La Ferrari facile ?
Design, polyvalence, performance. Mais aussi une Ferrari plus accessible, moins intimidante que les berlinettes à moteur central pour une clientèle de néophytes qu’on dit attirés par la marque mais freinés par la perception d’autos trop radicales. C’est ainsi que la Portofino est positionnée en entrée de gamme.
L’empattement de 2670 mm reste rigoureusement identique à la California sortie en 2008, mais le dessin, débarrassé des particularités polarisantes du modèle précédent, semble faire l’unanimité autour de lui. Lisse et naturellement élégant, il semble convenir à merveille à ce que j’anticipe être une Ferrari plus sage.
Avant de m’installer à bord, le rituel de chargement de mes bagages me fait découvrir un coffre nettement plus petit que les 292 litres annoncés le promettent. Ma Samsonite de cabine trouve à peine place dans le gabarit qui délimite l’espace à disposition avec le toit ouvert. Sacoche d’ordinateur et sac photo sont relégués sur les strapontins arrière.
L’intérieur reprend des éléments familiers aux productions de Maranello de cette dernière décennie. Le concept d’instrumentation et de contrôle reste étroitement dérivé de la 458 Italia, les buses d’aération tubulaires nous ramènent à la F12 Berlinetta. La position de conduite me surprend favorablement, elle permet une assise basse face au volant et à la planche de bord: nécessaire pour faire corps avec l’auto mais pas forcément rassurante pour un conducteur moins aguerri.
Une pression sur le bouton rouge et le V8 biturbo explose bruyamment avant de se stabiliser sur un ralenti zélé. La sonorité rauque est très présente, pas du tout édulcorée. Le bloc a une parenté directe avec celui de la 488 GTB, mais sa course est plus courte d’un millimètre et la lubrification par carter sec est abandonnée. Le couple maxi est identique, mais la puissance est ramenée à 600 chevaux:
Ferrari Portofino | Ferrari 488 GTB | |
Moteur | V8 biturbo 3855 cm3 | V8 biturbo 3902 cm3 |
Alésage x Course | 86.5 x 82 | 86.5 × 83 mm |
Puissance | 600 / 7500 | 670 / 6500-8000 |
Couple | 760 / 3000-5250 | 760 / 3000 |
Cap sud-est vers les alpes grisonnes et 150 km d’autoroute sur l’A3 pour faire plus ample connaissance. La direction paraît d’emblée presque nerveuse, très définie autour de son point central, avec une once de tramlining clairement perceptible.
La boîte F1-DCT se montre docile dans la circulation pendulaire zurichoise, mais son mode automatique par défaut est pour le moins caricatural: elle égrène les rapports pour passer la septième à moins de 50 km/h et 900 t/min ! Une désactivation à chaque mise en marche s’avère impérieusement nécessaire.
Même avec le manettino en mode Comfort, la note d’échappement est très présente dans l’habitacle, d’autant plus que le filet de gaz nécessaire au maintien d’une vitesse de croisière entre 140 et 150 km/h déclenche déjà l’ouverture des clapets d’échappement. Rien jusqu’ici n’indique que Ferrari a édulcoré le caractère de la Portofino. Bien au contraire.
Les sièges de série ne paient pas vraiment de mine (deux variantes cosmétiques supplémentaires existent sur le configurateur). Ils sont adaptatifs sur 5 axes par le biais de l’écran de configuration central, mais le maintien latéral des cuisses et du dos est resté insuffisant pour ma carrure.
Le versant grison du col du San Bernardino n’est pas d’un intérêt transcendant mais donne des indications intéressantes sur l’agilité du châssis et de la boîte au fil des épingles serrées, exercice que la Portofino négocie avec aise. Les choses deviennent nettement plus intéressantes sur le versant tessinois, sinueux mais large et bien revêtu.
Les performances du moteur sont très impressionnantes. Il reprend avec force dès les bas régime, et l’absence de temps de réponse est aussi remarquable que le crescendo des accélérations jusqu’à la zone rouge fixée à 7500 t/min, amplifié par le timbre caractéristique d’un V8 à vilebrequin plat et du flux régulier qui s’échappe de chaque banc de cylindre.
Manettino en mode Sport, la montée de chaque rapport s’accompagne d’un claquement sec, démonstration sonore du choc ressenti, alors qu’au freinage, la descente de chaque rapport s’accompagne d’un jappement démonstratif. Le faible rapport de direction est exigeant en précision mais permet de réagir prestement aux mouvements d’un train arrière déjà assez mobile.
Ce terrain se prête assez bien à une exploration prudente du comportement en mode ESC off. Les 760 Nm à disposition ont facilement raison de la motricité des Pirelli PZero de 285/35 assez peu lestés (répartition 46.3% AV / 53.7% AR avec le toit ouvert), et permettent de déclencher des dérives assez naturelles.
Le comportement est plus pointu dans les courbes plus rapides. Le train avant est incisif et sûr, mais les réactions du train arrière aux variations de charge incitent à plus de circonspection. Les mouvements de caisse sont parfaitement maîtrisés par la suspension pilotée, généralement plutôt ferme sans être cassante pour autant. Je n’ai senti que peu de différence en sélectionnant le mode route bosselée par le bouton situé sur la gauche du volant multifonction.
L’immersion dans l’expérience Ferrari est complète. Des performances de premier niveau, un moteur plein et avide de hauts régimes, un châssis fin, une transmission démonstrative et presque brutale, le tout noyé dans une bande son tonitruante. Oubliez l’image de la gentille Portofino pour Ferraristes timorés, elle n’est pas faite pour eux. On est plus proche d’une 488 Spider à moteur avant, avec un timbre plus cuivré et une boîte qui gifle chaque rapport. Il n’y a par contre aucun effet sonore induit en retenue.
En enchaînant les passages, un gros défaut apparaît cependant: le freinage. Il m’avait surpris à froid par sa course morte suivie d’une attaque assez brutale, mais plus ils chauffent, plus le mordant disparaît au point de devenir un réel handicap. La course de la pédale s’allonge légèrement, mais même en appuyant fort, la puissance est insuffisante. Je laisserai le bénéfice du doute à une voiture de presse accusant 20’000 km, mais je suis dubitatif qu’une simple purge remédierait au problème.
Après un détour photo par le temple de granit de la Tremola, nous prenons la direction du col du Nufenen. Son ascension en milieu d’après-midi est le théâtre de sensations automobiles sublimes au volant de cette GT. La température est juste assez fraîche pour être agréable, les réserves de couple moteur semblent inépuisables à un rythme routier, le châssis un allié compétent mais exigeant pour les exploiter.
Ferrari revendique un allègement de 80 kg résultant des modifications de la plateforme de la California, un chiffre qui se vérifie sur nos balances avec plus de 100 kg d’allègement, soit 1754 kg avec le plein d’essence. La rigidité d’un cabriolet est trop souvent un point délicat, et la maîtrise de Ferrari en la matière est très convaincante. Aucune réaction perceptible dans la colonne de direction ou visible dans le pare-brise, seuls des chocs asymétriques encaissés à pleine vitesse peuvent occasionner de brèves vibrations dans le plancher.
Le toit repliable est gourmand en espace et relativement lent dans son exécution chorégraphique (20s). Il ne peut de plus être actionné en roulant que jusqu’à 35 km/h. La contrepartie est une bonne isolation des bruits aérodynamiques, et la préservation d’une ligne attrayante en configuration coupé.
Le système de suralimentation est également remarquable, non seulement par l’absence de lag, mais aussi des effets parasites habituels. Pas de coup de butoir en cas de lever de pied abrupt, aucun chuintement de plomberie, de bruit de suction ou de sifflement, la suralimentation des V8 Ferrari est une réussite complète dans la mesure où elle n’a pas dénaturé le caractère organique de ces mécaniques. Les régimes atteints sont légèrement en retrait mais les moteurs également nettement mieux remplis aux régimes usuels.
La descente du Nufenen sur la vallée du Rhône reconfirme mes doléances sur les freins en carbone céramique. En basculant le manettino sur le mode Comfort, la Portofino s’assagit un peu en exécutant des changements de rapports plus fluides, et surtout sans le claquement caractéristique du mode Sport. Le timbre de l’échappement reste par contre très présent. Dans la traversée des villages, la fluidité de la réponse moteur sur un filet de gaz est perfectible et peut occasionner de légers à-coups.
La lumière rasante du coucher de soleil souligne la grâce des lignes et les accents métallisés du Rosso Portofino, couleur de lancement du modèle. Cette Ferrari s’avère nettement moins GT que je ne m’y attendais, nettement plus sportive et d’un caractère affirmé. Elle offrirait plus de complémentarité et de polyvalence si elle disposait d’un véritable mode sage, clapet d’échappement clos, couplé à un tarage d’amortissement plus souple.
La recette semble plaire puisque Ferrari réalise des résultats trimestriels 2019 solides grâce aux ventes de Portofino, mais il aurait peut-être été possible de préserver ces sensations sportives de haut niveau tout en ménageant un peu plus de confort pour un usage quotidien ou sur long trajet. Affichée CHF 226’471, soit près de 60’000 CHF de moins qu’une 488 Spider, la Portofino s’impose comme une alternative de choix pour les amateurs de sensations au grand air.
Ferrari Portofino | CHF 226’471 | € 193’410 |
Couleur spéciale Rosso Portofino | CHF 10’700 | € 8’880 |
Bas de caisse en carbone | CHF 7’520 | € 6’240 |
Cockpit et volant en carbone | CHF 6’510 | € 5’400 |
Sound system | CHF 5’350 | € 4’440 |
Lame avant carbone | CHF 5’060 | € 4’200 |
Ecran passager | CHF 5’060 | € 4’200 |
Châssis dual mode | CHF 4’770 | € 3’960 |
Inserts en carbone tableau de bord | CHF 3’760 | € 3’120 |
Inserts feux arrière en carbone | CHF 3’620 | € 3’000 |
Apple Carplay | CHF 3’620 | € 3’000 |
Advanced Front Lighting System | CHF 2’890 | € 2’400 |
Console centrale en carbone | CHF 2’460 | € 2’040 |
Caméra de recul | CHF 2’320 | € 1’920 |
Porte gobelets en carbone | CHF 2’170 | € 1’800 |
Seuils de portes en carbone | CHF 1’740 | € 1’440 |
Ecussons Ferrari sur ailes avant | CHF 1’590 | € 1’320 |
Calandre en chrome sombre | CHF 1’450 | € 1’200 |
Etriers de freins noirs | CHF 1’300 | € 1’080 |
Rétroviseurs automatiques | CHF 1’160 | € 960 |
Echappement sport | CHF 730 | € 600 |
Compte tours jaune | CHF 670 | € 552 |
Coutures rouges | CHF 650 | € 540 |
Prix total | CHF 301’571 | € 255’702 |
Face à la concurrence – caractéristiques techniques
Ferrari Portofino | McLaren 570S Spider | |
Moteur | V8 biturbo 3855 cm3 | V8 biturbo 3799 cm3 |
Puissance (ch / t/min) | 600 / 7500 | 570 / 7500 |
Couple (Nm / t/min) | 760 / 3000-5250 | 600 / 5000-6500 |
Transmission | AR | AR |
Boite à vitesses | F1 7 | SSG 7 |
RPP (kg/ch) | 2.92 | (2.63) |
Poids DIN (constr.) | 1754 (1664) 47.1%/52.9%* |
(1498) |
0-100 km/h (s) | 3.5 | 3.2 |
0-200 km/h (s) | 10.8 | 9.6 |
Vitesse max. (km/h) | >320 | 328 |
Conso. Mixte (constr.) | 17.4 (11.7) | (12.2) |
Emissions CO2 (g/km) | 267 | 276 |
Réservoir (l) | 80 | NC |
Longueur (mm) | 4586 | 4530 |
Largeur (mm) | 1938 | 1914 |
Hauteur (mm) | 1318 | 1202 |
Empattement (mm) | 2670 | 2670 |
Coffre (L) | 292 | 144 |
Pneumatiques | 245/35R20 285/35R20 |
225/35R19 285/35R20 |
Prix de base (CHF) | 226’471 | 236’500 |
Prix de base (EUR) | 193’410 | 210’725 |
*répartition avec toit fermé, 46.3% AV / 53.7% AR pour le toit ouvert.
Nos remerciements à Ferrari pour la mise à disposition de cette Portofino et au garage Foitek pour l’appui logistique.
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