Essai Mitsubishi Lancer Evolution X MR


La Mitsubishi Lancer Evolution change de plateforme. Pour le meilleur ? 

Les couleurs de lancement sont très probablement l’objet d’âpres luttes entre département de style, produit et vente. Certains choix resteront anecdotiques, d’autres deviendront iconiques au point de faire l’objet de séries limitées ou de marquer la vie du modèle de manière indélébile, imprégnant la rétine des pélerins de salons automobiles et consommateurs avides de revues spécialisées. Ceci explique ma déception relative en découvrant notre Evo X dans la pénombre du garage de Mitsubishi Suisse. Le dessin agressif de la proue est bien présent, mais la robe Phantom Black n’est pas aussi flatteuse que l’Orient Red utilisé sur les salons où le concept puis le prototype de l’Evo X furent exposés de 2005 à 2008.

L’esthétique des séries précédentes commençait à dater, avec des retouches qu’on peut qualifier de mineures entre l’Evo VII lancée en 2001 et l’Evo IX qui tira sa révérence en 2008, et cette nouvelle mouture ose la rupture. Je trouve l’avant agressif, très réussi, avec des optiques sévères et ce grand trapèze découvrant radiateur et intercooler, reléguant comme sur ses devancières la plaque minéralogique sur le côté pour abreuver radiateur et intercooler en air frais. La poupe est moins réussie à mes yeux, le dessin des optiques accentue l’étroitesse et la hauteur de la voiture alors que les inévitables aileron et faux extracteur sont un peu trop prédictibles.

Notre Evo – noire donc – est la nouvelle représentante d’une longue lignée qui a débuté en 1992, basée sur la même recette : berline compacte tri-corps, moteur deux litres turbocompressé, transmission intégrale, trains roulants affinés, présentation et équipement à l’avenant. Le modèle a connu un vif succès auprès d’amateurs éclairés, plus de 10’500 exemplaires ont trouvé preneur depuis le début de l’importation officielle de la Lancer Evolution VIII, la Suisse en absorbant 8.6% soit 905 exemplaires. Beau score pour une auto aussi pointue ! La légitimité du modèle est assise sur un solide palmarès en championnat du monde de Rallye, avec la domination sans partage de Tommi Mäkinen de 1996 à 1999 et un titre constructeur en 1998.

   

Un palmarès qui donne à la voiture une légitimité certaine, mais dont j’ai peine à m’imprégner alors que j’essaye patiemment de m’extirper de la circulation Zürichoise. Les sculpturaux sièges Recaro offrent un maintien excellent des genoux aux épaules, mais la position de conduite reste déroutante : le volant n’étant réglable qu’en hauteur et les pédales étant trop proches de celui-ci, il est impossible de se rapprocher suffisamment du volant sans avoir la cheville droite à l’agonie – un comble pour une voiture sensée se conduire avec les bras fortement fléchis. Le volant cuir est agréable au toucher et à l’œil, avec un joli surpiquage blanc et le combiné d’instruments agréable et lisible, mais les informations essentielles à la surveillance d’une motorisation d’une puissance spécifique aussi poussée font cruellement défaut : ni température ni pression d’huile. Pour le reste, tant le design intérieur que les matériaux utilisés seraient indignes d’une coréenne vendue à la sauvette le tiers du prix. On n’achète pas une Evo pour son intérieur, mais avec la progression des tarifs – de 60 à 70’000 CHF tout de même – on est en droit d’attendre nettement mieux. La palme revient ex-aequo aux passe-harnais des sièges, texturés pour leur donner une vague ressemblance à de la fibre de carbone, et aux rétroviseurs extérieurs de fourgonnette. Décevant.

   

Une des grandes nouveautés de l’Evo X est la disponibilité de la boîte de vitesse SST à double embrayage, installée d’autorité sur la version MR, et disponible en option à 3000 CHF sur la GR en lieu et place de la boîte manuelle à 5 rapports. Cette boîte est d’origine Getrag, comme celle de la BMW M3 M Drivelogic. Les modes automatiques sont extrêmes dans leur définition, le mode sport ne passant les intermédiaires à charge partielle qu’à 4200 tours environ, alors que le mode normal a la gâchette rapide, short shiftant avec frénésie. Ainsi, à 60 km/h, la Lancer mouline à près de 4000 tours en deuxième en mode Sport, et s’empresse de passer 3, 4 puis cinquième rapport lorsqu’on passe en mode Normal. Le mode S-Sport (pour Super Sport), d’une redoutable inutilité, n’est enclenchable que depuis l’arrêt complet et maintient automatiquement des régimes encore plus élevés. Autant faire bon usage des palettes pour maintenir le bouilleur « on boost ».

 

Les griefs ne se limitent malheureusement pas aux lois de passage dans les trois modes automatisés. Souvent lente, parfois brusque, cette boîte cumule presque toutes les tares des autres types de boîtes robotisées. A des lieues de l’immédiateté lisse d’une DSG Volkswagen ou de l’hyperactivité télépathique d’une Ferrari 430 Scuderia, le système SST rappelle plus une boîte auto dont le convertisseur de couple se fermerait un peu trop brutalement. Est-ce que Mitsubishi aurait eu la main un peu trop lourde pour induire de la sportivité dans sa gestion des actuateurs ? L’impression ressentie n’est pas celle d’une remise de gaz trop brutale, mais plutôt d’une mauvaise synchronisation entre fermeture de l’embrayage et remise en charge ayant tendance à embarquer l’auto vers l’avant. Seuls les rétrogradages sont vifs et précis, avec une égalisation des régimes qui, si elle n’a pas l’exubérance parfois caricaturale de certaines réalisations italiennes, permet toutefois d’arriver sur une épingle fort sur les freins en descendant deux rapports sans le moindre déséquilibre. Mauvais réglages ? Sévices subis après 10’000 km d’essais de presse ? La lecture des forums de propriétaires indique que Mitsubishi n’est qu’au tout début du long pèlerinage menant à la maîtrise de ces mécanismes.



De plus, en termes de performances chiffrées, la boîte SST fait perdre presque une seconde pleine sur l’exercice du 0-100km/h (un pâle 6.3s contre 5.4s). L’étagement de la version robotisée y contribue peut-être, les trois premiers rapports étant beaucoup plus rapprochés que sur la boîte manuelle à cinq rapports de la GSR. Verdict sans appel : la boîte SST n’est pas une réussite.

Sous le capot, le 2 litres Turbo MIVEC (Mitsubishi Innovative Valve timing Electronic Control system) est à la marque aux diamants ce que leV-Tec est à Honda ou le VVTi à Toyota, un système qui utilise deux types de cames selon le régime pour faire varier le calage et la levée des soupapes et augmenter le couple à bas régime. L’Evo X est livrée en Europe avec une cartographie spécifique privilégiant la puissance aux dépends du couple (295ch, 360 Nm), la version japonaise se situant à l’autre extrême (280ch, 422 Nm) et la version nord américaine entre deux (290ch, 407 Nm). Le rendement est très élevé pour un groupe de série – 147 chevaux au litre – mais le 4 cylindres s’accommode avec docilité d’une utilisation quotidienne. Souple mais creux, il ne s’anime réellement qu’au-dessus de 3000 tours où la poussée devient nettement plus franche, sans toutefois être débordante de vitalité. Une poussée assez linéaire jusqu’à l’approche de la zone rouge, même si la sonorité du 4 cylindres incite plus à travailler la partie charnue de la courbe de couple qu’à le cravacher jusqu’au rupteur.

 

De ce point de vue, j’avais trouvé l’Evo VIII plus ludique malgré un handicap de 30 chevaux sur le papier. La réponse est peut-être pondérale : sur le papier, l’Evo X aurait pris presque 200 kilos (1600kg DIN contre 1400kg), des chiffres que nous n’avons pu vérifier sur nos corner scales et qui déçoivent, malgré une utilisation extensive d’aluminium (toit, capot, ailes avant) ou d’alliages évolués (titane-aluminium pour le turbocompresseur). De ce points de vue, cette Evo est nettement moins sulfureuse que son bouclier avant agressif ne le suggère. Pensez plus triangle rose que carré rouge, sport soft que pornographie routière classée … X.

Si la charge pondérale a gâché le travail des motoristes, il met en valeur celui des ingénieurs châssis, car la Lancer est diabolique sur ce point. Dans des conditions traîtres et bien chaussée de Continental TS810 (monte hivernale), la voiture masque remarquablement son poids. Agile, avec une direction communicative et précise, un vrai jouet qui pousse à freiner tard et rouvrir tôt. La prestation des combinés Brembo montés d’origine est excellente.

L’Evo X est dotée d’un système élaboré de pilotage de deux de ses trois différentiels. Celui-ci permet non seulement de refermer progressivement le différentiel central, mais aussi de faire varier le couple entre roue arrière gauche et droite, induisant ainsi un effet de lacet forçant la voiture à s’inscrire et combattant le sous-virage.

Difficile à dire si la sophistication technique du système S-AWC (Super All Wheel Control, on aime les acronymes dans ce segment) est un gadget, encore plus de trouver hors circuit une corrélation entre les modes Tarmac, Gravel et Snow et les réactions de la voiture. Toujours est-il que le comportement et la motricité dans des conditions précaires sont sidérants. Approche d’épingle, freinage à la limite de déclenchement de l’ABS, descente de deux rapports du majeur gauche, l’Evo s’inscrit avec précision et ressort comme une balle, sans le moindre sous-virage. Le tableau de bord indique que le différentiel central a participé la manœuvre, mais que cette intervention soit négligeable ou essentielle, elle se fait dans une remarquable fluidité.

  

Il n’en va pas toujours de même sur des surfaces plus glissantes où, malgré la déconnection de l’ASC (contrôle de stabilité), le S-AWC entraîne parfois des réactions parasites, essayant de combattre un sous-virage imaginaire en freinant les roues arrière alors que le but de la manœuvre était de provoquer une dérive tout en contournant le temps de réponse du turbo. J’ai erré en vain sur les contreforts sans issue du Grimsel puis du Susten sous une neige persistante pour trouver un terrain propice à l’étude approfondie du système loin de tout képi ou autre poteau malvenu. J’en suis revenu frustré par l’absence de terrain de jeu adéquat, mais convaincu par l’efficacité redoutable de l’auto dans des conditions précaires, rayon de braquage de semi-remorque mis-à-part.

Impossible de parler (encore moins de rouler) Evo sans passer par la pompe à essence. La gloutonnerie de la lignée est devenue légendaire, et ce millésime n’y déroge que partiellement. Conso moyenne mesurée à 12.6 L/100km pour 12.3 indiqués, ce grâce à des portions conséquentes parcourues sur autoroute.

 

L’Evo X est disponible en deux niveaux de finition, la GSR et la MR. Motorisation identique, la différence principale est à chercher dans l’équipement et certaines finitions. La MR est ainsi équipée de jantes BBS au lieu d’Enkei, d’amortisseurs à gaz Bilstein, de ressorts Eibach et de disques de freins Brembo dernier cri (technologie co-cast). Les gains de poids réalisés sur les disques sont galvaudés par une sono Rockford Fosgate avec écran tactile basculant et neuf hauts parleurs dont un gros caisson de basse dans le coffre. Impossible, sans comparaison directe, de déterminer si le montage de ces composants se traduit par une différence perceptible en prestations dynamiques, mais la question mérite un examen approfondi de l’acheteur potentiel

Un verdict en demi teinte, une voiture au châssis très convaincant, mais à près de 70’000 CHF, la version MR est chère. Pour les amateurs, une GSR 5 vitesses, 10’000 CHF plus avantageuse et 30 kg plus légère semble être une meilleure base pour une probable préparation, à moins qu’une Impreza WRX STI plus coupleuse et moins lourde ne leur fasse franchir le rubicond.

Face à la concurrence

 

  Mitsubishi Lancer
Evolution X MR
Subaru Impreza
WRX STi
Audi S3 BMW 135i
 Moteur 4 cyl, 1998cm3, Turbo 4 cyl, 2457cm3, Turbo 4 cyl, 1984cm3, Turbo 6 cyl, 2979 cm3, biturbo
 Transmission Intégrale permanente Intégrale permanente Quattro Propulsion
 Boite de vitesse 6, double embrayage* 6, mécanique 6, mécanique 6, mécanique
 RPP (kg/ch) 5.42 5.05 5.49  5.00
 Poids à vide (constr.) (1600 kg) 1516 kg (1515 kg) (1455 kg) 1530 kg (1560 kg)
 Puissance (ch/régime) 295 / 6500 300 / 6000 265 / 6000 306 / 5800
 Couple (Nm/régime) 366 / 3500 407 / 4000 350 / 2500 400 / 1300
 0-100 km/h 6.3 sec* 5.2 sec 5.7 sec 5.3 sec
 Vitesse max. 240 km/h 250 km/h 250 km/h 250 km/h
 Conso. mixte (constr.) 12.6 (10.2) 11.6 (10.3) (9.1) 12.8 (9.2)
 Pneumatiques 245/40 R18 245/45 R18 225/50 R18 215/40 & 245/35R18
 Longueur 4510 4415 4230 4360
 Largeur 1810 1795 1765 1748
 Hauteur 1480 1475 1399 1423
 Prix de base (CHF) 69’990 58’000 57’100 58’500
 Prix de base (EUR) 52’850 45’000 41’400 41’450

*boite SST – 5.4s en boîte manuelle 5 rapports

Nos remerciements à Mitsubishi Suisse pour le prêt de cette Lancer Evolution X MR.

Liens

Le sujet sur le forum – les articles Mitsubishi – la liste des essais – à lire également:

        

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