Essai Lexus RC F : espèce menacée ?


Avec son gros V8 atmosphérique, le coupé RC F fait figure d’espèce en voie de disparition.

Après la trop souvent méconnue berline IS F, le coupé RC F incarne la deuxième génération des modèles F à motorisation V8. Et pour cause : avec ses 477ch et ses 530Nm de couple, il s’agit tout bonnement du plus puissant V8 produit par Lexus, l’IS F revendiquant 54ch de moins. Initiale de « Fuji Speedway », le circuit où Lexus met au point ses modèles, le label F symbolise le summum de la sportivité à la sauce japonaise. Voyons ce qu’il en est sur la route à travers cet essai complet.

Extérieurement, il ne fait aucun doute que le coupé RC F annonce la couleur. Sa proue au design très osé et ses lignes acérées ne laissent personne indifférent, avec également pour avantage de conférer à l’auto un Cx remarquable de 0.33. L’arrière quant à lui est coiffé d’un aileron actif qui se déploie automatiquement à plus de 80 km/h. En position rétractée, celui-ci est invisible car parfaitement intégré à la malle de coffre.

L’habitacle de la RC F n’est pas sans rappeler le cockpit d’un avion tant les boutons de commandes sont abondants. J’en ai compté 17 rien que sur le volant (sans compter les palettes et le klaxon), et 34 sur le tableau de bord et la console centrale ! Si cela peut être déroutant au début, chaque bouton a une fonction spécifique. Ainsi il n’est pas nécessaire de traverser les menus pour désactiver l’ESP ou changer le mode d’action du différentiel ; des boutons existent pour ces fonctions et sont à portée de ma main droite, ce qui est très appréciable.

Globalement, la présentation intérieure est soignée et raffinée comme le souligne l’horloge analogique située au milieu du tableau de bord. Les sièges semi-baquets chauffants et climatisés sont beaux et massifs, et disposent de réglages électriques mémorisables. Dans cette version Excellence, le cuir est de mise pour les sièges et les contre-portes, qui comportent également de l’alcantara, tout comme la coiffe des compteurs. Le volant en cuir de 370mm de diamètre offre une excellente prise en main. Quelques touches argentées de fibre de verre garnissent les portes et le vide poche. Au niveau des commandes, hormis les palettes et les molettes du combiné audio qui sont en aluminium, elles sont constituées de plastiques de qualités inégales. Dommage par exemple, que la molette permettant de changer de modes de conduite soit faite dans un plastique si sensible aux rayures.


 

La Lexus RCF propose 4 modes de conduites, auxquels viennent s’ajouter 3 modes d’action du différentiel arrière qui sont indépendants du mode de conduite sélectionné. Un mode snow est également présent. Quel que soit le mode choisi, il est possible d’utiliser la boîte en mode automatique ou manuel. Une dernière touche, capitale, permet de désactiver toutes les aides à la conduite mais seulement lorsque l’on se trouve en mode de conduite Sport S+. Tout un programme donc, tant les possibilités d’utilisation sont nombreuses en fonction de ses envies et de la route empruntée.

Dès que j’effleure la poignée, un doux éclairage s’y allume et la voiture se déverrouille, m’invitant à m’introduire à l’intérieur. Un bref appui sur la touche Start suffit à mettre le V8 5.0 en émoi, et c’est logiquement le mode de conduite normal qui est sélectionné par défaut. Dans ce mode, le son du V8 est grave, naturel et onctueux, tout en restant discret. Aussitôt la marche arrière enclenchée, l’image de la caméra de recul est affichée, mais les capteurs de parking s’enclenchent manuellement. Il est possible de les laisser actifs, mais avec comme inconvénient le témoin y relatif qui reste allumé en permanence à droite des compteurs.


A froid, la zone rouge est située à 3’800 t/min, signifiant que je ne peux pas dépasser ce régime, le rupteur étant ensuite automatiquement ajusté vers le haut en fonction de la température de l’eau et de l’huile. Une précaution bienvenue qui saura épargner la mécanique des mauvais usages. J’ai quelques kilomètres à faire sur la route cantonale qui va me permettre de rejoindre l’autoroute pour rentrer. Les suspensions sont fermes mais confortables et la direction surprend par sa facilité compte tenu du poids de l’auto. Très rapidement, je suis charmé par l’onctuosité de cette mécanique noble. La conduite sur le couple avec un filet de gaz est de mise, bien qu’on puisse s’attendre à encore plus de couple compte tenu de la cylindrée. Mais comme je le décrirai ensuite, c’est mieux ainsi. La boîte est douce, les changements de rapport sont à peine perceptibles. Ce trajet tranquille me permet de jouer avec les différents réglages du régulateur de vitesse, qui gère à la perfection la distance avec le véhicule qui me précède. En bonne routière qui se respecte, la version Excellence est dotée de série d’une armada de technologies embarquées au service de la sécurité : avertisseur de sortie de voie, surveillance des angles morts, feux de routes automatiques, surveillance de la pression des pneus, et surtout, système de détection de pré-collision (PCS). L’utilisation de l’unité centrale se fait via un pavé tactile situé à proximité du levier de vitesse, ou plutôt devrais-je dire du sélecteur de mode de conduite. La navigation parmi les différents menus et assez intuitive.


La réception des stations DAB fait merveille car elle est couplée ici au système audio Hi-Fi Mark Levinson à 17 hauts-parleurs, présent de série sur cette version Excellence. Dans ces conditions de trafic fluide à la nuit tombante, la BO de Spectre de Sam Smith est un pur délice à mes oreilles, alors que, toujours sur l’autoroute, je décide de passer en mode ECO. Aussitôt, le style visuel change totalement et le compte-tours laisse la place à un ecomètre d’un bleu très reposant. A vitesse constante ou en décélération, celui-ci est plein, puis se réduit petit à petit en fonction de l’appui sur la pédale de droite. La sensibilité des gaz change drastiquement ; attention car si l’envie vous prend de passer directement du mode ECO au mode Sport, la réactivité à la relance change totalement et peut surprendre ! Petit regret concernant ce mode ECO : en mode D, le régime est maintenu logiquement le plus bas possible, mais lors des décélérations, la boîte ne commute jamais au neutre, et utilise le 7ème ou le 8ème rapport comme « overdrive ». Hors, ce n’est pas la manière de moins consommer, surtout avec une telle cylindrée qui possède toujours un certain frein moteur. Afin d’abaisser la consommation sur les portions en légère descente, je m’amuse donc à commuter le sélecteur au neutre, à l’instar de ce que ferait automatiquement une boîte S-tronic ou PDK. Sur l’autoroute reliant Lausanne à Vevey, cette technique permet de rouler quasiment gratuitement sur plus de 7 km. Sur le plat, la consommation sur autoroute est d’environ 8 L/100km grâce à une 8ème vitesse très démultipliée (1’800 t/min à 120 km/h), contre un peu moins de 12 L/100km en parcours mixte sans exploiter toute la cavalerie.

Après tant de douceur et de confort, il est temps d’emmener la RC F sur un terrain permettant de mettre en exergue ses qualités dynamiques et de faire parler ses canassons. La route reliant Gruyère aux Mosses est parfaite car progressive dans ce sens. Je hausse un peu le rythme tout en restant en mode normal. Petit à petit je découvre un moteur plutôt rageur dont les montées en régime, sans être enivrantes, mettent en lumière un moteur particulièrement à l’aise de 4’500 t/min jusqu’au rupteur. Un rupteur qui vous saute d’ailleurs rapidement aux yeux (et aux oreilles) vers 7’300 t/min. Me sachant très critique envers la gestion des boîtes automatiques, je ne tarde pas à passer en mode manuel afin de pouvoir décider moi-même des changements de rapport. Même à pleine charge, ceux-ci sont loin d’être foudroyants, la RC F n’étant pas dotée d’une boîte robotisée à double embrayage mais d’une traditionnelle boîte automatique à convertisseur de couple avec mode séquentiel. Le mode Sport S n’apporte pas grand-chose hormis une réactivité des gaz plus prononcée et la métamorphose du compte-tours dans un aspect plus sportif. Je passe donc rapidement en mode Sport S+, nettement plus intéressant. Immédiatement, le son du moteur devient plus présent grâce à un système d’amplification dans l’habitacle baptisé ASC, qui enregistre le son de l’admission et du moteur pour le reproduire via une enceinte dédiée. Ainsi, le son perçu est une combinaison à 50% de l’ASC et 50% des bruits naturels du moteur. Parallèlement, la direction se raffermit et procure une consistance bienvenue en conduite active, même si la remontée d’information reste trop faible, fait hélas rencontré sur beaucoup de voitures actuelles même sportives. Les changements de rapport sont plus rapides, de l’ordre de 100 ms selon Lexus, et n’égalent donc pas les références actuelles en la matière.

Si la bande son se veut très convaincante lors des montées en régimes, elle manque clairement de matière lors des décélérations, et il faudra ouvrir la fenêtre pour entendre de timides et rares borborygmes. Ceci dit, dans cette configuration, l’auto sait distiller un certain plaisir, et le tronçon reliant L’Etivaz à la Lécherette peut être avalé à bon rythme, même détrempé comme c’est le cas en ce 20 décembre. L’étagement assez resserré de la boîte à 8 rapports fait merveille, même si je n’aurais pas été contre un poil plus d’élasticité au niveau du régime maximum. Néanmoins, il conviendra de toujours garder la main sur les changements de rapports, car même en mode Sport S+, la boîte ne sait pas rétrograder assez tôt lors des freinages, et peut même se montrer dangereuse en rétrogradant au milieu du virage lors de la relance. Pourtant, selon Lexus, les changements de rapports en mode automatique se feraient toujours au bon moment, la boîte gérant les informations d’accélération latérale de la centrale inertielle, mais ce n’est pas l’impression qu’elle m’a donné durant cet essai prolongé. En mode manuel par contre, la boîte ne rechigne pas à rétrograder très tôt, mais la prise en main des palettes n’est pas optimale : leur prolongement, situé trop près de l’axe de pivotement, nécessitent trop de force à l’appui. Il est donc nécessaire d’appuyer sur leur partie centrale, à moins d’utiliser le shifter, qui s’emploie lui, dans le sens inverse de la physique… Dommage !


Il convient de préciser que Lexus n’a pas daigné avoir recours à des suspensions actives pour la RC F. Pourtant, sur tous les revêtements, je dois avouer que j’ai été surpris en bien par le compromis trouvé. Filtrant très bien les aspérités, la RC F sait se montrer à la fois confortable et sportive, ne prenant qu’un roulis limité dans les virages comme l’attestent nos photos. Lorsque, sur la dernière portion ensoleillée et sèche menant au col des Mosses, je décide de basculer en ESP OFF, la mention « Expert » s’allume à côté de l’icône indiquant le mode de conduite : me voici presque flatté ! Dans le même temps, le système de détection de collision PCS est automatiquement désactivé pour éviter de prévenir à tort la présence d’une glissière lorsque l’allure est vive en approche d’un virage. Avec son gros V8 atmosphérique placé à l’avant, elle se met alors facilement en travers en sortie de virage serré.


Un petit détour sur une portion encore enneigée permettra de mettre en exergue ce comportement joueur commun à la plupart des propulsions. De retour sur le sec, c’est le moment d’utiliser ma dernière cartouche car le système de distribution du couple aux roues (TVD) est toujours en mode ouvert, à la manière d’un différentiel standard. Aussitôt commuté en mode slalom, la configuration des embrayages n’autorise plus autant de différence de vitesse entre les deux roues arrière, ce qui se traduit par un comportement en sortie de courbe transfiguré ! Même dans les endroits où la motricité ne semblait à première vue pas faire défaut, la différence est nette, le train arrière semblant scotché à l’asphalte et permettant de ressortir soudé à la corde ! C’est bien sur ce point que l’auto m’aura le plus impressionné. La tendance au sous-virage en sortie de longue courbe est nettement atténuée, et le comportement devient particulièrement jouissif dans les sinueux rapides. Mais il faudra se montrer méfiant en cas dérive généreuse du train arrière, sinon gare au coup de raquette ! Il existe encore un troisième mode pour le différentiel : track. Même en plaine avec de meilleures conditions d’adhérence, je ne suis pas parvenu à identifier de différence notable avec le mode slalom. A noter que ce différentiel arrière à glissement limité mécaniquement paramétrable (TVD) n’est pas proposé de série et fait l’objet d’un supplément conséquent de CHF 6’100.-, alors qu’un différentiel de type Torsen est présent de série.

Au niveau du freinage, l’attaque est bien calibrée car progressive, et les premiers freinages à fond sont puissants : le Gmètre indique environ 1g de décélération. Malheureusement, malgré les étriers fixes à 6 pistons pinçant des galettes de 380mm à l’avant (345mm à l’arrière), l’endurance fait défaut et les freins fatiguent rapidement, surtout en descente. La course de la pédale augmente et l’efficacité diminue quelque peu. Rien de bien dramatique pour un usage routier, mais j’aurais peine à envisager quelques tours de piste dans ces conditions. Il faut néanmoins préciser que l’exemplaire qui nous a été mis à disposition n’est pas équipé des jantes Lexus d’origine mais de répliques Mak, et il n’est pas impossible que celles-ci soient en partie responsable de la surchauffe prématurée des freins. A moins que ça ne soit l’usure des plaquettes ?


Déesse aux multiples visages, la Lexus RC F est un bon mélange de raffinement et de sportivité. Elle a le mérite d’offrir des atmosphères et des réglages totalement différents en fonction des besoins de son conducteur. Elle sait ainsi passer de la routière douce, feutrée et confortable au coupé bruyant, réactif et prêt à bondir d’une courbe à l’autre sans sourciller. La définition d’une GT ? Sans doute, bien que son poids conséquent, la relative faiblesse des freins, l’absence de boîte à double embrayage et quelques détails isolés ne la placent pas dans les plus sportives du panier. Mais, au prix total de CHF 105’350.- options comprises, son tarif n’a rien de rédhibitoire compte tenu des prestations qu’elle propose et de ses 477 ch sous le capot !

 

Prix et options du véhicule essayé

Lexus RC F Excellence CHF 100’100 € 88’790 (finition GT)
 Peinture métalisée CHF 1’150 € 0
 Différentiel à vecteur de couple TVD CHF 6’100 € 4’500
 Cash-Bonus – CHF 2’000 € 0
Total CHF 105’350 € 93’290

 

Face à la concurrence

Lexus RC F BMW M4  Ford Mustang V8 5.0 Maserati  GranTurismo Sport
Moteur  V8 4969 cm3  L6 2979 cm3 turbo V8 4951 cm3  V8 4691 cm3
Puissance (ch / t/min)  477 / 7100  431 / 5500-7300 421 / 6500 460 / 7000
Couple (Nm / tr/min)  530 / 4800  550 / 1850-5500  530 / 4250  520 / 4750
Transmission  Propulsion  Propulsion  Propulsion Propulsion
Boite à vitesses  Automatique 8 DKG  7  Automatique 6  Séquentielle 6
RPP (kg/ch)  3.9  3.6 3.8  3.9
Poids DIN (constr.) (1840)  (1537) (1657) (1780)
0-100 km/h (sec.)  4.5  4.1 4.7 4.7
Vitesse max. (km/h)  270 (limitée) 293 250  300
Conso. Mixte (constr.)  11.9 (10.8)  (8.3) (12.0) (14.4)
Réservoir (l)  66 57 61 86
CO2 (g/km)  251 194 281 337
Longueur (mm) 4705 4671 4783 4881
Largeur (mm) 1845 1870  1915 1915
Hauteur (mm) 1390 1383  1382 1343
Empattement (mm)  2730 2812  2720  2942
Coffre (L)  362 445  332 260
Pneumatiques AR275/35/19 AV255/35/19  AR275/35/19 AV255/35/19  AR275/40/19 AV255/40/19 AR285/35/20 AV245/35/20
Prix de base (CHF)  100’100  90’900  49’900  145’500
Prix de base (EUR)  79’790  85’300  42’000 126’500

Nos remerciements à Lexus Suisse pour le prêt de cette RC F.

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