Le marché automobile suisse est chamboulé par l’abollition du taux plancher sur l’euro.
Le 15 Janvier 2015 à 10h30, la Banque Nationale Suisse annonce l’abandon du taux plancher défendant un cours de 1.20 CHF par Euro. Le cours du franc s’envole instantanément, s’appréciant de plus de 20% contre la monnaie unique. Cinq jours plus tard, Mercedes-Benz annonce un rabais de change de 18%. Les autres grands importateurs emboîtent le pas de la marque à l’étoile. De substantielles primes exceptionnelles se mêlent rapidement à des baisses des tarifs officiels.
Les immatriculations du mois de Janvier 2015 sont médiocres, proches de la chute libre. En baisse de 9.0%, il faut remonter à Août 2009 pour trouver pire dans les immatriculations mensuelles de voitures neuves en Suisse. Février est moins morose à +2.1%. En Mars, les immatriculations bondissent de 20.0% à 31’487 unités. La progression n’est pas due à une base de comparaison biaisée: les immatriculations du mois de Mars ont été 9.7% supérieures à la moyenne des cinq dernières années pour ce même mois. Les effets du taux de change commencent à se traduire dans une progression des livraisons aux clients.
Anatomie d’un marché explosif
L’appétit des automobilistes suisses pour les transmissions intégrales ne fléchit pas: leur part est passée de moins de 30% à la mi 2012 à près de 40% en ce premier trimestre 2015. La part des motorisations diesel reste stable autour de 37% depuis fin 2012. Celle des motorisations alternatives, hybrides et électriques, continue à progresser, mais très lentement. Il n’y a pas de fluctuation marquante parmi les différents segments du marché, la plus forte baisse se situant dans le segment C (-1.6% PDM à 14.3%) et la plus forte hausse dans le segment D, principalement du fait du succès de la Skoda Octavia.
Au classement par marques, par contre, c’est le chamboulement. Mercedes affiche des résultats ahurissants: +12.7% en Janvier dans un marché baissier, +48% en Février, +50.3% en mars, soit +38.2% sur ce premier trimestre 2015. Stocks, flexibilité de l’outil de production ou de son allocation, fruit du travail accompli fin 2014 ? Difficile à dire. les chiffres montrent par contre que Mercedes doit beaucoup au GLA (+621 unités au 1er trimestre), à la classe C (+520) puisque plus des deux tiers de la croissance proviennent de ces deux modèles. Les ventes de classe A sont, elles, stables. BMW a également réagi avec détermination à l’évolution du taux de change, mais les résultats sont pour l’instant moins probants, avec seulement 15% de croissance au premier trimestre.
Autres bénéficiaires du grand chambardement monétaire, Citroën (+23.6%), Skoda (+21.1%) et Renault (+18.7%). La performance de Volkswagen est plus pâle, et chez Audi, désormais relégué à la cinquième place, et troisième et dernier du trio premium allemand, le momentum ne semble pas encore là même si les chiffres de Mars sont encourageants. Si on filtre les effets ponctuels en prenant une somme glissante sur les douze derniers mois, les changements sont (pour l’instant) moins radicaux, mais il est probable que les stratégies commerciales en réaction au 15 Janvier 2015 n’ont guère que commencé à déployer leurs effets et auront des effets durables sur les parts de marché.
Plus loin au classement par marques, on note encore la performance de Mitsubishi (+63.3% au premier trimestre) et de Porsche (+113.6%). Chez le constructeur allemand, le Macan est responsable à 85% du doublement des ventes: il se vend mieux que 911 et Cayenne réunis.
Pas d’embellie chez Jaguar par contre, le constructeur britannique voit ses ventes baisser de 29.2% au premier trimestre. C’est également la soupe à la grimace chez Maserati: après une performance tonitruante en 2014, les volumes de ce début 2015 sont en baisse de 12.8%. On relèvera encore que Tesla a connu un trimestre record avec 198 véhicules livrés.
Au top 15 par modèles, la Skoda Octavia se paie le luxe de devancer la VW Golf 7, et la Mercedes classe C détrône la BMW Série 3 parmi les berlines premium du segment D. L’Audi A4 accuse son âge et est reléguée à la 44ème place du classement par modèle avec 531 unités. Son remplacement se fait attendre.
Le marché automobile suisse sauvé par la BNS ?
Il est difficile – voire impossible – d’argumenter que la plongée de Janvier était une réaction émotionnelle à l’abandon du taux plancher. Le marché automobile suisse s’est contracté pendant 19 des 27 derniers mois. Primo, celui-ci n’intervient qu’au milieu du mois. Deuxio, le délai entre vente et enregistrement de l’immatriculation est significatif, ce que nombre de médias oublient. De quelques jours si le véhicule souhaité se trouve par miracle en stock en concession, il peut passer rapidement à plusieurs mois dès le moment où l’acheteur spécifie un véhicule à ses souhaits. L’explication la plus plausible est donc que le marché suisse était en forte tendance baissière, et que les très fortes remises offertes par les importateurs commencent à se traduire par des livraisons et immatriculations en nombre. Il reste cependant à voir si la tendance sera durable ou si l’appel d’air provoqué par de forts rabais se traduira ensuite par une baisse de la demande.
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