Essai Jaguar XFR
C’est sous son capot que notre gros matou cache sa botte secrète. Jaguar nous offre une nouvelle évolution de son V8 ; la cylindrée passe de 4.2 à 5.0 litres, l’injection directe s’invite au programme et un compresseur volumétrique vient se lover entre les bancs de cylindres. Résultat des courses : 510 CV à 6’000 t/min et un couple de 625 Nm dès 2’500 t/min, le tout passant uniquement par les roues arrière. Inutile de vous préciser que cette artillerie se joue des 1’896 kg de notre Jag’ avec une facilité déconcertante. Le 0 à 100 km/h est annoncé en 4.9 sec et le passage de 80 à 110 km/h s’effectue en 1.9 sec. La boîte de vitesses automatique à convertisseur dispose de 6 rapports ainsi qu’un mode manuel avec palettes au volant, ou comment allier confort et plaisir.
Compte tenu de ces prestations, l’architecture des trains roulants a également été optimisée. Ainsi, les disques de freins avant passent de 355 à 380 mm, mordus sans ménagement par les impressionnants étriers marqués du « R ». La suspension abandonne le système « CATS » pour le « Adaptive Dynamics » à la gestion plus fine offrant en permanence le meilleur compromis entre confort et sportivité.
Du côté des béquilles, vous trouverez un différentiel à gestion électronique qui permet de transmettre le couple à la roue la plus adhérente en cas de glissement et le « Trac DSC », autrement dit ESP, jouant les Vishnu protecteur de service. Avec une telle puissance de feu dans le dos, sa présence est indispensable ! Son fonctionnement en mode normal est particulièrement intrusif, coupant sans ménagement les gaz afin de juguler la moindre incartade de l’essieu arrière. Pour les plus téméraires ou amateurs de sensations fortes, le Trac DSC est déconnectable, soit partiellement ou totalement. Au sujet des coûts de fonctionnement, il est à relever une consommation moyenne très honnête durant notre essai, 13.7 l/100 km, sachant que nous avons cumulé autoroute, ville et tracés montagneux sur près de 1500 km. Relativement sobre la bête !
Sur route ouverte, la Jaguar XFR sait se faire parfaitement docile. En conduite coulée, la boîte égrène les rapports avec une douceur proverbiale et le ressenti au volant est très homogène, doux mélange de confort et sportivité. L’assistance de direction est consistante, communiquant ce qu’il se passe sur le train avant et sera, avec son assistance surmultipliée à faible vitesse, votre parfaite alliée lors des manœuvres. La suspension pilotée remplit sa tâche sans faillir, contenant à la fois les mouvements de caisse et ménageant vos lombaires. Son tarage est paramétrable grâce à un mode « Dynamique », agissant également sur la vitesse des passages de rapports en mode manuel. D’ordinaire plus sec que sur la XF standard, l’amortissement se durcit alors encore plus, sans toutefois devenir « tape-cul », mais garantit en permanence un comportement sûr et efficace. La réserve de puissance sous le pied droit est en tout temps largement suffisante, avec une progressivité de la pédale savamment étudiée autant pour mesurer avec précision et onctuosité la hargne du moteur dans les bouchons urbains que délivrer toute la rage du V8 à la première sollicitation une fois l’horizon dégagé.
Ma grosse déception provient de l’agrément auditif. De l’extérieur les borborygmes caractéristiques des « gros cubes » sont particulièrement flatteurs, mais à l’intérieur règne un silence de cathédrale. Satanée insonorisation ! Bien sûr la vocation d’avaleuse de kilomètres de l’auto privilégie le confort sonore, mais pour l’amateur de mécanique que je suis c’est comme si je regardais un film de Bollywood sans le son. Même en ouvrant les fenêtres la symphonie de l’octuor est couverte par les bruits aérodynamiques et de roulement. Vraiment dommage ! A noter par contre l’absence quasi-totale de sirénage du compresseur, habituellement présent sur les mécaniques suralimentées par ce biais.
Lorsque le rythme s’accélère, notre belle fait preuve d’une belle agilité. Dans les enchaînements rapides, toutefois, l’inertie se fait malgré tout ressentir tandis qu’un fading très prononcé apparaît rapidement lors de freinages fréquents et appuyés. L’utilisation du mode manuel de la boîte de vitesses manque de réactivité provoquant un lag un tantinet trop long à mon goût entre la commande et le passage du rapport. Sur ce point, la XFR marque un pas significatif comparativement à ce que l’on peut trouver sur ses concurrentes.
Par contre, avec l’ESP partiellement désactivé, cette berline délurée offre un agrément que je n’ai rencontré que trop rarement dans ce segment. L’attaque des courbes se fait avec précision et les ressources du V8 vous collent au siège à la relance, tout en vous gratifiant d’une légère dérive du popotin. Sensationnel ! En supprimant toute aide, sur circuit bien entendu, vous pourrez aussi exercer vos compétences de dompteur de fauves ; car avec un couple et une puissance pareils, les longues glissades en courbe, tout comme les burns au démarrage, sont d’une simplicité enfantine. Pensez également à bien budgéter le poste « pneumatiques » car à force de vous amuser vous ne tarderez point de faire ami-ami avec votre marchand de gommards. Pour son plus grand plaisir…