Notre essai longue durée de la BMW 540i Touring E39.
Si BMW faisait du placement de produit dans Desperate Housewives, Bree Van de Kamp conduirait probablement un break série 5. Edie Britt promènerait ses appendices pulmonaires au volant d’une M3 cabrio blanche intérieur cannelle et Susan Mayer promènerait sa maladresse dans un X3, mais nous nous égarons. Que ce soit pour aller acheter des caisses d’hortensia au garden center, emmener un sac de golf au country club ou transporter un couple de Golden Retrievers chez le toiletteur, quoi de plus classe que l’esthétique statutaire d’un break bavarois. Cochez ensuite l’option V8, ça fait nettement plus chic. Transposition de Wysteria Lane au monde réel : substituez le country club par Ikea, le toiletteur par Lowe’s, les sacs de golfs pour des jerrycans de sauce tomate Costco et vous avez une description fidèle de la vocation de notre 540iAT. T pour touring, A pour automatique, le break 540i n’ayant été importé aux Etats-Unis qu’avec cette transmission.
Apparue en 1996, la série 5 type E39 fut la 4ème génération de série 5 chez BMW, après l’E12 de 1972, l’E28 de 1981 et l’E34 de 1988. Nous éviterons ici la rengaine de circonstance sur le Banglisme, googlez « BMW psychotropes infâme barbu » et vous aurez de la lecture pour quelques mois. La 540i est équipée d’un gros V8 de 4.4 litres, répondant à la dénomination poétique de M62TUB44, une légère évolution du M62B44 augmentant le couple de 20 Nm à un régime inférieur. Ce bloc tout aluminium n’a rien de révolutionnaire, mais utilise malgré tout 2×2 arbres à cames en tête, 4 soupapes par cylindre et une distribution variable. Il sera la base de développement pour le 5.0L équipant M5 E39 et Z8. On le retrouve également sur les 740i, X5 4.4i et sur le Range Rover 3ème génération, alors en main BMW avant le rachat par Ford. Loin d’être un foudre de guère, sa puissance spécifique n’est que de 64 ch/litre, proche d’un placide V8 américain, les ingénieurs ayant privilégié le couple à bas régime et la disponibilité.
Intérieur traditionnel des ‘anciennes’ BMW, avec l’inévitable fausse ronce de noyer et un cuir au grain assez grossier, loin de l’aspect soyeux des exécutions Nappa de la marque. Instrumentation assez basique mais précise, avec en bonus un ordinateur de bord ancienne mode et son défilement interminable de fonctions d’une improbable pertinence. Sièges électriques à mémoire, télécommande de porte de garage intégrée (mais à relativement faible portée), sièges chauffants pour les petits matins frais, phares automatiques, climatisation à deux zones, le minimum qu’on est en droit d’attendre pour une voiture de ce segment. Pas de système de navigation dans cet exemplaire. La finition de l’ensemble est correcte, évoquant plutôt la robustesse que le raffinement. Certains ajustements comme le plaquage en faux bois entourant le levier de vitesse sont indignes du segment ou témoins d’un vieillissement moins bien camouflé que celui des actrices citées en tête d’article. Reste qu’il y a pire endroit que cette 540i pour cruiser sur boulevards ou autoroutes, tant à l’avant qu’à l’arrière, où l’espace permet d’emmener deux adultes confortablement.
Pointant officiellement à 1840 kg (115kg de plus que la berline), la 540i tient plus d’une solide Gertrud de Biergarten que d’un top model brésilien anorexique. Les rétros à eux seuls valent le détour, avec leur aérodynamique de locomotive Rail 2000. Robustesse qui n’empêche pas certains bruits parasites sur les revêtements défoncés de Californie. Notre 540i souffre par ailleurs d’un bruit irritant provenant du montant central de l’habitacle. Boîte de Wurst-Kartoffeln oubliée au montage à l’usine ? D’autres propriétaires de 540i E39 reportent un bruit similaire. La prochaine visite en concession permettra peut-être d’en déceler l’origine.
Pointant officiellement à 1840 kg (115kg de plus que la berline), la 540i tient plus d’une solide Gertrud de Biergarten que d’un top model brésilien anorexique. Les rétros à eux seuls valent le détour, avec leur aérodynamique de locomotive Rail 2000. Robustesse qui n’empêche pas certains bruits parasites sur les revêtements défoncés de Californie. Notre 540i souffre par ailleurs d’un bruit irritant provenant du montant central de l’habitacle. Boîte de Wurst-Kartoffeln oubliée au montage à l’usine ? D’autres propriétaires de 540i E39 reportent un bruit similaire. La prochaine visite en concession permettra peut-être d’en déceler l’origine.
La capacité de chargement est impressionnante : une table de jardin de 112cm de diamètre ? Une rigolade. Un plateau de bureau ou un sofa Ikea ? Idem. Il suffit de se démonter le dos pour retirer le lourd rouleau de couverture de la malle arrière, rabattre les dossiers 1/3 2/3 de la banquette arrière et un espace de chargement rigoureusement plat vous tend les bras, de quoi rendre fébrile votre Mastercard. La capacité de chargement est annoncée à 1525 litres, invérifiable mais conséquent. Le break 540i est équipé d’origine avec une suspension arrière pneumatique et d’un correcteur d’assiette automatique.
La boîte de vitesse automatique ZF à 5 rapports a deux générations de retard sur les dernières merveilles à 7 voire 8 vitesses de Mercedes et Lexus. Elle couple cependant la gestion de la boîte à la gestion du moteur, permettant des changements de rapports décisifs. On entend le V8 interrompre brièvement son murmure, alors que l’aiguille du compte-tours tombe rapidement vers son régime de destination. En mode normal, le kickdown à la gâchette plus facile que l’Inspecteur Harry dans ses moments de gloire, permettant de bonnes reprises dans le trafic mais utilisant peu les réserves de couples du gros V8. Efficace mais frustrant car on aimerait parfois sentir le V8 tracter dès les plus bas régimes et déployer ses 440 Nm de couple. Ce côté très proactif assimilé, la boîte auto se tire pas mal de sa tache, sauf dans les relances en première au pas où il est difficile d’éviter un léger à-coup.
Une pichenette du levier sur la gauche permet de passer en mode Sport, changeant les lois de passage des rapports pour les passer à plus haut régime et ne pas (toujours) passer le rapport le plus élevé au lever de pied. Des impulsions vers l’avant ou l’arrière permettent de rétrograder ou monter les rapports sur demande. Faute d’un dispositif égalisant le régime moteur, les rétrogradages sont quasiment inutilisables en conduite sportive car trop brutaux. En 2002, BMW a inversé le sens de la commande Steptronic pour l’aligner sur la SMG2 de la M3 E46: le rétrogradage se fait en poussant le levier, la montée des rapports en le tirant, soit l’inverse d’une Smart City Coupé. Dans le mode Steptronic, la boîte autorise un démarrage en 3ème – elle ne rétrograde pas plus bas d’elle-même – l’optimum entre douceur et efficacité étant de sélectionner la deuxième.
Cet ensemble moteur-boîte propulse la 540i à des allures comiques pour un break BCBG, tant en accélération qu’en reprises, le tout avec une facilité déconcertante. Une simple élongation de la cheville extrait l’auto du trafic, un élément de sécurité active appréciable dans des conditions de trafic parfois chaotiques. Une motorisation homogène en regard de la vocation de la voiture, dépassant largement tout besoin raisonnable en utilisation courante, pas sportive mais ludique, un peu à l’image d’une bourgeoise vaguement délurée, sans pour autant tomber dans le vulgaire. Bousculez un peu plus la dame et le charme retombe.
Les adeptes de burnout seront naturellement déçus, le cocktail est insuffisant pour mettre à mal la motricité sur le sec en ligne droite, mais en virage serré, l’absence de différentiel autobloquant finit par être trahie par un patinage de la roue intérieure et une intervention empressée du contrôle de stabilité DSC (déclenchable). Lerapport poids/puissance de 6.52 kg/ch est au niveau d’une Ford Focus ST.
Il faut avoir le pied léger pour empêcher l’économètre de rester collé au plafond. La consommation, mesurée à 13.02 L/100km de moyenne sur 10000 kilomètres de trajets principalement péri-urbains, est conséquente. Sur long trajet autoroutier, le minima enregistré sur un plein fut de 11.5 L/100km. Pas gargantuesque pour un V8 de 4.4L traînant près de 2 tonnes, passagers compris, mais on ne peut pas vraiment parler de sobriété non plus. L’ordinateur de bord est, comme souvent, optimiste, indiquant obstinément 12.2 L/100km. L’autonomie dépasse facilement les 500 km grâce au réservoir de 80 litres.
La direction, c’est d’abord un volant Motorsport à la jante charnue, comme BMW les affectionne. Elle est peu directe et présente un point mort central trop prononcé qui force à de nombreuses corrections sur autoroute. L’entrée en virage donne une impression de flou, mais une fois ce point mort passé, la grosse péniche s’avère étonnamment à l’aise en appui, prenant peu de roulis, bien campée sur ses Continental de 235/40/17. L’ensemble reste assez plaisant en conduite rapide sur route sinueuse, certainement bien au-delà des capacités de résistance de toute cargaison, qu’elle soit humaine sur les sièges ou matérielle d’un extrême à l’autre du coffre. A l’approche des limites d’adhérence des Conti, la 540 finit par sous-virer de manière sécurisante. La boîte auto gâche forcément un peu le plaisir, mais l’efficacité est réelle. N’espérez cependant pas suivre une Audi RS4 ou une Mitsubishi Lancer Evolution dans leur habitat naturel, mais ça serait beaucoup demander à ce gros break.
Mention honorable pour cette BMW 540i Touring, offrant des prestations homogènes entre confort, capacité de chargement et performance, avec la distinction d’une ligne classique. Reste à voir si l’ensemble vieillit harmonieusement et ne se révèle pas ruineux à l’entretien. Il serait dommage que les Golden Retrievers ou l’abonnement au Country Club doivent faire les frais du train de vie de la grande bavaroise
Défauts constatés
Le ventilateur électrique fait un bruit d’ULM lorsque qu’il se met en marche, ce qui s’avère malheureusement fréquent, avec un thermostat sourcilleux. Irritant, le bruit est tel qu’à basse vitesse, il couvre le murmure du V8, même vitres fermées.
Une fois sur vingt, la voiture ne démarre pas au premier tour de clé, comme si le démarreur était grippé : schklonk puis rien, il faut s’y reprendre à deux fois. Pas un problème isolé selon les forums spécialisés, d’autres rapportent exactement le même type d’occurrence. Le genre d’aléa qui sent la panne terminale un jour ou l’autre, mais reste trop difficile à reproduire pour forcer une prise sous garantie, à moins d’un providentiel bulletin de service de la marque.
Le changeur CD logé dans l’aile arrière gauche a beaucoup de peine sur revêtement dégradé, du moins avec des CD-R musicaux gravés sur ordinateur. Pas de lecteur CD dans le tableau de bord, la trappe en (fausse) ronce de noyer cache un antédiluvien lecteur de cassettes !
La lecture des forums spécialisés est, comme souvent, éducative. La série 5 E39 ne semble pas exempte de problèmes, mais ceux-ci semblent concerner principalement les premières années de production. Tout le circuit de refroidissement (radiateur, durites, pompe à eau) semble être fragile et finit par poser problème d’une manière ou une autre vers 100’000 km. Pour un litanie de tous les problèmes fréquents ou connus sur la 540i, consultez ce site.
Trop tôt pour parler de coûts d’entretien, l’affichage à LED nous laisse encore quelques bâtonnets de répit avant la première visite à un concessionnaire : l’intervalle entre vidanges est variable et calculé en fonction de l’utilisation de la voiture. En extrapolant sur les 10’000 premiers kilomètres, nous pouvons espérer un service tous les 20’000 km. La consommation d’huile est quasi nulle (0.5L jusqu’ici). A voir la rapidité avec laquelle les jantes se salissent, les freins souffrent passablement de la hardiesse du V8, du poids et de l’absence relative de frein moteur.
Face à la concurrence
BMW 530iT | BMW 540iAT | Audi S6 Avant | Mercedes E55 AMG | |
Moteur | 6L – 2979 cm3 | V8 – 4398 cm3 | V8 – 4172 cm3 | V8 – 5439 |
Puissance [ch] | 231 / 5900 | 282 / 5400 | 340 / 7000 | 354 / 5550 |
Couple [Nm] | 289 / 3500 | 440 / 3600 | 420 / 3400 | 530 / 3150 |
Poids | 1720 kg* | 1840 kg* | 1815 kg** | 1810 |
RPP | 7.42 kg/ch* | 6.52 kg/ch* | 5.34 kg/ch** | 5.11 kg/ch* |
Vitesse maxi | 241 km/h | 250 km/h | 250 km/h | 260 km/h |
Pneus | 225/55/16 | 235/40/17 | 255/40/17 | 245/40/18 275/35/18 |
Longueur | 4805 | 4805 | 4912 | 4810 |
Largeur | 1800 | 1800 | 1933 | 1799 |
Hauteur | 1440 | 1440 | 1448 | 1445 |
Coffre | 410 / 1525 | 410 / 1525 | N.C. | N.C. |
Prix de base (2003) | 66700 CHF | 87900 CHF | 108000 CHF | 146373 CHF |
* CE avec plein d’essence et une personne ** à vide
Achetée fin juillet 2006 avec 58’000km pour 33’000$ (environ 40’000 CHF selon le taux de change), cet exemplaire est au bénéfice d’une garantie BMW « Certified Pre-Owned » courant jusqu’en Mai 2008, gage de confiance. Selon Comparis, un break 540iAT d’Avril 2003 avec 60’000km vaut 43550 CHF (cote Février 2007). Du fait d’une production confidentielle (BMW n’a produit que 3306 540i en 2003), le marché de l’occasion suisse offre relativement peu de choix, avec des voitures qui ont souvent parcouru 25000 km/an ou plus.
Alternatives
– Audi S6 Avant, avec un le V8 4.2 Audi moins coupleux mais puis puissant et l’avantage relatif d’une transmission intégrale. La différence de prix a cependant de quoi faire réfléchir.
– BMW 530i Touring E39 avec le 6 cylindres en ligne de 231ch, plus économique à l’achat (un peu) et à l’usage (beaucoup), mais le 3 litres essence sera probablement loin d’offrir l’agrément du V8 du fait du déficit de couple.
– chez Mercedes, la perspective d’un break E55 AMG W210 pourrait tenter les furieux, d’autant plus qu’une dépréciation dantesque peut rendre le prix d’occasion presque attractif.
Liens
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