Essai Toyota Prius 3 Plug-In Hybrid

La Prius rechargeable à l’essai. 

Avec plus de 5 millions de voitures vendues au début décembre 2012, Toyota est le leader mondial incontestable des voitures hybrides. C’est pourtant presque à reculons que le constructeur japonais semble s’être décidé à lancer une version rechargeable de la Prius, la pression provenant des Chevrolet Volt (Opel Ampera sous nos longitudes) et Nissan Leaf ayant peut-être été un facteur contributeur.

Après un test en grandeur nature effectué sur plusieurs marchés avec une flotte de plusieurs centaines de voitures, Toyota démarra la commercialisation de la version rechargeable au début 2012. Comme le montre le tableau ci-dessous, l’option choisie n’augmente que marginalement la capacité des batteries par rapport à une Prius III, en comparaison des concurrentes de GM ou Nissan où une autonomie électrique bien plus conséquente faisait partie du cahier des charges.

Packs de batteries Toyota Prius III Plug-In Toyota Prius III Opel Ampera Nissan Leaf
Chimie Lithium Ion NiMH Lithium Ion Lithium Ion
Energie maximale 4.4 kWh 1.3 kWh 16 kWh 24 kWh
Poids 76 kg 37 kg 198 kg 294 kg

Il est important de souligner que les énergies maximales référencées dans ce tableau sont théoriques, les constructeurs n’exploitant qu’une fraction de la charge totale disponible pour préserver la durée de vie des batteries. Pour illustrer ce point, nous avons au maximum pu gaver notre Prius Plug-In de 3.2 kWh, desquels il faut soustraire le rendement de charge des batteries qui n’excède probablement pas 75% (rapport entre énergie consommée sur le secteur et énergie stockée dans les cellules Lithium Ion). L’énergie utile n’est donc probablement que de 2.4 kWh, soit à peine plus de la moitié de la capacité totale théorique des batteries. Leur durée de vie en dépend.

 

La recharge de la Prius sur le secteur est un jeu d’enfant. Nous n’avons rencontré aucun problème dans nos sites de charge habituels, les charges complètes se terminant en environ 90 minutes avec un courant moyen de 10 ampères, la voiture engouffrant en moyenne 3.054 kWh selon notre compteur externe. La programmation d’une charge différée est facile, ce qui permet de bénéficier des tarifs d’électricité nocturne, pour au moins une charge par jour.

Toyota revendique une autonomie électrique maximale de 25 kilomètres, une valeur que nous sommes presque parvenus à atteindre, mais au prix d’un éco-drive aux confins du militantisme et de l’absurde : parcours sans dénivellation, accélération extrêmement douces, absence de trafic, vitesses en-dessous des limitations prescrites. En appliquant un style de conduite plus réaliste bien qu’économe, nous avons atteint 19 km d’autonomie sur des parcours péri-citadins plats, et seulement 14 km sur un parcours comportant plus de descentes et de pentes à gravir, malgré une dénivellation nette neutre.

Et sur autoroute ? Il est difficile de répondre à la question. Le système Hybrid Synergy Drive, un variateur continu basé sur un train épicycloïdal, ne permet pas de dépasser les 99 km/h en vitesse de pointe, ce qui rend souvent une insertion dans le trafic problématique. Cette vitesse est par ailleurs difficile à atteindre dans la mesure où la puissance maximale est limitée et toute pression excessive sur l’accélérateur déclenche la mise en action du moteur thermique. Plus singulièrement, même en adoptant une vitesse de croisière très sage (80 km/h), un faux plat prolongé suffit à forcer le démarrage du 4 cylindres. Il est difficile de cerner tous les critères de passage du mode électrique ‘EV ‘ au mode hybride ‘HV’, mais ceux-ci incluent l’utilisation, même modérée, du chauffage et d’autres besoins mécaniques regroupés sous la dénomination « Warming Up ». Conséquence de températures hivernales, pourtant loin d’être extrêmes ? Impossible de répondre sans spéculer, mais le fait demeure qu’il n’est pas toujours possible de forcer le maintien en mode ‘EV’.

 

L’attrait subjectif d’une voiture rechargeable est de pouvoir jouir de la propulsion électrique sur une distance prolongée, sans le bruit et les vibrations engendrés par un moteur à explosion. La Prius III Plug-In en est capable, mais dans des conditions restreintes, non seulement par l’autonomie, mais également par d’autres facteurs pas toujours prédictibles. Je serais enclin à spéculer que Toyota a adopté des paramètres de gestion des batteries Lithium Ion très conservateurs, et qu’en cas de sollicitation prolongée, le système passe très sagement le relais au 1.8L VVTi.

Autre indice notable, le faible couple électrique autorisé par le système. En comparaison, les Nissan Leaf et Opel Ampera passeraient pour de véritables dragsters, le couple maxi délivré aux roues avant étant incomparablement plus élevé que dans le cas d’une Prius décidément très sage. Même si l’exercice est contradictoire avec la raison d’être de ces voitures, un des attraits de l’électrique est la disponibilité d’un couple important au démarrage, et le côté ludique d’accélérations charnues dans un silence quasi-total. Rien de tel ici, il faut recourir au pétrole pour disposer de réactions vives, l’électrique étant réservé à des déplacements économes en énergie.

Je fais entière confiance aux ingénieurs de Toyota et l’expérience unique qu’ils ont de millions de voitures ayant parcouru des centaines de milliards de kilomètres avec une fiabilité indiscutable, mais l’acheteur doit faire son choix en connaissance de cause : la version plug-in de la Prius ne dispense qu’une portion congrue du plaisir de rouler électrique et est plus à considérer comme une hybride dopée qu’une voiture électrique à autonomie étendue.  Son conducteur doit faire de la propulsion  électrique une opportunité, pas une obsession, sinon la frustration sera au rendez-vous.

Vue sous cet angle, la Prius Plug-In retourne une performance honorable, soit 4.72 L/100km (4.4 L/100km à une moyenne de 70 km/h selon le calculateur de la voiture), avec en sus 33.6 kWh de charge électrique (principalement nocturne) sur le secteur, l’équivalent de 11 cycles de charge. Il y a différents moyens d’analyser ces chiffres.  Les onze cycles de charge ont permis de parcourir environ 200km en mode purement électrique à un coût de 33.6 [kWh]*0.145 [CHF/kWh] = 4.88 CHF, soit l’équivalent économique, au prix à la pompe actuel, de 1.35 L/100km. Le reste des 1848 km de notre essai ont requis 87.23L, soit une consommation effective en mode hybride de 5.3 L/100km. Nous retrouvons donc des valeurs cohérentes avec les 5.44 L/100km que nous avons mesuré sur 50’000km avec une Prius II, et plus faibles que les 5.7 L/100km mesurés lors de l’essai de la Prius III dans des conditions de charge défavorables (passagers, vitesse autoroutière, cols alpins).

La consommation d’énergie en mode électrique est très fortement dépendante du type de trajet et mode de conduite, avec des extrêmes allant de 133 Wh/km en éco-drive stylommatophore à 229 Wh/km dans les descentes et côtes lausannoises. Des valeurs qui sont en ligne avec celles enregistrées sur une Leaf ou une Ampera, malgré les différences technologiques qui séparent ces modèles. A la différence des moteurs à explosion, le rendement énergétique des batteries et moteurs électriques de ces trois constructeurs semble être un paramètre secondaire en comparaison du travail demandé, donc des itinéraires empruntés et du pilotage.

Comme l’Ampera – et dans une moindre mesure la Leaf du fait de sa conception purement électrique – la Prius Plug-In permet ainsi de couvrir des trajets à un coût faible, en apparence radicalement attractif en comparaison d’une voiture essence ou diesel de gabarit comparable (presque 4.50m de longueur, soit 24cm de plus qu’une VW Golf). Il y a toutefois plusieurs bémols à ajouter à cette portée.

Primo, l’autonomie, limitée entre 15 à 20km selon les conditions. Suffisant pour de courts trajets pendulaires, à moins d’avoir une possibilité de recharge à destination. Deuxio, le prix d’achat. La version  plug-in s’affiche à 13’000 CHF (9000 €) de plus que la Prius III hybride, soit la somme coquette de 51’900 CHF (37’000 €). Dans notre version Sol Premium, très bien équipée au demeurant, la facture atteint 61’630 CHF !

Est-ce que les 13’000 CHF de surcoût par rapport à une Prius III conventionnelle sont économiquement justifiables ? En prenant le cas favorable  où on peut effectuer deux charges par jour afin de parcourir 40km en propulsion électrique, la différence de coût énergétique journalier place le point de retour sur investissement à 21 années de 220 jours ouvrables. Il est impossible d’échafauder une justification financière au surcoût de cette version plug-in de la Prius III, d’autant plus qu’il n’y a pas de scénario macro-économique crédible sous lequel le prix de l’électricité n’augmenterait pas, sur le moyen terme, de concert avec celui de l’essence à la pompe.

Il faut donc déplacer son attention sur d’autres critères. Les arguments écologiques peuvent jouer un rôle prépondérant dans la motivation d’achat, mais paraissent plus idéologiques que factuels dès le moment où on intègre la réalité de la provenance de l’électricité européenne : 55.4% proviennent d’énergies fossiles, 27.8% du nucléaire (source Eurostat 2009). Il ne reste donc que le luxe de pouvoir rouler à électrique. Nous nous plaisons à le constater à chaque opportunité : l’électrique est le luxe ultime. Silence, absence de vibration, confort, des sensations que les motorisations les plus nobles ne parviennent pas à égaler. L’électrique peut également être ludique par la disponibilité d’un couple conséquent dès le démarrage, mais nous avons déjà évoqué le fait que ses prestations, tant en termes d’autonomie que de couple maximum disponible font pâle figure en comparaison avec la concurrence.

Esthétiquement, la version plug-in se distingue principalement d’une Prius III normale par sa trappe de recharge sur l’aile arrière droite, ses badges spécifiques et ses jantes de 15 pouces, seule option disponible au catalogue alors que les Prius III non rechargeables disposent de jolies jantes de 17 pouces chaussées en 215/45R17 qui contribuent notablement à donner de l’allure à l’auto.

  

L’intérieur n’évolue guère en comparaison avec la version de base, hormis les quelques fonctions spécifiques à la version plug-in. Le bouton EV a été renommé EV/HV, permettant de basculer entre une consigne hybride et une consigne d’exploiter les batteries au maximum avant de puiser dans le réservoir de 45 litres d’essence sans plomb. Le mode EV City n’est rien d’autre qu’un mode EV où le couple maximum disponible est réduit. J’ai apprécié la bonne ergonomie offerte par la console centrale haute et son écran tactile clair avec un accès rapide aux différentes fonctions. Le confort des sièges et la position de conduite sont également bons, un énorme progrès par rapport à la Prius II qui fait de la III une routière confortable si on exclut le bruit envahissant du 4 cylindres Atkinson lorsqu’il est plus fortement sollicité en côte. Conçu pour offrir un couple maxi à un régime relativement faible (142 Nm à 2800 t/min), il peut fonctionner à très bas régime à faible charge mais mouline passablement lorsqu’il s’agit de maintenir un 130 km/h de croisière sur parcours vallonné.

Nous l’avions déjà constaté sur la Prius III, le compteur de vitesse est singulièrement optimiste, au point où c’en est flagrant dans la circulation. Après vérification de la pression des pneumatiques, et chronomètre en main, nous avons mesuré un écart conséquent entre l’affichage fluorescent et la réalité : 90 km/h réels à 100 km/h indiqués, de 107 à 110 réels à 120, 113 à 130 km/h, nos mesures amènent systématiquement à la conclusion que les indications de vitesse sont grossièrement exagérées. Plus singulier, les indications de distance parcourue sont, elles, très précises. Toyota chercherait-il à protéger ses clients de contraventions, ou tout simplement à leur faire économiser du carburant en les incitant subrepticement à rouler plus lentement qu’ils n’en ont l’impression ?

 

Equipée en finition Sol Premium, la Prius III Plug-In est une auto agréable à vivre, facile si on fait abstraction de son rayon de braquage médiocre (11.2m selon la fiche technique), avec profusion de rangements, une trappe pratique sous le seuil du coffre pour le rangement du câble de recharge. L’équipement très complet dans cette finition inclut notamment un affichage à tête haute réglable, très agréable pour éviter d’être distrait, un ordinateur de bord complet avec deux totalisateurs, une clé confort, la radio DAB ainsi qu’une interface iPod facile à naviguer. Plusieurs de mes interlocuteurs se sont toutefois plaints de mal m’entendre lors de l’utilisation du système mains libres bluetooth. Le volant multifonction est agréable à l’usage, et les deux groupes de 4 touches souples sont couplées à un capteur capacitif qui en affiche la fonction en surimpression dès qu’on les effleure. Pratique et cool, de quoi impressionner tout passager.

Le confort de suspension est agréable, avec un tarage qui n’est pas exagérément souple. Toute velléité de conduite rapide en courbes mettra rapidement en relief le manque de rigidité des flancs des pneus série 65, et une tendance prédictible au sous-virage. Sur autoroute, la tenue de cap est bonne et reposante, moins nerveuse qu’une Prius II. La direction à assistance électrique est légère mais amorphe, chose  peu surprenante pour une auto destinée à une clientèle paisible.

La Prius III Plug-In est sans contestation un produit abouti, s’appuyant sur l’expérience technologique sans équivalent du groupe Toyota sur la durée et le volume, mais cette expertise est facturée au prix fort pour un produit qui est plus une super hybride qu’une véritable voiture électrique. La concurrence offre plus en termes de prestations attendues – que ce soit en distance ou en couple – à un tarif équivalent. Si les considérations économiques ne rentrent pas en ligne de compte, la plug-in est une meilleure Prius, mais si l’acheteur recherche avant tout l’expérience électrique, l’Opel Ampera est une concurrente sérieuse.


Prix catalogue du modèle d’essai: Toyota Prius Plug-In Hybrid Sol Premium, peinture métallique: CHF 61’630.-

Face à la concurrence

Toyota Prius Plug-in Hybrid Toyota Prius III Opel Ampera Nissan Leaf
Motorisation Hybride parallèle Hybride parallèle Hybride sérielle/parallèle Electrique synchrone
Moteur thermique

L4-1798 cm3 VVTi – Atkinson

L4-1798 cm3 VVTi – Atkinson L4 – 1398 cm3
Puissance thermique (ch / T/min) 99 / 5200 99 / 5200 84 / 4800
Puissance électrique (ch / T/min) 82 / – 82 / –  150 / – 109 / 2730-9800
Puissance combinée (ch) 136 / – 136 / – 150 / – 109 / 2730-9800
Couple thermique (Nm / T/min) 142 / 2800 142 / 2800  – / –
Couple électrique (Nm / T/min) 207 207  370 / –  280 / 0-2730
Couple combiné (Nm / T/min) – / – – / – 370 / – 280 / 0-2730
Transmission Roues AV  Roues AV Roues AV Roues AV
Boite à vitesses Pseudo-CVT Pseudo-CVT 1 rapport 1 rapport
RPP (kg/ch) 10.71 (10.44) (10.25) 11.09 14.1
Poids DIN (constr.) 1457 (1440)
58.6% AV 41.4% AR
(1395) 1664 (1657)
61.6% AV/38.4% AR
1537 (1525)
0-100 km/h (sec.) 11.4 10.4 < 10 11.9
Vitesse max. (km/h) 180 180 161 145
Conso Electr. Mixte (constr.) 163 (124) Wh/km  – 180 (135) Wh/km (173) Wh/km
Conso Carb. Mixte (constr.) 4.72 (2.1) L/100km  5.7 (3.9) 5.3 (1.2) L/100km 0
Charge batteries (kWh) 4.4  1.3** 16 24
Réservoir (l) 45 45 35 0
Emissions CO2 (g/km) 49 89 27* 0
Longueur (mm) 4480  4480 4498 4450
Largeur (mm) 1745  1745 1787 / 2126 1770
Hauteur (mm) 1490 1490 1439 1550
Empattement (mm) 2700  2700 2685 2700
Coffre 443 443 310 / 1005 330 / 680
Pneumatique AV 195/65/15  195/65/15 215/55/17 205/55/16
Pneumatique AR 195/65/15  195/65/15 215/55/17 205/55/16
Prix de base (CHF) 51’900 38’900 52’900 49’950
Prix de base (EUR) 37’000 28’000 44’500 25’990*

* y compris prime écologique ** non-rechargeable sur secteur

Nos remerciement à Toyota Suisse pour le prêt de prêt de cette Prius Plug-In.

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