Nous essayons la Jaguar XRK mk2.
Fondée en 1922 par William Lyons à Blackpool, au bord de la mer d’Irlande dans le Lancashire anglais, Jaguar prend de l’ampleur dès la fin de la deuxième guerre mondiale. Sa réputation de constructeur de prestige date des années cinquante avec le modèle XK120, mais aussi grâce à la compétition, avec notamment une première victoire aux 24 heures du Mans 1951 suivie de plusieurs autres les années suivantes. Depuis cette époque Jaguar a toujours proposé des berlines et des coupés. Certains ont leur place dans toute école de design automobile, comme la type E par exemple. Reprise dans le giron de Ford en 1989, la marque semblait en mesure de bâtir un futur intéressant. Malheureusement quelques errements de stratégie (X-type entre autres) ont presque réussi à tuer le mythe. Finalement, dans les années 2000 Jaguar semble à nouveau renouer avec son passé glorieux, grâce entre autre à un peu plus d’audace dans le design.
Ce petit rappel historique me paraissait nécessaire pour exprimer ma curiosité lors de la prise en main de notre voiture de test. Un certain respect pour l’Histoire de l’automobile m’envahit. La réception de cette voiture dans une atmosphère professionnelle mais très chaleureuse contribue à rendre ce moment un peu spécial. Cette XKR de dernière génération a incontestablement de la présence. Le dessin est l’oeuvre de l’écossais Ian Callum qui n’en est pas à son coup d’essai : l’Aston Martin DB7 et la Vanquish, c’est lui. L’actuelle série XK et la nouvelle XF ont manifestement propulsé Jaguar dans le vingt-et-unième siècle, les designs précédents étaient plutôt tournés vers le passé. Ce coupé présente une indéniable similitude avec l’Aston Martin DB9. A mes yeux, il est plus abouti ; le traitement des ailes arrière, notamment, me parait mieux réussi. Des porte-à-faux courts, des ailes bien rebondies remplies par de grosses roues et un capot sculpté donnent un look assez agressif. Elle n’en demeure pas moins immédiatement identifiable comme une Jaguar, la forme ovale de la grille avant rappelle sa devancière. Le modèle sportif « R » se distingue par un avant avec une prise d’air supplémentaire et des grilles à maillage en losange.
L’installation à bord donne immédiatement le ton, le siège privilégie le confort au maintien en virage. Les multiples réglages tout électriques, avec possibilité de gonflage des coussins latéraux permettent d’obtenir une position de conduite adéquate. Le reste est à l’avenant, cossu mais chaleureux. Il n’a pas la froideur de certaines concurrentes germaniques, mais il ne surpasse pas une Maserati GranTurismo à mes yeux, un peu plus sophistiquée dans le design des différents éléments du tableau de bord. Dans cette couleur claire avec inserts en bois, aucun doute sur la catégorie de la voiture. Notre modèle d’essai est équipé de tous les gadgets et aides à la conduite actuels. En vrac : le keyless entry, radar de distance, et autres automatismes d’enclenchement des phares, essuie glaces, etc. Au delà d’un certain angle de braquage des feux latéraux s’allument pour éclairer l’intérieur des virages, en fin d’essai il m’arrivait encore d’être surpris par cette implémentation un peu surprenante.
Dans une anglaise, les aspects rétro ne sont jamais bien loin, pour preuve l’antenne radio électrique sur l’aile arrière, non seulement totalement dépassée mais également à la peine pour assurer une réception correcte dès le moindre obstacle. Le tableau de bord est dominé par un écran LCD tactile d’utilisation facile, il donne accès aux différentes fonctions annexes, telles que le système de navigation, le téléphone ou le système audio. Par contre les indications vitales sur le fonctionnement du moteur sont aux abonnés absents, pas de thermomètre d’eau, d’huile, pas de manomètre de pression d’huile. Ce grand coupé n’offre pas vraiment de place à l’arrière pour autre chose que votre veste, leur accès est d’ailleurs encombré par la ceinture de sécurité qui passe par une boucle au sommet du siège avant. Le coffre arrière offre tout de même une bonne capacité de chargement.
De dimensions généreuses, avec 4.8m de long et 1.9m de large, ce coupé à carrosserie tout aluminium pèse 1665 kg à vide, ce qui peut être qualifié de raisonnable, ses concurrentes germaniques affichant environ 100 kg de plus. Le moteur V8 de 4.2L est suralimenté par un compresseur. Il affiche 420 ch à 6250 t/min et un couple important de 560 Nm à 4000 t/min. Tout ceci devrait nous valoir de belles performances, c’est ce que nous allons découvrir avec cette belle XKR bleu nuit.
Notre parcours d’essai commence par de l’autoroute. C’est l’occasion de tester l’efficacité du régulateur de vitesse assisté par radar. Le système fonctionne parfaitement, il maintient en toutes circonstances un écart d’ailleurs paramétrable avec le véhicule qui précède, au prix parfois de freinages bien appuyés. Par contre, cette distance de sécurité est telle qu’elle s’en trouve peu adaptée aux habitudes des usagers des autoroutes helvétiques : dans une forte circulation où ce système pourrait être particulièrement utile, il est plutôt frustrant car il incite les automobilistes a remplir cet espace, ce qui provoque un nouveau ralentissement. Le confort de roulage est bien présent, les bruits aérodynamiques pratiquement inexistants. Les relances sont très énergiques, ce compresseur présente l’avantage sur un turbo de n’avoir aucun délai à la remise des gaz. Dans ces circonstances la boite automatique fait merveille, elle agit avec douceur et rapidité pour procurer des accélérations fulgurantes. Cette Jaguar a indéniablement de quoi « causer » à bien des sportives.
L’autoroute derrière nous, il est temps de basculer le levier de sélection de boite sur la gauche du « J », ce qui sélectionne le mode « sport » à commande séquentielle par des palettes bien disposées derrière le volant. Elles permettent de rester en grande partie maître de la situation. En effet, dans ce mode la boite reste aux ordres du pilote en toutes circonstances, sauf à l’approche du régime maxi où le rapport supérieur est automatiquement sélectionné. Les ingénieurs de Jaguar ont délivré une très bonne copie en ce qui concerne la commande de cette boite automatique. Pour autant que les appels sur les palettes restent dans la logique des circonstances, elle est très réactive, les changements de rapports se font sans délai, avec un bon coup de gaz à la descente des rapports. Un « double-click » étant même possible lors des forts ralentissements pour passer de 4 en 2 par exemple, en un éclair.
Comme vu plus haut, le moteur respire bien, les accélérations sont très franches, mais malheureusement accompagnées à l’intérieur du bruit du compresseur très présent, ressemblant plus à une complainte « ne m’abuse pas » qu’à une incitation à le cravacher. Heureusement de l’extérieur celui-ci est complètement masqué par un échappement bien sonore. Malgré le système de suspension active CATS (Computer Active Technology Suspension), le tangage et le roulis sont notables, le confort ne s’obtient malheureusement pas sans compromis pour le comportement en virages. Première conséquence, il faut doser son ralentissement de manière à ne pas trop « rentrer » sur les freins, sinon l’arrière va décrocher sous l’effet du transfert de masse vers l’avant. Cette XKR n’est pas une adepte du freinage jusqu’au point de corde. Lors de la remise des gaz, la voiture se cale sur la roue arrière extérieure et permet une sortie dans de meilleures conditions, ceci d’autant plus que le contrôle de stabilité DSC est très finement calibré. Il va doser le couple avec subtilité avec comme seule conséquence visible sur route sèche que l’indication de son fonctionnement au tableau de bord. En cas d’adhérence précaire, par contre, le couple important vient à bout du système et l’arrière va louvoyer. Clairement l’un des meilleurs dosages du marché, hors Ferrari 430/599, sur une autre planète dans ce domaine.
Les enchainements de virages ne sont pas non plus son terrain de prédilection, la direction un peu trop assistée à mon goût, et surtout un roulis important ne la rendent pas très incisive dans ces circonstances. Le comportement reste néanmoins neutre, le DSC restant toujours en veilleuse pour éviter le survirage en sortie sous l’effet du couple généreux. Vous l’aurez compris, les petites routes de campagne ne sont pas son terrain de prédilection. En ville elle va s’en sortir à son avantage, grâce au silence de fonctionnement et à la qualité de sa boite.
Grâce à un poids contenu, la consommation de carburant reste raisonnable pour cette catégorie de voiture avec 14.85 L/100Km. A souligner l’ordinateur de bord s’est montré assez précis en affichant une valeur légèrement inférieure à 14.5 L/100Km. Selon moi, la vraie concurrente de cette Jaguar XKR est la Maserati GranTurismo. Ces deux modèles offrent ce petit quelque chose en plus en prestige que les Mercedes ou BMW ne peuvent prétendre. Entre les deux le choix se fera principalement sur l’attache à la marque que sur des critères objectifs. La Maserati offre un agrément sonore un peu supérieur un intérieur de meilleure facture ainsi que des places arrière légèrement plus utilisables, mais elle aura de la peine à suivre cette XKR : le couple est largement supérieur, son confort et la sophistication de sa boite à vitesses ainsi que son train roulant au moins aussi bons. Un design de premier plan qui attire les regards, tout en assurant la pérennité de la marque en fait de cette Jaguar XKR une voiture incontournable avant le choix d’un coupé dans la tranche des CHF 150’000.
Détails pratiques
Une instrumentation réduite au strict minimum, aucun renseignement sur la température ou pression.
Un hayon d’une capacité de 300 litres, appréciable dans cette catégorie.
Centrale de commande à écran tactile
Un grand coupé 2+2 de 4m80, mais des places arrière inutisables, plus exigues que dans une Porsche 911 !
Face à la concurrence
Jaguar XKR | Maserati GranTurismo | Mercedes CLK 63 AMG | BMW M6 | |
Moteur | V8 4196 cm3 | V8 4244 cm3 | V8 6209 cm3 | V10 4999 cm3 |
Poids Kg (DIN, constructeur) | 1665 | 1880 | 2175 | 1785 |
Rapport poids puissance | 3.96 | 4.64 | 4.52 | 3.52 |
Puissance (ch / régime) | 420 / 6250 | 405 / 7100 | 481 / 6800 | 507 / 7750 |
Couple (Nm / régime) | 560 / 4000 | 460 / 4750 | 630 / 5000 | 520 / 6100 |
0-100 km/ h (constr.) | 5.2 s | 5.2 s | 4.6 s | 4.6 s |
Vitesse max (constr.) | 250 km/h | 285 km/h | 250 km/h | 250 Km/h |
Conso mesurée (constr.) | 14.85 (12.3) | (14.7) | (14.2) | (14.8) |
Pneumatiques avant | 245/40 R 19 | 245/40 R 19 | 225/40 R 18 | 255/40 R 19 |
Pneumatiques arrière | 275/35 R 19 | 285/40 R 19 | 255/35 R 18 | 285/35 R 19 |
Longueur | 4.791 m | 4.881 m | 4.643 m | 4.871 m |
Largeur | 1.892 m | 1.847 m | 1.740 m | 1.855 m |
Hauteur | 1.322 m | 1.353 m | 1.413 m | 1.372 m |
Prix (CHF) | 151’300 | 172’600 | 166’300 | 166’600 |
Prix (EUR) | 100’900 | 114’280 | 100’000 | 121’100 |
Prix et principales options
CHF | EUR | |
Jaguar XKR | 151’300 | 100’900 |
Peinture métallisée | 0 | 0 |
Phares auto directionnels | 900 | 630 |
Jantes 20” | 4’000 | 2’880 |
Freins Alcon “R” | 4’300 | 2’470 |
Contrôle de pressions des pneus | 770 | 570 |
Intérieur Luxury Sport | 5’640 | 3’850 |
Système de navigation | 0 | 0 |
Premium sound system | 2’000 | 1’350 |
Intérieur cuir Ivory | 1’690 | 1’090 |
Remerciements à Jaguar Suisse pour le prêt de cette XKR ainsi qu’aux collaborateurs de l’agence Emil Frey de Crissier pour l’excellent support lors de cet essai agrémenté d’une malencontreuse crevaison.
Galerie de photos
Liens
Le sujet du forum – les articles Jaguar – la liste des essais – à lire également: