Essai Opel Astra GTC: la mémoire …

L’Opel Astra GTC cache sous sa très élégante robe un chassis qui peine à encaisser le couple de son moteur 1.6L Turbo 180ch. Un tableau dynamique que l’Opel contraste avec d’autres qualités et défauts.

La mémoire. Une des facultés les plus mystérieuses de notre cerveau encore largement incompris. Hormis la mémoire purement intellectuelle (se rappeler une soirée, un texte, ou le fonctionnement d’un appareil), on sait qu’elle se décline notamment en relation avec nos cinq sens. Si la mémoire visuelle est largement employée quotidiennement pour nous permettre de nous mouvoir aisément dans notre espace, tout comme notre mémoire auditive est sans cesse sollicitée, en commençant par les cours que l’on suit dès notre enfance, il n’en va pas de même pour nos trois autres sens. Une fois franchi le cap de l’adolescence, il est rare que notre sens du toucher, comme celui du goût, ait à mémoriser de nouvelles sensations. Mais de nos cinq sens, s’il en est un bien étrange et qui nous ramène à notre condition animale, l’odorat est celui qui a le plus de pouvoir sur nous. Constamment stimulé, qu’on le veuille ou non, il peut déclencher une foule d’émotions et de modifications dans notre comportement, bien souvent inconsciemment. Basculant alors soudainement dans un univers au ralenti tandis que la porte de cette Astra GTC s’ouvre devant moi, j’ai le temps durant une fraction de seconde de sentir que mon cerveau remue de vieux tiroirs, et mené par mes récepteurs olfactifs, je replonge instantanément dix ans en arrière.

 

A cette époque, grâce à un job d’appoint, je conduisais régulièrement de nombreuses voitures de marques diverses. Parmi elles, l’Opel Astra (alors le modèle G) figurait en bonne place question récurrence – et aussi question qualités routières. Si certaines compagnies, Mercedes pour citer un exemple de succès, reconnaissent travailler sur ce qu’on appelle le “signature olfactive”, on pourrait dire que certaines autres sont plutôt victimes des matériaux qu’elles utilisent. Oui, cela fait dix ans que je n’ai pas reposé mon séant derrière la barre d’un navire arborant le Blitz – exception faite du Speedster … qui était une Lotus – et à mon grand étonnement, le fumet qui émane de ces Astra est resté le même. Je n’irai pas jusqu’à qualifier mes augustes narines de coquettes, mais elles sont ultra sensibles à la plus diffuse variation, or la fragrance qui m’envahit n’est pas exactement digne des galas parisiens.

Si je développe ce point, c’est qu’il y a un net contraste avec un autre de mes cinq sens : le visuel. Si dans la forme globale cette GTC ne se distingue pas particulièrement au loin dans la masse des compactes, elle comporte nombre d’éléments de style qui la rendent singulière et attractive, moderne et sophistiquée. Notamment de profil, on ne manquera pas les deux arêtes horizontales inédites, l’une partant du coffre pour venir se replier sous la poignée de portière, l’autre mettant en relief le bas de la portière pour remonter jusqu’au rappel de clignotant. Même principe pour l’intérieur, pas extraordinaire globalement, mais ergonomique et parsemé de petits détails ça et là qui rendent le tout plutôt agréable et font bonne impression, comme le levier de vitesses, les lumières d’ambiance rouges ou les contours blancs. On aurait donc attendu un “parfum”  plus aguichant. Par conséquent je ne saurais que trop vous recommander l’option cuir (Mondial ou Nappa, les deux à 1’750 CHF), qui, je le suppose, supprime en grande partie ce léger désagrément.

Bref, je m’installe à bord, il est 18h, je suis à Crissier, il pleut, que faire ? Régler mon siège peut-être d’abord. Parce qu’au bout d’une dizaine de minutes passées à faire joujou avec les innombrables boutons, j’ai déjà passablement mal au dos, or malgré les cinq réglages possibles, je ne parviendrai pas (avant le lendemain) à trouver une position indolore. Mais une heure plus tard, cela s’avérera le moindre de mes soucis ! Oui, parce qu’après 30 minutes à me morfondre pour parcourir Crissier – Aubonne, et avec la pluie qui tombe désormais à verse, la perspective de troquer une autoroute bondée contre une montagne potentiellement déserte devient fort attrayante ! Et quoi de mieux qu’une route de col inondée pour tester la santé d’un châssis ! Mais auparavant, un arrêt-minute à la station-service sera nécessaire, car sur les deux brefs instants de ligne droite à vitesse autoroutière, ma voiture s’est montrée incapable de tenir son cap. Une fois la pression des pneus abaissée de 2.8 à 2.1 (prescrite sur la portière), cela ira mieux. Je note au passage que je suis chaussé de Bridgestone S001, le nouveau fleuron de la gamme Potenza. Ce sera donc mon premier contact, et je m’en réjouis car j’ai cohabité longuement et fructueusement avec les RE050 dans leurs différentes déclinaisons.

“Le rapport avec le siège ?” me direz-vous ; il arrive. Tout comme les courbes du Marchairuz. Sauf  qu’il m’est impossible de les voir. Il s’agit là du plus gros défaut de cette Astra GTC, et le pire est de savoir qu’il ne sera pas corrigé sur la version OPC : les montants, que dis-je, les piliers de pare-brise qui amputent votre vision périphérique. Ironique, lorsque l’on sait que ce type d’angle de construction est utilisé pour renforcer la sécurité de l’habitacle, mais cela vaut-il la peine pour autant d’encourager un test prématuré de sa solidité ? J’ai du mal à concevoir qu’en interne on ait pu donner le feu vert à une telle obstruction de la visibilité et par là, rendre la voiture dangereuse, si ce n’est pour ses occupants, tout du moins pour ce (mobile ou inerte) qui se trouve potentiellement dans les angles morts. Ce n’est de loin pas le premier diktat de la sécurité moderne qui induit un effet inverse à ce qu’il est censé améliorer. Et Opel n’est assurément pas le seul constructeur à aller dans cette direction.

 

Parlant de direction, j’ai bien du mal à la garder au volant de cette GTC. Car afin de pouvoir observer le tracé précis qu’empruntent certains virages (et ce qui pourrait s’y trouver par inadvertance), je me vois régulièrement dans l’obligation de pencher fortement la tête et donc de me soulever de mon siège. Pour ce faire, devant lutter simultanément contre les “g”, je n’ai d’autre moyen que de m’agripper au volant, ce que tout instructeur vous déconseillera fortement. Car en dehors des à-coups non-voulus et du manque de précision, je perds également toute sensation de mouvement de caisse puisque mon dos n’est plus en contact avec le siège ; non que j’aie forcément plus d’informations lorsque mon dos y est bien collé, mais mieux vaut conserver un minimum d’académisme. Déjà dans les courbes simples, je ne sais jamais où se situera la limite du grip, la direction et les pneus étant tout aussi avares en communication, mais plus problématique, à allure soutenue toute esquisse de freinage – nécessitant d’enfoncer la pédale au moins à mi-course – ailleurs qu’en ligne parfaitement droite, déstabilise la voiture de façon inquiétante. En ces circonstances, un levier de frein à main, remplacé inopportunément par un bouton électrique, m’aurait rassuré.

Ce premier bilan sur chaussée détrempée n’est pas glorieux pour une voiture à vocation plus ou moins sportive. Les 1474kg mesurés sur nos balances se font bien remarquer et avec 61% sur le train avant, mieux vaut ne pas être trop optimiste en entrée de virage. Dans toute cette équation, il y a essentiellement deux facteurs à incriminer : le premier, le haut centre de gravité, le deuxième, la suspension. En ville, en mode Normal ou Tour, même à très basse vitesse, un tangage léger mais bien perceptible se manifeste au point d’être presque perturbant pour le foie (ou peut-être est-ce l’action conjuguée du “parfum”…). Le mode Sport, qui durcit l’ensemble suspension-volant-pédales, se révèle alors fréquemment tentant, l’inconvénient étant qu’en ville, la pédale des gaz devient trop réactive pour une conduite souple, et qu’en montagne, la fermeté de l’ensemble est bien loin de ce que l’on pourrait attendre.

Astuce maison : il existe un mode optimal pour la ville ! Pour cela, enclenchez le mode Sport, puis allez paramétrer ce mode en pressant le bouton Config, puis cherchez la touche “Entrer”. Il m’aura fallu attendre mon troisième jour avant de la trouver, ayant rapidement perdu patience les deux jours précédents lorsqu’il fallait valider une quelconque action. Pour une fonction aussi importante, je ne me rappelle pas avoir vu une commande aussi peu intuitive : si vous regardez le plus gros bouton de la console centrale, il faut en réalité enfoncer la bague. Bref, une fois entré dans les réglages du mode Sport, il vous suffira de décocher l’option “puissance moteur sport”, votre pédale de gaz réagira alors comme en mode normal, ce qui vous évitera de secouer vos passagers.

 

Cette option a en outre un effet bien mystérieux : sur un départ arrêté, pour une différence flagrante, si vous vous mettez en mode Tour, en jaugeant parfaitement votre point de friction, vous sentirez, une fois l’embrayage relâché, le moteur démarrer mollement, puis charger d’un coup vers 2’500 tours (un petit côté old school turbocharging pas déplaisant par ailleurs), tandis qu’en répétant l’exercice avec le mode Sport et “puissance moteur sport” allumé, le moteur chargera assez fort dès le premier instant, résultant en une accélération beaucoup plus linéaire. Je sais que, par exemple sur les Impreza, ce côté “lag-killer” est obtenu via une plus grande ouverture du papillon dans le mode le plus sportif, mais on n’a pas été en mesure de m’expliquer quel était le procédé caché dans le moteur de cette Astra.
Parlons-en de ce moteur ! 1,6 litre pour 180 chevaux, tirer sur la bête au-delà de 5’000 tours est inutile, on sent qu’elle rechigne à parcourir ses 1’500 derniers tours jusqu’au rupteur ; autant monter un rapport, vous avez le turbo pour vous aider bas dans les tours. Quant à la sonorité, vous voyez votre aspirateur ? Bon, ben…
Revenons sur la suspension : j’ai encore du mal à admettre qu’avec pourtant du 19 pouces en 235 pour gérer 230Nm, on réussisse sur terrain sec à faire momentanément mouliner les roues en fond de deuxième, pour peu que le volant soit à peine tourné. Je me dis qu’avant de me hasarder à quelque extrapolation quant aux qualités des S001, c’est avant tout cette suspension qui méritera définitivement de sérieux réglages. A moins d’un travail majeur sur l’OPC, cela relève tout bonnement pour moi de la science-fiction que de vouloir héberger 280 chevaux dans cette étable, spécialement en regard des 1550kg annoncés dans l’homologation.

L’Astra GTC est donc une voiture qu’il faut réserver à un usage citadin et autoroutier. Dans ces conditions, elle peut se montrer brillante. Le coffre est très honnête, il possède un double fond aisément rabattable, tout comme les sièges arrière si le besoin s’en fait sentir. Lesdits sièges accueilleront sinon trois passagers avec un espace autour des jambes et au-dessus de la tête tout à fait honorable pour la catégorie. Les nombreux petits espaces de rangement se révèlent fort utiles afin de ne pas garder les poches encombrées – il y a même une boîte à lunettes au-dessus de la portière du conducteur. Dussiez-vous parcourir de longues distances, en prime du cruise control adaptif, l’insonorisation exemplaire vous facilitera la tâche, tout comme le 6ème rapport vous évitera des passages à la pompe. Si j’ai mesuré 11.2l/100km sur ces deux semaines d’essai, mes parcours se sont essentiellement composés de ville et de montagne à vive allure. Par contre, j’ai vu la moyenne rapidement chuter en ne roulant qu’une cinquantaine de kilomètres sur autoroute ; dès lors, en restant exclusivement sur ce type de terrain, une consommation de 6l/100km ne me paraît pas utopique.
Une fois le bouton “Entrer” découvert, l’ordinateur de bord est aisément navigable et bien architecturé. Hormis le Bluetooth pour le natel qui m’aura déconnecté à deux occasions au milieu d’une conversation, tout le reste fonctionnera comme attendu. Le système hi-fi constitue une agréable surprise, comparativement au système Meridian présent dans notre Evoque que j’ai pu essayer le temps d’un week-end, celui de l’Astra GTC fournit une qualité supérieure, verdict valable tant pour mes oreilles d’ex-ingénieur du son que pour celles néophytes de ma copine.

Avec la GTC, Opel a décidé de créer non pas une simple version 3 portes de l’Astra, mais une gamme à part, or la carrosserie est accessible à partir de 28’900 CHF (avec un 1.4l essence de 100 chevaux) et peut grimper jusqu’à 41’100 CHF pour la version Sport du 2.0l diesel automatique de 165 chevaux. Mais la version la plus puissante, exclusivement en manuelle, 1.6l essence de 180 chevaux, soit celle de mon essai, se négocie entre 34’300 et 36’800 CHF. Dans ce segment du marché, la concurrence est pléthorique. En se restreignant aux 3 portes neuves, il reste tout de même les Audi A3, Renault Mégane, VW Golf, VW Scirocco, Hyundai Veloster si l’on veut faire dans l’originalité, ou même une BMW Série 1 si l’on souhaite une propulsion. Quels seront les critères qui vous pousseront plus dans telle ou telle direction ? Je l’ignore. Les odeurs nous amènent parfois à agir de façon étrange… 😉

La mémoire… Ce que j’ai omis en début d’article, peut-être par déception, c’est que les premiers souvenirs qui me sont revenus, avant même d’ouvrir la portière, sont ceux de mes premières armes : d’innombrables kilomètres parcourus avec bonheur aux volants de Corsa A (Joy cabrio et GSi), sans compter d’occasionnelles escapades délurées à bord de la Kadett et de sa descendance, l’Astra F. Des voitures qui n’avaient pour la plupart pas de prétentions sportives, mais qui étaient simples (voire spartiates en comparaison des standards actuels), saines et robustes et que j’apprécie encore aujourd’hui car on peut les emmener à vive allure grâce à leur légèreté. Mais la tendance est inexorablement à l’embonpoint, sur tous les tableaux, et au vu des volumes actuels, on en vient à être tenté de taxer toutes ces demoiselles de “grenouilles qui se veulent aussi grosses que le bœuf”… En remontant dans ma Civic de 1992, une autre définition du terme “compacte”, le contraste sera saisissant, voire déstabilisant. Aussi je regrette que la version OPC se soit principalement concentrée sur les chevaux au lieu de l’allègement. J’espère toutefois pouvoir me dédire lorsque je l’essayerai. D’ici là, à l’égard d’Opel, je m’en tiendrai aux souvenirs d’un passé révolu mais qui, comme une certaine Manta, restera toujours doré dans ma mémoire.

Face à la concurrence

Opel Astra GTC 1.6T Sport Renault Mégane GT Volvo C30 T5 VW Scirocco 1.4TSi
Moteur L4 1598 cm3 Turbo L4 1998 cm3 turbo L5 2521cm3 Turbo L4 1390 cm3 Turbo + Compresseur
Puissance (ch / régime) 180 / 5500 180 / 5500 230 / 5000 160 / 5800
Couple (Nm / régime) 230 / 2200 300 / 2250 320 / 1500-5000 240 / 1500
Transmission Traction Traction Traction Traction
Boite à vitesse 6 Manuelle 6 Manuelle 6 manuelle 6 Manuelle
RPP (kg/ch) 8.19 7.74 6.15 8.09
Poids à vide (constr.) 1474 (1393) (1394) (1415) 1295
0-100 km/h (sec.) 8.3 8.5 6.7 8.0
Vitesse max. (km/h) 220 215 240 218
Conso. Mixte (constr.) 11.2 (7.2) (7.7) (8.7) 7.2 (6.6)
Réservoir (l) 56 60 62 55
Emissions CO2 (g/km) 169 178 203 154
Longueur (mm) 4466 4312 4266 4256
Largeur (mm) 1840 1782 1810
Hauteur (mm) 1482 1423 1447 1404
Empattement (mm) 2695 2640 2640 2578
Coffre 380 377 251 312
Pneumatique AV 235/55 R17 à 245/40/R20 225/40 R18 205/55 R16 à 215/45 R18 225/45 R17
Pneumatique AR 235/55 R17 à 245/40/R20 225/40 R18 205/55 R16 à 215/45 R18 225/45 R17
Prix de base (CHF) 36’800 35’150 34’800 36’900
Prix de base (EUR) 25’300 28’800 30’450 25’540

Crédit photos: Charles Mugel.  Nos remerciements à General Motors Suisse pour la mise à disposition de cette Opel Astra GTC.

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