Essai Audi RS6 Avant (C6)
Les accélérations sont très franches, entrecoupées uniquement par le bref « FRROOFF » des soupapes de décharges. Comme la courbe de couple le laisse supposer, les montées en régime sont très très linéaires, pas de place à un quelconque fléchissement, c’est peu démonstratif, ça n’est pas physique mais extrèmement efficace. Le peu de sensations sonores fournies rend le respect des limitations de vitesse en vigueur problématique, un coup de gaz, quelques secondes, un coup de palette de droite plus tard, et la zone du retrait de permis est atteinte, sans le moindre effort.
Le poids, mesuré par nos soins à 2150 kg tous pleins faits explique également le « filtrage » des sensations. Par contre, lorsque les virages s’enchainent, le chassis, la qualité de la direction le font oublier. Surprenant de voir l’agilité de cette grande voiture. L’entrée en courbe se passe très bien, la mise en appuis est favorisée par une prise de roulis minimale, dès la corde, la remise des gaz peut être franche dans toutes les conditions, même sur les rapports les plus courts. Une partie de notre galop d’essai s’est fait sous une fine pluie, et malgré la route humide, le grip est tout simplement phénoménal, il nécessite de réajuster mes repères, tellement la voiture autorise des vitesses de passage en courbe élevées. Les Pirelli y contribuent probablemement de manière significative. La voiture passe admirablement d’un virage à l’autre, elle a la faculté de faire oublier son poid en gommant tout signe d’inertie normalement perceptible sur une grande voiture. La confiance aidant, j’accélère de plus en plus tôt, de plus en plus franchement, mon cerveau me rappelant constament le chiffre 580, je reste stupéfait par les qualités de tenue de route de cette voiture. Tout ceci s’effectue en toute sérénité, avec une électronique en mode veille uniquement qui ne se manifestera qu’une seule fois pour modérer mes ardeurs par une intervention sur le couple moteur. Du coup, les sièges standards s’avèrent insuffisants pour maintenir les passagers en place.
Audi n’a manifestement pas raté sa cible avec cette RS6. Les qualités dynamiques de ce break de prêt de 5m de long sont tout bonnement stupéfiantes. Grace à une tenue de route phénoménale, bien des sportives auront de la peine à la suivre. Le moteur semble avoir été conçu pour ne pas dépasser les capacités des systèmes annexes, notamment la chaîne cinématique. Je peux imaginer un cahier des charges mentionnant “maximum 650 Nm”. Résultat: ce couple est disponible sur toute la plage utilisable. Il ne donne pas l’impression d’être au maximum de ce qu’il est possible de réaliser, et pourrait peut-être produire un peu plus de sensations.
La (mauvaise) surprise reste à venir. A la pompe, après une bonne centaine de kilomètres, certe en conduite dynamique, mais pour une partie seulement, le verdict s’avère difficile à avaler, voire même choquant : 28.9 l / 100 km ! Tout à coup, le charme, les qualités incontestables des choix techniques, et une réalisation sans reproche majeur passent au second plan. Je peux comprendre qu’un constructeur cherche par tous les moyens à battre sa concurrence, et dans ce cas, Audi le fait de belle manière, mais quelle logique pousse aujourd’hui un acheteur vers ce modèle ? J’ai beau checher, je ne vois aucun critère rationnel autre que la satisfaction de posséder le sommet de gamme Audi pour justifier un tel achat. Sur le chemin du retour, mes doutes sur l’avenir d’une telle voiture se font de plus plus grands. Ça n’enlève heureusement rien aux nombreuses qualités déjà évoquées, la meilleure probablement étant sa capacité à passer les (nombreux) chevaux sur la route, et à faire oublier le type de voiture dans lequel on se trouve. Mon expérience avec la Ferrari 599 GTB Fiorano, tout en étant remarquable, m’avait tout de même imposé un certain respect. Cette Audi ne pose pas de problème supplémentaire par rapport à un modèle affichant 300 chevaux de moins, c’est un succès en soi.