Notre essai de la Honda Insight, concurrente valeureuse de la Toyota Prius ?
Al’instar de Toyota, Honda fut visionnaire et investit dans les technologies hybrides alors qu’elles n’étaient qu’une curiosité pour des individus généralement décrits sommairement par une pilosité importante et le port de sandales de marque allemande.
L’Insight reprend ainsi le patronyme du premier modèle de la marque, mais le coupé 2 places futuriste de 1999 s’est transformé en une berline monocorps à 5 places. La Civic Hybrid qui a contenu tant bien que mal les assauts de la Prius II joue désormais les seconds rôles dans la gamme Honda. Un modèle dédié plutôt qu’une hybridisation d’une carrosserie familière, une façon de différentier et optimiser le produit pour la clientèle ciblée. La stratégie est limpide : l’hybride pour tous, entendez celle qui est vendue à un tarif abordable en comparaison avec la référence incontestable de cette niche, la Toyota Prius mkIII, accessoire indispensable des bouécos (bourgeois écolos).
Avec un prix d’appel confortablement inférieur à 30’000 CHF(tableau), une forme monocorps consensuelle qui devrait augurer d’une bonne habitabilité et une consommation normalisée contenue, l’Insight semble imbattable sur le papier.
Un contact sur les contreforts campagnards du Jura s’était montré prometteur en termes de consommation. Le passage à la réalité moins bucolique des villes et routes nationales. L’auto-boulot-dodo encombré ou pressé et la difficulté d’appliquer systématiquement les techniques d’eco-drive amènent un résultat contrasté, pour ne pas dire décevant.
Le système IMA (Integrated Motor Assist) de Honda est plus simple que l’Hybrid Synergy Drive de Toyota, principalement dans le couplage entre moteur thermique, électrique et la transmission. Le moteur électrique est logé entre le vilebrequin et la boîte à variation continue, et fait également office de générateur et démarreur. Probablement moins cher à industrialiser mais plus limité également dans ses possibilités. Différence fondamentale, le système IMA n’est pas bimodal : la voiture ne peut pas se déplacer sans que le vilebrequin de son moteur thermique ne tourne, même s’il ne consomme pas d’essence. L’IMA est ainsi capable de déplacer l’auto avec la seule énergie provenant de ses batteries, diminue les pertes mécaniques en fermant ses soupapes d’admission et d’échappement (calage extrême des arbres à cames), mais les vibrations inhérentes aux masses en mouvement sous le capot demeurent, tout comme les inévitables pertes thermodynamiques et de frottement.
Les pragmatiques pourraient hausser les épaules en se concentrant sur le trinôme conso, confort et prix, mais la moyenne mesurée sur les 1480km de notre essai s’est fixée à 6.24 L/100km (5.9 affichés), contre 5.7 pour notre Prius III d’essai pourtant peu ménagée et 5.6 L/100km au dernier pointage pour la Prius II de notre fringante flotte d’essais longue durée.
L’Insight est une hybride du bout des lèvres, avec un petit moteur électrique d’appoint de 13 chevaux (celui de la Prius III est spécifié à 82 chevaux même s’il ne développe jamais cette puissance maximale) et des batteries NiMH 12% plus petites (5.75Ah contre 6.5 Ah pour les Prius II & IIII) limitant ainsi la capacité de récupération d’énergie. Technologie abordable mais simplifiée, pertes de rendement, recyclage énergétique limité, fonctionnalité Stop Start à la logique parfois surprenante, inutile de chercher plus loin pour expliquer la différence. La technologie de Toyota, plus complexe et donc plus chère, amène un gain en consommation que l’Insight ne peut égaler, que ce soit dans les laboratoires de mesure des cycles normalisés ou au quotidien.
En mode D, la boîte se comporte comme un réelle CVT (Continuously Variable Transmission), avec des variations progressives et continues de régime selon le couple requis par la pédale de gaz. L’impression résultante est parfois désagréable, le petit 4 cylindres parait pédaler dans une épaisse semoule renforce encore le manque de puissance. Les palettes logées derrière le volant ont un comportement surprenant, rétrogradant trop ou ne permettant pas toujours de forcer le passage du rapport supérieur. Au lever de pied, le frein moteur est nettement plus prononcé que celui d’une Prius : l’Insight ne glisse pas sur sa lancée, elle ralentit comme une auto conventionnelle.
Le mode S est clairement celui à préférer. Les palettes commandent le passage fidèle de « vrais rapport virtuels », permettant ainsi de minimiser la consommation, d’avoir du frein moteur à la demande, un contrôle plus intuitif et réactif sur l’ensemble moteur-boîte.
A l’intérieur, l’habitabilité pour les passagers avant est bonne, ce au détriment de l’espace aux genoux pour les sièges arrières, largement insuffisant pour des adultes, tout comme la découpe trop basse des portières arrières. L’explication est à chercher dans un empattement plus court de 15 centimètres par rapport à la Prius (2550 contre 2700 mm) alors que l’Insight n’est plus courte que de 65 millimètres.
Le tableau de bord bigarré ne surprendra pas les habitués de la marque, avec pléthore d’écrans auxiliaires et de couleurs vives, aux antipodes de la simplicité clinique choisie par Toyota. Si l’intérieur de la Prius fait cheap pour 38’000 CHF de prix de base, l’Insight fait très cheap pour dix mille francs de moins. Plastiques durs et brillants, textures grossières, il a fallu économiser tous azimuts pour offrir un tel concentré de technologie à un prix contenu, même si notre version d’essai Elegance très bien équipée s’affiche à 34’900 CHF contre les 28’800 de la 1.3iS.
Le châssis de l’Insight est une grande réussite, au prix d’un tarage de suspension qui paraîtra ferme aux conducteurs et passagers en recherche de confort. La prise de roulis est limitée, l’amortissement ferme et les mouvements de caisse très bien contenus, le grip très bon (essai réalisé avec une monte d’hiver Continental Winter Contact). Les épaules bien calées dans des sièges enveloppants bien qu’un peu spongieux dans leur consistance, je me suis senti parfaitement à l’aise pour augmenter radicalement le rythme. Mesdames et messieurs, on peut attaquer en Insight, voire y prendre du plaisir, mais à la descente uniquement. Direction très directe, petit volant très vertical, assise basse, on peut balancer l’hybride pour tous d’appui en appui avec un entrain presque incongru.
En conduite rapide ou sur topographie accidentée, le 4 cylindre de 1.3 litre (88 chevaux et 119 Nm de couple) peine à emmener les sveltes 1246 kg de l’Insight. Pourtant, avec la boîte en mode S, les palettes solidaires du volant permettent de le cravacher sur les 7 rapports virtuels programmés, mais couple et puissance sont trop limités, les relances en sortie d’épingle laborieuses, la sonorité pénible. La Prius III est incomparablement plus à l’aise dans ce registre.
Pour réaliser des économies de carburant significatives, les motorisations hybrides parallèles doivent avoir recours à des technologies complexes donc onéreuses. Faute de ses investissements, leur apport est marginal, surtout en comparaison avec la frugalité des turbodiesels modernes. Si la Prius III tire son épingle du jeu par l’aboutissement de sa réalisation, les carrences de l’Insight ne peuvent guère être excusées par un tarif qui n’est réellement attractif que face à la Toyota.
Les consommateurs n’ont d’ailleurs pas été dupes, Honda Suisse n’a écoulé que 1066 exemplaires en 2009 contre 1900 Toyota Prius dans une année de transition de modèle. Même son de tocsin aux Etats-Unis où les ventes de Prius sont le quintuple de celles de l’Insight avec un différentiel tarifaire certes nettement plus faible. Si vous souhaitez rouler écolo, les seules alternatives sont l’embourgeoisement avec la Prius ou le pragmatisme avec un turbodiesel français ou allemand.
Face à la concurrence
Honda Insight | Toyota Prius III | Toyota Prius II | Golf VI TDi BlueMotion | |
Moteur thermique | L4 – 1339 cm3
i-VTEC |
L4 – 1798 cm3
VVTi – Atkinson |
L4 – 1497 cm3
16V – Atkinson |
L4 – 1598 cm3
TurboDiesel |
Moteur éléctrique | 14 ch | 82 ch | 62 ch | – |
Transmission | CVT | Pseudo-CVT | Pseudo-CVT | 5 vitesses |
RPP (kg/ch) | 12.71 | 10.63 | 11.77 | 12.55 |
Puissance combinée | 98 ch | 136 ch | 78+37 ch | 105 / 4400 |
Couple combiné | 167 Nm / 1000 | 142 + 207 Nm | 115 + 400 Nm | 205 / 1500 – 2500 |
Longeur / Largeur / Hauteur | 4395 / 1695 / 1425 | 4460 / 1745 / 1490 | 4445 / 1725 / 1490 | 4199 / 1786 / 1479 |
Réservoir | 40L | 45L | 45L | 55L |
Coffre | 408 / 1017 | 445 / 1129 | 408 / 1210 | 350 / 1305 |
Poids à vide (constr) | 1246 (1276) | (1445) | 1354 (1329) | (1318) |
0-100 km/h | 12.4 | 10.4 | 10.9 | 11.3 |
Vitesse max | 182 | 180 | 170 | 190 |
Conso. mixte (constr) | 6.24 (4.4) | 5.7 (3.9) | 5.2 (4.3) | (4.1) |
Pneumatiques | 175/65/15 185/55/16* |
195/65/15 215/45/17*** |
195/55/16 | – |
Prix de base (CHF) | 28’800 | 38’900 | 39’770 | 32’430 |
Prix de base (EUR) | 17’990 | 26’220 | 25’950 | 21’780 |
*version Elegance / ***option
Nos remerciements à Honda Suisse pour la mise à disposition de cette Insight
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