La Ghibli a sur le papier tous les ingrédients pour concurrencer les allemandes. Nous l’avons essayée en Emilie Romagne.
La Ghibli est une pierre angulaire du renouveau de Maserati. Positionnée comme une alternative plus chic et niche aux berlines coupé Mercedes CLS ou Audi A7, Maserati cherche avec cette berline de près de 5 mètres un compromis entre sport et confort. Le nom Ghibli fut porté de 1966 à 1973 par un coupé GT, il est réutilisé ici pour la première berline du segment E de la marque au trident. La gamme de motorisations est large, avec en offre d’appel un turbodiesel de 275 chevaux disponible dès 70’350 CHF. Si cette version réalise plus de la moitié des ventes sur le marché européen, la clientèle suisse est naturellement attirée par la Ghibli S Q4. Transmission intégrale et motorisation essence puissante, des ingrédients qui font recette dans nos contrées, surtout pour une auto typée luxe. C’est donc sur cette version que nous avons aussi goulûment porté notre dévolu.
Fabriqué par Ferrari, le V6 biturbo à injection directe de 2979 cm3 développe 550 Nm de 1750 t/min à 5000 t/min (90% sont disponibles dès 1600 t/min) et une puissance maxi de 410 chevaux à 5500 t/min déjà. Avec un alésage identique de 86.5 mm, le cousinage avec le V8 de la Ferrari 488 GTB est apparent, mais la course a été légèrement allongée, de 83.0 à 84.5 mm. Chaque banc souffle son turbocompresseur, et bénéficie de son propre intercooler, logé de part et d’autre du radiateur d’eau. L’admission s’opère classiquement au centre du V. Les performances revendiquées sont un 0-100 km/h en 4.8s et une vitesse de pointe de 284 km/h.
Le 3 litres biturbo est accouplé à une boîte automatique d’origine ZF à 8 rapports, avec palettes solidaires de la colonne de direction. Le différentiel arrière est à glissement limité et sur cette version Q4, le couple est distribué entre les trains avant et arrière par un viscocoupleur, faisant varier ainsi la distribution entre les trains de 0-100% à 50-50%.
A la conduite, le caractère de ce V6 biturbo est aux antipodes de ce que les chiffres précités pourraient laisser supposer. Onctueux et souple à bas régime, il ne s’anime réellement que depuis 3000 t/min, en contraste avec l’habituel plateau de couple constant des mécaniques suralimentées allemandes. Il faut intégrer à ces impressions deux facteurs. Le premier est le poids. La Ghibli S Q4 pèse plus de 2 tonnes telle qu’essayée (2074 kg à raison de 51.9% sur l’avant et 48.1% sur l’arrière), ce sans options pondéralement punitives comne un toit panoramique ou de grosses jantes.
Le second est que la boîte tire long, avec un étagement qui amène la huitième à tirer 145 km/h à 2000 t/min. Les reprises à 2000 t/min sur les rapports élevés sont placides, et une relance un rien énergique sur autoroute requiert de tomber 2 voire 3 rapports pour pouvoir s’insérer avec aise et précision dans le trafic. Même avec les 550 Nm revendiqués, propulser vigoureusement une auto de ce poids et trois adultes à bord requiert l’usage de rapports intermédiaires courts. La consommation devrait bénéficier de cette approche. Nous avons mesuré 13.6 L/100km en moyenne sur cet essai, avec 11.8 L/100 km sur 350 km de parcours mixte autoroutier et routier, et 16.8 L/100 km sur 200 km de conduite plus sportive.
L’origine de la plateforme de la Ghibli a alimenté beaucoup de spéculations. On lit ici ou là que la Ghibli serait construite sur un proche dérivé de la plateforme LX de Chrysler, elle-même héritée de précédentes générations de Mercedes du temps de l’éphémère “fusion” Daimler Chrysler. Le discours officiel de Maserati est tout autre: la Ghibli est construite sur une plateforme spécifique, une version à empattement raccourci de la Quattroporte VI (-173 mm), fabriquée dans l’usine de Grugliasco près de Turin. Soit. Autant juger le produit pour ses prestations que sur la base de sa généalogie.
Les premiers indices ressentis des les joints de dilatation du viaduc longeant l’usine de Maserati, en plein centre de Modène: un dandinement du train arrière, des vibrations qui se propagent dans le plancher, indices indégnables d’un manque de rigidité et de rigueur dans le guidage des roues arrière. La confirmation sans appel vient ensuite sur l’autoroute qui file plein est vers l’adriatique de Ferrara à Porto Garibaldi à travers des étendues de risières. Revêtue assez médiocrement comme beaucoup de routes d’Emilie Romagne, elle représente un test sévère mais pertinent en matière d’intégrité structurelle et de NVH (Noise, Vibration & Harshness, terme anglais qui décrit le filtrage du bruit, des vibrations et des inégalités de la chaussée).
Pour le conducteur, des effets de tramlining sont perceptibles dans la direction, et les inégalités les plus prononcées font vibrer le plancher et le tablier. Pendant ce temps, notre passager arrière tourne progressivement au verdâtre, légèrement incommodé par les oscillations latérales du train arrière. La voiture se comporte très convenablement sur bon revêtement, mais nettement en-dessous des standards contemporains sur chaussées imparfaites. La faute ne peut pas être mise sur la monte de 19” de notre voiture d’essai, chaussée en 245/45 à l’avant et 285/40 à l’arrière. Cette taille très conservatrice en regard d’un assortiment qui monte jusqu’à 21 pouces devrait bénéficier au confort et au filtrage. Quel que soit l’ADN de cette plateforme, le produit génétique est peu convaincant dans ce registre. L’acheteur de Ghibli averti devra tenir compte de cet aspect et réaliser un essai dans des conditions cohérentes avec son réseau routier habituel ou occasionnel, si possible avec la monte pneumatique désirée.
Les proportions de la Ghibli déguisent bien son gabarit, avec un long capot plongeant et une cabine reculée. Avec 4.97m, elle est légèrement plus longue qu’une berline Audi A6/S6 C7, BMW série 5 F10 ou Mercedes Classe E, avec un empattement plus long que ces dernières. Ces mensurations devraient bénéficier à l’habitabilité. Les passagers arrière sont logés décemment, avec une bonne garde au toit et suffisamment de place aux genoux, mais l’espace dévolu n’a rien de “limousinesque”. Le passager avant droit voit la proméminence du tunnel de transmission sérieusement empiéter sur son espace, le forçant à plier la jambe gauche car elle ne peut pas être étendue dans l’axe du siège. La position de conduite est un peu déroutante au début: il faut descendre le siège assez bas et monter le volant pour avoir la vision sur les deux cadrans analogiques, et les rembourrages latéraux des sièges pourrait s’avérer insuffisant dans leur maintien pour les charpentes plus fluettes.
L’habitacle lui-même est de belle facture. Dans cette exécution, le cuir intégral bicolore rouge et noir avec coutûres contrastantes et le ciel de toit en alcantara couleur sable donnent une excellente impression de luxe cossu. Les accents couleur aluminium mat autour du bloc d’instruments, des ouïes de ventilation et de l’écran tactile sont de bon goût. J’ai un peu pesté contre le levier de sélection de boîte, un dispositif à impulsion qui rend parfois la sélection de la marche arrière difficile. L’ambiance est plus premium que sur une allemande, notamment grâce à un usage plus large du cuir en lieu et place des plastics texturés moussés. Les systèmes d’information sont de bonne qualité générale, avec un écran d’assistance entre les deux compteurs et un écran tactile de 8.4” sur la console centrale, dont la lisibilité était perfectible avec mes lunettes à soleil polarisées.
Une Maserati se doit de faire un minimum de bruit. Sur la Ghibli S Q4, un grondement sourd émane des marmittes arrière et accompagne toutes les évolutions en mode normal. A mi-régime, les harmoniques caractéristiques d’un V6 à 60 degrés sont audibles, mais lointaines, étouffées par l’excellente insonorisation de l’habitacle et le double vitrage. La sélection du mode Sport augmente le volume général, avec un timbre sourd au ralenti et des piaffements plus marqués lors de montées de rapports en charge, mais il faut entre-ouvrir une fenêtre pour y goûter. Le rendu a du caractère, mais reste sagement (et bien heureusement à mon avis) en retrait du côté extraverti de certaines exécutions de GranTurismo. Un choix judicieux pour une auto qui se veut plus confort que sport dans l’âme.
La boîte ZF est excellente, probablement l’élément le plus réussi de l’auto. Très douce, à la fois onctueuse et rapide, il est vraiment rare de la prendre en défaut. Elle peut être utilisée dans trois modes: une logique paisible en mode Normal, des lois de passage plus agressives en mode Sport (en conjonction avec la gestion de l’échappement susmentionnée), ou en mode entièrement manuel avec les jolies palettes en aluminium poli solidaires de la colonne de direction.
Après une balade vers les forêts de parasols de l’adriatique et un crochet par Imola et son autodrome funestement célèbre, nous nous sommes enquis de routes bien revêtues pour jauger les aptitudes sportives de cette Ghibli S Q4 dans des conditions favorables. Le pack Sport inclut la suspension adaptive Skyhook qui raffermit l’amortissement. Il rend la voiture un peu trépidante sur les inégalités mais donne une fermeté louable lorsque le bitume se fait billard. Taquinée sur ce terrain, la Ghibli fait honneur à son blason. Le train avant est accrocheur, autorisant de rentrer fort dans les courbes et des changements d’appui précis. L’équilibre est ensuite neutre, et la motricité en sortie de virage excellente. Mode Sport, suspension Sport et boîte manuelle enlenchés, il suffit d’entre-ouvrir la fenêtre pour rendre le V6 biturbo plus audible de l’intérieur. Cravaché, il procure à la Ghibli S Q4 des performances attrayantes, permettant au besoin des dépassements au scalpel. Cette Maserati est parfaitement homogène et très plaisante à conduire vite pour peu qu’on lui donne des routes compatibles avec les particularités de son châssis. Le freinage est assuré par des freins en acier avec bol en aluminium (360×32 mm à l’avant, 350×28 mm à l’arrière), pincés par des étriers Brembo à 6 pistons et 4 pistons respectivement. Il s’est avéré fiable et consistant, même en utilisation intensive.
L’écran d’assistance au conducteur inclut un affichage en temps réel de la répartition du couple. A allure autoroutière, la voiture est constamment en mode propulsion, avec 100% du couple sur le train arrière. En ville et sur route, la répartition peut atteindre 50/50 en forte accélération, mais retombe à 0/100 dès qu’on lève le pied. Les actions du viscocoupleur sont, comme celles de la boîte ZF, parfaitement transparentes et compétentes. L’atout est réel en conduite sportive où tout le couple peut passer au sol. La Ghibli S Q4 réalise d’ailleurs le 0-100 km/h en 0.2s de moins que la Ghibli S propulsion équipée du même moteur, mais annoncée 60 kg plus légère que la version à traction intégrale.
Tariffée 90’450 CHF en version S Q4, la Maserati Ghibli S Q4 est proposée à un tarif attractif en comparaison avec les références allemandes du même segment. Les options pour obtenir une configuration attractive sont également affichées à des prix raisonnables. Selon le point de vue, l’absence au catalogue de dispositifs tels qu’un affichage tête haute ou un assistant de dépassement de ligne est un moyen de contenir l’addition, ou une carence technologique singulière dans ce segment. Une fois le bémol du comportement réellement problématique sur chaussée dégradée intégré, la Ghibli est une auto performante, confortable, exclusive au sens où elle sort de “l’ordinaire” du triumvirat germanique. Pour les amateurs, le charme et l’aura de la marque prendront le dessus et justifieront ce qui reste un compromis. Les plus pragmatiques auront par contre plus de peine à rationaliser le choix d’une automobile qui n’a objectivement pas d’avantage particulier et souffre d’une faiblesse de taille, possiblement rédhibitoire.
Prix et options du véhicule essayé
Maserati Ghibli S Q4 | CHF 90’450 | € 86’100 |
Peinture Grigio | CHF 1’502 | € 1’188 |
Convenience Pack | CHF 1’398 | € 3’579 |
Premium Pack | CHF 1’703 | € 1’513 |
Business Pack | CHF 2’439 | € 2’168 |
Executive Pack Plus | CHF 5’674 | € 5’042 |
Sport Pack Proteo 19″ | CHF 2’678 | € 2’380 |
Système Audio Harman Kardon | CHF 1’648 | € 1’664 |
Double vitrage arrière | CHF 1’080 | € 960 |
Détecteur d’angle mort | CHF 699 | € 706 |
Roue de secours 18″ | CHF 409 | € 364 |
Réception radio DAB | CHF 400 | € 403 |
Prix catalogue du véhicule testé | CHF 112’211 | € 105’865 |
Face à la concurrence
Maserati Ghibli S Q4 | Audi S6 | BMW 550i xDrive | Mercedes E43 AMG 4Matic | |
Moteur | V6 biturbo 2979 cm3 | V8 biturbo 3993 cm3 | V8 biturbo 4395 cm3 | V6 biturbo 2996 cm3 |
Puissance (ch / t/min) | 410 / 5500 | 450 / 5800 – 6400 | 450 / 5500 | 401 / 6100 |
Couple (Nm / tr/min) | 550 / 1750-5000 | 550 / 1400 – 5700 | 650 / 2000-4500 | 520 / 2500-5000 |
Transmission | 4×4 | Quattro | xDrive | 4Matic |
Boite à vitesses | Automatique, 8 | S Tronic, 7 | Steptronic 8 | 9G Tronic |
RPP (kg/ch) | 5.06 | (4.21) | (4.18) | (4.40) |
Poids DIN (constr.) | (1870) 2074 51.9% AV 48.1% AR |
(1895) | (1880) | (1765) |
0-100 km/h (sec.) | 4.8 | 4.4 | 4.4 | 4.6 |
Vitesse max. (km/h) | 284 | 250 | 250 | 250 |
Conso. Mixte (constr.) | 13.57 (9.7) | (9.2) | (9.2) | (8.3) |
CO2 (g/km) | 226 | 214 | 214 | 189 |
Réservoir (l) | 80 | 75 | 70 | N.C. |
Longueur (mm) | 4971 | 4931 | 4907 | 4923 |
Largeur (mm) | 1945/2100 | 1874/2086 | 1860/2102 | 1852/2065 |
Hauteur (mm) | 1461 | 1430 | 1464 | 1468 |
Empattement (mm) | 2998 | 2917 | 2968 | 2939 |
Coffre (L) | 500 | 530-995 | 520 | 540 |
Pneumatiques | 235/50 R18 275/45 R18 |
255/40 R 19 | 245/45 R18 | N.C. |
Prix de base (CHF) | 90’450 | 98’050 | 97’100 | N.C. |
Prix de base (EUR) | 86’100 | 93’620 | 75’800 | N.C. |
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