A la découverte de la 488 GTB, vedette de la gamme Ferrari.
Comme Porsche, Ferrari y est (re)venu. La suralimentation. Si l’on fait abstraction de quelques apparitions fugaces sur des supercars (288 GTO, F40) ou des modèles de série confidentiels (208 GTB/GTS), Ferrari a essentiellement cultivé sur ses GTs de route les valeurs de pureté et de noblesse des moteurs atmosphériques. Une réponse crystalline à la pédale de gaz, des montées en régime organiques, et une sonorité pure, inaltérée par les chuintements et sifflements qui accompagnent les turbocompresseurs. Pourtant Ferrari passe son produit vedette, sa berlinette V8 à moteur central, à la suralimentation. Les raisons se situent sans doute à la confluence de deux courants: la pression financière sur les émissions de CO2, et la compétition anglo-allemande.
La 488 reprend le flambeau d’une lignée de berlinettes V8 qui remonte à la 308 GTB de 1975. Ferrari a divergé deux ans plus tôt d’une longue lignée de coupés V12 à moteur central avant en commercialisant la 365 GT4 Berlinetta Boxer, et la 308 enfonce le clou, tant en matière de packaging que de style. Suivent 328, 348, 355, 360, 430 et enfin 458 Italia. Son V8 de 4.5L développe 570 ch à 9000 t/min, avec un couple maxi de 540 Nm à 6000 t/min. Les 3000 t/min qui séparent ces deux marqueurs sont un morceau de bravoure, une ascension aussi interminable qu’euphorisante, accompagnée d’un déluge sonore, rageur, agressif.
Ferrari annonce que 85% des pièces de la 488 sont nouvelles, mais la parenté étroite est évidente. Même empattement de 2650 mm, même packaging, la grande nouveauté se situe entre les sièges et le train arrière. Le V8 conserve son angle de 90 degrés et son vilebrequin plat, mais ses cotes passent de 94×81 mm à 86.5×83 mm, ramenant la cylindrée de 4497 à 3902 cm3. L’injection reste directe, mais l’air frais est compressé par deux turbocompresseurs twinscroll avec turbine en TiAl (titanium aluminide), un alliage léger qui diminue leur inertie de rotation de 50% par rapport à de l’Inconel. Les pertes en friction sont également réduites de 30% par l’usage de roulements à billes au lieu de classiques paliers lisses. Ferrari intègre également des joints entre la turbine et le corps du turbo (technologie “abradable seal”) pour diminuer les pertes. L’objectif est clair: combattre le lag, maximiser l’efficience. Ferrari revendique une diminution de 60% du temps de réponse par rapport à un turbo monoscroll classique.
Résultat: 760 Nm à 3000 t/min et 670 chevaux à 8000 t/min. 220 Nm et 100 chevaux de différence. La comparaison des courbes de couple est encore plus parlante. Sur le papier, le nouveau bloc 3.9L biturbo déclasse complètement l’ancien 4.5L atmo.
Et les performances annoncées suivent, le 0-200 km/h tombant de 10.4s à 8.3s. Bizarrement, les émissions normalisées ne baissent que de 275 à 260g/km, donnant une indication que Ferrari a plus mis l’accent sur la performance que les cibles d’émissions de CO2.
Malgré l’adjonction des turbos, l’ensemble n’est que 6 mm plus large que le V8 atmo, plus bas (seulement 64.8cm du carter au collecteur d’admission), et son centre de gravité a été abaissé de 5mm. La différence visuelle la plus notable (et controversée) est l’apparition de prises d’air sur les ailes arrière qui canalisent l’air vers les échangeurs. L’air est ensuite canalisé vers les sorties qui jouxtent les phares arrière. D’autres changements plus subtils et discrets concernent l’aérodynamique. Le diffuseur arrière intègre un large élément mobile permettant de moduler le flux d’air et ainsi maximiser l’appui ou diminuer la traînée. Plus discret, l’aileron arrière intégré divise l’air entre le flux qui génère de l’appui, et une portion qui s’engouffre dans un canal qui resort par une fente horizontale sur le bouclier arrière, réduisant la trainée. A l’avant, l’élément central sépare l’air entre un flux qui va vers le centre du fond plat, et les canaux menant aux deux radiateurs d’eau, majorés de 20% en surface par rapport à la 458 et disposés presque horizontalement. Ferrari revendique un appui de plus de 200 kg à 200 km/h, soit 50% de plus que la 458 Italia.
Question poids, Ferrari annonce la 488 GTB à 1475 kg, soit 10 kg de moins que la 458 Italia. Nous avions vérifié notre 458 d’essai à 1598 kg, une différence considérable avec les chiffres annoncés par l’usine “avec les options de réduction de poids”. Sur le papier, la 488 GTB devrait donc enterrer la 458 en termes de performances, surtout dans les moyens régimes. La question, cruciale, est de savoir si c’est au détriment des sensations de conduite, avec en ligne de mire la réponse de l’accélérateur et la sonorité.
A bord, la disposition est familière, avec un concept qui s’éloigne peu de la 458, même si plusieurs détails ont évolué. L’accès par les portes à charnières classiques n’a peut-être pas la théâtralité d’une McLaren ou d’une Lamborghini Aventador, mais est incomparablement plus pratique. Mon exemplaire d’essai est une 488 GTB “de base”, couleur Rosso Corsa, jantes standard, sièges standard (au maintien latéral éminemment perfectible), et pas d’option carbone, intérieur comme extérieur, les options se limitant à la sellerie style Daytona, aux écussons Ferrari et des étriers de frein rouges.
Sur les premiers kilomètres, la vivacité de la direction me surprend en termes de remontée de la texture de la route. La suspension me paraît également plutôt avare en termes de filtrage des inégalités, et le passage en mode route bosselée par le bouton idoine situé sur la partie gauche du volant ne semble pas avoir d’incidence majeure. Le bruit est présent, rassurant presque, une sonorité rauque, modulée par des soupapes à l’action nettement moins binaire qu’elles ne le furent sur les générations précédentes. La boîte est docile, et sa commande est fidèle au toucher typique de Ferrari: de longues palettes solidaires de la colonne de direction, avec un débattement assez long et un tarage de force assez faible. Rouler sur un filet de gaz n’est pas aisé. Le frein moteur est très présent, atypique pour l’époque, et jouer sur les premiers millimètres de la course de la pédale sans générer d’à-coup n’est pas facile.
Premier exercice: un slalom au format autocross, coné sur un aéroport avec des changements de rythme mais pas trop sinueux pour passer le troisième rapport. Les consignes sont assez strictes, Manettino en mode Race. La piste poussiéreuse ne rend pas la tâche des Michelin Pilot Super Sport facile. Le train avant peine à trouver du grip dans ces prises d’appui agressives. L’agilité en changement d’appui est par contre redoutable, mariage d’un centre de gravité bas et du faible moment d’inertie d’une voiture à moteur central. Le plus remarquable toutefois est ce qui passe complètement inaperçu: la suralimentation. Dans cette succession de relances, il n’y a ni lag à la remise des gaz, ni hésitation à la modulation de la charge, ni over-run au lever de pied, et l’allonge rend naturel de tirer la deuxième jusqu’à 8000 t/min. Malgré le carcan du mode Race, les interventions de l’antipatinage restent d’une discrétion exemplaire.
Je fais quelques incartades en mode CT Off qui conserve le contrôle de stabilité mais neutralise l’anti-patinage. L’arrière devient plus mobile et demande des corrections rapides du volant pour garder la voiture en ligne. L’exercice n’en est que plus intéressant, mais l’encadrement veille au grain.
Nous partons ensuite pour un parcours routier. Ma priorité est de tester les reprises du V8 biturbo dans des conditions routières usuelles. Et le résultat ne déçoit pas. Le moteur reprend avec force dès 2000 t/min et se révèle nettement moins pointu que son homologue chez McLaren, beaucoup plus creux sous les 3000 t/min. Fenêtre ouverte, les bruits de plomberie sont audibles lorsque j’ouvre en grand à très bas régime, mais la dominante reste ce savant mélange entre le bruit rond et sourd de l’admission et le timbre plus métallique de l’échappement. Sur route ouverte et avec quelques égards pour la loi, les performances sont naturellement balistiques, mais je ne retrouve pas la sensation de violence que procurent les McLaren. Tirer une comparaison indirecte est toutefois un exercice périlleux, les conditions de cet essai sont tout sauf idéales pour disséquer une auto avec le potentiel de cette 488 GTB.
Ces conditions d’essai largement imparfaites me donnent malgré tout confiance sur le fait que, comme Porsche sur la 991.2, Ferrari a réussi son passage (les maranellogistes pointilleux parleront de retour) à la suralimentation. L’approche a indéniablement été de préserver les attributs de réponse et de musicalité d’un moteur atmosphérique tout en dopant la courbe de couple. Certes, le nouveau 3.9L biturbo “perd” 1000 t/min en régime maxi, mais délivre le même couple à 1500 t/min que la 458 n’offrait à 4000 t/min, permettant ainsi de bénéficier de reprises musclées sans être condamné à cultiver les hauts régimes et les vitesses, problématiques en usage routier, qui vont avec (une 458 Italia atteint 110 km/h à fond de deuxième). La sonorité est réussie, et la réponse du moteur conserve un caractère organique louable, très distinct du comportement plus typé “gros turbo” des McLaren Sports Series et Super Series.
Ferrari 488 GTB – Données techniques
Ferrari 488 GTB | McLaren 720S | Lamborghini Huracan Performante | |
Moteur | V8 biturbo 3902 cm3 | V8 biturbo 3994 cm3 | V10 5204 cm3 |
Puissance (ch / t/min) | 670 / 6500-8000 | 720 / 7250 | 640 / 8000 |
Couple (Nm / t/min) | 760 / 3000 | 770 / 5500 | 600 / 6500 |
Transmission | AR | AR | AWD |
Boite à vitesses | F1 DCT 7 | SSG 7 | LDF 7 |
RPP (kg/ch) | (2.20) | (1.97) | [2.16*] |
Poids DIN (constr.) | (1475) | (1419) | [1382*] |
0-100 km/h (sec.) | 3.0 | 2.9 | 2.9 |
Vitesse max. (km/h) | > 330 | 341 | >325 |
Conso. Mixte (constr.) | (11.4) | (10.7) | (10.3) |
Réservoir (l) | 78 | N.C. | N.C. |
Emissions CO2 (g/km) | 260 | 249 | 314 |
Longueur (mm) | 4568 | 4543 | 4506 |
Largeur (mm) | 1952 | 1930/2161 | 1924/2236 |
Hauteur (mm) | 1213 | 1196 | 1165 |
Empattement (mm) | 2650 | 2670 | 2620 |
Coffre (L) | 230 | 150+210 | N.C. |
Pneus AV | 245/35R20 | 245/35R19 | 245/30R20 |
Pneus AR | 305/30ZR20 | 305/30R20 | 305/30R20 |
Prix de base (CHF) | 257’300 | 267’720 | 287’000 |
Prix de base (EUR) | 219’607 | 249’175 | 234’048 |
* Poids à sec.
Nos remerciements à Ferrari Europe pour l’invitation à cet essai.
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