que dans une dimension concurrentielle face à l’incontournable Tesla. En réalité, l’Audi e-tron doit avant tout se vendre suffisamment bien pour contribuer positivement au bilan CO2 de la marque en Europe, et remplir les quotas de New Energy Vehicles en Chine.

Faire mieux que Tesla est sans nul doute souhaitable, mais mettre sur le marché une bonne première Audi électrique est primordial. Il ne reste plus qu’à déterminer si cet objectif est rempli.

Avec 4.90m en longueur pour 1.62m de hauteur, l’e-tron est un SUV full size aux dimensions humaines. Moins caricaturalement haut et moins long que ses congénères, son gabarit facilite la prise en main.

A l’intérieur, l’agencement est conforme aux autres réalisations de la marque, avec le triptyque d’écrans LCD (Virtual Cockpit et les deux écrans tactiles du système MMI). Les particularités se concentrent sur la console centrale avec un sélecteur de marche différent, et une console centrale à ciel ouvert.

Celle-ci abrite un pavé de charge inductive qui a la particularité, assez peu heureuse, d’être vertical, et deux espaces de rangement. Le reste ne diffère pas d’une A7 ou d’un Q8. Audi reste cantonné dans les cuirs animaux et ne propose pas de finitions alternatives écologiques/recyclées comme Mercedes le fait avec succès sur l’EQC.

L’impression la plus marquante sur les premiers kilomètres est le silence remarquable de l’ensemble. Le chant des deux moteurs électriques est audible, mais le filtrage des bruits aérodynamiques et de roulement est de très haut niveau. Ceci rend d’emblée l’e-tron confortable, un élément appréciable quand on doit bouffer des bornes pour établir une conso.

Car de consommation d’énergie il va inéluctablement falloir parler. En conduite calme sur le réseau autoroutier du plateau suisse, l’ordinateur de bord a indiqué sur l’ensemble de l’essai 257 Wh/km (ou 25.7 kWh/100km), un valeur vraiment élevée par rapport aux autres électriques essayées en cette année 2019:

Conso
Wh/km
Autonomie
km
Tesla Model 3 Dual 174 411-468
Hyundai Kona 174 330-400
Tesla Model X 100D 220 380-425
Mercedes EQC 400 260-370
Jaguar i-Pace 242 275-390
Audi e-tron 55 257 330

Remarque importante: la consommation et l’autonomie peuvent fortement varier en fonction de la température ambiante. Les tests susmentionnés ne se sont pas tous déroulés à la même saison, mais les températures de ce mois de septembre auraient dû être favorables à l’e-tron.

Autre remarque importante: la marge sur panne “sèche” sera irrémédiablement plus importante qu’avec un véhicule à combustion du fait de l’absence de solution de repli. En d’autres termes, l’autonomie utile avant sueurs froides est environ 50 km inférieure aux chiffres de ce tableau.

Pourquoi une telle consommation ? Le poids mesuré à 2622 kg est certes considérable, mais seulement plus élevé de 129 kg – soit 5% – par rapport au Model X testé il y a quelques mois, et la corrélation entre masse et consommation est limitée sur les voitures électriques du fait de la régénération.

Certaines hypothèses, invérifiables, pointent une approche prudente d’Audi sur la gestion thermique de la batterie, et donc sur la consommation d’énergie nécessaire à maintenir les cellules dans une fenêtre de température étroite.

Audi a annoncé l’installation dans le plancher de l’e-tron d’un pack Lithium Ion de 95 kWh, mais c’est regrettablement une valeur brute. La valeur nette effectivement utilisée n’est que de 88 kWh. L’autonomie sur autoroute à allure calme est donc d’environ 330 km.

Les trajets 1 & 2 reflètent des trajets autoroutiers entre l’est et l’ouest de la Suisse. Le trajet 3 comprend l’ascension du col du Susten, et donc une consommation nettement accrue à la montée, mais le dernier point, enregistré à la station ionity d’Erstfeld nous ramène très proche des deux autres.

Ceci illustre le fait que l’énergie perdue à la montée pour hisser les 2.6 tonnes de l’e-tron à plus de 2000 mètres est quasiment entièrement récupérée à la descente, pour autant que le style de conduite soit adapté.

L’e-tron fonctionne sous un mode de régénération variable qui réagit aux limitations de vitesse et à la distance aux véhicule précédent, mais pas de manière assez intuitive et efficace pour lui faire confiance.

La palette gauche permet d’imposer deux niveaux de freinage régénératif, mais ils ne sont pas assez puissants pour permettre une conduite à une seule pédale. La pédale de frein incorpore un répartiteur entre freinage électrique et freinage conventionnel qui fait défaut chez Tesla.

Les prédictions d’autonomie sont réalistes et mises à jour en temps réel, mais les technophiles resteront sur leur faim. En comparaison avec l’interface de Tesla, peu d’informations sont disponibles sur le détail de la projection, et sur le déroulement effectif du trajet par rapport à la projection. Il faut aller fourrager dans un sous-menu pour déterrer l’indication quantifiée de l’état de charge de la batterie.

L’autre visage du glouton

Gourmand sur route, l’Audi e-tron affiche également un appétit solide en charge, ce qui devient alors une qualité. Audi promettait des puissances de charge de 150 kW qui sont effectivement atteintes. Plus remarquable, les 150 kW sont maintenus jusqu’à 80% de remplissage de la batterie.

Les 20% restant sont effectués sur une rampe linéaire. Les trois charges rapides enregistrées se sont terminées à plus de 50 kW C’est incomparablement plus rapide que Tesla où la puissance passe sous les 50 kW à 80% déjà, et gratter les derniers % de capacité se fait à l’agonie.

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En termes concrets, ça se traduit par des charges de 15-16% à 100% en 36-37 minutes, ce qui permet de repartir avec 320-330 km d’autonomie. Ceci n’amène pas la même flexibilité et tranquillité d’esprit qu’une autonomie de 400 à 500 kilomètres, mais permet des arrêts brefs. Les prévisions de temps de charge ont été pessimistes d’une bonne douzaine de minutes dans tous mes essais.

Le réseau de charge est une préoccupation légitime, et le développement du réseau ionity en Europe se fait à un rythme moyen de 11 stations par mois en 2019, mais avec de fortes disparités régionales, surtout entre le nord et le sud du continent.

La fiabilité des bornes du réseau ionity reste aléatoire, un problème récurrent dans nos essais de voitures électriques. Je suis à nouveau tombé sur une borne au lecteur RFID défectueux qui refusait de lire ma carte et empêchait la voiture de débloquer la prise. Une opératrice a dû m’expliquer au téléphone où trouver les tirettes de déblocage manuel cachées sous le capot de l’e-tron.

Heureusement, l’offre d’acteurs tiers inclut un nombre croissant de stations à forte puissance. A parution, la Suisse compte selon ChargeMap plus de 30 stations de 100 kW et plus avec prise CCS2 compatible.

La charge sur prise domestique ne m’a pas posé de problème, et le compartiment de rangement des divers câbles de charge sous le capot est relativement pratique.

e-tron paisible

Ceux qui attendent des accélérations fulgurantes de l’Audi e-tron seront déçus. Bien que largement futile, le déploiement brutal et instantané d’un couple surabondant est devenu une attente implicite, induite par la communication de Tesla.

Audi revendique 5.7s de 0 à 100 km/h, ce qui est sans doute bien plus rapide que la majorité des voitures à combustion que l’e-tron est appelé à remplacer, et largement suffisant pour toutes les situations routières réalistes. Les sensations sont par contre insuffisantes pour couper le souffle à des passager(e)s facilement impressionnables.

Le mode Dynamic donne accès à une plage de Boost, avec un couple et une puissance supérieurs si la pédale droite est enfoncée au-delà de la première butée. Les accélérations sont plus musclées, mais le cabrage plus prononcé également. Le gradient de couple est filtré pour éviter des pertes d’adhérence, ce qui rend les réactions moins brutales que sur l’i-Pace.

Le mode Dynamic a également pour effet de raffermir l’amortissement, passablement souple dans les autres modes. Les conducteurs qui préfèrent une connexion directe à la chaussée plutôt qu’un confort assez flottant lui donneront sans doute leur préférence.

La tenue de cap est sereine sur autoroute, mais sur parcours plus sinueux, les mouvements de caisse sont importants si l’on ne sélectionne pas le mode Dynamic qui les contient un peu mieux. J’ai trouvé le comportement homogène et sûr, cohérent avec une vocation qui n’est pas sportive.

Les rétroviseurs digitaux

Pour la première fois sur un modèle de série, Audi propose en option des rétroviseurs digitaux. Sur route, on finit par s’habituer à déplacer le regard vers l’écran plutôt que l’appendice extérieur, mais j’ai trouvé l’agrément en manœuvres désastreux. Vu le prix du gadget (2’010 CHF), la sagesse impose de s’abstenir.

L’Audi e-tron est par ailleurs un véhicule agréable à utiliser au quotidien ou sur long trajet. L’assistant de bouchons est utilisable mais significativement en retrait par rapport aux systèmes employés par BMW et Tesla: ses louvoiements trahissent des hésitations dans le placement dont les références ne souffrent pas. A plus haute vitesse, l’assistant de ligne m’est paru un peu moins détestable que sur A7 ou Q8, ce qui place la barre assez bas.

Confortable et surtout très silencieux, plus spacieux qu’un i-Pace sans être énorme pour autant. C’est un SUV moderne mais classique qui conviendra aux personnes peu réceptives aux excentricités d’un Tesla Model X.

Le prix de base (91’100 CHF) est en ligne avec les autres SUVs du segment, mais les options à cocher sont nombreuses et chères, ce qui portent l’addition de notre e-tron d’essai, bien équipé mais sans extravagance, à près de 130’000 CHF.

Il est judicieux de rappeler l’alternative plugin hybride, avec des modèles comme le X5 xDrive45e ou le nouveau Mercedes GLE 350de qui offrent des autonomies électriques majorées (jusqu’à 99 km WLTP pour le GLE), la possibilité de réaliser les trajets pendulaires en mode électrique et aucune entrave en cas d’imprévus ou de longs trajets.

Audi e-tron serait indubitablement un meilleur produit si il consommait moins et que sa batterie de 88 kWh permettait de s’approcher des 400 km d’autonomie réelle. Le pari de compenser sa forte consommation avec des charges très rapides ne sera viable que lorsque les stations de charge rapides seront réellement devenues ubiquitaires. On en est encore loin.

L’Audi e-tron est sans doute suffisant pour offrir une solution électrique familière aux amateurs de la marque et aux réfractaires à l’écosystème Tesla, ce qui le place d’ailleurs en Suisse devant les ventes de Model S & X vieillissants, à quasi égalité avec le Jaguar i-Pace. La démonstration d’une équivalence – à fortiori supériorité – technologique reste par contre à faire.

Prix et options du véhicule essayé

Audi e-tron CHF 91’100
Version Advanced CHF 2’900
Cuir valcona CHF 3’060
Pack Assistance Tour CHF 2’800
Rétroviseurs digitaux CHF 2’010
Toit panoramique CHF 1’940
Phares matriciels à LED CHF 1’890
Head Up Display CHF 1’810
Clé confort CHF 1’720
Sièges AV élect. mémoire CHF 1’630
B&O Premium Sound CHF 1’500
Caméras panoramiques CHF 1’500
Pack Assistance Ville CHF 1’370
Jantes 21″ CHF 1’370
Teinte blanc glacier CHF 1’310
Tableau de bord en cuir CHF 1’060
Climatisation 4 zones CHF 1’040
Dispositif d’attelage CHF 1’030
Sièges chauffants AV/AR CHF 990
Sièges sport avant CHF 830
Eclairage ambiance CHF 750
Vitrage acoustique CHF 650
Audi Phone Box CHF 650
Accès charge AC droite CHF 590
Airbags latéraux AR CHF 580
Réglage colonne de direction CHF 520
Barre de toit en aluminium CHF 520
Décor alu brossé CHF 520
Ciel tissus noir CHF 420
Audi Smartphone Interface CHF 360
Boutons de commande en verre CHF 280
Accoudoir central avant CHF 270
Listes de seuils éclairées CHF 240
Audi Music Interface AR CHF 200
Virtual Cockpit Plus CHF 200
Pack vide poche & coffre CHF 160
Clip fixation murale CHF 160
Filet de séparation CHF 140
Climatisation stationnaire CHF 110
Prix catalogue du véhicule de test CHF 128’157

Face à la concurrence – caractéristiques techniques

Audi e-tron 55 Jaguar I-PACE EV400
Moteurs 2 moteurs électriques asynchrones 2 moteurs électriques synchrones à aimants permanents
Puissance système 360-408 400
Couple système 561-664 696
Transmission 4 RM 4 RM
Boite à vitesses Prise directe avec réducteur Prise directe avec réducteur
RPP (kg/ch) (6.10) 5.61
Poids DIN (constr.) 2622 (2490)
50.0%/50.0%
2245 (2133)
53% / 47%
0-100 km/h (sec.) 5.7 4.8
Vitesse max. (km/h) 200 200
Batterie (kWh) 95* 90*
Longueur (mm) 4901 4682
Largeur (mm) 1935 2011 / 2139
Hauteur (mm) 1616 1565
Empattement (mm) 2928 2990
Coffre (L) 660-1725 27+656-1445
Pneus 255/55 R 19 245/50 R20
Prix de base (CHF) 91’100 85’600
Prix de base (EUR) 83’880 79’990

*charge brute

Nos remerciements à Audi Suisse pour le prêt de ce véhicule.

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Liens

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