Mercedes entre dans la danse électrique.
A chacun le sien. Un SUV électrique. Pour tâter le terrain, pour positionner la marque et retenir les clients réceptifs, défricher les processus de développement et de validation. Pour aider à satisfaire les quotas de new Energy Vehicles imposés sur le marché chinois, le plus grand du monde.
L’EQC a toutefois une trajectoire bien particulière. Presque une destinée. Des circonstances largement fortuites ont conduit l’équipe de développement du GLC à tenir compte des contraintes qui permettraient d’en faire une voiture électrique avec des modifications mineures. Ceci permet la présentation en 2015 au directoire de Mercedes du projet de la première voiture électrique significative – en ignorant la classe B électrique ou encore la SLS AMG Electric Drive – en 4 ans seulement, au lieu des 6 nécessaires à une nouvelle plateforme dédiée.
Le projet est approuvé, un concept est présenté au salon de Paris 2016. Après une année de conception, l’équipe de Michael Kelz s’embarque dans un programme de 3 ans de validation, des -35 degC du cercle polaire à +50 degC de différents déserts.
L’EQC est donc intrinsèquement un GLC marié avec un train moteur/roulant électrique au lieu du système à combustion du SUV classique. Environ 90% de la caisse est identique, et Mercedes s’est livré à un bel exercice de modularité qui va jusqu’à l’assemblage. L’EQC est fabriqué sur la même ligne d’assemblage que le GLC, comme une variante de finition ou de motorisation différente. Ce qui, au passage, permet également une grande flexibilité dans la capacité de production.
L’EQC est donc relativement compact. Alors qu’Audi a choisi d’orienter l’e-tron vers le gabarit SUV full size, les 4761 mm de longueur de l’EQC le positionnent dans les faits dans une classe plus compacte. Parler de segment serait un abus car les prix – de base, est-il utile de le préciser – sont sensiblement équivalents aux offres d’Audi et de Jaguar.
EQC | e-tron | i-Pace |
4761 | 4901 | 4682 |
1884 | 1935 | 2011 / 2139 |
1623 | 1629 | 1565 |
2873 | 2928 | 2990 |
500-1460 | 660 | 27+656-1445 |
CHF 84’900 | CHF 89’900 | CHF 82’800 |
Le pack de batterie installé sous la caisse du GLC empiète donc sur la garde au sol sur toute la longueur, mais l’élément le plus proéminent est le moteur arrière, plus gros que le différentiel d’un GLC. Mercedes insiste donc sur le fait que l’EQC n’est pas un SUV tout terrain. Ceci se constate d’ailleurs visuellement si l’on prête attention à la masse sombre située sous la ligne visuelle que Mercedes utilise pour souligner un faux bas de caisse.
Mercedes le structure en 4 modules de 72 cellules répartis sous l’habitacle, et 2 modules de 48 cellules logés sous les sièges arrière et coiffés par l’électronique de puissance. Les cellules Lithium Ion de type poche proviennent de LG en Corée et sont spécifiques à Mercedes, mais à terme, Mercedes se fournira de la même usine LG en Pologne qu’Audi, alors que CATL est qualifié comme source pour le marché chinois.
La protection du pack contre les chocs a été l’objet d’attentions particulières. Un déflecteur plus épais que le pack fait office de bélier derrière l’axe des roues avant et doit dévier tout objet traînant sur la chaussée. Les zones déformables sur les côtés doivent encaisser des chocs violents (comme la collision avec un candélabre) sans menacer l’intégrité structurelle de la batterie.
Le pack de l’EQC dispose d’une énergie utile de 80 kWh net. C’est une des manifestations de la stratégie du “parler vrai” de Mercedes sur les électriques: pas de fausses promesses, pas de mauvaises surprises. Comme tout autre constructeur, Mercedes est tenu d’indiquer les consommations NEDC (prochainement WLTP) dans toute communication ou documentation, mais la marque insiste également sur des fourchettes réalistes d’autonomie, et surtout sur la dépendance à des facteurs comme la vitesse ou la température.
Replacé dans le contexte concurrentiel actuel:
Modèle | kWh | Prix |
Renault Zoe | 41 | CHF 35’650 |
Hyundai Ioniq | 28 | CHF 38’990 |
VW ID.3 45 | >45** | est. CHF 39’000 |
Nissan Leaf 2 | 40* | CHF 42’990 |
BMW i3 120Ah | 42.2*/37.9** | CHF 41’400 |
VW ID.3 58 1st | 58** | CHF 52’000 |
Opel Ampera-e | 60 | CHF 52’700 |
Hyundai Kona Electric | 64** | CHF 46’990 |
Tesla Model 3 Standard Range + | 55 | CHF 49’190 |
Tesla Model 3 | 74 | CHF 59’890 |
VW ID.3 77 | 77** | N.C. |
Mercedes EQC | 80** | CHF 84’900 |
Jaguar i-Pace | 90* | CHF 82’800 |
Audi e-tron | 95*/88** | CHF 89’900 |
Tesla Model S | 100** | CHF 107’090 |
*charge brute **charge nette
Pourquoi se limiter à 80 kWh ? Réponse officielle: parce que c’est concurrentiel si on regarde l’autonomie. Il semble cependant que les contraintes imposées par la plateforme du GLC ont également pesé dans le choix. Les autonomies résultantes sont:
EQC | e-tron | i-Pace | |
NEDC | 445-471 | 500 | N.C. |
WLTP | 374-417 | 417 | 470 |
Réaliste | 260-370* | N.C. | 275-390** |
*selon Mercedes **essai Asphalte
Pour les charges rapides sous courant continu, l’EQC supporte jusqu’à 110 kW par prise CCS2, est partenaire-actionnaire du réseau ionity et fournit une carte RFID destinée à simplifier l’accès à la kyrielle de réseaux tiers qui constelle le continent.
L’EQC dispose également d’un chargeur embarqué de 7.4 kW pour les charges sous courant alternatif. Cette valeur est considérée comme un optimum de coût et encombrement, mais une option à 11 kW devrait voir le jour dans un futur proche. Le chargeur à 22 kW proposé en option par Audi est considéré comme complètement superflu du côté de Stuttgart.
Mercedes est toutefois nettement moins agressif qu’Audi dans l’utilisation de hautes puissances de charge. Là où Audi maintient 150 kW jusqu’à 70% de la charge, Mercedes se contente de seulement 110 kW (pour une batterie seulement 10% plus petite), et ne le maintient que jusqu’à environ 50% de la capacité de la batterie, selon la température mesurée, puis baisse progressivement.
Mercedes soigne le pré conditionnement de la batterie. Si une station de charge est programmée comme destination dans la navigation, l’EQC s’assure que la batterie est dans une fenêtre de température idéale (entre 25 et 30 degC) à destination pour permettre une puissance de charge maximale. Le revers de cette médaille est que si la station de charge n’est pas programmée dans la navigation – ou est introuvable dans la liste contenue dans le système de navigation – ce pré conditionnement ne se produit pas.
Ce fut mon cas lors de ma visite à la station ionity de Dal, à proximité de l’aéroport d’Oslo. Par la faute d’un des nombreux bugs constatés sur la navigation Here de l’EQC. Arrivé avec une batterie un peu froide du fait de l’absence de préchauffage, la charge débute à 61 kW et la puissance ne culminera qu’à 78 kW, assez brièvement. Ma halte de 27 minutes me permet toutefois de requinquer la batterie de 36 à 75%, soit 223 km d’autonomie projetée.
Mercedes installe deux moteurs électriques dans l’EQC, un pour entraîner chaque train. Le moteur avant à 7 bobinages est optimisé pour l’efficience et dispose d’un couple maximal d’environ 360 Nm, le moteur arrière à 5 bobinages pour délivrer un couple plus important, culminant à 400 Nm.
L’EQC fonctionne donc en traction la plupart du temps si on a le pied léger. En cas de sollicitation de plus de 10% du couple, le moteur arrière est ensuite mis à contribution, et si le couple maximal est requis par le pied droit du conducteur, les deux moteurs déploient alors leur couple maxi. Les 760 Nm et 408 chevaux délivrés par le système procurent les accélérations saignantes attendues d’une voiture électrique, comme le temps de 5.1s revendiqué sur le 0-100 km/h en témoigne.
Je formule toutefois un bémol, générique aux voitures électriques et en rien spécifique à l’EQC. Aussi épatante qu’est la réponse immédiate à une sollicitation franche du pied droit, elle reste brusque, désagréable pour les passagers, a tendance à générer des pertes d’adhérence et des cabrages de la caisse qui accentuent encore la tendance au sous-virage. Transposé dans le domaine de la suralimentation, nous sommes peut-être encore aux années 70 de la propulsion électrique: une nouvelle source de couple importante, impressionnante à certains égards, mais brutale et, somme toute, assez mal maîtrisée.
Je me suis d’ailleurs enquis de taquiner l’EQC avec ESP déclenché. La touche a disparu de la console centrale, il faut aller chercher la fonction dans un sous-menu du système MBUX. En accélérant à fond sur les chaussées grasses du sud de la Norvège (lire notre article sur la politique d’électrification norvégienne), les roues intérieures patinent copieusement, faute de différentiel autobloquant, jusqu’à ce que le couple diminue avec la vitesse.
L’habitacle de l’EQC est plutôt agréable à vivre. Le dessin de la planche de bord est spécifique, et intègre de série le widescreen cockpit. L’intérieur se démarque d’un GLC par l’utilisation de nouveaux matériaux que j’ai trouvé assez réussie. La tendance vers des habitacles Vegan n’est pas encore entièrement assumée, la plupart des exécutions conservent des surfaces en cuir texturé. L’habitabilité avant/arrière est par ailleurs identique à un GLC, soit plutôt bonne.
L’équipe de développement dit avoir beaucoup travaillé sur l’insonorisation. La suspension du moteur avant a été soignée avec le montage de silents-blocs accordés aux hautes fréquences de vibration du moteur, et le moteur arrière est habillé d’un cocon moussé pour absorber les ondes sonores qui pourraient résonner sous le plancher du coffre. Le résultat est plutôt convaincant. Le sifflement habituel des voitures électriques est très atténué, et de surcroît le double vitrage fait partie de la dotation de série. La différence de bruit intérieur par rapport à un GLC est de 3 dB en moyenne et 6 dB en pointe, ce qui est considérable.
Sur les routes norvégiennes, l’EQC se révèle confortable et silencieux, la dominante étant le bruit de roulement, sans doute amplifiée par la rugosité du revêtement. La suspension n’est pas réglable. Elle utilise de simple combinés ressorts/amortisseurs à l’avant, et des éléments pneumatiques à l’arrière afin de compenser la charge et prévenir une diminution de la garde au sol.
Nos parcours de tests et les limitations de vitesse draconiennes ne nous ont pas permis de taquiner le comportement routier, mais l’EQC montre des prédispositions similaires aux autres SUVs électriques. La masse est importante (2420 kg DIN, 175kg de plus que la Jaguar !) mais le centre de gravité très bas, ce qui donne une impression d’agilité surprenante. Les changements d’assiette restent par contre très perceptibles lorsque le couple massif est exploité, et provoquent un sous-virage important en délestant le train avant.
Mercedes offre pas moins de cinq modes de régénération: D+, D, D-, D- -, et D-Auto. Ils se sélectionnent par les palettes du volant et s’échelonnent de la roue libre à une franche décélération (D–) qui permet presque une conduite à une seule pédale. D-Auto module la régénération en fonction de multiples paramètres, y compris la vitesse, la topographie et la distance avec le véhicule précédent. Ma préférence va au mode D- – pour sa prédictabilité, j’ai trouvé D-Auto déroutant de ce point de vue.
La puissance maximale de freinage électrique correspond à 180 kW. Le mode D–, spécifié à 2.5 m/s2, atteint 70% de cette valeur. A la différence notable de Tesla, la pédale de frein dispose d’un système de répartition entre freinage mécanique et régénération électrique.
Une consommation réaliste était difficilement vérifiable dans les conditions d’essai. Les voies rapides sont limitées à 100 km/h, et les restrictions sur les routes sinueuses sont presque comiques. Les chiffres “réalistes” revendiqués par Mercedes (260-370 km) semblent plausibles. Le Cx de 0.28 n’a rien de renversant même si il est inférieur à celui du GLC (0.31). Une version de l’EQC avec un Cx de 0.27 apparaîtra au 4ème trimestre 2019.
La marque n’hésite d’ailleurs pas à présenter les scénarii les moins avantageux, comme par exemple celui d’une conduite par température très froide: 5 kW partent dans le chauffage de l’habitacle, 5 kW dans le réchauffement de la batterie. En faisant l’hypothèse d’un trajet pendulaire journalier de 2x 20 km en 30 minutes simple course, et d’une consommation à 60 km/h de moyenne de 20 kWh/100 km, les fonctions de chauffage de la voiture consomment plus (10 kWh) que le déplacement de la voiture (8 kWh). Dans ce cas extrême, l’autonomie ne serait que de 180 km …
L’objectif de Mercedes était d’accrocher coûte que coûte un prix de base hors TVA inférieur à 60’000€, crucial en termes d’images et en termes de subsides à l’achat sur le marché allemand. En Suisse, l’EQC est proposé dès 84’900 CHF, ce qui paraît élevé face au duo i-Pace/e-tron, mais l’équipement d’origine est riche. Hormis le choix de revêtement des sièges, aucune option indispensable ne manque.
Ce tarif “tout compris”, peu usuel pour la marque, donne l’impression que l’EQC est cher, mais en regard de l’équipement compris, il est très concurrentiel face à l’i-Pace, au gabarit voisin. La définition et les prestations d’ensemble sont sans faille particulière et permettront aux clients qui ont des affinités avec la marque, le style ou le réseau Mercedes de franchir le rubicon électrique sans arrière pensées. L’EQC n’est que la première salve de l’offre électrique du constructeur. Pas moins de 10 modèles électriques sont en développement, dont un EQS, EQE et la version de production de l’EQA dévoilé à Francfort en 2017.
Face à la concurrence – caractéristiques techniques
Mercedes EQC 400 | Jaguar I-PACE EV400 |
Audi e-tron 55 | |
Moteurs | 2 moteurs asynchrones | 2 moteurs synchrones à aimants permanents | 2 moteurs asynchrones |
Puissance système | 408 | 400 | 360-408 |
Couple système | 760 | 696 | 561-664 |
Transmission | 4 RM | 4 RM | 4 RM |
Boite à vitesses | Prise directe avec réducteur | Prise directe avec réducteur | Prise directe avec réducteur |
RPP (kg/ch) | (5.93) | 5.61 | (6.10) |
Poids DIN (constr.) | (2420) | 2245 (2133) 53% / 47% |
(2490) |
0-100 km/h (sec.) | 5.1 | 4.8 | 5.7 |
Vitesse max. (km/h) | 180 | 200 | 200 |
Batterie (kWh) | 80** | 90* | 95* (88**) |
Longueur (mm) | 4761 | 4682 | 4901 |
Largeur (mm) | 1884/2096 | 2011/2139 | 1935 |
Hauteur (mm) | 1623 | 1565 | 1616 |
Empattement (mm) | 2873 | 2990 | 2928 |
Coffre (L) | 500 | 27+656-1445 | 660-1725 |
Pneus | NC | 245/50 R20 | 255/55 R 19 |
Prix de base (CHF) | 84’900 | 82’800 | 89’900 |
Prix de base (EUR) | 71’281 | 78’380 | 82’600 |
*charge brute ** charge nette
Nos remerciements à Mercedes Suisse pour cette invitation au lancement international de l’EQC.
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