Essai Porsche 911 GT2 RS: une classe à part

A la découverte de la 911 ultime. 

L’agression est totale. Alors qu’une GT3 ou même une GT3 RS conserve la grâce d’une sprinteuse, tout en muscles effilés, la GT2 RS donne plutôt dans l’haltérophilie. Un bouclier avant ouvert à l’extrême sur d’énormes radiateurs, un bouclier arrière très largement grillagé pour maximiser l’alimentation en air frais et l’extraction d’air chaud.

L’agression se poursuit lorsque la main gauche tourne la clé de contact. Le flat six s’ébroue et se stabilise sur un ralenti aussi sonore que sourd émanant de l’échappement en titane, plus présent et intimidant que le 4.0 litres atmosphérique d’une 991 GT3. La mise en route est facile, en large partie grâce à la perfection de la boîte à double embrayage PDK7, aussi à l’aise en manœuvres qu’à pleine charge. L’ambiance à bord est très 911 RS, une orgie d’alcantara et de carbone du plus bel effet. Sans les harnais 6 points, réservés à la piste, le baquet en carbone est un peu trop large pour ma carrure.

Porsche extrait du flat six biturbo de 3800 cm3 un couple de 750 Nm entre 2500 et 4500 t/min, et la puissance culmine à 700 chevaux à 7000 t/min. La puissance spécifique est de 184 chevaux par litre de cylindrée, une valeur égalée par la Ferrari 488 Pista, avec une longueur d’avance sur la McLaren 720S. Porsche est resté fidèle à ses recettes techniques de base, avec deux turbocompresseurs à géométrie variable, mais le bond par rapport aux 911 de pointe est énorme: +50 Nm et +80 ch par rapport à la 997.2 GT2 RS, +120 ch par rapport à la 991 Turbo S contemporaine.

Les turbos sont plus gros et un nouveau système de refroidissement asperge d’eau les intercoolers lorsque la température atteint un niveau élevé afin de maintenir une température optimale pour l’air compressé admis. Porsche s’est naturellement prêté à l’exercice du record sur la Nordschleife et claque un record anthologique en 6’47”25

 

Nous ne sommes pas dans l’Eiffel mais dans les alpes grisonnes, et mon esprit est occupé à 110% par la découverte de cette GT2 RS. Il faut un solide registre de superlatifs pour décrire les accélérations. La poussée est massive, physique, accompagnée d’un volume sonore omniprésent, rauque, presque guttural, une octave au-dessous d’une GT3, avec des claquements secs à chaque lever de pied. Du baquet, les chuintements, sifflements et bruits de plomberie sont absents. La sonorité est superbement organique, animale. Les reprises sur le deuxième rapport en sortie d’épingle sont particulièrement saignantes, surtout si l’on prend garde à mettre un filet de gaz le plus tôt possible pour endiguer le lag.


 

Porsche annonce une pression de suralimentation maximale de 1.55 bars, mais je n’ai pas vu plus de 1.1 bars sur l’écran LCD multifonction de droite. La mise en vitesse est telle qu’il est problématique de quitter la route des yeux sur les rapports courts. L’exercice d’une reprise de 1500 t/min sur le 4ème rapport sur un plus long rectiligne donne plus de temps pour observer la mise en pression des turbo, mais la vitesse atteinte alors qu’ils se mettent à souffler à pleines bronches ferait le bonheur de la presse de boulevard et ses titres sensationnalistes. Et la poussée est inlassable, jusqu’à l’intervention du rupteur à 7200 t/min.

Les gommes de 325/30 encaissent cette déferlante de couple sans problème tant qu’on a la sagesse de leur lâcher la bride en ligne, et c’est plutôt le train avant qui me cause quelques soucis. Je mets ça sur le compte de la température des Pilot Sport Cup 2 et enchaîne quelques freinages appuyés en ligne pour faire chauffer les disques PCCB et dissiper de l’énergie vers les pneus.

 

La direction est extrêmement directe autour d’un point central sans la moindre zone morte, les gestes des avant-bras doivent être précis et mesurés. Comme sur les GT3, le système à quatre roues directrices fait partie de l’équipement de série. Malgré un tarage primaire plutôt viril, les changements d’assiette lorsque le couple déboule sont très perceptibles: l’avant s’allège et perd un peu de son grip lorsque des cassures sont négociées à pleine charge. Les sensations me rappellent un peu les anciennes 911 à empattement court, pré-991. Le train arrière paraît plus nerveux que sur les 991 GT3, incitant à gérer les séquences de lever de pied et de changement d’appui avec prudence.

Sur tracé étroit et sinueux, le pilotage est physique, intense, ponctué par la violence des accélérations, la puissance des freinages, l’immédiateté des réactions du châssis et le déluge sonore qui résonne contre la roche. Maintenu dans la moitié supérieure de la plage de régime, il n’y a aucun temps mort, aucun répit, juste un appétit insatiable à propulser la GT2 RS vers le virage suivant. Là où une GT3 donnerait le temps d’apprécier ses étourdissantes montées en régime, la GT2 dévore le bitume comme un grizzly se jette sur sa proie.

La virtuosité de la GT3 force l’admiration, la GT2 impose le respect. La GT3 suscite la verve, la GT2 requiert courage. Le challenge de pilotage est intrinsèquement différent. D’un côté, la finesse, l’exploitation maximale des performances châssis et moteur. De l’autre, un potentiel de performances énorme, intimidant. Toute automobile capable d’accélérer de 0 à 200 km/h en 8.3s doit imposer un immense respect. Depuis la 996, les GT2 traînent une réputation de faiseuse de veuve que je trouve, en l’occurrence, injustifiée. La voiture n’est pas scabreuse, mais elle est exigeante et pousse vers une conduite plus hachée, moins fluide que sur une GT3. Elle est également plus à son aise sur des tracés plus roulants où le formidable coffre de son 3.8L biturbo peut étaler toute sa superbe.

Ramenée à la civilisation des bourgades de vallée, des panneaux 50 km/h généralisés, la GT2 RS reprend la personnalité d’une 911, compacte, facile, maniable et docile. L’amortissement reste ferme sur les inégalités mais le filtrage secondaire très prévenant. Même dans cette livrée Argent GT relativement discrète, la voiture fait retourner le quidam sur son passage.

Les tarifs de la 911 GT3 ont pris l’ascenseur pour atteindre CHF 202’500 pour ce qui demeure la seule ligne de GTs intrinsèquement et rigoureusement pistardes du marché, livrables d’usine avec arceau cage, harnais 6 points et une définition capable d’encaisser une utilisation sur circuit soutenue. Est-ce que la différence avec la GT3 RS et ses CHF 258’200 est justifiable ? Pas sur la base de simples critères rationnels. La beauté de l’objet et son exclusivité jouent un rôle primordial.

Que dire donc des 370’900 CHF de la GT2 RS ? Rien. Ou aussi peu qu’au sujet d’autres objets ou services d’exception. C’est le prix que la clientèle est prête à payer pour s’offrir des sensations d’exception, une expérience de pilotage d’une extrême exigence, et une enveloppe de performance sur piste qu’aucune autre voiture homologuée n’a offert jusqu’ici, chronomètre en mains. Pour ce segment d’amateurs, la GT2 RS a toute sa raison d’être et strictement aucune concurrence.

Le retour à une GT3 RS met en lumière ses dons, mais aussi sa relative facilité et le manque de couple de son 4.0 litres atmosphérique. Malgré ses admirables qualités, le simple fait de devoir cravacher son moteur, de devoir tomber deux rapports pour effectuer un dépassement au scalpel, ne lui donne pas le même caractère dominant et souverain. Pour le pilote averti libéré de contingences budgétaires, le choix de la GT2 RS est devenu à la lumière de cet essai passionnément compréhensible.

Prix des options du véhicule essayé

Porsche 991.2 GT2 RS CHF 370’900 € 289’175
Pack Weissach CHF 21’700 € 18’000
Jantes magnesium CHF 14’470 € 12’000
Peinture argent GT CHF 4’340 € 3’600
Intérieur tout cuir/alcantara CHF 3’690 € 3’060
Système de levage de l’essieu avant CHF 3’620 € 3’000
Caméra de recul CHF 800 € 660
Pack Sport Chrono CHF 580 € 480
Régulateur de vitesse CHF 400 € 324
Réservoir 90 litres CHF 150 € 120
TOTAL CHF 420’650 € 330’419

Face à la concurrence – caractéristiques techniques

Porsche 911 GT2 RS McLaren 720S
Lamborghini Huracan LP610-4 Ferrari 488 GTB
Moteur B6 biturbo 3800 cm3 V8 biturbo 3994 cm3 V10 5204 cm3 V8 biturbo 3902 cm3
Puissance (ch / t/min) 700 / 7000 720 / 7500 610 / 8250 670 / 8000
Couple (Nm / t/min) 750 / 2500-4500 770 / 5500 560 / 6500 760 / 3000
Transmission AR AR 4 RM AR
Boite à vitesses PDK 7 SSG, 7 LDF, 7 F1, 7
RPP (kg/ch) (2.1) (1.97) N.C. (2.2)
Poids DIN (constr.) (1470) (1419) N.C. (1475)
0-100 km/h (s) 2.8 2.9 3.4 3.0
0-200 km/h (s) 8.3 7.8 N.C. 8.3
Vitesse max. (km/h) 340 341 324 330
Conso. Mixte (constr.) (11.8) (15.8) (12.5) (11.4)
CO2 (g/km) 269 249 285 260
Réservoir (l) 64-90 N.C. 80 78
Longueur (mm) 4549 4543 4459 4568
Largeur (mm) 1880-1978 1930-2161 1924-2236 1952
Hauteur (mm) 1297 1196 1180 1213
Empattement (mm) 2453 2670 2620 2650
Coffre (L) 115 150 + 210 N.C. 230
Pneus AV 265/35 R20 245/35 R19 245/30 R20 245/35 R20
Pneus AR 325/30 R21 305/30 R20 305/30 R20 305/30 R20
Prix de base (CHF) 370’900 267’720 274’000 249’817
Prix de base (EUR) 289’175 249’175 223’860 232’399

Nos remerciements à Porsche pour l’invitation à l’essai de cette 911 GT2 RS.

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