Essai Honda Civic: Star Trek the ninth generation

Apparue pour la première fois en 1973, un an avant la Golf, la Honda Civic est un pilier fondateur de la marque. Nous essayons la neuvième génération, équipée du moteur 2.2i-DTEC, en finition Executive.

Neuvième génération… hmm… un doute surgit dans mon esprit. Malgré un chiffre pas forcément significatif en soi, je me mets en quête et arrive après avoir creusé quelque peu à cette conclusion singulière : hormis le Chevrolet Suburban, il semblerait que la Honda Civic soit le seul et unique modèle disponible aujourd’hui à la vente – dont la production n’a jamais été temporairement stoppée depuis ses origines – à avoir bénéficié d’autant d’itérations sans que le nom n’ait été modifié. J’élimine donc de ce classement la Toyota Corolla, du fait que la gamme s’est éparpillée en divers sous-noms, tout comme la Nissan Sunny et la Mitsubishi Galant.

Les ingénieurs ont toujours veillé à conserver le même esprit : une compacte simple, ferme, communicative, avec une habitabilité des plus honnêtes, à l’aise dans les villes et campagnes alentours. Si de la troisième à la sixième génération la parenté était visible, la septième avait constitué une rupture majeure de style en se rapprochant presque des mini monospaces ; aussi, n’ayant clairement pas fait l’unanimité, les designers prirent de gros risques pour la huitième génération en se lançant dans un style audacieusement futuriste. Pari réussi à mon sens, depuis son lancement en 2006 la silhouette reste unique encore à ce jour, à un détail près : cette silhouette est radicalement différente sur territoire nippon ; toutefois, cette dernière se retrouve également présente sur nos terres par le biais de la version Civic hybride. Et c’est à peu près de la fusion de ces deux versions que résulte la carrosserie de l’actuelle neuvième génération.

Par le passé, Honda avait déjà segmenté sa gamme phare, ne rendant disponibles que certains modèles selon le continent, afin d’être plus en phase avec les goûts locaux. En effet, au cours de son histoire la Civic s’est rapidement déclinée de façon extensive, en version trois, quatre, cinq portes, break, Shuttle, CRX, sans parler des diverses motorisations. Pour la première fois, la huitième génération avait vu naître un modèle spécialement réservé à l’Europe, mais en sus de sa carrosserie futuriste, le modèle européen comportait vis-à-vis de son homologue japonais une autre différence, mécanique, une suspension arrière simplifiée qui avait généré plus d’une critique, spécialement dans le cadre de la Type-R.

 

Pour cette nouvelle mouture, j’apprends que la barre de torsion à l’arrière a été conservée mais passablement retravaillée. Sauf que les prédispositions sportives ne seront pas exactement au cœur de mes préoccupations, vu que j’ai hérité…… d’un diesel ! L’antagonisme total avec la tradition des moteurs Honda et leurs insignes VTEC. Toutefois, avec la part croissante des diesels sur le marché suisse (35,6% des achats neufs sur le premier semestre 2012), il convenait d’examiner ce nouveau N22B afin de déterminer si, après un premier coup d’essai avec le N22A, Honda avait réussi à transférer son savoir-faire dans le domaine des mazouts.

Etrangement, après sa présentation au salon de Francfort 2011, la sortie de cette nouvelle Civic en février 2012 semble un peu passée sous silence, tout du moins, elle suscite peu d’intérêt. Anecdote insignifiante, ou pas, tapez « Honda Civic » sous Google en mode web search et les quatre petites images que vous verrez apparaître dépeignent la huitième génération ! Même topo en mode image search, pas une seule photo de la neuvième génération n’est référencée sur la première page ! Sa disparation du catalogue nippon en serait-elle la cause ? Et oui, une grande première, la clientèle du Soleil Levant serait, selon le management, suffisamment attirée par d’autres modèles pour que l’on se permette d’exiler la Civic de son fief-même. Quant à nos terres, elles ne sont de loin pas encore envahies par la compacte : 956 unités vendues de janvier à fin octobre, incluant certainement quelques anciens modèles. Hormis une blanche présente dans mon quartier, j’en croise au mieux cinq ou six par mois. D’ailleurs, durant mes deux semaines de roulage, plus d’une fois à un feu rouge, des curieux se sont approchés pour observer des détails et fournir divers commentaires sur le design.

 

Discutable, certes, mais pas dérangeant, je m’y suis rapidement acclimaté. Ayant pour avantage de se distinguer facilement à l’horizon, les lignes sont au pire étranges, mais pas disgracieuses, l’arrière étant la partie la plus sujette à critique avec son ensemble protubérant de phares structuré de façon à avoir un impact sur l’aérodynamisme. Pour rester dans ce chapitre, les modèles diesel 2.2 i-DTEC sont équipés d’une calandre novatrice qui s’ajuste automatiquement en roulant. Lorsque vous atteignez des vitesses élevées, elle se ferme de manière plus étanche pour réduire la résistance à l’air et améliorer encore les économies de carburant, mais en même temps, il est difficile de pouvoir le constater de visu alors qu’on est en train de rouler.

Ce couplet sur la calandre, que j’ai emprunté à la revue de presse, débutait par « La nouvelle Civic vous aide même à conduire plus efficacement sans que vous vous en rendiez compte »… Hmm, poussons jusqu’à « conduire sans s’en rendre compte » : on pourrait presque croire cela possible une fois monté à bord de ce qui, de nuit, semble être le Star Trek Enterprise ! La multitude de boutons et d’affichages dispersés autour du cockpit contribuent sans nul doute à l’ambiance et, tour de force, l’ergonomie n’en pâtit pas pour autant, elle serait même exemplaire.

 

En dehors des trois compteurs pour la température du moteur, les tours/minute et l’essence, il reste encore trois écrans capables de vous afficher les informations les plus diverses. Si le premier se limite à la vitesse et aux témoins de cruise control, ainsi qu’aux lumières du système ECON (vert, vous conduisez propre, turquoise, attention, bleu, vous ne faites aucun effort pour l’environnement), le second constitue ce qui se rapproche le plus d’un ordinateur de bord, avec une ribambelle d’indications à choix et notamment la vue de la caméra de recul, avec en surimpression le tracé présumé de votre voiture. Quant au troisième, disponible en option, je ne saurais conter ô combien il s’agit du meilleur système multimédia auquel j’ai eu affaire ; ce n’est pas une question de “capacités extraordinaires” mais purement de qualité. Simple, intuitif, rapide, complet, avec la quantité parfaite de boutons physiques venant compléter la navigation de l’écran tactile réactif à souhait, je ne peux que chaudement vous le recommander si votre achat se tourne vers un récent véhicule de la gamme Honda capable d’abriter ce module. Hormis le GPS, cet écran pourra vous afficher les statistiques les plus variées sur vos trajets, ainsi que tout ce qui est lié à la musique, la vidéo ou la téléphonie, que ce soit au travers du disque dur externe (en option), de CD/DVD ou d’appareils externes branchés en USB ou en coaxial ou encore en Bluetooth. Si cette dernière décennie vous ne vous êtes pas aventuré dans une voiture moderne et que vous voulez constater à quel point la technologie à bord du véhicule lambda a progressé, cette Civic fera office de référence pour l’année 2012/2013.

Pour rester dans la technologie, passé les airbags, ABS, ESP, EBD désormais considérés comme la norme, on trouve, en option pour 3’000 CHF certes, un autre système de sécurité (sous les acronymes barbares ACC + CMBS = Adaptive Cruise Control + Collision Mitigation Braking System) qui commence à massivement se démocratiser ces temps : le régulateur de vitesse intelligent. Lancé il y a plus d’une douzaine d’années sur certains véhicules haut de gamme, le système maintient votre véhicule à bonne distance (que vous pouvez faire varier de façon infime via un bouton) de celui qui vous précède et dussiez-vous trop vous approcher, les freins seront automatiquement déclenchés. A moins d’être d’humeur farceuse, mieux vaut tenir vos passagers au courant que le système est en marche car les freinages sont pour le moins incisifs, du type “bonjour-le-pare-brise”… Amusez-vous une fois à vous rabattre sur l’autoroute à ne serait-ce que dix mètres de l’arrière d’une voiture… Mais parfois c’est le système qui se plait à nous jouer des farces, comme ce jour où à bonne allure sur une route de campagne déserte, le détecteur a pris le poteau qui se trouvait dans la courbe pour un autre véhicule… ce qui s’est soldé par un simple avertissement du témoin de collision accompagné d’une petite tension dans la ceinture, puisqu’au final, le radar a heureusement compris qu’il n’y avait pas de réel danger devant moi… Quoique, un poteau, ça peut faire mal ; si j’étais allé m’encastrer dedans, le système m’aurait-il freiné sur les 5 derniers mètres ? Je suis content de ne pas connaître la réponse à la question, mais néanmoins pas rassuré à l’idée que ce genre de système “intelligent” puisse, un jour où j’aurais oublié de le désactiver, éventuellement intervenir de façon erronée lors, par exemple, d’un dépassement sur route sinueuse…

Comme je viens de discrètement le glisser, à bonne allure cette Civic est capable d’aller ! Que m’importe le diesel, je n’ai pas pu résister à l’emmener faire un tour en montagne. Me relaxant un instant en contemplant les étoiles à travers le toit panoramique, confortablement installé dans les sièges en cuir, je sais d’avance que je manquerai de soutien latéral, mais c’est on ne peut plus cohérent, je ne me trouve pas à bord d’un modèle dédié au sport. Le seul détail qui me gène un poil est l’architecture du volant qui m’empêche de positionner mes mains de façon adéquate pour une conduite sportive, mais bon, tout le reste joue, la visibilité est correcte, allons-y. Evidemment, adieu les envolées lyriques du VTEC, mais au niveau du rythme tenu, force est de constater que ça marche ; enfin, si vous réussissez à maintenir le moteur dans la plage exploitable, c’est-à-dire au mieux entre 2’000 et 5’000 tours : en dessous, le couple est littéralement inexistant et à 4’500 tours, on entame la zone rouge. Selon le type de tracé, vous serez donc forcé de passablement jongler avec le levier de vitesses, qui entre parenthèses méritera d’être sérieusement durci lors de la confection de la Type-R à venir. Et cette Type-R, nous l’attendons de pied ferme, car si le diesel se limite à 150 chevaux, il prodigue tout de même 350Nm que les Michelin Primacy HP du train avant de cette Civic réussissent à passer au sol avec fluidité et après une bonne montée et redescente de col, une chose est claire, ce châssis est bon, très bon, il laisse entrevoir sa capacité à accueillir facilement une bonne centaine de chevaux supplémentaires, d’autant plus que ma version pointe à 1463 kg sur nos balances, alors que la 1.8L VTEC équipée au minimum descendrait à 1280 kg. Je n’ai certainement pas frôlé les limites, aussi est-il difficile d’affirmer si les améliorations apportées à la barre de torsion arrière sont palpables ou non (spécialement compte tenu du fait que les Type-R FN2 que j’ai conduites avaient subi des modifications), mais je ne me suis jamais senti en danger, hormis à une seule occasion, où l’ESP me surprendra en effectuant des corrections un brin inopportunes lors d’une très longue courbe montante en dévers à haute vitesse, cependant la communicativité du châssis me permettra de réagir correctement.

Revenons au calme. Enfin, façon de parler, parce qu’avec l’usine à gaz qui se trouve sous le capot, la notion de calme est très relative. On peut d’ailleurs le constater d’autant plus violemment à chaque fois que la merveille de l’écologie œuvre : le système auto Start/Stop. En ville, au bout de trois feux rouges, le photographe me demandera, tendu et inquiet, s’il n’y a pas moyen de régler le problème, car l’oreille fonctionnant par habitude, si le bruit demeure continu, au bout d’un moment on s’y fait. C’est seulement après que le calme est revenu un bref instant (moteur éteint) que l’on se sent d’autant plus agressé à chaque fois que, dans un ébrouement aussi sonore que sismique, le N22B reprend vie. Sur l’ensemble du marché automobile, si l’auto Start/Stop semble aujourd’hui plus que pertinent sur les moteurs essence, la fonction reste discutable concernant les diesels autres que les haut de gamme.
Autre merveille de l’écologie, les suggestions de changement de rapport. Obéissez et vous vous retrouverez régulièrement à vous demander si vous venez par exemple de passer la cinquième au lieu de la troisième, car dès 1’800 tours, alors que le régime optimal n’est même pas encore atteint, le système propose de passer un rapport supérieur. Non non et non, cela ne rime à rien car le moteur est bel et bien aux abonnés absents tant que le turbo n’a pas chargé (à partir de 2’000 tours), vous pouvez mettre le pied au plancher, rien n’y fera.
Quant aux économies de carburant, l’argument marketing majeur aval(is)é par la foule croissante d’acheteurs de diesel, elles ne coïncident pas avec les valeurs annoncées. La moyenne que l’ordinateur de bord me donnait sur l’autoroute était celle qui correspondait à la consommation urbaine selon la documentation, soit 5,2L/100km, et les 700 kilomètres de mes deux semaines d’essai se sont soldés par une moyenne de 6,9L/100km malgré le fait que j’aie laissé enclenché pratiquement tout le temps le système ECON, censé améliorer un chouïa la consommation même lorsqu’on ne respecte pas scrupuleusement ses indications.

En prime, je me dois de relater un problème qui touchait la génération précédente avec le N22A : l’encrassement du filtre à particules. Du fait que la plupart des gens qui achètent un diesel ne font pas assez de kilomètres par jour afin de générer une température suffisamment haute pour permettre l’auto-nettoyage de ces filtres, ils s’encrassent, avec pour conséquence une perte massive de puissance, qui ne trouvera cure qu’après passage au garage pour un nettoyage forcé du dit filtre. Seul le long terme nous dira si la nouvelle génération souffre également ou non de ce problème.

Résumons la situation : le design sera affaire de goût, le châssis est performant, la technologie embarquée au top pour sa classe, le moteur pas vraiment convaincant, à moins d’effectuer régulièrement des trajets autoroutiers, justifiant par là les sacro-saintes économies d’essence. Car même si comme je l’ai dit plus haut, ce moteur peut se montrer relativement efficace en conduite sportive (avec à la clé une moyenne de 12L/100 sur le trajet de col), ce n’est pas son emploi prédestiné, et en ville, sans l’auto-Start/Stop, vous consommerez plus qu’attendu, avec l’auto-Start/Stop, vous serez irrité. Pour mon utilisation, mon choix aurait plutôt tendance à se porter sur le 1.8L VTEC, car au final, cette Civic est une excellente voiture de tous les jours. Avec ses cinq portes et son grand coffre, elle propose une astuce remarquable que je n’ai jamais vue sur aucune autre voiture de tourisme : l’assise des sièges arrière peut se rabattre verticalement ! Vous vous retrouvez alors avec une place colossale permettant notamment d’accueillir un voire deux grands vélos debout ; idéal pour partir faire un tour en alpage.
Avec un prix d’entrée situé à 22’300 CHF pour la 1.4L essence et culminant à 36’600 CHF pour le 2.2L diesel dans sa déclinaison Executive, la Civic est on ne peut plus compétitive sur le terrain des compactes. Alors quand bien même vous seriez encore hésitant par rapport à la carrosserie, laissez-vous tenter par un petit tour à bord, elle fait honneur à sa lignée !

Configuration du modèle d’essai

ACC+CMBS 3’000 CHF
Système de navigation multimédia + disque dur 2’700 CHF

Face à la concurrence

Honda Civic 2.2 i-DTEC Executive Alfa Romeo Giulietta 2.0 JTD Distinctive Seat Leon 2.0 TDI FR Citroën DS4 2.0 HDi Sport Chic
Moteur  Turbodiesel 4cyl. 2199 cm3 Turbodiesel 4cyl. 1956 cm3 Turbodiesel 4cyl. 1968 cm3 Turbodiesel 4cyl. 1997 cm3
Puissance (ch / t/min) 150 / 4000 140 / 3750 150 / 3500-4000 163 / 3750
Couple (Nm / tr/min) 350 / 2000-2750 320+30 / 1500 320 / 1750-3000 340 / 2000
Transmission Roues AV Roues AV Roues AV Roues AV
Boite à vitesses 6 Manuelle 6 Manuelle 6 Manuelle 6 Manuelle
RPP (kg/ch) 9.98 9.96 8.7 8.55
Poids DIN (constr.) 1463
66.0% AV/34% AR
(1395) (1305) (1395)
0-100 km/h (sec.) 8.8 9.0 8.4 8.6
Vitesse max. (km/h) 217 205 215 212
Conso. Mixte (constr.) 6.9 (4.4) (4.5) (4.1) (5.1)
Réservoir (l) 50 60 50 60
Emissions CO2 (g/km) 115 119 106 134
Longueur (mm) 4300 4351 4263 4275
Largeur (mm) 1770 1798 1784 1810
Hauteur (mm) 1470 1465 1459 1522
Empattement (mm) 2595 2634 2636 2612
Coffre (L) 467 350 380 385
Pneumatiques 225/45 17 205/55 16 225/45 17 225/45 18
Prix de base (CHF) 36’600 35’250 37’400 36’490
Prix de base (EUR) 28’750 27’950 25’835 28’300

Nos remerciements à Honda Suisse – en particulier M. Labarbe – pour le prêt de nos véhicules d’essai. Photos: Patrick Schneuwly &  Charles Mugel.

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Liens

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