Essai Cadillac CTS-V: la surprise

La CTS-V: placide Cadillac ou muscle car déjantée ? 

Une Corvette C7 Z06 recarrossée en berline cossue. En simplifiant à l’extrême, c’est la proposition un rien indécente faite par Cadillac avec sa CTS-V en installant un V8 LT4 dans sa berline de milieu de gamme. Ce V8 de 6.2L coiffé d’un compresseur Eaton TVS appartient à la cinquième génération de “small blocks” de GM, et adopte des technologies modernes comme l’injection directe, la désactivation de cylindres. GM est toutefois resté attaché à une architecture traditionaliste avec l’utilisation de culbuteurs pour commander les deux soupapes qui permettent aux gros cylindres de 103.25 mm de diamètre d’inspirer et expirer. L’unique arbre à cames est toujours logé à la base du V.

Les chiffres extraits sont respectables en valeur absolue, avec un couple maxi 855 Nm à 3600 t/min et une puissance culminant à 649 chevaux à 6400 t/min. Les valeurs spécifiques restent sagement en retrait par rapport aux blocs allemands: 105.3 ch/L contre 153.7 ch/L pour le V8 AMG de l’E63 S. Avec un couple pareil à passer au sol par les seules roues arrière, l’essai s’annonce divertissant.

Parée du pack carbone, la CTS-V est imposante du regard, le traitement ‘V’ donnant à cette berline débonnaire un look de brute assez plaisant. L’intérieur ravira les amateurs d’alcantara: sièges et planche de bord en combinaison avec du cuir, volant et levier de sélection, et surtout dos de sièges avant. L’affichage LCD est configurable ad nauseam avec une pléthore d’indicateurs et de jauges qu’on peut incruster de part et d’autres du compte-tours synthétique central. L’ensemble est plutôt bien réalisé et demeure plaisant à l’usage au-delà de l’impression initiale.

Une auto disposant d’un tel couple s’aborde avec un minimum de respect et de circonspection, mais la prise en main est relativement facile pour la catégorie, dès l’instant où la proéminence de la lame en carbone et le coût de son remplacement en cas de rencontre avec un obstacle sont intégrés dans les paramètres de manœuvre. Le système de caméra de parking donne d’ailleurs une triple vue de l’objet, plongeante de face et latérale, de piètre qualité graphique mais utile pour trouver le compromis judicieux entre les 5 mètres de longueur et le craquement sinistre du carbone rencontrant un rebord en béton.

Le mode d’emploi de base est relativement simple: trois modes de gestion du véhicule (Tour, Sport et Track) si on laisse de côté le mode neige/glace, bouton de mode manuel sur le levier de sélection, et désactivation du contrôle de traction pour les moments de bravoure. Le LT4 s’ébroue sur une note démonstrative, mais la CTS-V se montre parfaitement civilisée sur les premières dizaines de kilomètres qui me ramènent de la banlieue nord de Zürich.

A faible charge, le V8 devient un V4, avec une transition qui resterait imperceptible si elle n’était pas indiquée sur le tiers gauche du bloc d’instruments. La transmission tire long pour abaisser la consommation (142 km/h à 2000 t/min) mais l’ensemble bloc/boîte refuse les très bas régimes auxquels les mécaniques allemandes acceptent de fonctionner sans broncher.

 

Mes premières tentatives de relances plus musclées procurent une sensation étonnante. Bien qu’en mode manuel et donc en prise, chaque pression sur la pédale de gaz s’accompagne d’une mise en régime du compresseur volumétrique qui donne la fausse impression que le convertisseur de couple de la boîte hydramatic patine en permanence, impression encore renforcée si l’on a configuré l’affichage pour montrer le manomètre de pression. Le compresseur est entraîné par le vilebrequin et donc tourne en permanence en proportion avec le régime moteur, mais la sonorité caractéristique varie fortement en fonction de l’ouverture des gaz.

 

Un compresseur volumétrique a l’avantage de ses inconvénients. La pression de suralimentation augmente avec le régime moteur, résultant dans un régime de couple maxi relativement élevé (3500 t/min) en comparaison avec les turbocompresseurs modernes, amenant une belle progression organique de la poussée, mais qui dilue l’arrivée du couple. La réponse moteur se rapproche donc plus d’un moteur atmo que d’un moteur turbo.

Les chiffres impressionnants annoncés présagent d’une brute sur-motorisée, mais les sensations lors des premières accélérations restent très civilisées, un caractère qui s’explique autant par la réponse moteur que par sa sonorité. Cadillac a voulu préserver une certaine discrétion, et même en bloquant l’échappement en mode Track, la bande son reste très discrète, probablement trop discrète. La dominante est le bruit d’aspirateur du compresseur, pas le grondement sourd et le staccato typique qu’on attend d’un V8 de 6.2 litres.

Mes premières opportunités de vraiment augmenter le rythme me sont offertes dans la jolie  descente du Brünig vers Meiringen, et se traduisent par quelques surprises. Au premier freinage appuyé en approche d’épingle, panique à bord: le mordant des gros disques de 390 mm pincés par des étriers à six pistons est très convaincant, trop pour le détecteur d’obstacle qui sonne l’alarme et fait vibrer le placet du siège, et le prétensionneur de ceinture se déclenche et m’étrangle la taille et le thorax.  Le passage en mode Piste permet d’éliminer le second dispositif, mais pas le premier, qui ne peut pas être complètement désactivé et reste chatouilleux.

Ce dimanche estival gris, bouché mais sec, est une opportunité inespérée de bénéficier de cols alpins sans le trafic touristique habituel. Premier plat au menu, le col du Grimsel, juge de paix pour les grosses voitures de sport rapides. La CTS-V offre trois niveaux de réglages de suspension, de souple en mode Tour à très ferme en mode Piste. Je resterai dans le mode de suspension intermédiaire Sport pour toute la virée.

Dès les premiers appuis, le train avant se révèle mordant, fiable et rassurant. Les liaisons au sol sont rigoureuses, le passage d’inégalités en appui ne faisant pas remonter de jeu coupable dans la caisse et la colonne de direction. Le train arrière passe bien le couple au sol si l’on s’abstient de le provoquer, les dérives étant naturellement au rendez-vous en mode Track si on s’aventure à puiser dans les réserves du LT4 alors que les Michelin Pilot Super Sport sont déjà chargés par l’accélération latérale.

La CTS-V se révèle donc plutôt efficace, compétente et capable, mais sa boîte reste son talon d’achille. Elle égalise correctement le régime à la descente de rapports, mais répond avec beaucoup trop de retard aux impulsions sur les jolies palettes en métal, me rappelant en cela la Mercedes SLS. A pleine charge, les changements sont rapides, mais dans toutes les situations où l’on doit doser, composer et improviser, la réponse est trop lente.

Ce bémol intégré, la CTS-V est plaisante et performante en conduite sportive, mais reste à distance mesurable d’une BMW M5 F90 en termes de sensations. La vitesse pure est traître à juger sur route ouverte, et la CTS-V est capable de reprises fulgurantes si elle est cravachée (j’ai mesuré le 100-150 km/h en kickdown à 4.3 secondes), mais la férocité des accélérations, les rapports qui claquent et la sonorité agressive font clairement de la bavaroise une expérience de conduite beaucoup plus immersive et exaltante. La CTS-V est un ton au-dessous, pas forcément en matière de rigueur intrinsèque, mais plutôt dans un registre où on l’attendait extravertie voire franchement sauvage.

Par gourmandise, je renouvelle l’expérience sur le col du Susten, plus étroit et moins roulant. Les rares dépassements à effectuer ne me posent pas de problème en termes de précision, et cette grande berline se sort plus qu’honorablement de l’exercice. On peut rouler fort et propre, l’attaque au volant de cette Cadillac n’est pas un exercice contre-nature. Elle n’est juste pas aussi exaltante qu’on pourrait l’espérer, encore moins le rodéo sauvage que la définition de la CTS-V promet implicitement. La descente du côté uranais abordée à un rythme soutenu n’entame en rien un freinage puissant et consistant.

De retour sur l’A2, je repasse la boîte en mode manuel et sélectionne le mode Tour. Le confort est très plaisant, à la hauteur des attentes d’une berline de ce rang. Les sièges aux rembourrages ajustables fournissent un maintien parfait, et le double vitrage contribue à un silence relaxant. La boîte hydra-matic a le kickdown chatouilleux, kickdown qui peut se faire en deux temps si l’on a le pied lourd, mais si la charge baisse, le mode V4 se réenclenche pour abaisser la consommation.

 

Voyageuse confortable, la CTS-V s’acquitte également des trajets pendulaires avec bonhomie. Un homme adulte prendra confortablement place à l’arrière, mes 182cm me laissant une bonne main d’espace au ciel de toit et quelques centimètres aux genoux avant d’effleurer le revers en alcantara du siège avant. Le coffre n’est par contre pas particulièrement spacieux (447L) et l’ouverture en cas de rabattement des dossiers arrière restreinte.

Le bonus est naturellement cette disponibilité pour agrémenter le train-train quotidien de quelques dandinements du train arrière dès que la situation permet de solliciter le couple à disposition. Ce caractère très “propulsion” sur le sec devient sans doute moins (ou trop) divertissant sous la pluie ou en cas de neige. Je n’ai bien évidemment pas testé les capacités du mode idoine à juguler le couple et franchir des pentes plus abruptes dans ces conditions.

Cette Cadillac CTS-V est une double surprise. J’aurais pu craindre une auto iconoclaste, décalée et un peu trop approximative pour le marché européen, j’ai découvert une berline sportivement luxueuse et confortable, avec un large spectre de compétences qui réussit le grand écart entre les trajets utilitaires et la conduite sportive. Je m’attendais à un hooligan à peine socialisé, j’ai trouvé une auto somme toute discrète si l’on fait abstraction de son gabarit et de ses atours esthétiques, un peu trop en retrait en matière de présence sonore et de sensations pures.

Pour 114’500 CHF, soit le prix d’une RS4 Avant à peine optionnée, la CTS-V donne accès à une auto exotique de la catégorie supérieure, bien conçue mais sans comparaison avec le charisme d’une RS6 ou la virtuosité d’une M5, toutes deux beaucoup plus chères. Un choix différent, mais qui se défend entièrement dès l’instant où l’on a compris ce qu’on achète.

Prix et options du véhicule essayé

Cadillac CTS-V CHF 114’500 € 98’900
Pack Carbon Black Edition CHF 6’650 € 4’900
Performance Data Recorder CHF 1’950 € 1’700
Peinture Crystal White à 3 couches CHF 2’340 € 1’950
Etriers de freins rouges CHF 700 € 600
Prix catalogue du véhicule de test CHF 126’140
 € 108’050

 

Face à la concurrence – caractéristiques techniques

Cadillac CTS-V BMW M5 F90
Audi RS6 Avant Performance
Mercedes-AMG
E 63 S 4MATIC
Moteur V8 compresseur 6162 cm3 V8 biturbo 4395 cm3 V8 biturbo 3993 cm3 V8 biturbo 3982 cm3
Puissance (ch / t/min) 649 / 6400 600 / 5600-6700 605 / 6100-6800 612 / 6500
Couple (Nm / t/min) 855 / 3600 750 / 1800-5600 700 / 1750-6000
750 / 2500-5500
850 / 2500
Transmission AR xDrive Quattro 4Matic
Boite à vitesses Hydra-Matic 8L90 8 Automatique, 8 Automatique, 8 Automatique, 9
RPP (kg/ch) 2.94 3.21 3.45 (3.54)
Poids DIN (constr.) 1909 (1850)
52.9%AV 47.1%AR
1928 (1855)
54.3%AV 45.7%AR
2087 (1950) (2165)
0-100 km/h (sec.) 3.7 3.4 3.7 3.4
Vitesse max. (km/h) 320 250 / 305 250 250
Conso. Mixte (constr.) 13.9 (13.0) 14.6 (10.5) (9.6) (10.9)
CO2 (g/km) 298 241 223 247
Réservoir (l) 72 68 75 66
Longueur (mm) 5050* 4965 4979 4993
Largeur (mm) 1863-2052 1903 1936-2086 1907
Hauteur (mm) 1447 1473 1461 1495
Empattement (mm) 2910 2982 2915 2939
Coffre (L) 447 530 565 540
Pneus AV 265/35 R19 275/40 R19 285/30 R21 265/35 R20
Pneus AR 295/30 R19 285/40 R19 285/30 R21 295/30 R20
Prix de base (CHF) 114’500 139’900 144’590 150’800
Prix de base (EUR) 98’900 127’550 135’160 134’501

*avec pack carbone

Nos remerciements à Cadillac Suisse pour le prêt de cette CTS-V.

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