Essai Maserati GranSport


Nous essayons la Maserati GranSport. 

La cote d’occasion des premiers millésimes de Maserati Gransport est en train de passer le cap psychologique des 100’000 CHF, une excellente excuse pour reprendre le volant de ce coupé quatre places et d’en jauger les prestations, quatre ans après sa sortie. Contact, bouton Start, le V8 s’ébroue puis se stabilise sur un ralenti un brin affairé, presque hyperactif. Une sonorité bien plus flatteuse que le klonk sinistre qui accompagne la fermeture de la porte. A l’extérieur du quartier général de Carz, nuit noire et déluge estival incitent à une prise en main progressive, j’attendrai sagement le lendemain pour tarabuster l’auto.

Si un rappel devait être nécessaire, la Maserati Gransport est une version virilisée de la Maserati Coupé (une version Spyder existe également), reconnaissable instantanément à ses bas de caisse proéminents, sa grille de calandre chromée, ses jantes de 19 pouces spécifiques et ses embouts d’échappement polygonaux. Quelques touches de carbone à l’intérieur, et le ciel de toit de cette version Contemporary Classic est joliment habillé de cuir matelassé.

Moteur Ferrari ou pas ? La question est fréquente dans les conversations de parking. Le moteur de la Maserati Gransport est effectivement basé sur le bloc V8 Ferrari utilisé dans la F430, mais en diffère radicalement, à commencer par son vilebrequin à plans croisés, des cotes différentes (l’alésage est identique cependant) et un collecteur d’admission spécifique. Cousinage généalogique et industriel (le bloc et les culasses sont usinés chez Ferrari) mais il s’agit bien d’un moteur spécifique avec un caractère qui n’a rien de commun. La Gransport bénéficie d’une légère évolution de ce V8 à 90 degrés de 4244 cm3 qui équipa également les Coupés et Spyder 4200, développant ici 400 chevaux à 7000 tours pour 451 Nm de couple à 4500 tours. Des chiffres respectables, mais à mettre en rapport avec les 1672 kg que ce grand coupé accuse avec le plein d’essence sur nos corner scales (53% AV/47% AR), ce qui situe le rapport poids/puissance à 4.18 kg/ch, en (bonne) compagnie des Porsche 997 Carrera,Audi RS4 ou autres BMW M3.

Maserati a équipé la GranSport d’autorité de la boîte séquentielle Cambiocorsa, autant lui régler son compte immédiatement. J’ai été surpris de l’aisance avec laquelle elle s’acquitte de manœuvres à basse vitesse, embrayant avec douceur. Rien de tel qu’un périple dans les méandres d’un parking sous-terrain pour valider ses aptitudes. Même verdict dans le trafic urbain, douceur, progressivité sans pour autant avoir l’impression que l’embrayage en souffre. Un témoignage également de la bonne maniabilité de la voiture – je ne me serais pas lancé le cœur léger dans l’exercice avec une berlinette italienne type Lamborghini Gallardo ou Ferrari 430. Maserati a aussi doté la GranSport d’une assistance au démarrage en côte qui pince les freins mais rend certaines manœuvres en pente lentes lorsque l’on voudrait simplement utiliser la gravité pour faire reculer l’auto. Irritant, tout comme la sélection de marche arrière, trop lente à réagir.

Le tableau s’assombrit cependant dès qu’on s’extrait du dit parking. Lors de changements à bas régime, la sélection est très lente, avec, chose rare, un temps de réaction entre l’action sur la palette et l’ouverture de l’embrayage, suivie d’une montée du régime moteur, comme si la gestion électronique oubliait systématiquement de couper les gaz pendant le passage du rapport. Lent, disgracieux, maladroit mais sans à-coup. Cette même caractéristique peut également être désagréable en conduite sportive : short shifter (passage anticipé du rapport supérieur) peut embarquer la voiture vers l’avant, un peu à la manière d’une (mauvaise) boîte à convertisseur de couple lors d’un levé de pied.

Et dans les tours ? Dans la moitié supérieure de la plage de régime et avec plus de gaz (difficile de déterminer précisément quel paramètre prédomine dans les lois de passage), on passe sans transition du lent au brusque. Les changements sont rapides, mais les à-coups sont perceptibles dans le pont arrière, avec une remise des gaz trop brutale. Une boîte Cambiocorsa au comportement bipolaire qui ne semble jamais trouver le juste compromis entre rapidité et brutalité, entre conduite inspirée et attaque délibérée. Il est probablement possible d’altérer certains réglages de boîte, en particulier le croisement entre les gaz et l’embrayage, mais je reste dubitatif que ces bases permettent à la fois un comportement docile en ville, agile en conduite rapide et viril à l’attaque. La boîte Cambiocorsa de la Gransport reste donc éloignée de la sainte trinité séquentielle, un point à considérer avec soin, le modèle n’étant pas disponible en boîte manuelle classique.

Les commentaires qui précèdent s’appliquent au mode dit « Sport », le mode normal est inutilisable tant il rend les passages de rapports aléatoires. Un mode Sport qui a d’ailleurs la diligence de rester enclenché entre arrêts de la voiture et qui influe également sur le comportement de la suspension ajustable dite « Skyhook ». Rabaissée d’une dizaine de millimètres sur la GranSport, celle-ci se montre très ferme en utilisation courante, lombaires fragiles s’abstenir. C’est le prix à payer pour contenir les mouvements de caisse d’une auto aux dimensions et poids respectables, un compromis qui s’avère assez réussi. En chemin vers nos bases habituelles des contre forts du Jura, la tonalité ronde et veloutée du V8 fait place à un staccato plus agressif bien qu’un peu atténué, le volume n’allant regrettablement pas crescendo avec le régime. Allegro, ma troppo discreto.

Le rituel des séances de photos a la vertu de permettre, dans les limites de sécurité imposées par une route ouverte, de disséquer le comportement de l’auto au fil de passages successifs, tout en essayant d’afficher une pose de gentleman driver sérieusement décontractée. Ou l’inverse. Au fil des passages, alors que les photographes adoptent des positions de plus en plus saugrenues, la GranSport affiche un comportement très neutre et sain. Rentrer fort sur les freins rend l’arrière légèrement mobile, des freins à la commande plaisamment ferme mais dont le mordant m’a laissé sur ma faim.

La prise d’appui est franche, mais dès la corde passée, la voiture donne l’impression de tourner sur l’arrière, un arrière qui s’assied dès la réouverture des gaz. L’équilibre à la limite reste légèrement sous-vireur – sur le sec du moins – les Pirelli PZero Rosso de 265/30/19 n’ayant aucune difficulté à passer le couple au sol. En déconnectant le Maserati Stability Programme (MSP) – pas exagérément intrusif au demeurant – et en puisant un peu dans le couple du V8, il ne semble pas trop difficile d’inverser la tendance, chose que les drifteurs en herbe ne manqueront pas d’explorer à loisir dans des conditions idoines.

A sa sortie, la direction m’avait frappé par son manque de relief, une sensation de toucher glacé qui n’a pas dominé pendant cet essai. Le reproche reste cependant fréquent chez les propriétaires, signe que le point mérite attention pour les pilotes exigeants.

Il est donc facile de trouver la faille si on tente de juger l’auto pour ce qu’elle n’est pas – une sportive rigoureuse – mais la GranSport reste homogène et permet de prendre un plaisir indéniable à rouler vite. Le contraste avec laMaserati GranTurismo ne pourrait être plus flagrant de ce point de vue. Un moteur creux deviendrait vite lassant au fil de ballet d’allers-retours devant les objectifs de nos chasseurs d’image, mais le V8 de la GranSport conserve son agrément, suffisamment plein pour faire le zéro-trop vite avec aisance, malgré le poids respectable de l’auto. Revers de la médaille, une soif tenace, la consommation dépasse facilement 20 L/100km sans excès particulier. Anecdotique pour une deuxième ou troisième voiture, mais rébarbatif au quotidien.

L’exercice photographique met également en relief le manque de maintien des sièges, surtout pour les charpentes fluettes, ce qui n’aide pas à sentir la voiture lors des changements d’appui un peu francs. Alors que torse et séant sont malmenés d’un rembourrage à l’autre, les réactions de la voiture sont filtrées, retardées, difficilement perceptibles. Dommage que les sièges ne s’accommodent pas mieux de différents gabarits. Seule solution, prendre une grosse dizaine de kilos ou monter des baquets Sparco, aussi incongrus dans cet habitacle qui essaie d’être élégant que de porter des Puma avec un costume Hugo Boss. Un habitacle qui a le mérite de se démarquer de la monotonie cultivée des productions allemandes. Au passage, l’instrumentation à fond bleu est complète, mais peu lisible.

Une Maserati Gransport en 2008

Force est de constater que les coupés quatre places habitables avec des dispositions sportives sont rares sur le marché, et que la Maserati GranSport mérite considération. Un prix d’achat neuf conséquent (155’000 CHF avant options) place les millésimes 2004/2005 en concurrence tarifaire directe avec les berlines compactes allemandes neuves de la veine RS/M/AMG. Une comparaison neuf versus occasion qui peut surprendre mais qui a pleinement son sens pour l’amateur recherchant une sportive confortable et polyvalente à l’image valorisante. L’italienne y a, encore aujourd’hui, une carte à jouer, face à d’autres GT devenues plus accessibles au gré de leur dépréciation, et un trio de compactes allemandes certes compétent, mais moins prestigieux. Cette Maserati offre un cocktail rare liant une touche de personnalité transalpine à des aspects pratiques qui ne la disqualifieraient pas pour une utilisation quotidienne.

Renseignement pris auprès de plusieurs spécialistes du réseau, la GranSport est un modèle abouti qui ne souffre pas de défaut intrinsèque, les problèmes de conception et d’industrialisation ayant été corrigés grâce aux Maserati Coupé et Spyder qui l’ont précédée. Il convient donc d’inventorier la mauvaise réputation de la lignée, la GranSport est considérée comme fiable. Ces considérations objectives mises de côté, le reste de la démarche est avant tout une affaire de cœur. Le mien a désormais pour elle une certaine sympathie.

Face à la concurrence

Maserati GranSport BMW M3 Coupé Porsche 996 Turbo
Moteur V8 – 4244 cm3 V8 – 3999 cm3 B6 – 3596 cm3 biturbo
Transmission Propulsion Propulsion Intégrale
Boite de vitesse 6, robotisée 6, manuelle* 6, manuelle
RPP (kg/ch) 4.18 3.94 3.56
Poids à vide (constr.) 1672 (1580) (1655) 1603 (1590)
Puissance (ch/régime) 400 / 7000 420 / 8300 450 / 5700***
Couple (Nm/régime) 451 / 4500 400  / 3900 620 / 3500***
0-100 km/h 4.8s 4.8s 4.2s
Vitesse max. 290 km/h 250 km/h 307 km/h
Conso. mixte (constr.) 20.4 (18.9) (12.4) 14.96
Longueur 4520 4615 4435
Largeur 1820 1817 1830
Hauteur 1300 1418 1295
Pneumatiques AV 235/35 ZR 19 245/40 ZR18 225/40 ZR18
Pneumatiques AR 260/30 ZR 19 265/40 ZR 18 295/30 ZR18
Prix de base (CHF) 154’700** 105’400 192’600**
Prix de base (EUR) 107’500** 74’950 131’060**

* boîte M-DCT en option ** prix à neuf

Cette Maserati GranSport fait partie du parc de Carz, aux côtés d’autres GT mises à la disposition de ses membres. Une nouvelle manière de rouler en sportive de prestige, les soucis du propriétaire en moins.

Liens

Le sujet du forum – les articles Maserati – la liste des essais – à lire également:

        

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