Au volant: Tesla Model S. Good Karma ?

A la découverte du Model S de Tesla.

Je me suis fixé trois objectifs pour cet essai. Tout d’abord, faire plus ample connaissance avec le Model S qui a déjà séduit plus de 120 automobilistes suisses, et en cerner l’agrément de conduite. Ensuite, explorer l’enveloppe de performances : les électriques offrent un couple appréciable dès l’arrêt, mais ont tendance à s’essouffler avec la vitesse. Enfin, me confronter à nouveau avec la réalité de l’approvisionnement en énergie électrique et des contingences de recharge qui vont avec.

Rendez-vous est pris au Service Center de Winterthur au nord de Zürich, le seul de Suisse avant l’ouverture programmée de centres à Bâle et Genève. Il fait encore nuit en cette fin Novembre, mais le centre est en pleine effervescence, entre la préparation de livraisons de voitures neuves et la monte de roues d’hiver pour certains clients. Toutes les voitures présentes sont des modèles 85, la plupart fortement optionnés. Mon Model S est « rouge », curieusement Tesla n’a pas succombé à l’habitude dans cette industrie de donner des dénominations poétiques aux couleurs, elles sont toutes strictement descriptives. Pas de « rouge rubis », ou « rouge lave », mais simplement rouge.

Cet exemplaire dispose de toutes les options au catalogue à l’exception des sièges additionnels pour enfants à installer dans le coffre. Elle est juste équipée pour l’occasion de jantes de 19’’ « Cyclone » montées en Pirelli Sottozero, en lieu et place des 21’’ « Turbine » incluses dans cette version Performance Plus. Les jantes héritent donc d’une touche métaphorique dont le nuancier a été privé. La ligne est élégante et fluide, classique, presque convenue, avec des accents de chromes prononcés – un peu kitsch à mon goût –  autour des vitres latérales, sur les massives poignées de portières escamotables et les supports des rétroviseurs. Je regrette personnellement qu’il ne soit pas possible de choisir une alternative à cette finition chrome assez clinquante – tout comme le fait que les rétroviseurs en question ne sont pas escamotables, mais je comprends la logique industrielle de limiter les variantes et de plaire à une clientèle nord-américaine pour qui les chromes sont encore à la mode.

La voiture a été chargée pendant la nuit, le tableau de bord m’indique une autonomie typique de 395km. Sélecteur de marche sur D, et le Model S sort en silence du Service Center. Dès les premiers mètres, des sensations familières me viennent immédiatement à l’esprit. Le silence tout d’abord. Nous l’écrivons depuis plusieurs années, la propulsion électrique est l’expérience ultime en termes de sérénité et de raffinement automobile. L’absence de bruit et de vibration souligne à quel point les moteurs à explosion sont, d’une certaine manière, rustiques dans leur fonctionnement. Cette sensation a longtemps été éphémère, limitées à quelques kilomètres, quelques dizaines parfois, Tesla la promet pour quelques centaines de kilomètres, une petite révolution pour la mobilité individuelle. Le grand volant à jante épaisse me rappelle la Fisker Karma, cette concurrente baroque du sud de la Californie, dont l’échec économique contraste avec le succès médiatique et financier de Tesla jusqu’ici. J’y lis ce même souhait des designers de communiquer tactilement l’importance de l’objet, sensation renforcée par une direction pas trop assistée.  Cap est mis vers le nord, dans la lumière bienvenue d’un soleil rasant.

L’A4 se transforme rapidement en semi-autoroute, progressant paisiblement vers les chutes du Rhin. A la vitesse légale de 100 km/h, le silence est impressionnant, à peine troublé par quelques bruissements d’air. Le grand diamètre des roues devrait contribuer à filtrer les inégalités mais la fermeté de l’amortissement pneumatique surprend. Les joints de dilatation et déformations se propagent avec sécheresse, j’en suis surpris et recherche un réglage éventuel du châssis dans l’interface multimédia. Hormis les contacteurs de lève-vitres, le sélecteur de marche, le contacteur de feux de détresse, quelques raccourcis sur le volant multifonction et les habituels commodos de clignotants et d’essuie-glace, toutes les fonctions sont configurées ou commandées par le formidable écran tactile de 17 pouces disposé en format portrait.

Une fois l’effet de surprise dépassé, cette interface peu commune par sa taille et son approche s’avère plutôt plaisante à l’usage. Toutes les fonctions de contrôle sont accessibles par une touche « Controls » située intelligemment au coin inférieur gauche et donc aisée d’accès à l’aveugle. Le sous-menu Driving permet de changer la hauteur de caisse (mais plus de l’abaisser au minimum avec la toute dernière révision logicielle sensée prévenir le risque d’incendie en cas de choc entre le soubassement et un objet massif abandonné sur la chaussée), d’ajuster l’assistance de direction, de désactiver le contrôle de traction, de changer le comportement de la rampante (Creep) et, enfin, le réglage de la régénération d’énergie cinétique. Point de réglage de l’amortissement visible dans ces menus, les clients devront donc s’accommoder d’une fermeté singulière pour la catégorie.

L’interface graphique est superbe, très léchée, avec de magnifiques rendus de l’auto et un regroupement des multiples fonctions par des onglets. Sur la bande inférieure, les contrôles de climatisation et de chauffage des sièges. Sur le bandeau supérieur, les modes principaux. Au sommet, une barre de status que les utilisateurs de smartphones trouveront familière. Le combiné d’instruments est lui aussi un écran LCD, regroupant en son centre les instruments usuels, à gauche la carte de la navigation ou l’historique de consommation d’énergie, et à droite les informations musicales.

Le passage de la frontière allemande m’amène au deuxième objectif de cette prise de contact : les performances. La propulsion électrique offre l’avantage d’un couple maximum dès l’arrêt (600 Nm de 0 à 5100 t/min dans le cas du Model S Performance), alors qu’un moteur à explosion nécessite un régime optimal d’explosions pour délivrer le maximum de sa force. Revers de la médaille, le couple tend à s’effondrer avec la vitesse de rotation du moteur, et l’absence de boîte à vitesse (le moteur est en prise avec les roues par l’intermédiaire d’un simple réducteur) ne permet pas de maintenir le moteur électrique dans sa plage de régime idéale jusqu’à de hautes vitesses. Résultat : Tesla ne revendique qu’une vitesse de pointe de 210 km/h, remarquablement faible en regard de la puissance maxi de 416 chevaux. Avant de m’installer à son volant, je n’avais aucun doute sur le fait que le couple massif procurerait des accélérations dantesques de 0 à 100 km/h, mais j’étais beaucoup plus dubitatif sur les reprises à des vitesses autoroutières. L’A81 menant à Stuttgart semblait idéale pour étudier la question en toute légalité.

Me voici donc arrêté sur une aire d’autoroute sur une section d’autobahn libre de limitation de vitesse. Le propos n’est pas de faire des mesures précises, mais de mettre les sensations de conduite en perspective avec quelques chiffres. Malgré le poids conséquent (2102 kg, avec 49.6% sur l’arrière, à 2kg des chiffres de Tesla malgré le toit en verre), l’accélération est considérable. La disponibilité immédiate du couple dès l’instant où le pied droit écrase la pédale se traduit par une accélération forte et surtout constante dans un vuiiiii de vaisseau spatial. Le 0-100 km/h en 5s (4.4s selon Tesla) est un jeux d’enfant. En reprise, le 100-150 km/h est abattu en moins de 5 secondes, un temps qui donne au Model S 3 à 4 longueurs d’avance sur une Porsche Panamera Turbo S. Excusez du peu. La poussée se calme au-dessus de 150 km/h, et la vitesse de pointe de 210 km/h est atteinte avec une relative facilité, mais sans panache. Je répète l’exercice une deuxième fois, le couple mettant à mal la motricité et déclenchant une intervention assez brutale du contrôle de traction.

Le commentaire de chaque prospect essayant un Model S est aussi systématique que prévisible : « qu’est-ce que ça pousse ! ». Et c’est indubitablement vrai, ça pousse fort jusqu’à 150 km/h. Les reprises dans toutes les situations usuelles de conduites sont saignantes, impériales, avec une immédiateté qu’aucun moteur thermique ne peut égaler. En un geste de la cheville, on passe du cruising paisible à la frappe chirurgicale, sans temps mort, sans spool-up de turbo, sans rétrogradage ou à-coup. Rien d’autre qu’un déluge instantané d’électrons, déversés des batteries Lithium Ion vers le moteur par l’électronique de puissance. La promesse de l’électrique est ici tenue, avec des performances quantitatives et qualitatives d’un très haut niveau, moins viscérales qu’une de ces mécaniques qu’ont dit noble, mais qui séduit par son raffinement et son côté ludique. Pari tenu, les performances sont au rendez-vous, même à vitesse de croisière autoroutière, exception faite de l’autobahn où pléthore de turbodiesels enfumeront, au propre comme au figuré, le Model S dès que la densité de trafic permet de rouler bien au-dessus de 150 km/h.

Tribut de l’exploitation de ces performances : la consommation et l’autonomie. Le graphique de consommation instantanée indique des valeurs rapidement inquiétantes si on a le pied lourd. L’efficience énergétique intrinsèque d’une voiture électrique se traduit par une dépendance beaucoup plus forte de la consommation au style de conduite. Un moteur thermique consomme (gaspille en fait) de l’énergie qu’on le sollicite ou pas, l’efficacité énergétique n’atteint que la vingtaine de pourcent, le reste étant perdu en chaleur. Malgré les pertes résistives dans ses batteries et conducteurs, une voiture électrique ne consomme (presque) que l’énergie requise pour la déplacer, l’efficacité énergétique dépasse les 60%.

Nous atteignons Horb am Neckar, notre destination, après 158km, dont un tiers à allure pépère puis une vitesse de croisière plus soutenue et quelques pointes de vitesse, accélérations et reprises à pleine charge. L’autonomie typique indiquée a, elle, fondu de 394 à 145km, soit de 249km. Le fait de rouler un peu plus vite sur une centaine de kilomètres s’est traduit par un doublement de la consommation de courant. Il n’y a pas de quoi ramener l’auto, il faut trouver une solution et la zone industrielle de Horb am Neckar offre une commodité encore trop rare : une station de charge. Ce n’est pas un hasard, j’ai choisi à dessin cette destination car elle propose une des trois stations de charge disponibles dans le couloir autoroutier Schaffouse-Stuttgart.

La vue des panneaux solaires et du tableau de prises est un soulagement, la station est ouverte et en service ! J’opte pour la meilleure solution disponible, soit un chargement en triphasé à 400V et un courant maximal 16A. Cet exemplaire est équipé du double circuit de charge interne (option Dual Charger à 1600 CHF, chaudement recommandée) qui permet de se charger jusqu’à 32A sous 400V triphasé, mais les sources capables de tels courants sont rares : même le centre technique Tesla est limité à 26A !

  

Le cycle de charge démarre doucement, augmentant progressivement le courant drainé, atteignant, après une demi-heure, un taux de charge de 50km (typiques) par heure, et un temps de charge restant de 5h30 pour faire le plein. Je sais ce que j’ai consommé pour venir, mais je ne sais pas encore si je peux faire confiance à la projection de conso typique pour mon trajet du retour donc je m’octroie une marge de 100km, soit deux grosses heures d’attente sous le ballet gracieux des panneaux photovoltaïques qui cherchent la lumière entre les nuages.

Sous une apparence classique, Tesla a conçu le Model S autour d’un concept de packaging inhabituel. Le plancher contient les cellules Lithium Ion, offrant une capacité de charge sans comparaison parmi les autres hybrides ou électriques :

Packs de batteries Type Chimie Energie Poids
Toyota Prius III Hybride parallèle NiMH 1.3 kWh 37 kg
Toyota Prius III Plug-In Hybride parallèle rechargeable Lithium Ion 4.4 kWh 76 kg
Porsche Panamera S E-Hybrid Hybride parallèle rechargeable Lithium Ion 9.4 kWh N.C.
Opel Ampera Hybride sérielle rechargeable Lithium Ion 16 kWh 198 kg
Fisker Karma EVer Hybride sérielle rechargeable Lithium Ion 20.1 kWh 272 kg
Nissan Leaf Electrique Lithium Ion 24 kWh 294 kg
Tesla Roadster Electrique Lithium Ion 56 kWh 449 kg
Tesla Model S 85 Electrique Lithium Ion 85 kWh 600 kg

Le moteur électrique est monté en léger porte—à-faux du train arrière, libérant un volume considérable hormis les amortisseurs pneumatiques. Ceci permet d’offrir non pas un mais deux coffres à bagages. Le coffre avant est d’une capacité appréciable de 150L, alors qu’à l’arrière la capacité est de 744L, extensible à 1645L en rabattant les sièges. La tablette de couverture (optionnelle) n’est pas reliée au hayon, il m’est arrivé à plusieurs reprises d’oublier de la replier, ce qui bloque presque complètement la visibilité arrière dans le rétroviseur intérieur. Un de ces détails secondaires qu’un constructeur allemand ou japonais n’aurait sans doute pas laissé passer.

   

Le toit panoramique n’est pas seulement agréable par la luminosité qu’il procure, il est également indispensable pour transporter des adultes à l’arrière. L’assise est haute et assez peu profonde, la garde aux genoux suffisante, comparable à une Panamera mais mon crâne touche la surface en verre. De viable bien que peu confortable, elle devient irréaliste si on prend place dans une voiture équipée du toit en acier standard, plusieurs centimètres manquant à l’appel. Ce problème de conception est difficilement compréhensible : la localisation des batteries sous le plancher et la compacité du moteur électrique auraient dû laisser une grande liberté aux designers pour ménager un habitacle spacieux. Il l’est à l’avant, mais on est proche d’une 2+3 à l’arrière. Même pour des personnes de 1m70 ou moins pouvant se tenir droit, la faible hauteur des appuie-têtes représentera un risque pour la nuque en cas de choc arrière. Le point n’est pas un détail : l’habitabilité à l’arrière d’un Model S est un problème critique pour transporter quatre adultes, un attribut incontournable pour une berline de 5 mètres.

A l’avant, la position de conduite est confortable, avec beaucoup d’espace de mouvement du fait de la quasi absence de console centrale, remplacée par un bac rainuré à ras du plancher. L’accoudoir est assez haut, les rembourrages coulissant recouvrant deux porte-gobelets à l’ergonomie discutable. C’est surtout l’absence de rangement fermé qui m’interloque, le bloc monumental sonne creux mais il semble que le volume n’est pas utilisable.

 

En plus de l’interface de configuration, le formidable écran 17’’ offre plusieurs applications, qui peuvent à choix utiliser le plein écran ou seulement la moitié si l’on souhaite avoir deux applications affichées. La navigation est basée sur Google Maps, avec informations en temps réel sur le trafic et toute la richesse topographique qui va avec. Le navigateur internet est une curiosité, il eut été utile qu’il se déclare comme périphérique mobile pour charger des versions mobiles de sites et ménager la bande passante de la connection 3G. Sur les voitures helvétiques, celle-ci est assurée par un abonnement Swisscom et est offerte pour la première année. Côté audio, le support pour les radios internet est offert via la plateforme TuneIn. Deux ports USB permettent de connecter des clefs contenant des fichiers musicaux, mais les baladeurs mobiles ne sont supportés que par liaison Bluetooth A2DP, il est impossible d’écouter un iPod/iPhone via un câble.

Au terme de 2h15 de charge dans cette zone industrielle déserte, l’indicateur d’autonomie typique m’indique 253 km, insuffisant pour rentrer à mon domicile, mais inspirant confiance pour parcourir les 150km me ramenant à mon point de départ pour une autre pause de charge. Le menu est moins attrayant qu’à l’aller, plus de frivolités sur l’autobahn, mais un très sage 120 km/h de croisière au régulateur de vitesse, des accélérations gentillettes et l’application d’un eco drive zélé sans aller à l’extrême.

La récupération d’énergie cinétique est une fonction essentielle. La grande majorité des voitures électriques et hybrides induisent un frein artificiel où le moteur fonctionne en génératrice pour recharger les batteries, et une pédale de frein qui permet d’accentuer ce freinage électrique avant d’agir sur le circuit hydraulique pour pincer les disques de frein. Sur le Model S, Tesla a pris un chemin différent. Deux modes de régénération sont proposés, mais ce sont des paramètres de configuration dans le menu de contrôle, pas une fonction directement accessible à la conduite, comme la position B sur le système Hybrid Synergy Drive de Toyota. Par défaut, le frein moteur est considérable, comme sur le Tesla Roadster. Lever le pied de l’accélérateur provoque une telle décélération (jusqu’à 60kW, soit le triple d’une Prius) qu’il n’est quasiment jamais nécessaire de recourir à la pédale de frein. Il faut par contre apprendre à doser et oublier le relâchement complet du pied droit, faute de quoi la plupart des passagers chercheront rapidement un sac à vomi. L’alternative est le mode « Regenerative Braking : Low », qui ramène le frein moteur à des niveaux plus conventionnels. L’utilisation de la pédale de frein devient alors plus souvent nécessaire, avec pour conséquence le gaspillage d’une énergie cinétique précieuse. Il est dommage que Tesla n’offre pas de modulation de la régénération asservie à la pédale de frein.

 

En surveillant l’indicateur d’autonomie typique au fil du trajet, je constate avec soulagement que cette projection est quasiment réaliste et pas totalement impossible à tenir, du moins sur un relief pas trop accidenté. J’arrive à Winterthur avec 150km de plus au compteur et 170km d’autonomie en moins, soit une consommation de 214 Wh/km à 89.3 km/h de moyenne. Seul but de l’étape : me recharger le plus rapidement possible pour pouvoir rentrer sur Lucerne ! Le Service Center ne dispose pas (encore) de Supercharger, et le débit maximal de leur chargeur interne 400V triphasé est de 26A, soit l’équivalent de 80km par heure de charge. J’ai 93km à faire, je vise donc 160km d’autonomie et repars 56 minutes plus tard. La nuit est tombée, j’ai parcouru 309km et ravitaillé l’auto pendant 3h12.

Englué dans les embouteillages zurichois, je m’attendais à voir la consommation chuter mais ce ne fut pas le cas. Difficile de déterminer si ce sont les micro-déplacements au pas ou la consommation des périphériques à l’arrêt (phares, ventilation), mais l’énergimètre m’indique que je consomme plus que la consommation typique. Finalement extirpé de cette mélasse automobile, le retour à des vitesses de croisières plus normales reproduit un phénomène singulier déjà remarqué à plusieurs reprises : la voiture fait un bruit sourd entre 100 et 135 km/h, une sorte de résonnance provenant distinctement du train arrière. Elle apparait sous forme de battement vers 100 km/h, puis disparaît au-dessus de 140 km/h. Défaut de la monte pneumatique ou spécifique à cet exemplaire ? Impossible d’être catégorique.

 

Alors que je traverse mon village d’étape pour la nuit, je passe sous les 50 km d’autonomie et le Model S m’affiche un avertissement m’invitant à recharger du fait de l’incidence du froid sur l’énergie disponible dans les batteries. Troisième charge de la journée, et troisième cas de charge : du 230V monophasé, limité en l’occurrence à 13A. A ce rythme, l’écran m’affiche un cycle de charge de plus de 24 heures, soit 13km de l’heure. Onze heures et quart  plus tard, j’ai récupéré 149 km d’autonomie en tirant du réseau 33.2 kWh, soit une consommation typique nette de 223 Wh/km. L’électronique de charge semble remarquablement efficiente, et comme toujours avec l’électrique, le coût énergétique est ridicule : moins de 4.50 CHF aux 100km, soit l’équivalent économique de 2.5 L/100km de carburant en conduite tranquille. Imbattable de ce point de vue. Imbattable également en termes de coûts d’entretien. Finies les vidanges, les filtres à huile, les courroies de distribution et autres héritages du moteur à combustion interne, la facture d’entretien sera congrue hors pneumatiques et freins, assez peu sollicités si l’on fait bon usage du freinage électrique : en Suisse, les services sont gratuits pendant les 8 premières années ou 160’000km. Les batteries sont également garanties 8 ans ou 200’000km. Le coût de leur remplacement, probablement stratosphérique, aura probablement une incidence sur la décote de modèles plus anciens.

Le Model S n’est certes pas à la portée de toutes les bourses, mais pour un prix de base de CHF 93’000 (€ 71’700) pour la version 85 kWh (la version 60 kWh ne présente aucun intérêt à mon avis du fait de son autonomie insuffisante) Tesla offre un produit innovateur et très désirable à un prix d’appel attractif. La liste des options est cependant longue, et la plupart sont quasi indispensables si l’on souhaite une expérience cohérente. Reste que même à 145’350 CHF pour notre modèle très optionné, le Model S est une proposition très compétitive tarifairement parlant.

En ramenant le Model S à Winterthur, les embouteillages – matinaux ceux-ci – de la ceinture périphérique Zürichoise me donnent tout loisir de faire la synthèse. La Tesla Model S est tout ce que la Fisker Karma aurait dû être, le range extender en moins. Elle tient la promesse de l’expérience électrique, d’une conduite différente, d’une perspective sur l’automobile du 21ème siècle. Le produit n’est pas parfait cependant, la voiture est silencieuse mais n’est pas le tapis volant espéré en termes de filtrage, et l’habitabilité arrière est une faute de design incompréhensible. Si l’usage qu’on a d’une telle auto permet de s’affranchir des servitudes de recharge, la proposition est tentante. Si l’on projette sur l’auto l’utilisation qu’on a d’une grande routière, Tesla est prêt pour le monde, mais le monde n’est pas prêt pour Tesla.

Il y a plus de 3500 stations d’essence en Suisse, plus de 12’000 en France, servant 500 km d’autonomie en 5 minutes à toute heure du jour et de la nuit. Le réseau de stations de recharge électrique est quasi inexistant, et la recharge sur secteur (courant alternatif) offre au mieux 100km par heure de charge, et ce dans de rares cas. L’angoisse de la jauge et les contraintes posées sont réels, et tout prospect doit en prendre la mesure. La réponse de Tesla s’appelle les Superchargers, avec la promesse de 320 km d’autonomie typique (le pied léger) en 30 minutes grâce à une charge en courant continu. A la rédaction de cet article, il y a 6 superchargers en Europe, tous en Norvège. A l’hiver 2013-2014, il devrait y avoir un supercharger en Suisse sur l’axe Zürich-Berne-Genève, ainsi que les 3 stations probablement nécessaires pour couvrir l’axe Münich-Amsterdam en Allemagne et aux Pays-Bas. Une extension vers quelques grands axes français, espagnols, belges, italiens et autrichiens est prévue pour l’hiver 2014-2015. Les plus grands voyages seront ainsi rendus possibles, mais sur des axes où le train ou l’avion sont de toute manière préférables.

L’automobile est dans notre société l’outil indispensable de la « mobi-liberté ».  Avec le Model S, Tesla lui donne une saveur particulière, mais l’écorne également avec des servitudes pratiques qui seront parfaitement acceptables pour cette démographie qu’on appelle early adopters, mais qui est susceptible de rebuter le plus grand nombre. Une magnifique deuxième voiture très attractive pour des trajets routiniers, courts ou prédictibles, ou une première voiture pour aventuriers ou gadgetophiles invétérés.

Configuration du véhicule

Prix de base: Tesla Model S 60 kWh CHF 83’000 € 61’700
Version 85 kWh CHF 10’000 € 10’000
Version Performance CHF 14’700 € 13’300
Version Performance Plus CHF 7’100 € 6’300
Jantes turbine 21″ CHF 4’100 € 4’400
Tech package CHF 4’100 € 3’700
Toit panoramique CHF 2’700 € 2’500
Sièges performance en cuir CHF 2’700 € 2’500
Cuir nappa étendu CHF 2’700 € 2’500
Son haute fidélité CHF 2’700 € 2’500
Smart Air Suspension CHF 2’500 € 2’200
Peinture rouge multicouche CHF 1’600 € 1’500
Ciel de toit en alcantara CHF 1’600 Inclus
Option dual charger CHF 1’600 € 1’500
Eclairage intérieur premium CHF 1’100 € 1’000
Pack climat glacial CHF 800 € 750
Phares antibrouillard CHF 550 € 500
Capteurs de parking CHF 550 € 500
Security package CHF 450 € 400
Plage arrière de coffre CHF 250 € 250
Prix catalogue du véhicule d’essai CHF 145’350 € 118’440

 

Face à la concurrence

Tesla Model S P85+ Porsche Panamera S E-Hybrid BMW ActiveHybrid 7 Lexus LS600h
Moteur Moteur Electrique AC à quatre pôles et 3 phases V6 compresseur 2995 cm3 Hybride Electrique Rechargeable V8 biturbo 4395 cm3 Hybride Electrique V8 4969 cm3Hybride Electrique
Puissance therm. (ch) 333/5500-6500 449/5500-6000 394 – 6400
Puissance élec.  (ch) 416/5000-8600 95/2200-2600 20 – N.C. 224 – N.C:
Puissance comb. (ch) 416/5000-8600 416/5500 465/5500-6000 445 – N.C.
Couple therm. (Nm) 440/3000-5250 N.C. 520/4000
Couple élec. (Nm) 600/0-5100 300/0-1150 N.C. 300 – N.C.
Couple comb. (Nm) 600/0-5100 590/1250-4000 700/2000-45000 N.C.
Transmission Roues AR Roues AR Roues AR Torsen AWD
Boite à vitesses Réducteur et prise directe Tiptronic S 8 rapports Automatique 8 rapports E-CVT
RPP (kg/ch) 5.05 (5.05) (4.86) (4.40) (5.27)
Poids DIN (constr.) 2102 (2100)
50.4% AV – 49.6% AR
(2020) (2045) (2345)
0-100 km/h (sec.) 4.4 5.5 4.9 6.3
Vitesse max. (km/h) 210 270 250 250
Conso. Mixte (constr.)  223 Wh/km (3.1) (9.4) (9.3)
Réservoir (l) (85 kWh) 80 80 84
Emissions CO2 (g/km) 0 71 219 218
Longueur (mm) 4970 5015 5072* 5030*
Largeur (mm) 1964/2187 1931 1902 / 2134 1875
Hauteur (mm) 1445 1418 1485 1480
Empattement (mm) 2960 2920 3070 2970
Coffre 150 + 744-1645 335 – 1153 460 390
Pneumatique AV 245/45R19 245/50/18 245/45/19 N.C.
Pneumatique AR 245/45R19 275/45/18 275/40/19 N.C.
Prix de base (CHF)  93’000* 150’500 156’700 161’100
Prix de base (EUR)  85’000* 112’309 126’900 136’200

* Model S 85 kWh, Model S 60 kWh dès 83’000 CHF/61’700€

Nos remerciements à l’équipe de Tesla Switzerland pour le prêt de ce Model S et le soutien logistique.

Galerie de photos

Liens

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