Essai de l’Audi R8 V10 5.2 FSI sur le circuit de Catalunya.
Bleu, blanc, rouge, les dix-huit R8 V10 de l’Audi Sports Car Experience sont alignées dans le pitlane du circuit de Catalunya comme autant d’étendards aux mâts de la grande armada Audi. Malgré l’heure matinale, l’air est déjà chaud dans ce vallon de Montmelo, le silence assourdissant, résonnant encore des V8 de F1 prenant 18’000 tours devant les stands. Le soleil rasant éclaire la silhouette trapue des berlinettes à moteur central, leur calandre béante et regard de rapaces pointés vers le sud ouest et le premier virage des treize que compte le tracé catalan.
Les très bonnes GT dévoilent leurs qualités les plus marquantes très rapidement, et la R8 V10 n’y déroge pas : l’équilibre de l’auto en appui est stupéfiant, l’homogénéité du châssis une cinglante réussite. Dans les longs appuis comme le virage 3, un long 180 degrés où l’on garde longtemps la corde avant de se laisser dériver vers l’extérieur à fond de troisième, la finesse avec laquelle la voiture serre ou élargit sa ligne en réponse au pied droit est exceptionnelle, rendant toute correction au volant superflue. Au freinage de la courbe Repsol qui suit, la stabilité est excellente, la voiture restant bien en ligne même si on tape violemment dans les freins. La prise d’appui pour une corde tardive est franche, dénuée d’inertie, le roulis quasi nul.
L’avant demeure accrocheur à la remise des gaz et la R8 élargit progressivement sa ligne vers le vibreur extérieur alors que l’ESP jugule la déferlante de couple de manière discrète et prévenante. Freinage en descente pour la courbe Seat, les Pirelli PZero à vocation routière contiennent avec peine l’énorme énergie cinétique accumulée au moindre rectiligne grâce aux 525 chevaux du V10 5.2 à injection directe.
Le léger coude qui suit se prend à fond de troisième et incite à freiner en ligne avant d’attaquer le gauche droite en montée puis le droite Campsa. Moteur central arrière, faible moment d’inertie, l’équilibre de l’auto requiert un minimum de respect. Suit le deuxième rectiligne du circuit où on tire loin, très loin (près de 200 km/h), le quatrième rapport avant d’écraser les freins pour un virage très intéressant, la parabolique de la Caixa, que les F1 n’empruntent plus pour des raisons de sécurité. La réaccélération est superbe, offrant plusieurs possibilités de trajectoires plus ou moins serrées selon le point de corde choisi, le V10 prenant des tours alors que la R8 extrait toute l’adhérence disponible de ses pneus. La dernière section, tout en descente, permet à nouveau de jouer avec l’équilibre naturel de l’auto en modulant des gaz pour mordre les deux cordes tout en utilisant au maximum la largeur de la piste.
Un circuit complet et varié, vallonné, la référence des écuries de F1 pour leurs essais hivernaux, un réel juge de paix pour un châssis. L’Audi R8 5.2 y fait preuve d’une impressionnante homogénéité. Jamais pataude, des mouvements de caisse contenus dans les deux axes, et une motorisation qui permet à loisir d’attaquer à haut régime ou d’enrouler sur le couple en peaufinant ses trajectoires. Le V10 à injection directe déploie ses 530 Nm de couple de manière très linéaire et organique, accompagné d’une sonorité flatteuse et raffinée. Pas d’échelons binaires audibles liés à des valves actives, mais une belle progression qui part d’un ronronnement feutré puis se renforce de la signature harmonique d’un V10 jusqu’à la zone rouge de 8700 t/min. Si les évolutions sur un grand circuit de Formule 1 ont toujours tendance à atténuer les sensations d’accélération, l’avantage de 100 Nm que le V10 offre sur le V8 4.2 FSI de sa petite sœur reste perceptible et vraiment appréciable – il est probable que cette dernière devrait être cravachée à l’extrême pour espérer garder le contact. La différence d’agrément devrait être flagrante sur route ouverte où le V8 demande une conduite plus agressive lors des relances.
Avec une répartition du couple de 15/85 entre avant et arrière en conditions normales, allant jusqu’à 30/70 selon les conditions d’adhérence, la R8 5.2 adopte une définition nettement plus radicale que les 40/60 inaugurés sur l’Audi RS4. Le train arrière est également équipé d’un différentiel à glissement limité à 25% en retenue et 40% en accélération. La flotte de la Sports Car Experience ne permet pas la déconnection de l’ESP pour des raisons évidentes de sécurité, limitant considérablement l’exploration de l’enveloppe dynamique de l’auto. Quelques tours de démonstration dans la R8 V10 du chef instructeur d’Audi m’ont cependant permis d’entrevoir une réserve considérable de grip latéral, de motricité et d’agilité une fois le carcan de l’ESP retiré. Malgré (ou grâce à) sa transmission Quattro, le comportement de la R8 est résolument orienté propulsion tout en offrant une motricité qui permet d’accélérer tôt et fort. Habitué à des gommes plus adaptées à un usage piste, quelques freinages plus chauds que souhaitable dans les premiers tours m’ont forcé à prendre des repères plus conservateurs pour rester à distance respectable des bacs à gravier.
Sous la dénomination R-Tronic (option à 11’400 CHF) se cache une boîte séquentielle robotisée à 6 rapports héritée de l’e-gear de Lamborghini, Plus aboutie que tous les exemplaires de Gallardo qu’il nous a été possible d’essayer, ses rétrogradages sont parfaits, avec une égalisation finement jugée du régime moteur. Les évolutions à bas régime sont douces et il faut vraiment faire la fine bouche pour déceler des traces de broutage de l’embrayage lorsque la voiture est très chaude, ce sur une voiture ayant derrière elle 10’000 kilomètres pour le moins turbulents. En mode normal, un démarrage « pied dedans » se traduit par un régulation parfaitement maîtrisée du régime d’embrayage à 3000 tours pour préserver la longévité du mécanisme, fusible probable face à une motricité redoutable. La montée des rapports n’est cependant pas au niveau des références contemporaines, Ferrari 430 Scuderiaen tête, alternant entre une certaine lenteur en mode normal et une surprenante brutalité en mode Sport, au point où le changement de rapports en plein appui requiert précaution. L’option R-Tronic mérite donc réflexion, d’autant plus que la boîte manuelle, que nous n’avons pu tester, a bonne réputation.
Le freinage est puissant et endurant. Les disques acier de 365mm (356mm à l’arrière) offrent mordant et endurance (aucun fading observé en utilisation piste quasi ininterrompue), mais sont susceptibles de se voiler. C’était le cas sur notre voiture d’essai, sans que cela gêne trop le pilotage. Si les disques céramiques de 380mm disponibles en option (pour 15030 CHF) éliminent ce risque, l’agrément sur route ouverte et le coût des consommables est à méditer. Si l’assistance excessive de la pédale m’avait dérangé en conditions routières sur la R8 V8 4.2, elle n’a jamais été problématique sur le tracé de Catalunya.
Sous le cagnard catalan et en utilisation piste intensive, la R8 V10 semble parfois peiner à évacuer toutes ses calories. Au fil de la journée, après quelques tours à un rythme soutenu, la température d’huile s’est plusieurs fois approchée des 150 degrés Celsius, l’ordinateur de bord demandant puis imposant des changements de rapports à 6000 t/min pour éviter une surchauffe dommageable. Des conditions certes extrêmes, aggravées par l’utilisation de l’air conditionné, mais une faiblesse qui pourrait frustrer des pistards occasionnels ou assidus.
Les très beaux baquets sont une option indispensable (4900 CHF) pour offrir un maintien suffisant en conduite sportive et donner une tonalité racée à un habitacle au demeurant superbe, tant dans son dessin que dans la qualité de sa manufacture. Toujours dans la liste des options, le Magnetic Ride est une option indispensable pour un usage routier et sportif, les voitures de la flotte Audi Sports Car Experience en disposent pour la plupart. Pour une utilisation Grand Tourisme, la R8 pêche par une capacité de chargement limitée ; l’espace de rangement haut perché derrière les sièges est une mauvaise solution pour un vrai problème.
En Suisse, Audi a vendu 96 R8 V8 en 2007, puis 118 unités en 2008, un résultat qui établit la légitimité de la marque dans ce segment au-delà de l’hystérie qui a entouré son lancement. Avec la déclinaison V10, Audi a gagné de nouvelles lettres de noblesse dans le segment des GT de prestige. Un produit performant et abouti qui offre une alternative très crédible – et préférable à bien des égards – à la fantasque Lamborghini Gallardo, et un châssis d’un équilibre éblouissant qui laisse Porsche à ses anachronismes. Cette belle allemande a fait plus que nous convaincre sous le soleil catalan : elle nous a séduit.
Face à la concurrence
Audi R8 5.2 FSI | Audi R8 4.2 FSI | Porsche 997 Turbo | Lamborghini Gallardo LP560-4 | |
Moteur | V10 FSI – 5204 cm3 | V8 FSI – 4163 cm3 | Flat 6 Biturbo – 3800 cm3 | V10 FSI – 5204 cm3 |
Transmission | Intégrale | Intégrale | Intégrale | Intégrale |
Boite de vitesses | 6, mécanique ou R-Tronic | 6, mécanique ou R-Tronic | 6, mécanique ou PDK | 6, mécanique ou e-gear |
RPP (kg/ch) | (3.08) | (3.71) | (3.14) | (2.67) |
Poids à vide (constr.) | (1620 kg*) | (1560 kg*) | (1570 kg*) | (1500 kg*) |
Puissance (ch/régime) | 525 / 8000 | 420 / 7800 | 500 / 6000 | 560 / 8000 |
Couple (Nm/régime) | 530 / 6500 | 430 / 4500-6000 | 650 / 1950-5000 700** /2100-4000 |
540 / 6500 |
0-100 km/h | 3.9 sec | 4.6 sec | 3.7 sec | 3.7 sec |
Vitesse max. | 316 km/h | 301 km/h | 312 km/h | 325 km/h |
Conso. Mixte (constr.) | (14.7*) | (14.6*) | (11.6*) | (14.7*) |
Pneumatique | AV 235/35 ZR 19 AR 295/30 ZR 19 |
AV 245/40 ZR 18 AR 285/35 ZR 18 |
AV 235/35 ZR 19 AR 305/30 ZR 19 |
AV 235/35 ZR 19 AR 295/30 ZR 19 |
Prix de base (CHF) | 221’400 | 165’850 | 221’900 | 271’000 |
Prix de base (EUR) | 146’800 | 111’850 | 147’624 | 175’214 |
* boîte manuelle ** overboost
Nos chaleureux remerciements à M. Nando Stampa, directeur d’AMAG Genève, pour son accueil exceptionnel.
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