Essai Citroën DS5 Hybrid4: déesse hybride

Après la frugalité, Citroën tente un retour dans l’automobile de luxe. 

Deuxième moitié des années 2000, Citroën décide d’affronter une réalité du marché automobile : pour renforcer l’image et les marges d’une marque, il faut monter en gamme. Au salon de Genève 2009, Citroën présente le concept DS Inside. Dès 2010, la marque aux chevrons commercialise des variantes premium de ses modèles à grande diffusion, en commençant par la DS3, puis la DS4 et enfin la DS5. DS signifie « Different Spirit », il n’y a aucune filiation revendiquée avec la limousine produite de 1955 à 1975.

La DS5 offre un packaging particulier avec l’assise surélevée d’un crossover mais une longueur contenue à 4.53m, une compacité appréciable en milieu urbain et manœuvres par rapport à une BMW série 3 ou les Audi A4/A5. Revers de la médaille, les passagers logés à l’arrière se plaignent de la garde au toit et du manque de place aux jambes. Le coffre est lui aussi assez exigu, perdant 143L VDA de volume à cause du pack de batteries pour pointer à 325L, ce qui est chiche pour une grande routière. La ligne et résolument moderne, conforme aux (bonnes) directions de style prises par la marque, avec des traits distinctifs, modernes et élégants, une utilisation judicieuse d’applications de chromes, un pare-brise très incliné et une ligne de toit qui cherche plus l’esthétique que la praticité utilitaire. Une sorte de cross-over-monospace-coupé, avec des détails de style travaillés, telle la nervure qui souligne les flancs, ou la sculpture des optiques de phares arrières.

  

Cliquer sur les vignettes pour agrandir l’image

En découvrant l’habitacle, la première surprise provient de la magnifique sellerie. Le dessin des placets matelassés et la finesse du cuir utilisé mettent immédiatement l’amateur dans de bonnes dispositions. Les inserts couleur aluminium poli dans la jante du volant à méplat et à la base des repose-tête sont de belle qualité. Le motif d’habillage de certaines garnitures ne sera pas du goût de tous, mais tous les commutateurs sont de qualité, tout comme les matériaux. Deuxième surprise, le toit panoramique (mais malheureusement pas ouvrant) divisé en 3 zones, recouvrables individuellement et électriquement. Face au conducteur, un combiné d’instruments. Vitesse au centre, flux d’énergie et rapports de boîte à gauche, affichage LCD multifonctions à droite. Clair, avec des graphiques sobres et élégants. Un intérieur dans lequel on se sent bien et qui charme par son ambiance et la qualité de sa réalisation, à fortiori à ce prix. Certes certains détails d’ergonomie, par exemple dans la navigation des menus du système d’info-communication, sont un peu singuliers, mais Citroën place cette réalisation intérieure dans une catégorie ou les seuls étalons sont la crème de la production allemande, pas moins.

Cet habitacle soyeux s’entoure de deux groupes propulseurs distincts. A l’avant, un 4 cylindres turbodiesel HDi 160 développant 300 Nm de 1750 à 3500 t/min et 163ch à 3850 t/min. A l’arrière, un moteur électrique synchrone, délivrant 100 Nm de 0 à 1290 t/min et 27ch de 1290 à 7500 t/min (des valeurs qui grimpent à 37ch et 200 Nm en crête) et entraînant les roues arrières par un réducteur de rapport 7.46. L’équipage électrique est capable d’entraîner la DS5 en mode électrique jusqu’à 70 km/h, et à accompagner le moteur thermique jusqu’à 120 km/h, vitesse à partir de laquelle il est découplé. Pour l’accumulateur d’énergie, PSA s’est reposé sur des batteries NiMH alors que le standard contemporain est désormais le Lithium Ion, plus onéreux mais également plus performant en termes de densité énergétique. L’équipage comprend 168 cellules fonctionnant sur une plage allant de 270 à 150V et offrant une capacité totale de 1.2 kWh.

 

La puissance combinée est ainsi de 200 ch pour un couple maxi de 450 Nm, mais ces valeurs ne sont disponibles que sur une courte durée et sous condition de pleine charge des batteries. Des valeurs à mettre en regard avec les 1814kg mesurés sur nos balances (répartition 56.8% AV – 43.2% AR malgré le report des batteries et du moteur électrique sur le train postérieur). Combiné à des rapports supérieurs longs pour abaisser la consommation et le bruit, les reprises en sixième sur autoroute sont anémiques, à moins de provoquer un rétrogradage, soit en enfonçant le pied droit jusqu’au commutateur, soit en utilisant la palette de gauche.

La grille de sélection ne suit pas le standard PRDN pour adopter le RNAM, soit marche arrière, neutre, automatique, manuel. Pas de position parc, le frein de stationnement étant automatiquement engagé lorsque le contact est coupé. En mode automatique, les palettes solidaires de la colonne de direction – au standard Ferrari, plus intuitif lorsque on doit changer de rapport avec un demi-tour de braquage au volant – permettent d’intervenir sur les changements de rapports alors qu’en mode manuel, leur utilisation est rendue obligatoire pour commander la boîte 6 pilotée Airdream. Une boîte pilotée qui se révèle être … un cauchemar. Ou presque. L’asservissement de l’embrayage est bien jugé, mais la lenteur des changements de rapports est dérangeante même à faible charge, tant l’interruption du couple est perceptible, amplifiée encore par le temps de réponse du turbo, lui-même induit par l’action de la boîte et l’interruption du flux de gaz d’échappement. Un cercle vicieux dont l’issue est évidente : la boîte Airdream ne soutient pas la comparaison avec les boîtes à double embrayage ou à convertisseur de couple du marché et péjore l’agrément de conduite, parfois même lorsqu’on roule paisiblement.

En sus du levier de sélection, une molette rotative permet de choisir entre quatre modes de propulsion. Le mode A, activé par défaut, gère les transitions entre propulsion électrique et thermique. En mode ZEV, la propulsion électrique est forcée dans les limites de l’autonomie disponible. Le mode Sport aguerrit l’asservissement de la pédale de gaz et utilise la charge électrique à des fins de performance plus que d’autonomie. Le mode 4WD offre une transmission continue aux quatre roues, nous y reviendrons.

La solution de juxtaposer deux chaînes cinématiques indépendantes et de ne les relier que par l’électronique de gestion (et parfois d’un flux d’électrons lorsque l’alternateur fait office de génératrice d’appoint) est élégante sur le papier. Elle évite des investissements coûteux dans un groupe thermique et une transmission spécifiques, apporte l’argument quatre roues motrices, et adoucit au passage la répartition des masses. Elle a cependant ses limitations. Si son action est douce la plupart du temps, des à-coups important peuvent être ressentis lors de manœuvres en pente, mettant en relief un léger retard de synchronisation dans la gestion du couple du moteur électrique. Ce désagrément mineur mis de côté, c’est surtout les limitations intrinsèques du système qui soulèvent certaines réserves. Batteries pleines, les roues arrières peuvent fournir un couple de crête (200 Nm à 1290 t/min) comparable à celui du HDi (300 Nm), mais dans la limite de la capacité limitée des batteries. Une fois vides, le seul recours est de sélectionner le mode 4RM qui utilise l’alternateur pour alimenter le train arrière, mais avec une puissance maximale de 10 chevaux (subtilisés au turbodiesel).

Même s’il est théoriquement permanent, le système à quatre roues motrices de la DS5 est en fait un 2+2 d’appoint pour contribuer au franchissement de situations d’adhérence précaire, mais qui n’offre pas les avantages d’une répartition de l’ensemble du couple moteur entre train avant et train arrière. La déconnection du train électrique à 120 km/h est également un désavantage, la voiture ne récupérant aucune énergie cinétique jusqu’à ce que ce seuil soit atteint, et le frein moteur augmente alors considérablement. Demeure le luxe de pouvoir démarrer assez souvent en mode électrique et de se déplacer en ville dans la souveraineté que le silence et la douceur de ce mode de propulsion amènent. Les transitions entre les modes de propulsion y sont alors limpides, mais on n’échappe pas à une certaine déception lorsque le turbodiesel s’ébroue pour prendre le relais. J’ai également trouvé la rampante un peu déroutante, trop lente à entrer en action lorsqu’on relâche la pédale de frein. Un détail – parmi d’autres – mais c’est la somme de ces détails que l’acheteur de voiture premium recherche.

Plus attrayante qu’économique (notre consommation moyenne fut de 6.88 L/100km pour 6.5 L/100km indiqués à l’ordinateur de bord et une moyenne horaire de 61 km/h), il faut envisager la version Hybrid4 sous l’angle d’un surcoût de 6500 CHF par rapport à la version 2.0 HDi à boîte automatique. La résolution de cette équation est plus hédoniste qu’économique, le gain en consommation étant probablement bien plus ténu en réalité que les 2.1 L/100km mesurés en conditions normalisées.

La voiture se comporte d’ailleurs comme une traction, avec un comportement sûr à allure normale, mais un sous-virage prononcé lorsque l’avant doit encaisser un appui important et le couple du 2.0 HDi. Hybride oblige, l’assistance de direction est électrique afin de remplir sa tâche lorsque le moteur thermique est arrêté. Conséquence attendue, le tarage est bon mais le feeling d’adhérence est absent. La signature châssis se situe par ailleurs presque aux antipodes de l’image d’épinal que véhicule Citroën encore aujourd’hui. Avec un tarage assez ferme, les mouvements de caisse sont contenus, tant en plongée qu’en roulis. Combiné aux pneus Continental Sport Contact et à une bonne rigidité d’ensemble, la DS5 démontre une belle rigueur à un rythme qui dépasse objectivement les ambitions – ou la témérité – de la clientèle ciblée. Tribut à payer cependant, le filtrage secondaire est loin de la sérénité ouatée qu’on attend de Citroën. Trépidant sur revêtement dégradé, plutôt ferme ailleurs.  La DS5 offre un freinage puissant avec un feeling ferme et une assistance à la pédale bien jugée, mais couplé à un avertisseur de collision en chaine qui fait clignoter les feux de détresse en cas de freinage très appuyé. Un équipement de sécurité qui a tout son sens pour prévenir des collisions en chaîne dans des cas de circulation routière usuelle, mais qui peine à cerner la nuance entre freinage d’urgence et conduite sportive. Autre équipement de sécurité, l’avertisseur de déviation de voie masse les fesses lorsqu’on dévie de sa trajectoire sur autoroute, mais s’avère irritant sur le réseau secondaire. Il est déconnectable, mais par un commutateur caché par la jante du volant.

La DS5 Hybrid4 est un produit qui convainc plus par son emballage – intérieur comme extérieur – que par ses prestations dynamiques. La version Hybrid4 amène le frisson de l’électron, mais également les désavantages de la boîte pilotée Airdream, un embonpoint de 120kg et une perte de capacité de chargement. Le tarif de 51’900 CHF en fait une alternative aux berlines, cross-over ou SUVs allemands qui mérite pleine considération. Si elle ne peut prétendre encore à devenir une référence incontournable du segment premium, la DS5 est une prétendante crébible, tant par son design que sa finition. Ce n’est pas le moindre des compliments qu’on puisse faire à Citroën.

 

Face à la concurrence

Citroën DS5 Hybrid4 Audi A4 Allroad BMW X3 xDrive 2.0d
Moteur 4 cylindres turbodiesel 1997 cm3 4 cylindres turbodiesel 1968 cm3 4 cylindres turbodiesel 1995 cm3
Puiss. thermique (ch / t/min) 163 / 3850 177 / 4200 184 / 4000
Puiss. électrique (ch / t/min) 37 / 1290-7500
Puiss. combinée (ch / t/min) 200 / – 177 / 4200 184 / 4000
Couple therm. (Nm / t/min) 300 / 1750 380 / 1750-2500 380 / 1750 – 2750
Couple électr. (Nm / t/min) 200 / 0-1290
Couple comb. (Nm / t/min) 450 / – 380 / 1750-2500 380 / 1750 – 2750
Transmission AV+AR Quattro xDrive
Boite à vitesses 6 rapports robotisée S Tronic 7 rapports automatique 8 rapports
RPP (kg/ch) 9.07 9.86 10.09
Poids DIN (constr.) 1814 (1735)
56.8% AV / 43.2% AR
(1745) 1857 (1800)
0-100 km/h (sec.) 8.6 8.1 8.5
Vitesse max. (km/h) 211 210 210
Conso. Mixte (constr.) 6.88 (4.1) (6.0) 9.04 (5.6)
Réservoir (l) 60 64 67
Emissions CO2 (g/km) 107 156 147
Longueur (mm) 4530 4703 4648
Largeur (mm) 1871 / 2128 1841/2006 1881
Hauteur (mm) 1504 1495 1675
Empattement (mm) 2727 2808 2810
Coffre 325 490 550 / 1600
Pneumatique AV 235/45/18 225/55/17 225 / 60 / 17
Pneumatique AR 235/45/18 225/55/17 225 / 60 / 17
Prix de base (CHF) 51’900 CHF 57’250 CHF 62’700 CHF
Prix de base (EUR) 40’200 € 44’300 € 41’500 €

Nos remerciements à Citroën Suisse pour le prêt de cette DS5 Hybrid4.

Galeries de photos

Liens

Le sujet du forum – les articles Citroën – les essais berlines et SUVs – la liste des essais

Les essais d’hybrides et électriques

  

  

  

Tu pourrais aussi aimer