Pavé dans la marre des berlines sportives: Audi lance la nouvelle RS4 avec un V8 atmosphérique.
Fermez les yeux, imaginez. Vous êtes dans votre RS4, quelque part sur une bretelle d’autoroute en Allemagne, sur un circuit, peu importe. Sur un filet de gaz, le V8 ronronne dans un staccato rondelet à 2500 tours. Le compteur indique 50 km/h, la température d’huile 97 degrés. Vous regardez derrière, puis devant, surtout devant, et vous écrasez votre pied droit au plancher. Moins de 10 secondes plus tard, dans un hurlement hallucinant, vous allez passer la quatrième au moment précis ou l’aiguille du compte tours parvient au chiffre 8. Ce que vous n’aurez peut-être pas le temps de remarquer, c’est que l’aiguille du compteur a passé les 160 km/h.
S’il fallait résumer l’Audi RS4 B7 en un paragraphe, ce serait ça. Une allonge incroyable sur ce troisième rapport d’anthologie, des montées en régime qui n’en finissent plus, avec la sonorité caractéristique d’un V8 américain à vilebrequin à plans croisés, mais des régimes de rotation de V8 italien. La pureté d’un moteur atmosphérique, une bacchanale qui n’a pour terme que le rupteur ou un freinage appuyé pour négocier ce virage qui se dessine si vite devant la proue.
Flash-back. Ouverture de la portière, un intérieur qui vous plonge dans un univers situé entre les abnominaux ciselés de Batman et les cauchemars de Giger. Difficile de parler encore de sièges, Audi a sculpté de sublimes baquets qui sont aussi beaux à regarder que remarquables de confort et de maintien. Les renforts d’assise et de dossier sont réglables électriquement en largeur avec des commutateurs séparés. Ma carrure famélique est très bien maintenue, même au réglage le plus large; les baraqués ou rembourrés pourraient se sentir à l’étroit.
Le reste de l’intérieur est à l’avenant, avec des plaquages en carbone de très bon goût. Tout est chic, classieux, délicat au toucher, bien fini. Si vous cherchez l’extravagance de style, adressez-vous à la filiale d’Audi spécialisée dans l’élevage de taureaux.
Devant vous, l’affichage multifonction vous accueille avec le logo RS4, le volant cuir et aluminium s’offre à vos mains, réglage de la position de conduite (parfaite) réglage des rétros, tour de clé et … rien. Une victime de plus de la mode des boutons de démarrage qu’il faut ici aller chercher sur la console centrale. Pression et vrouf, le 4.2L s’ébroue dans un bruit réjouissant.
Une mécanique de cette trempe se respecte et se soigne : limitation de régime à froid et affichage digital de la température d’huile vous aideront à patienter pendant les préliminaires. La voiture étonne par sa très grande douceur. La direction est très légère à l’arrêt, la boîte douce, tout comme l’embrayage, mais celui-ci m’a demandé un petit temps d’adaptation. La suspension est ferme, mais pas sèche. Malgré une puissance spécifique de 100 chevaux au litre et les frimas de Nivôse, pas une once de mauvaise volonté.
Le volant multifonction permet de faire défiler les différentes fonctions de l’ordinateur de bord, dont un chronomètre qui affiche vos temps sur trois tours, sympathique sur circuit, et le bouton S qui resserre les rembourrages latéraux du siège, change la réponse de la pédale d’accélérateur et rend le son du V8 encore plus guttural.
A allure civilisée, l’agrément de conduite est excellent, le moteur souple accepte sans rechigner d’enrouler sous les 2000 tours en 5 ou 6ème, le gabarit compact permet une grande maniabilité, avec juste ce qu’il faut de présence acoustique du moteur. Placide, la RS4 se prête à la tâche avec bonne volonté, il n’est même pas trop difficile de respecter les limitations de vitesse.
Pression du pouce gauche sur le bouton S, l’indicateur correspondant apparaît en vert dans le combiné d’instruments, la note d’échappement devient un peu plus grave sans tomber dans la caricature, les réactions au pied droit se font plus franches, la route est déserte, les radars mobiles ailleurs dans le canton. La RS4 tracte honorablement pour une voiture de sa trempe jusqu’à 3000 tours, puis la poussée prend de l’ampleur, sans relâche, et quand la sonorité pousse à jeter un bref coup d’œil au compte-tours, on s’aperçoit qu’il y a encore 2000 tours de bonheur en réserve.
Les performances n’ont pas le côté sauvage d’une berlinette transalpine, il y a quand même plus de 1700 kilos à tirer, mais elles sont de tout premier ordre. Un tel niveau requiert une concentration et une attention de tous les instants, tant les vitesses atteintes sur les rectilignes sont politiquement incorrectes, voire abominables. Les vitesses de passage en virage ne sont pas en reste, le grip est considérable, la prise de roulis minimale pour une berline, et la voiture ne se désunit pas sur chaussée fortement déformée. Pas de plongée au freinage, pas de pompage intempestif sur des compressions. Bienfaits du DRC (Dynamic Ride Control, un limiteur de roulis agissant sur l’hydraulique des amortisseurs) ou simplement mise au point soignée ? J’ai cru apercevoir un bouton à 2 positions à gauche de la colonne de direction, mais avoue, avec regrets, ne pas avoir joué avec le schmilblick. Peu importe car le résultat est probant.
Transmission Quattro oblige, la motricité est irréprochable sur le sec et les Michelin Pilot Sport, dans leur monte de 235/35ZR19 en option, composent plutôt bien avec une température hivernale complètement inadéquate pour leur gomme. Poussés à leurs limites, la direction à assistance variable permet de sentir un sous-virage naissant si on ouvre trop en grand, mais l’arrière accepte de se placer légèrement au lever de pied. On reste à distance respectable de la mobilité d’une Evo, mais à ce niveau de puissance et vu la clientèle visée, c’est probablement préférable. Les dossiers de presse faisaient référence à une prépondérance de la répartition du couple sur le train arrière ; difficile à percevoir en réalité, mais la voiture reste intéressante et assez fine en appui, le châssis réagissant avec cohérence à la cavalerie déployée par le 4.2L FSI. Pendant que notre photographe, devenu un peu pâle, va respirer l’air frais en s’adonnant à son vice, la RS4 s’acquitte avec brio de passages répétés sur une grand épingle dont on sort à fond de 2. Freinage appuyé, talon pointe, prise d’appui, on ouvre tôt et on se fait catapulter hors du virage, juste à temps pour passer la troisième. Mention particulière à la boîte de vitesse, remarquable de discrétion et de compétence.
Article complaisant ? Pas trop le style de la maison. Si vous cherchez vraiment des défauts, l’Audi RS4 en a. Rien de rédhibitoire, mais qui aime bien châtie bien. Petite déception tout d’abord, ce sublime volant à la jante inférieure plate en aluminium est en fait un habillage en plastic peint. C’est beau, agréable au toucher, mais je m’attendais à du métal coulé. Vous vous consolerez avec la partie médiane du levier de vitesse en aluminium fraisé eloxé.
Corollaire à des régimes de rotation élevés, la RS4 tire court, 3950 t/min indiqués à 150 km/h, avec un impact direct sur la consommation et, dans une moindre mesure, le niveau sonore sur autoroute. Avec 63L dans le réservoir, n’espérez pas descendre voir les essais de F1 à Monza sur un plein. La pédale de frein a une course relativement longue, ce qui ne trouble pas les talons pointe, mais dérangera les amateurs de sportives pures et dures. Cependant, même Porsche s’est mis à faire des pédales spongieuses sur la Cayman, ça doit être à la mode.
Les sièges sublimes ont une commande d’inclinaison du dossier manuelle, une mesquinerie à 510 francs. Les places arrières sont chiches : si ma schizophrénie devait atteindre ce stade, mon mètre quatre-vingt serait à peine à l’aise derrière mon mètre quatre-vingt, sur une banquette à l’assise courte. L’instrumentation est belle, complète, mais la graduation n’est ni facile ni précise à la lecture.
Pour le reste, la RS4 vous enthousiasmera en toutes circonstances, que ce soit à enrouler les rapports dans la circulation ou à ouvrir en grand à 5000 tours au point de corde d’une épingle. Plaisir tactile, sonore, homogénéité, efficacité, performances, polyvalence, il est bien difficile de trouver concurrence crédible, en tous cas pour les 9 à 12 mois à venir, jusqu’à la répartie de la M3 E92 qui, coïncidence, sera motorisée par un V8 de puissance comparable. Ladies & gentlemen, à vos chéquiers.
Deuxième opinion: Jacques-Antoine Dayer, propriétaire de S4 (B6)
Après une première tentative mise en échec par le retour de l’hiver, mon tour est enfin venu de voir ce que la nouvelle RS4 a de plus que mon break S4 B6 d’avril 2004. Les différences principales entre ces deux modèles sont les suivantes : le moteur de la RS4 est une évolution du V8 de 4163 cm3 de la S4, il comprend le système d’injection FSI et une notable augmentation du régime maximum à 8250 tr/mn. Il en résulte une puissance max. de 420ch à 7800 tr/mn au lieu de 344 ch à 7000 tr/mn. Le couple est également amélioré passant de 410 Nm à 3500 tr/mn à 430 Nm à 5500 tr/mn. La RS4 dispose de plus de 90% du couple maximum dès 2250 tr/mn. Le chassis les freins et la transmission ont subi les changements adaptés à la vocation plus sportive de la RS4.
Je m’installe, le siège baquet est la première bonne surprise, je me sens immédiatement à l’aise, les différents réglages (manuels) me permettent de trouver rapidement une position confortable, ce qui est rare !!! Je n’ai pas une taille super-fine, mais ces profonds baquets ne me posent pas de problème, confort et maintient sont au rendez-vous. Je note toutefois l’absence du réglage de l’avant de l’assise, comme sur le Recaro standard de ma voiture. Contact, bouton de démarrage, vrooaaaaAAA, voila qui est plus rauque et plus volumineux que la S4, ça s’annonce bien…. Petit détail, la présence du bouton de démarrage implique l’absence du petit casier qui a les dimensions exactes pour recevoir mon téléphone mobile.
C’est parti !!! Embrayage, boite, c’est du connu, la direction par contre est nettement plus ferme, ma S4 est équipée de pneus neige en ce moment, ça explique une partie de la différence (225/45 17 comparé à 255/35 19). Le volant à jante plus épaisse est très agréable (en manœuvres, le plat inférieur demande un peu d’habitude). J’avale les premiers kilomètres à basse vitesse et bas régime, l’ordinateur de bord incite à ne pas dépasser les 7000 tr/mn, par respect pour cette voiture qui affiche moins de 1000 Km, je ne vérifie pas si le limiteur est aussi calé à ce régime. Jusqu’à 4000 tr/mn, je ne constate pas de différence particulière par rapport à la S4.
Le moteur a maintenant atteint une température correcte, il est temps d’aller explorer plus haut dans les tours. Au-dessus de 4000 tr/mn, il est clair que ça pousse fort, la conjonction de l’arrivée de couple et d’un vrombissement démoniaque fait que l’écart avec la S4 se creuse. Ce n’est pas énorme, mais perceptible. Deux mots sur la différence de sonorité, la RS4 est très impressionnante à l’intérieur comme à l’extérieur, un son caverneux très flatteur, la S4 parait bien “normale” en comparaison. En roulant, la deuxième caractéristique qui frappe, est le contrôle du roulis, le DRC (Dynamic Ride Control) est bluffant, cette voiture vire à plat, aussi bien qu’une Modena en mode normal. Ce faible roulis inspire confiance. L’amortissement par contre est très ferme, le super-chassis sport (option 2ME à CHF 950.-) en est certainement la cause, pour mon compte je choisirais de ne pas le prendre. La pédale de frein n’offre pas la perception d’une sportive pure et dure mais n’est pas une source d’inquiétude.
Pour être honnête j’avais une petite appréhension à reprendre ma voiture en fin de journée, on devient vite accro de la RS4. A ma grande surprise, pas de déception, j’ai retrouvé un amortissement plus confortable, un niveau sonore sur autoroute plus bas, des performances tout de même proches, par contre c’est clair que l’expérience de conduite n’est pas aussi flatteuse. LA grande différence entre ces deux berlines est que chaque kilomètre parcouru au volant de la RS4 est exaltant, les performances au-dessus de 4000 tr/mn, le bruit, le chassis, l’ambiance intérieure, tout concourt à exacerber les sensations de conduites. Reste la différence de prix, tout de même importante : CHF 25’000.- entre les deux pour la configuration correspondant à ma S4 actuelle. C’est beaucoup, mais la passion n’a pas de prix, c’est bien connu !
Caractéristiques techniques
Moteur | V8 4163 cm3 à injection directe FSI, 32 soupapes |
Puissance | 420ch à 7800 t/min |
Couple maxi | 430 Nm à 5500 t/min (plus de 387 Nm de 2250 à 7600 t/min) |
Vitesse de pointe | 250 km/h (limitée) |
Accélérations | 0-100 km/h en 4.8s |
Consommation mesurée/ affichée | 17.3 L/100km / 17.4 L/100km |
Consommation normalisée, cycle mixte | 13.4 L/100km |
Poids à vide CE | 1725 kg |
Pneus | 255/40/18, 255/35/19 en option |
Prix de base : 112380 CHF
Prix du véhicule testé : 122235 CHF avec les options suivantes: système navigation DVD (3720 CHF), jantes alu 19 pouces (2730 CHF), châssis super sport (950 CHF), préparation téléphone cellulaire (835 CHF), changeur CD (630 CHF), adaptive light (580 CHF), rétroviseur jour/nuit automatique (410 CHF)
Sincères remerciements à M. Varga et l’équipe du Garage Arenaz à Romanel s/Morges pour nous avoir confié leur RS4 Grise Daytona nacré fraîchement livrée. Photos Matteo Stucchi / Swisscarsightings pour Asphalte.ch.
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