Une définition de l’automobile en voie de disparition.
La présence visuelle est formidable, euphorisante. La laque Arancio Xanto à quatre couches resplendit sous le soleil de cette fin d’été, sublimant le style inimitable de Lamborghini. Quatre jours pour découvrir cette Huracan Evo, quatre jours pour se tatouer les mirettes et se vriller les tympans du timbre de son V10.
Première étape, fuir l’Emilie Romagne et ses routes étriquées pour les splendeurs de la Toscane. L’installation à bord n’est pas aussi terrifiante que dans une Aventador, mais reste supercar-esque: pare-brise avant en meurtrière, visibilité arrière nulle.
La position de conduite est trop haute également – ou le toit trop bas. Avec le siège réglé au plus bas, je ne glisse que deux petits doigts entre mon crâne et le ciel de toit en alcantara – le port d’un casque serait sans doute inconfortable.
Le bouton de démarrage logé sous un clapet rouge comme la gâchette d’un avion de chasse est un peu too much, mais que dire du son qui emplit la cabine dès que le V10 s’ébroue ? Purement addictif. Un concentré d’opiacée automobile. Sublimement distinctif, riche comme un grand vin toscan, texturé comme l’écorce d’un cyprès, il a tellement plus de charme que le ronronnement monocorde d’un V8 à vilebrequin plat.
Ces vocalises si caractéristiquement enrouées invitent des comportements coupables, comme de descendre plusieurs rapports dans chaque tunnel. Et dieu sait que la variante di Valico qui nous mène à Florence regorge d’opportunité de retomber dans l’adolescence.
Aussi addictive et ludique qu’ils fussent, les gargarismes du 5.2 FSI finissent par saouler sur long trajet autoroutier, et la fadeur du mode strada amène un calme bienvenu pour ne pas arriver à destination avec la tronche en choux-fleur. L’amortissement demeure ferme, mais le volume sonore est nettement moins envahissant.
Nous avons choisi un terrain familier: les routes du Chianti où nous avions essayé la Ferrari 458 Italia à sa sortie. Je pars à la re-découverte des boucles parcourues en 2010, toujours en mode Strada. Et le résultat est désarmant.
Le mutisme du V10, reposant tout à l’heure sur l’autostrada, n’est pas des plus engageants, mais c’est surtout le sous-virage tenace qui me dérange à chaque prise de virage. Le train avant est léthargique, sans doute très rassurant pour le novice, mais pas du tout à la hauteur de mes attentes.
Et c’est le moment où nous devons faire une parenthèse studieuse pour comprendre ce que nous avons entre les mains. La Huracan Evo étrenne un nouveau système appelé Lamborghini Dinamica Veicolo Integrata (LDVI) dont la fonction est de moduler les paramètres affectant les réactions de la voiture en temps réel.
LDVI utilise des informations provenant de capteurs inertiels pour piloter la suspension magnéto-rhéologique, mais aussi la répartition du couple entre les trains roulants par le biais du différentiel central piloté, ou encore les roues arrière directrices. LDVI vectorise également le couple, mais ceci est opéré par le biais des freins, pas par les différentiels avant ou arrière.
Sur les routes qui serpentent dans les collines du Chianti, ce sont donc les initiatives et réactions de LDVI qui vont influencer les réactions de la Huracan Evo. Le passage en mode Sport redonne de la voix au V10, et surtout du mordant au train avant. La différence à l’inscription en virage est saisissante, conférant à l’Evo l’agilité attendue d’une GT à moteur central arrière et centre de gravité bas.
La distribution du couple change complètement l’équilibre de la voiture. Le train arrière devient plus réactif aux mouvements du pied droit, adoptant un comportement très typé propulsion, mais avec une motricité sans faille. La gestion des roues directrices, et peut-être des freins pour vectoriser le couple, reste naturelle, sans maniérismes.
Avec l’augmentation du rythme, le V10 5.2 démontre des qualités extraordinaires. Souple, très coupleux pour une mécanique à admission naturelle, son allonge est incroyable. Tirer les intermédiaires jusqu’à 8’500 t/min est un hymne à la gloire du moteur à explosion, un crescendo aussi euphorisant que dangereux pour la préservation de son permis.
Tout y est: performance, charisme, sonorité modulée et distinctive, et la pureté d’une réponse cristalline à l’accélérateur sans la moindre concession ou perturbation parasite inhérente à la suralimentation.
Le V10 est bien servi par la boîte à double embrayage, docile en mode Strada, plus démonstrative en mode Sport, tant dans les verrouillages ferme à la montée des rapports que dans les jappements démonstratifs au rétrogradage.
Les freins carbone céramique sont puissants mais la réponse à la pédale est complètement inconsistante. La plupart du temps, la réponse est satisfaisante: attaque rassurante et freinage puissant. Mais d’un virage à l’autre, la réponse à la pédale peut soudainement devenir ultra-agressive, comme si l’assistance avait été soudainement multipliée.
Le phénomène est vraiment dérangeant car il rend la Huracan Evo imprévisible et aussi inconfortable pour le pilote que pour le passager. Un coup ça freine, un coup ça plante, aléatoirement.
Interrogés sur le sujet, les ingénieurs de Lamborghini prétendent que l’intervention de LDVI sur les freins pour vectoriser le couple peut “améliorer” la réponse à la pédale. Nous allons devoir en disconvenir. Ces variations de réponse à la pédale sont flagrantes et vraiment dérangeantes.
Un autre défaut de la Huracan Evo est l’absence de configuration individuelle. Strada, Sport, Corsa, et basta. Il n’y a pas de possibilité de configuration des paramètres de châssis, moteur ou échappement hors du cadre strict de ces trois modes, et des interventions du LDVI.
C’est un handicap notable car le mode Strada n’est pas satisfaisant en termes de comportement dynamique, le mode Corsa bien trop radicalement dur en suspension pour être utilisable sur route, et le mode Sport finit par rendre les vocalises du V10 fatigantes sur une grosse journée de conduite sportive.
L’impossibilité de pouvoir rouler en mode Sport avec une sonorité moins envahissante ou un amortissement un peu plus souple est un réel handicap et une lacune difficile à justifier.
La définition de la Huracan Evo est plus axée sur la balade très sportive que le Grand Tourisme. Le volume à disposition pour les bagages est à peine suffisant pour le strict nécessaire d’un court week-end, et je ne parle même pas du nécessaire à embarquer si le week-end inclut une escapade sur circuit. Le même défaut afflige la cousine Audi R8. Nous avons également été confrontés à plusieurs plantées du système de navigation, irrécupérables même après coupure du contact et redémarrage complet de la voiture.
Au rang des options essentielles, la caméra de recul (€ 1’600) et surtout le système de levée du nez (€ 3’000), essentiel pour franchir le moindre gendarme couché ou gravir une rampe quelconque.
La Huracan Evo est une GT super-sportive à la personnalité aussi magnétique que la beauté de sa robe. Une automobile de caractère, mais pas caractérielle, exception faite des réactions de son système de freins. Les montées en régime de son V10 à pleine charge la placent au pinacle d’une ère de l’Automobile Sportive qu’on sait vulnérable, ce qui les rend d’autant plus précieuses et addictives.
Exploiter les réserves de son 5.2L et son agilité démoniaque sur route sinueuse fournit des sensations d’une intensité rare que les amateurs d’automobiles devraient se donner la possibilité de goûter tant qu’elles sont accessibles. Une auto imparfaite mais inoubliablement et intemporellement attachante.
Prix et options (en € et hors TVA)
Lamborghini Huracan Evo | € 184’034 |
Couleur Arancio Xanto | € 12’500 |
Capot moteur vitré | € 4’500 |
Télémétrie & caméras | € 4’000 |
Système de levage | € 3’000 |
Carbon skin package | € 3’000 |
Système audio Sensonum | € 2’800 |
Interface smartphone | € 2’700 |
Diffuseur AR noir brillant Ad Personam | € 2’700 |
Sièges électriques | € 2’400 |
Sellerie EVO Trim Sportivo | € 2’000 |
Dark chrome package | € 2’000 |
Jantes Aesir 20″ | € 2’000 |
Caméra de recul | € 1’600 |
Style package | € 1’500 |
Etriers de freins noirs | € 1’150 |
Pack lumière ambiante | € 850 |
Rétroviseurs électro-chromique | € 800 |
Ecussons brodés | € 750 |
Coutures contrastantes | € 700 |
Radio DAB | € 600 |
Tapis de sol | € 500 |
Télécommande de garage | € 300 |
Coutures sur volant | € 200 |
Prix total | € 236’084 HT |
Caractéristiques techniques
Lamborghini Huracan Evo | Ferrari F8 Tributo | |
Moteur | V10 5204 cm3 | V8 biturbo 3902 cm3 |
Puissance (ch) | 640/8000 | 720/7000 |
Couple (Nm) | 600/6000 | 770/3250 |
Transmission | 4 RM | AR |
Boite à vitesses | LDF 7 | F1 7 |
RPP (kg/ch) | (2.22*) | (1.99) |
Poids DIN (constr.) | (1422*) | (1435) |
0-100 km/h (s) | 2.9 | 2.9 |
0-200 km/h (s) | 9.0 | 7.8 |
Vitesse max. (km/h) | 325 | 340 |
Conso. Mixte (constr.) | 18.8 (13.7) | (12.9) |
Emissions CO2 (g/km) | 332 | 292 |
Réservoir (l) | 83 | 78 |
Longueur (mm) | 4520 | 4611 |
Largeur (mm) | 1933 / 2236 | 1979 |
Hauteur (mm) | 1165 | 1206 |
Empattement (mm) | 2620 | 2650 |
Coffre (L) | 100 | 200 |
Pneumatiques | 245/30R20 305/30R20 |
245/35R20 305/30R20 |
Prix de base (CHF) | 222’019 | 264’280 |
Prix de base (EUR) | 220’841 | 232’694 |
*poids à sec
Nos remerciements à Lamborghini Spa pour la mise à disposition de cette Huracan Evo.
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