Essai Renault Talisman GrandTour: le grand break ?

Le nouveau break Renault est une opportunité d’évaluer les ambitions de Renault dans le segment D. 

Les constructeurs français ont perdu beaucoup de terrain dans le segment des grandes routières sur les trois dernières décennies, cédant petit-à-petit la catégorie à des marques allemandes hégémoniques et se retranchant dans leur pré-carré de berlines compactes. Il est donc rassurant de voir Renault persévérer en renouvelant son offre dans la catégorie. La Talisman remplace ainsi la Laguna dans le portefeuille de Renault, disponible en versions berlines et break GrandTour (également connue sous le nom Estate … en France). Ce dernier mesure 4m86 en longueur, déployés avec une belle élégance et des lignes fluides. C’est quatorze centimètres de plus qu’une Audi A4 Avant, elle-même déjà plus longue d’une Mercedes Classe C break ou qu’une BMW série 3. Avec 4.77m, la Passat Variant est également plus courte. Le gabarit est par contre très voisin d’autres concurrentes telles que la Skoda Superb Combi, la Ford Mondeo SW et la Peugeot 508 SW.

La gamme Talisman compte cinq moteurs, deux TCe essence de 150 et 200 chevaux, et trois turbo-diesels de 110, 130 et 160 chevaux respectivement. Suite à notre essai du TCe 200 dans l’Espace V, l’opportunité de mettre à l’épreuve le dCi 160 paraissait intéressante. Renault présente ce groupe comme la panacée: les sensations d’un 2 litres avec 25% de consommation en moins. D’une cylindrée de 1598 cm3, les motoristes obtiennent un couple maxi de 380 Nm dès 1750 t/min et une puissance maxi de 160 chevaux à 4000 t/min. Avec 238 Nm et 100 ch au litre de cylindrée, les valeurs spécifiques sont plutôt bonnes. En comparaison, Volkswagen extrait 254 Nm et 122 ch par litre de cylindrée de son 2.0 litres BiTDI, disponible notamment dans la Passat ou le Tiguan. La courbe de couple publiée par Renault est révélatrice: le couple décroît immédiatement après avoir atteint son pic. Ce dCi 160 biturbo se passe de réduction catalytique sélective (SCR) par injection d’urée, et utilise à sa place un piège à oxydes d’azote pour satisfaire les normes d’émissions Euro 6b.


Pour atteindre ce résultat, Renault utilise un système de suralimentation à deux turbos séquentiels. Un petit turbo à faible inertie assure la disponibilité de 90% du couple dès 1500 t/min, alors que le second turbo, plus gros, prend le relais pour les plus hauts régimes et atteindre la puissance maxi. Les transitions sont imperceptibles et ce moteur se montre très agréable au fil des premières dizaines de kilomètres. Il a certes la sonorité caractéristique d’un turbodiesel, mais il est louablement souple, fonctionnant avec une bonne régularité à bas régime. J’ai occasionnellement constaté des vibrations lorsque le régime de fonctionnement s’approchait des 1000 t/min. Les reprises sont agréablement coupleuses, mais les mises en vitesse sur autoroute trahissent les lois implacables de la physique: avec un poids mesuré à 1658 kg, le rapport poids/puissance pointe à 10.4 kg/ch, ce qui n’a rien d’ébouriffant. Le 0-100 km/h revendiqué en 9.6s donne une bonne indication des sensations au volant. Le 1.6L TCe200 est un brin plus énergique avec 7.9s sur le même exercice.

Les 380 Nm de couple maxi de ce biturbodiesel sont par contre largement suffisants pour mettre à mal la motricité des roues avant malgré la monte généreuse de notre exemplaire d’essai, du 245/40R19. Renault ne propose pas de traction intégrale sur Talisman. Par contre, le système à quatre roues directrices 4Control déjà disponible sur la Laguna est reconduit. Il braque les roues arrières dans le sens opposé des roues avant (en-dessous de 50 km/h en mode confort, 60 km/h en mode neutre et 80 km/h en mode sport). Au-dessus de ce seuil, les roues arrière braquent dans le même sens que les roues avant. L’effet est alors comparable à celui que procurerait un allongement de l’empattement, augmentant la stabilité.

A la conduite, les effets du système 4Control sont flagrants, presque déroutants. En évolutions citadines, le Talisman s’inscrit dans les ronds points serrés avec une verve déconcertante à laquelle il faut s’accoutumer. La sensation de lacet est analogue à l’amorce d’un survirage aussi imminent que brutal. Le système procure par contre une maniabilité appréciable à ce grand break, réduisant le diamètre de braquage de 80cm par rapport à une Talisman à deux roues directrices. Ce châssis typé m’a incité à aller enquiller des routes sinueuses du réseau secondaire pour mieux comprendre les réactions du système à un rythme plus volontaire. Et le résultat est mitigé.

En prise d’appui, les réactions sont radicalement moins exagérées qu’à basse vitesse. Le train arrière inspire confiance et ne donne absolument plus la sensation d’être monté sur savonnettes. Les limites d’adhérence demeurent redoutablement difficiles à cerner, à commencer par l’adhérence du train avant. La limite du sous-virage est impossible à discerner, et lorsqu’il survient et incite à lever le pied, l’ESP a tendance à  donner un coup de frein sur la roue avant extérieure pour endiguer toute amorce de survirage résultant du transfert de masse.

Le comportement routier est compétent et efficace si l’on ne considère que le rythme auquel on peut enchaîner les courbes rapides, mais très aseptisé, détaché, synthétique. L’homogénéité des prestations dynamiques est également limitée par les performances du moteur. Son allonge est louable pour un turbodiesel, mais la puissance reste trop limitée pour rendre la conduite attrayante. Les choses deviendraient intéressantes avec 100ch de plus et un châssis plus communicatif. On relèvera enfin que le système 4Control ampute la capacité du réservoir de 5 litres. Ce pack est cher (2000 CHF sur Intens, de série sur Initiale Paris) et, malgré l’inclusion de l’amortissement piloté, reste d’un intérêt discutable. Ce dernier se révèle discret dans sa plage d’action: la suspension est magnanime, mais je n’ai pas perçu d’affermissement notable en réglage sport.

L’intérieur rappelle l’Espace V à certains égards. Le combiné d’instruments est identique, tout comme l’écran optionnel de 8.7 pouces pouces qui permet le contrôle de l’interface multimédia. La Talisman ne reprend par contre pas le sélecteur à impulsion de l’Espace V et se contente d’un sélecteur classique PRND. Il n’y a pas de palettes au volant, la commande manuelle requiert le basculement du levier sur une grille décalée. Les sièges sont également identiques dans leur dessin, même si la sellerie marron foncé m’est parue moins flatteuse que le cuir nappa pleine fleur des exécutions Initiale Paris. J’ai aussi relevé les efforts de décoration de la planche de bord, notamment les inserts en bois brut Club Woodgrain, plus convaincants que les applications de cuir fortement texturé. La qualité de réalisation est globalement bonne pour la catégorie et le tarif, même si un examen minutieux révèle un usage parcimonieux des plastiques moussés et des finitions soft touch.

  

Une bonne position de conduite et des rembourrages moelleux font de ce Talisman une automobile agréable et relaxante sur longs trajets, bien insonorisée et confortablement suspendue. L’affichage tête haute est également bienvenu (composant du Pack Cruising  avec le régulateur de vitesse adaptatif), permettant de maintenir son attention sur la route. Renault propose une variété de thèmes d’affichage sur l’écran LCD central, ainsi que la possibilité de configurer la teinte et l’intensité de l’ambiance chromatique intérieure. J’ai trouvé la navigation dans les menus de l’interface “quasi-tout-tactile” un peu fastidieuse pour configurer ce que je considère par ailleurs comme un gadget un peu incongru. Le hayon motorisé est une option (650 CHF) en finition Intens, et de série sur Initiale Paris. Les passagers arrière bénéficient d’une assise surélevée avec vue plongeante sur l’avant, et d’un espace satisfaisant sans être particulièrement généreux pour un homme adulte.

La boîte EDC à double embrayage et 6 rapports (contre 7 sur les versions essence) est parfois un peu bourrue à froid, mais se montre par ailleurs efficace dans sa gestion des changements de rapports. L’exécution est rapide et les prestations se situent dans la moyenne supérieure pour ces transmissions. J’ai par contre trouvé la fonction de rampante désagréable dans les embouteillages où l’on progresse au pas, causant des vibrations et des mises en mouvement un peu brutales. La consommation est revendiquée à 4.5 L/100km selon le cycle mixte NEDC. En pratique, nous avons relevé 6.9 L/100km ce qui, pour un break de cette taille et dans cette classe de motorisation, demeure probant.

 

La Talisman permet à Renault d’offrir une automobile crédible dans un segment où la concurrence est féroce, entre les généralistes qui ciblent le rapport prestations prix, l’offre plus raffinée du triumvirat d’allemandes premium, et la tentation de la nouveauté amenée par les crossovers et SUVs. Sous des critères purement rationnels, les motorisations proposées par Renault sont compétitives, mais restent limitées en performances pour l’automobiliste qui souhaite plus que le minimum syndical ou roule sur des tracés vallonnés avec passagers et bagages. Une gamme culminant avec un turbodiesel de 160 chevaux ou un turbo-essence de 200 chevaux reste un handicap hors hexagone, tout comme l’absence de transmission intégrale, particulièrement en Suisse où neuf voitures sur vingt sont vendues avec quatre roues motrices.

Moins spacieux et significativement moins performant qu’une Skoda Superb Combi, le Renault Talisman GrandTour ne démérite pas et pourra séduire par sa ligne élégante et distinctive, mais ne s’impose pas comme leader évident de sa catégorie, ni en rupture avec l’image solidement milieu-de-gamme de Renault. On peut saluer la persistence de la marque au losange dans le segment D, mais nous aimerions voir plus de panache et d’ambition dans l’exécution. Dans un milieu de gamme de plus en plus déserté, Renault ferait-il l’erreur de ne pas suivre Alfa Romeo dans son entreprise de confrontation des leaders allemands ?

Prix et options du véhicule essayé

Renault Talisman GrandTour dCi 160 EDC CHF 41’500 € 38’600
Pack 4Control CHF 2’000 € 2’000
Sellerie cuir marron foncé CHF 2’000 € 2’500
Ecran tactile 8.7″ + son Bose CHF 900 € 800
Peinture métallisée brun vison CHF 900 € 720
Pack cruising  CHF 850 € 0
Pack Winter CHF 700 € 550
Hayon motorisé  CHF 650 € 0
Sièges avant électriques, massant CHF 500 € 0
Vitres teintées CHF 400 € 0
Caméra de recul CHF 200
Roue de secours galette CHF 150  € 120
Prix catalogue du véhicule de test CHF 50’750 € 45’290

 

Face à la concurrence

Renault Talisman GrandTour Skoda Superb Combi Ford Mondeo 2.0 TDCi Peugeot 508 SW
Moteur L4 1598 cm3 biturbodiesel L4 1968 cm3 turbodiesel L4 1997 cm3 turbodiesel L4 1997 cm3 turbodiesel
Puissance (ch / t/min) 160 / 4000 190 / 3500-4000 180 / 3500 150 / 4000
Couple (Nm / tr/min) 380 / 1750 400 / 1750-3250 400 / 2000-2500 370 / 2000
Transmission AV AV AV AV
Boite à vitesses EDC 6  DSG 6 Powershift 6 Manuelle 6
RPP (kg/ch) 10.39  (7.89) (9.73) (10.0)
Poids DIN (constr.) 1663 (1540)
60.4% AV 39.6% AR
(1500) (1751) (1500)
0-100 km/h (sec.) 9.6 7.8 8.7 8.9
Vitesse max. (km/h) 213 233 218 210
Conso. Mixte (constr.) 6.89 (4.6) (4.6) (4.9) (4.2)
CO2 (g/km) 120 119 126 110
Réservoir (l) 47  66 62.5 72
Longueur (mm) 4865 4856 4867 4830
Largeur (mm) 1870/2081 1864/2031 1852/2121 1920/2068
Hauteur (mm) 1465 1477 1501 1456
Empattement (mm) 2809 2841 2850 2817
Coffre (L) 492+80/1681  660/1950 525/1630 515/N.C.
Pneus 245/40R19  215/60 R16 215/60 R16 215/60 R16
Prix de base (CHF) 41’500  41’290 38’700 39’550
Prix de base (EUR) 38’600  38’850 37’950 37’150

Nos remerciements à Renault Suisse pour le prêt de cette Talisman GrandTour.

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