La troisième génération de la Toyota Prius à l’essai.
Après une Prius I ballon d’essai, une Prius II qui surfa opportunément les vagues conjointes de la hausse du prix du pétrole en 2007 et l’érection du réchauffement climatique en dogme, la Prius III se doit d’être l’hybride de la maturité. Un rapport prestations-prix qui se justifie plus sur les mérites intrinsèques du produit que sur l’idée qu’il véhicule. A l’instar de la Citroën 2CV dans les années 70-80, conduire une Prius sous nos longitudes fut un manifeste socio-politique. Le modèle doit désormais surmonter le cliché « bobo » (bourgeois-bohême) ou « bouéco » (bourgeois-écolo) et rendre les efforts visionnaires de Toyota pertinents pour le plus grand nombre.
Si elle garde un indéniable air de famille avec sa devancière, la Prius III adopte une ligne beaucoup plus dynamique, avec cette nervure qui court sur le profil, des optiques de phares plus travaillées et agressives, un bouclier avant qui ose des lignes abruptes dans l’intégration des antibrouillards et une prise d’air béante. On se laisserait presque aller à chercher une filiation entre le discret bossage du capot et les monoplaces de la désormais défunte écurie F1 de la marque. Ajoutez des jantes de 17 pouces chaussées en pneus de taille basse (série 45 s’il vous plaît) et l’épithète sportif vient aux lèvres. A mes yeux, le résultat est très réussi, élégant, valorisant, moderne. Si le succès populaire sur les parkings de supermarché est garanti, dopé par le capital sympathie du modèle, le style Toyota demeure cependant loin de faire l’unanimité chez les amateurs de sportives. Le Cx de 0.25 impose le respect.
Toyota a complètement revu la position de conduite, un grave défaut sur la Prius II. On est assis dans plutôt que sur la voiture, avec un siège désormais réglable en hauteur et un volant aussi bien réglable en hauteur qu’en profondeur. Tous les gabarits trouvent ainsi une position de conduite confortable, mais le manque de maintien latéral des sièges persiste. A l’arrière, l’espace aux genoux a fondu comme la calotte glacière aux pôles, une énigme car l’empattement de 2700mm demeure inchangé. L’habitabilité avant et arrière était royale dans sa devancière, elle est désormais juste dans les standards de la catégorie, c’est regrettable.
L’agencement de l’intérieur a évolué pour adopter une console centrale haute avec un pont « à la Volvo ». Un concept discutable qui engonce les passagers avant dans un cocon, mais qui péjore l’habitabilité sans amener des aspects pratiques supplémentaires sous la forme de volumes de rangement supplémentaires et pratiques. L’instrumentation évolue également, avec une migration des fonctions liées à la consommation et au système hybride vers le tachymètre, alors que l’écran multifonctions de la console centrale – de série en exécution premium seulement – est désormais dédié aux fonctions de navigation et de réglages audio. Le diagramme expliquant les différents flux d’énergie perd ainsi en clarté, mais un économètre amène un complément d’information bienvenu sur la récupération d’énergie au freinage, en particulier sur le seuil à partir duquel la précieuse énergie cinétique commence à s’évacuer en chaleur à la surface des disques de freins.
Un affichage tête haute regroupant la vitesse, l’économètre et les directions de la navigation amène un agrément appréciable. Effleurer les touches multifonctions du volant fait apparaître des pictogrammes en surimpression sur le combiné d’instruments, très cool. La qualité des matériaux ne progresse pas, ne flattant guère ni regard ni toucher, avec des plastiques – beaucoup de plastiques – aux textures improbables.
La Prius III offre quatre modes de gestion de sa chaîne cinématique. Par défaut, elle s’adapte au trajet pour optimiser la consommation. Le mode EV force la propulsion électrique jusqu’à ce que les batteries soient vides, que la vitesse dépasse 45 km/h ou que la sollicitation dépasse la puissance du moteur électrique. Le mode Eco atténue la loi de réponse de la pédale de gaz jusqu’à la caricature, au point où on a l’impression de devoir rouler pied au plancher pour maintenir une vitesse légale sur l’autoroute.
Le mode Power aiguise la réactivité de l’Hybrid Synergy Drive : la transmission adopte un rapport beaucoup plus court à la moindre sollicitation du pied droit. Les reprises sont bonifiées, surprenantes de vivacité même parfois. Ce mode est idéal pour la conduite en montagne ou pour anticiper un dépassement. Quelle que soit la topographie ou le type de trajet, la motorisation est largement suffisante pour tous les besoins objectifs.
Sous le capot, beaucoup de changements. Le moteur thermique passe de 1.4 à 1.8L (1798cm3), développant 98 chevaux, soit 21 de plus que son aîné. Le moteur électrique, lui, est donné pour 82 chevaux en pointe. La combinaison débouche sur une puissance maximale de 136 chevaux. Pas de changement par contre derrière les sièges arrière, on retrouve une évolution mineure du même pack de batteries Nickel Métal Hydride avec ses 28 modules offrant 201.6V de tension nominale, une charge de 6.5Ah et délivrant jusqu’à 27kW de puissance en pointe. Pour tordre le cou à une légende, celles-ci pèsent moins de 40kg.
Le système Hybrid Synergy Drive de Toyota est une fois de plus époustouflant, gérant de manière complètement transparente les différents modes de propulsion, charge et décharge. Il demeure le seul système bimodal du marché, à savoir qu’il permet une propulsion du véhicule purement électrique avec le vilebrequin du moteur à l’arrêt (jusqu’à 45 km/h depuis l’arrêt), alors que les autres systèmes commercialisés n’utilisent leur moteur électrique qu’en appoint. Même à allure autoroutière, il n’est pas rare que le moteur à combustion s’arrête, la propulsion électrique étant suffisante pour maintenir la vitesse. Il surclasse la concurrence en consommation réelle et offre la possibilité de rouler – survoler – la route en mode entièrement électrique, une sensation délicieuse qui démarque l’expérience Prius des autres impétrantes, Honda Insight en tête. Une utilisation judicieuse du mode B (recharge et frein moteur accrus) permet non seulement de doper les économies, mais offre également l’agrément d’un vrai frein moteur. A défaut, la Prius file sur sa lancée grâce à sa faible résistance au roulement surnaturelle.
Toyota revendique une consommation mixte de 3.9L/100km (4.0 avec les jantes 17 pouces de notre modèle Linea Sol). Notre moyenne mesurée de 5.72 L/100km (5.4 indiqués pour une vitesse moyenne de 53 km/h) reflète un nombre significatif de kilomètres en montagne avec 4 personnes à bord et sur autoroute à allure pressée. S’il est souvent possible de descendre sous les 5.0 L/100km de moyenne en adoptant une conduite économique, atteindre les prétentions de Toyota (3.9L en cycle mixte) en roulant en plaine aux limitations de vitesse semble impossible. Le progrès de 0.5 L/100km par rapport au modèle précédent demeure crédible en comparaison avec les mesures relevées sur notre Prius II sur plus de 20’000 km.
Détail qui n’en est pas un sur une voiture qui incite aux comptes d’apothicaire, le tachymètre de la Prius est d’un optimisme déroutant. Roulant de concert avec la Prius II de notre flotte, la Prius III indique 10 km/h de plus que la II. Piqué au vif, je chronomètre la voiture sur un kilomètre d’autoroute à 120 km/h au régulateur. Même verdict : 110 km/h chrono. Contre vérification avec notre GPS portable : environ 8% de différence. Les conspirationistes seront prompts à en tirer une conclusion possible : quitte à consommer une quantité donnée sur un trajet allant de A à B, autant que la distance affichée soit plus longue, la consommation affichée en sera d’autant plus faible. Un léger bémol sur la partition consommation de la Toyota.
Le comportement routier est en progrès, du moins sur cette version bien campée sur ses 215/45/17. La position de conduite y contribue, les liaisons au sol plus rigoureuses, les relances plus vigoureuses aussi. Improbable que vous partiez enquiller 200 km de virolets dans le seul but de vous faire plaisir, mais la voiture est capable d’avaler des parcours sinueux à un rythme très respectable sans se désunir, restant toutefois en retrait des très bonnes aptitudes de la Honda Insight sur ce plan précis.
Le prix d’entrée est de CHF 38900 en exécution Linea Luna, mais notre Prius III Linea Sol Premium d’essai est affichée à un prix de base de CHF 43900, avec en sus la peinture métallisée (730 CHF), le système de navigation et disque dur de musique (3100 CHF) et un intérieur cuir à 2500 CHF, sièges chauffants inclus. L’addition est lourde : 50’230 CHF.
En Europe, Toyota continue de faire de la Prius un produit de luxe, maintenant un tarif élevé aligné sur le modèle précédent, alors que la Honda Insight a délibérément choisi de rendre le label hybride plus accessible. Dix mille francs plus chère, le prix à payer pour la seule hybride capable de vous donner le frisson du tout électrique occasionnel et d’offrir le reste du temps l’agrément d’une berline compacte grâce à une technologie supérieure, éprouvée en grande série. Plus aboutie, plus sobre, plus performante, la Prius III garde une longueur d’avance sur la compétition labellisée hybride, mais les plus pragmatiques ne manqueront pas de donner pleine considération à un turbodiesel, VW Golf VI TDI par exemple.
Les légendes infondées sur les hybrides
Ca n’économise du carburant qu’en ville !
Faux. La récupération d’énergie nivelle la consommation tant en parcours urbain qu’en parcours de campagne ou sur autoroute.
Les batteries pèsent lourd !
Faux. Le bloc de batteries NiMH d’une Prius ne pèse que 37.5 kg.
Les batteries ont une courte durée de vie !
Vraisemblablement faux. Les Prius II dépassant le demi-million de kilomètres ne sont pas rares depuis qu’elles ont rejoint les flottes de taxi. Toyota prétend que les batteries sont conçues pour durer au moins 300’000 km.
Les hybrides polluent moins !
Faux. Les voitures hybrides polluent autant qu’elles consomment de carburant, mais leur consommation peut être plus faible que celles de véhicules traditionnels.
Face à la concurrence
Toyota Prius III | Honda Insight | Toyota Prius II | Golf VI TDI BlueMotion | |
Moteur thermique | L4-1798 cm3 VVTi – Atkinson | L4-1339 cm3 i-VTEC |
L4-1497 cm3 16V Atkinson |
L4 – 1598 cm3 turbodiesel |
Moteur électrique | 82 ch | 14 ch | 68 ch | – |
Transmission | Pseudo-CVT | CVT | Pseudo-CVT | 5 vitesses |
RPP (kg/ch) | 10.63 | 12.71 | 11.77 | 12.55 |
Poids à vide (constr.) | (1445) | 1246 (1276) | 1354 (1329) | (1318) |
Puissance combinée | 136ch | 98ch | 78+37ch | 105 / 4400 |
Couple combiné | 142 + 207 Nm | 67 Nm / 1000 | 115 + 400 Nm | 250 / 1500-2500 |
0-100 km/h | 10.4 | 12.4 | 10.9 | 11.3 |
Vitesse max. | 180 | 182 | 170 | 190 |
Conso. Mixte (constr.) | 5.7 (3.9) | (4.4) | 5.2 (4.3) | (4.1) |
Longueur | 4460 | 4395 | 4445 | 4199 |
Largeur | 1745 | 1695 | 1725 | 1786 |
Hauteur | 1490 | 1425 | 1490 | 1479 |
Pneumatiques |
195/65/15 |
175/65/15 |
195/55/16 |
195/65/15 |
Prix de base (CHF) | 38’900 | 28’800 | 39’770 | 32’430 |
Prix de base (EUR) | 26’220 | 17’990 | 25’950 | 20’420 |
Remerciements à Toyota Suisse pour le prêt de notre voiture d’essai.
Liens
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