Essai Jeep Grand Cherokee SRT8

Le V8 Hemi de 6.4L donne au Jeep Grand Cherokee un caractère particulièment attrayant. Essai !

Cinq années après la première Grand Cherokee SRT8, Jeep revient avec une nouvelle version bodybuildée de son SUV phare. Le modèle essayé aujourd’hui correspond à l’édition 2012, une nouvelle mouture étant actuellement disponible à la commande avec un très léger re-styling avant ainsi qu’une boite automatique à huit vitesses, contre cinq pour celui-ci.

Revenons tout d’abord quelques temps en arrière pour nous souvenir que l’appellation SUV (Sport Utility Vehicle) doit en partie son nom à la Jeep Grand Cherokee 5.9 apparue en Suisse et en Europe en 1997. Donc bien avant les premières Mercedes-Benz ML55 AMG et autres BMW X5 4.6is apparues au début des années 2000. Le 5.9 avait un déficit de puissance important par rapport aux futures concurrentes européennes avec seulement 241ch, mais le couple du V8 de presque 6 litres de cylindrée et le poids contenu sous les deux tonnes en faisaient un monstre pour l’époque, avec notamment un 0-100 km/h en 7 secondes seulement ! J’en ai possédé un pour quelque temps et bien que les défauts étaient nombreux, le plaisir de rouler à son bord les compensait et en faisait un véhicule relativement attachant. On peut d’ailleurs en croiser assez fréquemment sur nos routes, les amateurs étant encore bien présents.

Le modèle du jour a une parenté éloignée puisque 2 générations et 16 années les séparent. Cette nouvelle carrosserie est apparue dans nos contrées fin 2010, rompant avec le style carré de son prédécesseur pour adopter une ligne résolument moderne et dans l’air du temps. Le châssis est basé sur la plateforme de l’ancien Mercedes ML (W164), une relique du partenariat Daimler-Chrysler, bien avant que Fiat n’entame le rachat du groupe américain. Le bureau de style Jeep a produit un ensemble agréable à regarder sous tous les angles qui n’a rien à voir avec l’Allemande. La version SRT8 s’affuble d’appendices aérodynamiques marqués. Un bouclier avant prêt à avaler une citadine (la voiture, pas la piétonne), des bas de caisse musclés et une jupe arrière à l’avenant. La double sortie d’échappement centrale du premier SRT8 a disparu et les borborygmes s’échappent désormais par deux grosses sorties noires de part et d’autre du bouclier arrière. La raison est simple, il s’agissait de proposer à nouveau un crochet d’attelage ! Mais esthétiquement, le capot moteur remporte la palme de la sportivité : percé de deux énormes extracteurs d’airs, bombé, il s’apprécie visuellement autant de l’extérieur que de l’intérieur. La caisse a été rabaissée de 25mm à l’avant et 30 à l’arrière, et les liaisons au sol sont assurées par de magnifiques jantes 20 pouce chaussées aux quatre coins en 295/45.

Dans sa robe argentée cette Jeep ne laisse vraiment pas indifférent, et la majorité des commentaires récoltés est vraiment positive. Une réussite esthétique selon moi, sportif sans tomber dans la vulgarité comme l’édition précédente. Le côté exotique américain teinté d’une certaine rigueur germanique, sans Stetson ni Lederhosen.

 

A l’intérieur, les changements par rapport au Grand Cherokee standard sont moins importants. Les sièges avant et arrières bénéficient d’un traitement de faveur, avec un cuir alcantara de bonne finition et un dessin bien enveloppant pour l’avant. Les placages en carbone véritable sur la planche de bord et les portes sont également de fort belle facture. En revanche, certains plastiques ne sont pas fantastiques, mais je note que la finition à l’Américaine n’a plus cours dans ce modèle. On parlera plutôt d’un léger retard par rapport à ses cousines germaniques. Je pense en particulier à la console entre les sièges. Le coulissant du sélecteur de vitesses est d’un autre âge, et le plastique qui l’entoure imite fort mal l’aluminium.

  

En revanche les commodos ou le volant m’ont fait très bonne impression. La place à l’avant est excellente, à l’arrière un peu moins en raison d’un toit relativement bas. L’ergonomie ne souffre aucune critique, que ce soit la disposition des différents commutateurs ou l’interface tactile de l’ensemble multimédia. Le coffre est plus petit que ce que le gabarit laisse supposer. L’équipement technologique et de confort de cette SRT8 est archi-complet, avec caméra de recul, radar de parc, tempomat avec régulateur de distances, sono performante, avertisseur d’angle mort, toit ouvrant panoramique, etc. Mais le tout de série ! Oui vous avez bien lu, la politique commerciale du catalogue d’option à rallonge n’est pas en vigueur ici, et je plains le vendeur qui ne saura que dire pour combler l’insatisfaction d’un acheteur d’options. Je pense par exemple à un client Porsche ou Audi, pour qui le changement de paradigme sera rude.

A son volant également les préjugés auront la vie dure. Parlons tout d’abord technique. Le V8 de six litres un de la précédente mouture a été réalésé à six litres quatre, reprenant à son compte l’expression yankee there’s no replacement for displacement, que l’on pourrait traduire par seule la cylindrée compte. Les culasses arborent la marque Hemi, reflétant le dessin hémisphérique des chambres de combusion introduit par Chrysler dans les années 50. Fort de cet usinage sympathique, la puissance développée grimpe à 468 chevaux, avec un couple maxi de 624 Nm. Avec un seul arbre à came en tête par banc de cylindres, et seize (16 !) malheureuses soupapes. Un drame pour l’ingénieur italien, mais une vraie bonne nouvelle pour le redneck texan. Et on ne peut pas dire qu’il manque de caractère ce moteur ! Au démarrage le ton est donné, avec un glouglou caractéristique aux V8 à plans croisés. Des soupapes actives vont exacerber l’expérience sonore au fur et à mesure que le régime moteur augmente. Sonore sans être trop fort, bien des sportives devraient bénéficier de cette bande son.

A pleine charge l’accélération est fulgurante, et le temps de cinq secondes tout rond annoncé pour le 0-100 km/h semble réaliste. Un chronomètre intégré à l’ordinateur de bord permet d’ailleurs de mesurer l’accélération à 100 km/h et à 400 mètres. Mais c’est plus la sensation de lien direct entre le moteur et les roues qui marque. Je m’explique : tout d’abord nous avons un V8 atmosphérique de conception simple qui réagit instantanément aux sollicitations de l’accélérateur. Ensuite une boîte automatique dont le convertisseur de couple ne s’attarde pas à patiner dans la ouate pour votre confort. Enfin cinq rapports seulement, ce qui suffit avec un tel couple à bas régime et prévient surtout le quintuple rétrogradage des boîtes à huit vitesses lors d’un kick-down. Le résultat confirme donc cette impression de lien instantané entre la pédale des gaz et les roues, ce qui malheureusement se fait de plus en plus rare. Prenez n’importe quel moteur turbo-compressé, essence ou diesel, accouplé à une boîte automatique à sept ou huit vitesses, et la sensation de latence – lors d’un dépassement par exemple – vous sautera aux yeux. Cependant le prix à payer pour cette spontanéité ne se constate pas uniquement à l’achat, mais également en frais variables. Le passage à la pompe par exemple se solde par un rude 17.20 L/100 km pour 16.3 affiché par l’ordinateur de bord, sur un essai de 914 km en utilisation mixte. Et ce malgré le fait que jusqu’à 130 km/h, et pour autant que les conditions le permettent, le moteur ne tourne que sur quatre cylindres.

 

Au niveau du comportement routier, le tableau est également mitigé. Le type de comportement désiré se sélectionne par le biais d’une molette entre les sièges avant : Tow (remorquage), Snow, Auto, Sport ou Track (piste !). A noter que ce dernier supprime toute aide sauf l’ABS. La permissivité de l’électronique ainsi que la dureté du châssis et la réactivité de la boîte sont supposés être modifiés. Je dis supposé car en Auto la fermeté des suspensions à basse vitesse est telle que les modes Sport ou Track n’apporte pas de différence significative. Ces modes ne vont pas être privilégiés durant l’essai. Et sur routes ouvertes, inutile d’aller vérifier la déconnections de l’ESP avec un bébé pesé à 2445 kg, dont 1493 kg pèsent sur l’avant (répartition de 61% / 39% entre les trains).

Le comportement à allure urbaine est surprenant. Le tarage des amortisseurs est trop mou par rapport à la dureté des ressorts. Ce qui implique que les imperfections de la route se transmettent à la caisse par des mouvements secs de tangage et de roulis. Pas très agréable, tout comme l’expérience du ralentisseur : la voiture tape puis se détend mollement à l’attaque, et re-tape puis pompe excessivement à la descente. Le sentiment global est d’être bringuebalé dès que le revêtement routier n’est pas parfait. Ce défaut s’estompe lorsque la vitesse augmente, et disparaît à partir de 80 km/h environ. A vive allure, cette suspension sportive prend alors tout son sens, et offre un très bon comportement à cette Jeep format XXL.

  

Le ressenti de la direction est bon, l’avant se place bien en entrée de virage, aidé par un très bon freinage Brembo qui n’a jamais montré de fading. L’ensemble ne prend pas trop de roulis et la sortie de courbe se soldera par un peu de sous-virage. Avec une tonne cinq sur le train avant le contraire aurait été surprenant. En discutant avec le concessionnaire responsable de ce véhicule de presse, il m’a appris qu’un essai sur piste a montré que l’engin se laisse également aller au survirage et que le châssis est vraiment rigide. L’expérience du circuit est possible, avec modération bien entendu.  A noter que les développeurs de ce modèle ont délibérément choisi de se passer d’une suspension pneumatique pour conserver la sportivité du véhicule. Le Porsche Cayenne démontre toutefois le point contraire. La polyvalence de la suspension pneumatique PASM couplée au système de barre anti-roulis active PDCC arrive à la même sportivité, en laissant un vrai mode confort. Le coût du système, en revanche, est conséquent. Et comme le SRT8 n’est pas affublé d’un tel système sophistiqué, conjugué à l’absence de blocage de différentiel et de boîte de réduction,  toute velléité offroad est à proscrire. Seule la capacité de remorquage de 2268kg (5000lbs) le démarque d’une sportive classique.

En conclusion, ce modèle SRT8 s’adresse à une cible particulière, les amateurs de SUV sportifs. Et au tarif affiché de CHF 89’800 (y.c. un cash bonus de CHF 10’000) c’est imbattable ! A options égales, le Porsche Cayenne Turbo coûte le double, et les sensations sont moindres. Ce Cherokee vous donne vraiment la banane à chaque occasion. Alors si le badge n’est pas si important pour vous et que vous êtes au centre de la cible, pas d’hésitation, foncez !

Face à la concurrence

Jeep Grand Cherokee SRT8 Porsche Cayenne Turbo Mercedes-Benz ML63 AMG Range Rover Sport Supercharged
Moteur  V8 6147 cm3 V8 biturbo 4806 cm3 V8 biturbo 5461 cm3  V8 compresseur 4999 cm3
Puissance (ch / t/min) 468 / 6250 500 / 6000 525 / 5250 – 5750  510 / 6000
Couple (Nm / tr/min) 624 / 4100 700 / 2250-4500  700 / 1750 – 5000  625 / 2500
Transmission 4 RM 4 RM 4 RM 4 RM
Boite à vitesses Automatique – 5 rapports Automatique – 8 rapports Automatique – 7 rapports Automatique – 8 rapports
RPP (kg/ch)  5.22  (4.34)  (4.47)  (4.71)
Poids DIN (constr.) 2445 (2360)
52.9% AV 47.1% AR
(2170) (2345)  (2402)
0-100 km/h (sec.) 5.4 4.7 4.8  5.3
Vitesse max. (km/h) 257 278 250  250
Conso. Mixte (constr.)  17.2 (14.1) (11.5) (11.8) (12.8)
Réservoir (l) 93 100 93 105
Emissions CO2 (g/km) 328 270 276 298
Longueur (mm) 4850 4846 4809 4850
Largeur (mm) 1940 1939 1926 1983
Hauteur (mm) 1750 1702 1743 1780
Empattement (mm) 2915 2895 2915 2923
Coffre (L) 457 670 540 784
Pneumatiques AV 295/45R20 265/50R19 265/45R20 275/40R20
Pneumatiques AR 295/45R20 265/50R19 265/45R20 275/40R20
Prix de base (CHF) 89’800 164’400 155’500 114’900
Prix de base (EUR) 76’900 123’856 109’777 82’697

Nos remerciements à Jeep Suisse pour le prêt de ce Grand Cherokee SRT8.

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