Politique Suisse: 4×4 et sportives en péril
M. Andreas Burgener, Directeur d’Auto Suisse | Pascale Sarrasin Bruchez, Présidente des Jeunes Verts Valaisans | Julien Cart, Co-Président, Jeunes Verts Genève |
Asphalte.ch: L’interdiction des voitures dépassant 250g/km de CO2 ou 2.2 tonnes aura-t-elle un impact sur l’attractivité de la Suisse en tant que destination de tourisme ? Des conséquences sur l’emploi sont-elles à attendre, dans la branche automobile par exemple ? | ||
Non, car les conducteurs de SUV en provenance de l’étranger vont pouvoir continuer à utiliser leurs véhicules pour entrer en Suisse. Des restrictions correspondantes pour les propriétaires étrangers de SUV ne sont pas réalisables et encore moins contrôlables. | Selon des études menées récemment par la branche touristique, les touristes viennent surtout en Suisse pour nos beaux paysages et un air qui passe pour être pur. Montrer une volonté de préserver ces atouts passera à l’étranger pour une mesure positive et pourrait effectivement avoir des effets très bénéfiques sur le tourisme. De plus, étant donné le trend actuel et la demande en matière de modèles de voitures, l’initiative pourrait avoir des retombées positives au niveau de l’emploi dans la branche automobile, dans le sens où elle stimulerait la créativité dans le domaine des petites cylindrées, en constante progression en terme de vente actuellement. | Les véhicules immatriculés en dehors de Suisse ne sont pas concernés par cette interdiction. Dès lors, il n’y aura pas d’impact sur le tourisme. L’attractivité de la Suisse sera valorisée par le fait que ses rues seront plus sures et agréables. La branche de l’automobile ne sera pas touchée, car la plupart des gens, en renonçant à leur grosse voiture, feront l’acquisition d’une voiture normale. Dans le futur proche, le secteur des voitures haut de gamme “écolo” (type hybride) sera très intéressant et tout aussi profitable pour les concessionnaires que le secteur des SUV aujourd’hui. C’est l’ouverture d’un nouveau segment du marché qu’il serait bête de retarder! |
Asphalte.ch: Selon le TCS, les piétons représentent 5.4% des tués de la circulation routière. L’interdiction des véhicules à partie frontale dangereuse adresse t’elle une priorité en termes de sécurité routière ? | ||
Non, une éventuelle interdiction des véhicules offroad n’aurait aucun impact sur la sécurité routière, car tous les véhicules immatriculés en Suisse doivent déjà remplir des normes spéciales de protection des piétons de l’UE. | Toute mesure visant à limiter la mortalité liée au trafic routier est soutenue par les Jeunes Verts. En effet, lorsque l’on sait que 371 personnes ont été tuées et 5075 gravement blessées lors d’accidents de la route en 2006, il est indispensable d’encourager chaque mesure visant à réduire ces chiffres terribles. Il a été montré que le danger est particulièrement grand pour les piétons, lors d’accidents avec des véhicules à partie frontale dangereuse : fractures plus graves, dégâts cérébraux irréversibles, augmentation des risques de mortalité. Les Jeunes Verts ne sont pas d’accord de laisser les piétons et autres personnes se déplaçant prendre des risques inutiles pour le confort de personnes égoïstes, ne pensant ni au bien-être des autres ni à celui de l’environnement et roulant en ville avec des véhicules totalement inadaptés à ce contexte. | Bien sur ! Si la plupart des tués de la route le sont de leur propre comportement automobile, alors les piétons le sont généralement par des tiers. Il faut donc les protéger particulièrement. En outre, les SUV occasionnent un risque de blessure grave de 30% plus élevé que les véhicules normaux. |
Asphalte.ch: L’initiative pour des véhicules respectueux des personnes et de l’environnement n’est pas dans la liste des objets soutenus par le Parti Ecologiste Suisse. Comment faut-il l’interpréter ? | ||
Nous ne pouvons pas répondre à cette question, vous devez la poser aux instances compétentes. | Vous ne devez pas être bien renseignés. En effet, en date du 31 juillet 2008, cette initiative figurait dans la liste des objets soutenus par le Parti Ecologiste Suisse. Si vous vous rendez régulièrement sur leursite internet, vos informations pourront être plus justes à l’avenir. | L’assemblée des délégués des Verts suisses a voté à l’unanimité le soutien à l’initiative des jeunes verts depuis plusieurs mois déjà. Il n’y a aucune équivoque sur le sujet. |
Asphalte.ch: Selon l’OFEV, les voitures particulières représentent 72% des émissions de CO2 liées au trafic. Selon les Jeunes Vert-e-s, les modèles touchés par l’initiative ne représentent que 13% des ventes de voitures en Suisse. Les émissions de CO2 des ménages (12 mio de tonnes par an) sont voisines de celles de l’entier du trafic routier, fluvial et ferroviaire (15.4 mio de tonnes par an). L’initiative adresse t’elle une priorité dans la réduction des émissions de CO2 ? | ||
Cette initiative est aussi complètement superflue parce que ses répercussions sur les émissions de CO2 seraient insuffisantes. | Les Jeunes Verts soutiennent toutes les mesures permettant de réduire les émissions de CO2, que celles-ci soient liées au trafic, aux ménages ou à l’industrie. Ne pouvant pas lancer des initiatives sur tous les sujets étant donné l’infrastructure qu’une telle volonté nécessiterait, nous avons choisi de nous concentrer sur certains modèles de voitures, pour des raisons évidentes et logiques : se déplacer intelligemment, dans le sens du respect des autres personnes et des ressources à disposition nous semble une priorité et puisque le monde automobile ne l’a pas perçu de lui-même, lancer cette initiative a été nécessaire. Nous regrettons le manque de vision à long terme des constructeurs automobiles et nous nous réjouissons de voir que les ventes de grosses cylindrées diminuent, étant donné le prix actuel de l’essence et la réflexion que cela a mené chez les consommateurs. | Est-ce que vous suggérez que nous aurions dû lancer une initiative pour interdire tous les véhicules en Suisse ? Plus sérieusement, notre initiative est certes modeste – car elle ne s’attaque qu’à une seule partie des émissions de CO2 – mais elle contribue avec d’autres mesures à permettre à la Suisse de tenir ses propres engagements vis-à-vis de Kyoto. Faites le calcul […]: ces 13% des véhicules ont des émissions qui en moyenne sont 2 fois supérieures à la moyenne des autres, ils représentent donc 19% des émissions de CO2 du trafic automobile. En divisant par deux les émissions des plus polluants, on réduit donc de 10% les émissions automobiles, ou 4% du total suisse, ce qui suffit à combler notre retard sur Kyoto. D’un point de vue pédagogique, l’initiative fait donc entendre à ceux qui ne le comprennent pas encore que, vu la crise climatique et pétrolière, on ne peut plus se permettre de polluer et gaspiller du pétrole pour des futilités, comme le fait de rouler en SUV dans les villes suisses. |
M. Cart, co-président des Jeunes Verts de Genève, conclut: “Ceci dit, rappelons que le but de l’initiative est, comme son nom l’indique, de rendre les véhicules plus respectueux des personnes, en pensant également aux générations futures. C’est vrai au niveau climatique, mais aussi au niveau de la convivialité urbaine et de la qualité de l’air que nous respirons, et ce sont bien ces trois buts qui sont visés par l’initiative des Jeunes Vert-e-s. Pour conclure, ajoutons que l’initiative n’est pas “liberticide”, comme on l’entend trop souvent. Elle propose au peuple suisse d’arbitrer entre deux libertés: d’une part celle de rouler dans une grosse bagnole, et d’autre part celle de bénéficier d’un environnement sain et de rues conviviales et ainsi de léguer une planète pas trop ravagée à ses enfants. Chacun jugera ce qui est plus fondamental.” |