Nous essayons le Kia Sportage 2.0L CRDi.
Dévoilé au salon de Genève 2010, le nouveau Kia Sportage est la troisième génération du modèle, la première ayant – heureusement serait-on tenté d’écrire – connu une diffusion confidentielle sous nos longitudes. Kia passa dans le giron du groupe Hyundai en 1998 quand celui-ci fit l’acquisition de 51% des parts. Depuis, les deux marques partagent plateformes et motorisations. Sur le marché suisse, de plus en plus friand de SUVs, la diffusion du Sportage est nettement plus confidentielle que celle de son cousin ix35 chez Hyundai, au tarif plus serré.
Du premier coup d’œil, le Sportage ne ressemble pas à un crossover demi-sel hâtivement conçu autour d’une berline surélevée. Kia a conçu un SUV (ou CUV, pour Crossover Utility Vehicle dans le vocable de la marque) visuellement et factuellement haut sur pattes, une impression renforcée par la bande de plastique de protection qui court le long des bas de caisse et des passages de roues. La position de conduite est à l’avenant, avec une assise haute qui demande de se hisser sur le placet. On a l’impression de traiter d’égal à égal – en altitude du moins- avec un Range Rover Sport en dominant ostensiblement le trafic, ce que la clientèle semble priser.
L’intérieur donne au premier coup d’œil une impression favorable de qualité et de bon goût, même si l’examen individuel des composants et matériaux ne provoquera pas l’extase des fétichistes de la finition automobile. Le Sportage est en cela un peu en retrait de la Cee’d GT, dont certains accents de décoration sont d’un aspect plus premium. Malgré un recours généreux à de grandes surfaces recouvertes de vernis métallisé, l’habitacle du Sportage est plaisant, avec des commodos au feeling franc et précis dans leurs engagements, un volant habillé de cuir fin et les coutures contrastées de la sellerie de cette exécution Style, 3000 CHF plus chère que la version Trend à 41950 CHF. Notre modèle d’essai bénéficie en sus du Style Pack (navigation avec caméra de recul, vitrage privatif, aide au stationnement automatique et toit vitré panoramique) qui alourdit la facture de 4500 CHF supplémentaires. Ajoutez une peinture métallisée à 690 CHF et l’on passe le seuil des 50’000 CHF !
A ce tarif, l’équipement est très complet, nous n’en ferons pas l’inventaire ici. J’ai juste regretté l’absence d’un limiteur de vitesse, option pratique sur autoroute pour ne pas avoir à garder un œil sur le compteur. Autre grief, Kia n’a pas mis à profit l’écran LCD logé entre les deux cadrans analogiques pour offrir un affichage digital de la vitesse. L’ergonomie de la disposition des divers boutons est très discutable, à commencer par les 4 boutons disposés sur les branches verticales inférieures du volant. On continue avec le blocage de différentiel central caché par le sélecteur de vitesse et séparé des autres fonctions tout-terrain (contrôle descente, ESP) disposés, eux, en contre-bas sur la gauche du tableau de bord. Suit la commande des modes l’ordinateur de bord logée sur la gauche du bloc d’instruments, cachée par la jante du volant et dénuée de rétroéclairage donc invisible de nuit. Le Sportage a également la particularité de ne pas afficher l’heure selon le mode choisi pour l’interface multimédia ! La palme revient cependant à la commande de chauffage de volant, dissimulée sur le côté de la colonne de direction. Ce sont des détails, mais la somme de ceux-ci prend de l’importance à un tarif où le confort du conducteur devrait primer sur les préoccupations des ingénieurs. L’interface tactile du système multimédia est dans la moyenne, mais j’ai souvent déclenché les feux de détresse en appuyant un doigt sur le bord inférieur pour guider mes actions.
Le 2.0L CRDi est un groupe d’origine Hyundai portant la désignation interne R. Construit entièrement en aluminium, il bénéficie d’une injection common rail Bosch de troisième génération, d’un turbocompresseur à géométrie variable et d’un filtre à particules afin de respecter les normes d’émissions Euro 5. Il développe un couple maxi de 383 Nm de 1800 à 2500 t/min (392 Nm en version avec boîte automatique). La puissance culmine à 184 chevaux à 4000 t/min. Sur le papier, ces valeurs sont concurrentielles avec les 2 litres turbodiesel allemands, mais au volant, l’impression dominante est aux confins de l’onctuosité et de la mollesse.
Le poids fut expéditivement éliminé de la liste des suspects. Annoncé à 1712 kg DIN et vérifié sur nos balances (1710 kg, dont 60.4% sur le train avant), mes soupçons se reportent ensuite sur la boîte automatique à 6 rapports, mais Kia annonce un temps identique de 9.8 secondes pour le 0-100 km/h avec la boîte manuelle, alors que VW revendique 8.5s pour le Tiguan 2.0 TDI 4Motion pourtant moins puissant et à peine plus léger. Le 0-100 km/h est un exercice déphasé des réalités routières contemporaines, mais même dans le 0-60 km/h, j’aurais parfois souhaité une plus grande réactivité. Du ralenti à une intersection, l’inertie du moteur, le temps de réponse du turbo et la fermeture du convertisseur de couple se combinent pour péjorer la réactivité, j’ai à plusieurs reprises eu l’impression soutenue d’attendre la réaction du groupe propulseur alors que j’essayais de m’insérer dans le trafic.
Le 2.0L CRDi reste probablement le choix le plus indiqué, la seule alternative disponible en Suisse étant le 2.0L GDi essence atmosphérique avec 205 Nm à 4000 t/min et 166 ch à 6200 t/min. Le 2.4 GDi atmo de 182ch ou le 2.0L Turbo 260ch offerts à la clientèle américaine ne sont pas importés en Suisse.
La transmission permanente aux 4 roues a été développée conjointement par Kia et Magna sous l’appellation Dynamax, étrangement absente de la documentation suisse. En conditions normales, elle envoie 100% du couple sur le train avant en conditions normales pour abaisser la consommation, le différentiel central distribue une portion du couple sur le train arrière lorsque un patinage est détecté. Il peut être bloqué en position fermée par une touche située sur la droite du sélecteur de vitesse. Kia met en avant les capacités d’anticipation du système par rapport à des homologues plus réactifs, mais en pratique, une conduite maladroite et brusque se traduira par un cocktail bien tassé de patinage et de sous-virage. En cas de démarrage hooliganesque, le blocage du différentiel permet de passer le couple aux quatre roues et des mises en vitesse relativement musclées, toutes proportions gardées.
C’est surtout en reprises que le 2.0L CRDi peine à convaincre. Là où certaines boîtes automatiques fatiguent par des kickdowns hyperactifs, la transmission automatique du Sportage tombe dans l’autre extrême, demandant un mouvement exagéré (ou un déclenchement de l’interrupteur en bout de course de pédale) pour provoquer un rétrogradage. Comme le 2.0L turbodiesel, la boîte a été développée à l’interne par le groupe coréen. La gestion de ses 6 rapports se fait un peu à l’ancienne, privilégiant d’amples patinages au profit du confort plutôt que d’essayer de fermer son convertisseur de couple aussi vite que possible. Elle n’hésite pas à exploiter la souplesse louable du moteur, laissant le régime tomber à 1200 t/min à 50 km/h sur le cinquième rapport. La grille alternative de commande par impulsion a le mérite d’exister, mais faute d’égalisation du régime, des rétrogradages un tantinet motivés deviennent rapidement maladroits. Mention honorable en termes de douceur, mais si votre définition de l’agrément de conduite passe par une motorisation coupleuse et alerte, le Sportage pourrait décevoir. La boîte automatique reste sans doute l’option à privilégier (2’200 CHF de surcoût face à la boîte 6 manuelle) car elle se joue de la plage d’utilisation étroite du turbodiesel.
J’ai relevé une consommation de 8.24 L/100km (7.8L/100km à 71 km/h de moyenne selon l’ordinateur de bord) qui illustre les effets combinés du maître-couple et du poids, une valeur à mettre en perspective avec les 6.04 L/100km mesurés récemment sur le Suzuki SX4 S-Cross, certes plus compact (4.30m contre 4.44m), mais aussi plus aérodynamique et surtout radicalement plus léger (400kg de moins sur nos balances). Au passage, le 2.0L CRDi n’est pas pourvu d’un système Stop-Start.
Sur autoroute, le Sportage offre un confort raisonnable, mais pas exempt de défauts. Le premier est la présence de bruits d’airs assez important en provenance du pare-brise et du toit panoramique vitré. Pourtant amateur de ces ouvertures sur l’azur, je me suis surpris à rabattre le volet de protection pour diminuer le bruit dans l’habitacle sur longs trajets. Ensuite, l’amortissement secondaire est très sec, rendant le Sportage sautillant et trépidant sur des revêtements qui ne mettent pas à mal d’autres véhicules. J’ai ainsi découvert des inégalités insoupçonnées sur des tronçons que je connais pourtant bien. Le moteur se fait oublier, tournant à des régimes paisibles (2000 t/min à 120 km/h) et supportant sans le moindre effort de croiser à 150 km/h par monts et par vaux. L’espace réservé aux passagers arrière est adéquat, la garde au toit étant juste suffisante pour accueillir un adulte. Le coffre de 564 litres est par contre spacieux, avec un plancher de chargement haut mais sans entrave.
Kia équipe la version Style d’une direction Flex Steer à assistance réglable, avec trois modes qu’on peut sélectionner sur le volant. Je n’ai pas été capable de déceler de différence significative entre ceux-ci. L’absence de maintien latéral des sièges est par contre flagrante dès qu’on hausse le rythme sur parcours sinueux ou attaque des giratoires avec tonus. L’équilibre en appui est prédictible pour le segment, privilégiant un sous-virage conséquent. La position haut perchée renforce l’impression de roulis et n’incite de toute manière guère à la conduite sportive.
Elle peut par contre inciter à l’aventure, en l’occurrence une route d’alpage escarpée. Je paie ici tribut aux crossovers, CUV et SUVs. Jamais je n’aurais osé entreprendre tel parcours avec une berline, alors qu’ici, avec un système 4×4 efficace, une garde au sol appréciable et des bas de caisse peu vulnérables, je n’ai pas hésité une seconde, et les premières ornières de neige et de terre n’ont guère tempéré mes ardeurs. J’ai finalement dû rebrousser chemin alors que les congères atteignaient 40cm de profondeur, mais là encore, faire demi-tour dans un mouchoir de poche entre pente escarpée et précipice fut un jeu d’enfant. On ne parle naturellement pas de franchissement ou d’off-road hardcore, mais les compromis consentis en termes de comportement routier sont partiellement compensés par des aptitudes au tout-chemin tout simplement hors de portée d’une berline routière. Encore faut-il en avoir l’utilité.
Au bilan, le Kia Sportage a la tâche difficile d’offrir une alternative haut de gamme au Hyundai ix35 dans un marché extrêmement concurrentiel avec un tarif qui le mettrait presque en concurrence avec les SUVs allemands, à commencer par le VW Tiguan. Aucun des bémols relevés dans cet essai n’est isolément rédhibitoire, mais leur somme pourrait susciter réflexion et pondération.
Véhicule de test et options
Kia Sportage 2.0 CRDi | CHF 39’750 | € 37’150 |
Boîte automatique | CHF 2’200 | incl. |
Finition Style | CHF 3’000 | N.C. |
Pack Style | CHF 4’500 | N.C. |
Peinture métallisée | CHF 690 | € 570 |
Prix catalogue du véhicule testé | CHF 50’140 | N.C: |
Face à la concurrence
Kia Sportage 2.0 CRDi | VW Tiguan 2.0 TDI 4Motion | Jeep Compass 2.2 CRD | Hyundai iX35 2.0 CRDi | |
Moteur | L4 turbodiesel 1995 cm3 | L4 turbodiesel 1968 cm3 | L4 turbodiesel 2143 cm3 | L4 turbodiesel 1995 cm3 |
Puissance (ch / t/min) | 184 / 4000 | 177 / 4200 | 163 | 184 / 4000 |
Couple (Nm / tr/min) | 392 /1800-2500 | 380 / 1750-2500 | 320 / 1400-3600 | 392 /1800-2500 |
Transmission | 4 roues motrices | 4 roues motrices | 4 roues motrices | 4 roues motrices |
Boite à vitesses | 6, automatique | 7, DSG | manuelle | 6, autom |
RPP (kg/ch) | 9.29 (9.30) | (9.53) | (9.84) | (9.30) |
Poids DIN (constr.) | 1710 (1712) 60.4% AV 39.6% AR |
(1688) | (1605) | (1712) |
0-100 km/h (sec.) | 9.8 | 8.5 | N. C. | 9.8 |
Vitesse max. (km/h) | 195 | 202 | 201 | 195 |
Conso. Mixte (constr.) | 8.24 (7.2) | (6.0) | (6.6) | (6.9) |
Réservoir (l) | 58 | 64 | 51 | 58 |
Emissions CO2 (g/km) | 189 | 159 | 172 | 182 |
Longueur (mm) | 4440 | 4443 | 4465 | 4410 |
Largeur (mm) | 1855 | 1809/2041 | 1812 | 1820 |
Hauteur (mm) | 1640 | 1868 | 1663 | 1660 |
Empattement (mm) | 2640 | 2604 | 2635 | 2640 |
Coffre (L) | 564-1353 | 470-1510 | 458-1269 | 465-1436 |
Pneumatiques AV | 225/60R17 | 235/55R17 | 215/55R18 | 225/60R17 |
Pneumatiques AR | 225/60R17 | 235/55R17 | 215/55R18 | 225/60R17 |
Prix de base (CHF) | 41’950 | 44’300 | 42’250 | 39’990 |
Prix de base (EUR) | 37’150 | 39’380 | 33’710 | 35’150 |
Nos remerciements à Kia Suisse pour le prêt de cette Kia Sportage.
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