Lancia Thema – Essai

Fruit de l’acquisition de Chrysler par le groupe Fiat, la nouvelle Thema est une Chrysler 300C revue pour le marché européen.

L’exercice de badge engineering est presque revendiqué, la Thema est présentée dans la prose de la marque comme le meilleur des deux mondes, mais Lancia n’explique qu’en termes évasifs la substance qu’il y a à retirer d’un croisement entre une marque que d’aucuns considèrent comme l’ombre de ce qu’elle a été, et une voiture américaine conçue pour un marché aux facteurs de succès peu compatibles avec le Vieux Continent.

Il n’en faut guère plus pour aborder la Thema avec un certain scepticisme, renforcé encore par les dimensions imposantes de l’auto. Plus de 5m de long, 1.9m de large et plus de 3 mètres d’empattement, la voiture a une présence visuelle conséquente, et un gabarit qui pourra poser problème dans nombre de situations usuelles. Le prospect sera averti, la nouvelle Thema ne passera ni ne rentrera partout, certains parkings souterrains sont à proscrire, et bien d’autres pourront causer des  sueurs froides.

Extirpée des dédales sous-terrain conçus par des architectes sadiques, la ligne de la Thema prend une autre dimension, esthétique celle-là. Campée sur des monumentales jantes de 20 pouces (équipement d’origine en finition Executive), laquée d’un Executive Brown magnifiquement pailleté, la voiture a une présence indéniable. Les différences esthétiques avec sa jumelle nord américaine sont ténues, le bouclier est légèrement plus agressif avec des lèvre inférieures proéminentes, la grille de radiateur légèrement retouchée mais les optiques de phares identiques. Le profil et l’arrière sont inchangés, un logo remplace l’autre et basta. Les premières interrogations passées, l’ensemble semble coller au style chic mais légèrement décalé qui définit la marque, sans tomber dans les travers stylistiques franchement excentriques d’une Thesis.

Les (bonnes) surprises se poursuivent à l’intérieur, avec une belle sellerie bicolore en cuir Poltrona Frau, l’alter ego italien à Connolly, à la différence que les transalpins sont toujours en affaires. Le cuir Mochachino est de belle facture, soyeux au toucher, avec des tons qui se marient bien aux inserts en bois matte. Les plastiques qui prennent le relais sont également de qualité, tous comme les inserts plastiques imitant l’aluminium poli. Les préoccupations pécunières sont perceptibles dans l’habillage de la base des sièges, mais c’est un mal répandu dans toute la production automobile contemporaine. L’instrumentation baignée d’un halo bleuté rehausse le tout sans tomber dans le clinquant.

  

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Lancia n’a pas lésiné non plus sur l’équipement impressionnant équipant la Thema Executive. On relève notamment en série le chauffage des sièges avants et arrières ainsi que le volant, la ventilation des sièges avant, le pare-soleil arrière électrique, le toit ouvrant panoramique, des porte gobelets chauffants ou réfrigérants, capteurs de distance avant/arrière doublés d’une caméra de recul bienvenue, le pédalier et la colonne de direction réglables électriquement, la navigation GPS combinée avec l’interface bluetooth pour téléphone et le support pour baladeur, un système audio Alpine de 506W avec 10 hauts-parleurs, des avertisseurs d’angle mort, un cruise control adaptatif avec avertisseur de collision et un système d’accès et de démarrage sans clé. Il faudrait piocher bien profondément (et onéreusement) dans les catalogues allemands pour parvenir à équivalence avec une telle pléthore. Certes, l’interface utilisateur (d’origine Garmin) de la navigation n’est pas du plus grand raffinement et l’avertisseur de collision complètement dépassé en conduite rapide sur route sinueuse, mais ils sont facilement configurables pour ne plus distraire le conducteur.

Deux motorisations sont disponibles en Suisse. La première est un V6 essence Pentastar de 3.8L développant 340 Nm à 4650 t/min et 286ch 1700 tours plus haut, acouplé à une boîte ZF à 8 rapports, avec une consommation normalisée annoncée à 9.4 L/100km. La deuxième, spécifique à l’Europe et équipant notre voiture de test est un V6 3.0 turbodiesel développant 550 Nm de 1800 à 2800 t/min, et 239 chevaux à 4000 t/min. Il entraîne les roues arrières par le biais d’une boîte automatique à 5 rapports. Ce diesel développé par le groupe Fiat a pour singulière particulier d’amener un surcroit pondéral considérable par rapport au V6 essence, 162 kg selon la fiche technique, pour un total mesuré par nos soins à 2030 kg avec le plein et sans conducteur ni bagage (répartis à 54.5% sur l’avant et 45.5% sur l’arrière). La Thema est lourde, dans l’absolu comme en comparaison avec la concurrence.

  

Au démarrage, la présence du diesel sous le capot est légèrement audible, mais demeure parfaitement tolérable. Boîte en position D et que le paquebot vogue sur mers urbaines et océans autoroutiers. En conduite coulée, la boîte est douce et gère adroitement le régime moteur pour ne pas tomber dans le trou précédent la montée en régime des turbos. Le diamètre et l’épaisseur de la jante du volant surprennent et les dimensions demandent un temps d’adaptation, mais l’ambiance à bord parait immédiatement agréable, baignée par la lumière provenant du toit panoramique. Le confort auditif sur autoroute est excellent, la démultiplication du cinquième rapport permettant au V6 de se faire complètement oublier alors qu’il ronronne à moins de 2500 tours à 150 km/h de croisière indiqués. La gestion de la boîte se joue étonnamment d’un étagement peu favorable, d’autant plus pour servir un turbodiesel à la plage d’utilisation étroite. L’allonge jusqu’à la zone rouge située à 4750 t/min est théoriquement utile, mais sera rarement exploitée.

 

Confortable, plaisant, l’impression positive continue sur route où la boîte se montre prévenante, accompagnant les freinages par des rétrogradages permettant d’exploiter le frein moteur. Des réserves se cristallisent cependant autour de deux interfaces critiques. Les sièges avant procurent autant de maintien que la banquette d’un vaporetto. S’ils sont fermes et confortables, on se sent assis sur le placet plutôt qu’enveloppé par des rembourrages latéraux. De légèrement déroutant sur tracé rectiligne, l’absence totale de maintien latéral devient problématique lors des premiers appuis, tant pour le conducteur qui n’a que le formidable gouvernail pour s’arc-bouter, que pour un passager abandonné aux forces inertielles.

 

Deuxième interface mise à mal, la direction. La jante du volant, aussi inhabituellement grande en diamètre qu’en épaisseur, n’a guère que le toucher de son cuir à communiquer. Malgré un tarage cohérent, la direction électrohydraulique EHPS ne fait remonter strictement aucune information du bitume et des grandes manœuvres se déroulant sous les envelopes de 245/45/20. Dommage car le grip offert par les Good Year Eagle F1 n’a rien de ridicule – a fortiori en regard de la tâche qui leur incombe – mais le détachement sensoriel total n’incite à aucun excès.

Taper dans les 550 Nm de  réserve de couple en sortie d’épingle se traduit naturellement par de lègères pertes de motricité, mais l’exercice est académique en regard de la vocation de la voiture. En descente de col, la réponse spongieuse de la pédale de frein accentue la sensation de manque de mordant. Le tarage des suspensions et leur amortissement contiennent bien les mouvements de caisse et offrent un bon confort, même si des déhanchements parasites donnent parfois l’impression que les liaisons à roues indépendantes sont hantées par le fantôme des essieux rigides. Conduite rapide possible, mais conduite sportive sans intérêt.

Le V6 construit par VM Motori offre des prestations honorables, mais avec un rapport poids-puissance de 8.5 kg/ch, il faut plus se tourner vers des considérations d’agrément que de sensations. Compétent et sobre, nous avons mesuré 7.92 L/100km contre une revendication ambitieuse de 6.9 L/100 sur l’ordinateur de bord, une valeur remarquable alors qu’il s’agit de déplacer plus de deux tonnes au rythme des parcours de cet essai. Nous n’avons pas essayé la version Pentastar, mais le gain modeste de 0.1s sur les accélération de 0 à 100 km/h (7.7 contre 7.8) ne semble pas particulièrement alléchant en regard du déficit en couple et en sobriété.

Confortable, distinctive dans sa ligne, bien finie et très bien équipée, la Lancia Thema offre un rapport prestations prix explosif. A 64900 CHF après euro-bonus (la faiblesse du cours du dollar y est probablement pour une bonne part également), il est bien difficile de trouver un produit qui offre autant, non seulement en termes d’espace à bord, mais aussi d’équipement et d’image. Une belle auto, attachante au quotidien tant qu’on n’a pas à affronter des lieux exigus, cohérente dans sa définition comme sa réalisation, mais en rupture avec ce que le modèle et la marque ont pu être il y a deux décennies. Western spaghetti, hamburger au jambon de parme, les quolibets sont faciles mais injustifiés. A juger le produit pour ce qu’il est, la voiture mérite attention. Difficile de souscrire à l’argument, mais le paysage automobile européen gagne certainement à bénéficier de produits différenciés comme cette Thema.

Face à la concurrence

Lancia Thema V6 3.0 Diesel Executive Jaguar XF 3.0 Diesel Citroën C6 3.0 V6 HDi
Moteur V6 – 2987 cm3 – Turbodiesel V6 – 2993 cm3 – Turbodiesel V6 – 2992 cm3 – Turbodiesel
Puissance (ch / t/min) 239 / 4000 240 / 4000 240 / 3800
Couple (Nm / tr/min) 550 / 1800-2800 5000 / 2000 448 / 1600
Transmission AR AR AV
Boite à vitesses 5 rapports automatique 8 rapports automatique 6 rapports automatique
RPP (kg/ch) 8.49 7.81 8.25
Poids DIN (constr.) 2030 (2038) (1874) (1979)
0-100 km/h (sec.) 7.8 7.1 8.5
Vitesse max. (km/h) 230 240 240
Conso. Mixte (constr.) (7.2) (6.3) (7.3)
Réservoir (l) 72.3 69.5 72
Emissions CO2 (g/km) 191 169 190
Longueur (mm) 5066 4961 4908
Largeur (mm) 1902 1920/2077 1860
Hauteur (mm) 1488 1460 1464
Empattement (mm) 3052 2909 2900
Coffre 462 540 488
Pneumatique AV 245/45/20 235/55/17 245/45/18
Pneumatique AR 245/45/20 235/55/17 245/45/18
Prix de base (CHF) 64’900* 72’500 69’990
Prix de base (EUR) 53’200 52’900 57’450

* Euro Bonus de 9000 CHF inclus

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Nos sincères remerciements à Fiat Suisse pour le prêt de cette Lancia Thema.

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