La nouvelle gamme de Ferrari à l’essai.
Mais pourquoi tant de haine ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Ferrari California eut droit à sa sortie à un accueil digne des frimas de l’Alaska. Les talibans de la marque crièrent au blasphème en apprenant que le V8 était placé à l’avant ; elle aurait dû afficher sur sa calandre le trident des cousins Maserati. D’autres passionnés, plus ou moins éclairés, avancèrent que la douceur de fonctionnement de sa boîte à double embrayage était l’argument marketing numéro 1 pour s’attirer en priorité les faveurs de la clientèle américaine, snobant ainsi l’européenne plus attachée et « à cheval » sur l’héritage sportif de la marque. Sans compter que les misogynes de service y sont aussi allés de leur indignation en apprenant que la California s’adressait également à la clientèle féminine. Imaginez ! L’icône de l’automobile sportive de caractère – à quelques exceptions près l’un des derniers bastions du sexe dit fort – offre désormais sans aucune retenue son volant aux dames, elles qui furent quasi ignorées durant ces 60 dernières années, toutes ou presque cantonnées à leur rôle de co-pilote de charme.
Oui, la California marque une rupture dans la riche histoire de Ferrari en accumulant les premières. Premier cabriolet à toit rigide escamotable, première GT à moteur V8 en position centrale avant inaugurant l’injection directe et une boîte à vitesses 7 rapports à double embrayage. Et lorsque pour nommer l’engin abritant tant d’innovations techniques et idéologiques vous ressortez des cartons un patronyme mythique symbolisant pour les puristes le pinacle du grand tourisme cheveux au vent, il est presque normal que la petite dernière suscite tant de méfiance. Mais cet opprobre est-il justifié ?
Elle a beau être qualifiée péjorativement de « Baby-Ferrari », force est de constater que visuellement elle en impose, beaucoup plus qu’en photos. La robe noire habillant notre destrier atténue les flancs somme toute assez tortueux, donnant de surcroît une élégance certaine à l’ensemble. L’arrière est massif et manque d’homogénéité en raison des nombreuses contraintes techniques engendrées par le logement du toit une fois replié ; mais nous retrouvons sur l’aile arrière le galbe caractéristique de la 250 GT California. Le contraste avec le bandeau supportant les feux stop et la plaque minéralogique, d’habitude marqué avec d’autres coloris du nuancier, disparaît ici presque totalement. Aussi, le chrome des tant décriés échappements « sandwich » façon Lexus IS F répond subtilement au rouge rubis des feux arrières. La partie avant réinterprète elle aussi à sa façon la partition de l’aïeule de 1957 avec la calandre munie de ses traditionnelles barrettes, les ailes bombées intégrant les projecteurs, la prise d’air sur le capot et les ouïes sur les flancs. Sans être la plus belle des Ferrari jamais produites, le résultat s’avère néanmoins plaisant à l’œil, recelant même quelques touches sublimes dont seul Pininfarina en a le secret. A ce propos, les historiens nous lisant noteront dans leurs tabelles que la Ferrari California est la dernière création du carrossier dont Andrea Pininfarina, prématurément disparu, aura dirigé le projet.
Si l’extérieur laissera certains esthètes dubitatifs, l’intérieur, lui, récoltera certainement tous les suffrages. Tendu de cuir, sobre, quelques touches d’aluminium par-ci par-là, léger parfum rétro, le cockpit séduit immédiatement et invite à la conduite. Le combiné d’instruments abrite en son centre le compte-tours à relief, hyper lisible sur fond rouge (ou jaune, ou noir, à vous de choisir à la commande pour… CHF 830.-) avec à sa droite le tachymètre et à gauche l’écran multifonction regroupant les affichages secondaires et l’ordinateur de bord. Le volant à jante épaisse et méplat accueille le gros bouton de démarrage et le manettino, simplifié pour l’occasion, n’autorisant que 3 réglages : « Confort », « Sport » et « CST off » (ESP déconnecté). Les palettes de commande de boîte ont élu domicile, comme à leur habitude, sur la colonne de direction de laquelle elles sont solidaires.
La console centrale est réduite elle aussi au strict minimum avec le grand écran tactile du module GPS/téléphone/radio surmontant le tableau de contrôle de la climatisation. Sur le tunnel central prend place une platine en aluminium du plus bel effet, accueillant le commutateur de marche arrière et la sélection boîte auto/manuelle, le Launch Control si vous souhaitez flinguer votre (vos) embrayage(s), ainsi que les commandes des vitres électriques et du toit.
Annoncée comme 2+2, la California s’avère plutôt être une « 2+sac de golf ». Les strapontins arrière sont d’une utilité très relative, accueillant plus volontiers les éléments de bagages qui n’auront trouvé place dans le coffre une fois le toit replié. A ce propos, votre agent Ferrari préféré se fera un plaisir de vous proposer en option la ligne de bagages sur mesure « California », optimisant ainsi l’utilisation de l’espace disponible du coffre d’une capacité de 340 litres en version coupé et 240 litres en configuration « topless ». Notez toutefois que les dossiers des strapontins sont rabattables, laissant apparaître une… trappe à skis !
Le confort à l’avant, par contre, ne souffre d’aucune critique ; les sièges sont profonds, les renforts très prononcés pour un maintien optimal et les possibilités de réglages quasi infinies. Conjuguées à celles en hauteur et profondeur du volant, la position de conduite idéale est ainsi trouvée aisément, assurant confort, efficacité et un important champ visuel pour votre plus grand plaisir de conduite.
Comme vous le savez, la California inaugure également le toit rétractable en aluminium, rejoignant ainsi la Mercedes SL et feu l’ultra confidentielle Cadillac XLR bien seules jusqu’alors dans le segment des coupés/cabriolets de luxe. La conversion de carrosserie s’effectue entièrement automatiquement en seulement 14 secondes, par simple pression sur l’interrupteur dédié.
Il est temps maintenant de mettre le contact. J’appuie sur le starter, le démarreur s’ébroue et le V8 prend vie. Un son clair et puissant traverse les échappements pour se caler sur une note grave de baryton. Ouf ! L’essentiel est préservé ! Dérivé du 4.3 litres de la F430, ce nouveau V8 de 4297 cm3 bénéficie de nombreuses améliorations, comme les circuits de lubrification et refroidissement redessinés, mais surtout l’injection directe. Dès lors, les culasses ont été revues, et l’alésage et la course des pistons réduits. Avec l’optimisation de l’injection directe air/essence le moteur de la California permet d’afficher une valeur de couple de 485 Nm à 5000 t/min, soit un gain de 20 Nm et 250 t/min comparativement à sa grande sœur. La puissance maxi quant à elle est de 460 CV à 7750 t/min.
Mais la nouveauté la plus flagrante du constructeur de Maranello est l’implémentation de la boîte à vitesses à double embrayage 7 rapports (DCT), développée en collaboration avec Getrag. Pour être bref, une telle boîte à vitesse regroupe deux « demi-boîtes », l’une avec les rapports 1-3-5-7 et l’autre avec les rapports 2-4-6 et marche arrière, chacune ayant son propre disque d’embrayage. Ainsi, lorsque le rapport n°1 est engagé dans la première demi-boîte, le rapport n°2 est pré-engagé dans la seconde. Et ainsi de suite pour les rapports suivants, que ce soit à la montée ou au rétrogradage. Dès lors, le temps nécessaire au changement de rapport dépend uniquement de l’ouverture et fermeture des deux embrayages. Ferrari annonce un temps de passage de 60 ms, comme sur la 430 Scuderia, mais la différence majeure se situe dans le fait qu’il n’y a sur la DCT aucune interruption de transmission du couple. L’un des nombreux avantages d’une telle technique, lorsque sa mise au point est parfaite, est de permettre une utilisation autant pratique et confortable que sportive. Sur la balance, l’ensemble boîte-pont de la California accuse 120 kg, contre 97 pour celle à simple embrayage de la Scuderia. Positionnée sur le train arrière, elle contribue à l’équilibre quasi idéal de l’auto, avec une répartition du poids de 47% sur l’avant et 53% sur l’arrière. Pour les inconditionnels du « ka-schling », Ferrari propose également une boîte mécanique traditionnelle à 6 rapports dont les ventes, de l’aveu même de la marque, ne devraient pas dépasser 10% du volume global.
Mais place à la démonstration. Je tire la palette de droite pour enclencher la première et quitte le show-room de Modena Cars sur un filet de gaz. Jusqu’ici, la boîte F1 « traditionnelle » requérait en manœuvres une sensibilité particulière du pied droit pour être capable à la fois de mouvoir le véhicule en douceur sans mettre à mal la santé de l’embrayage. Avec la DCT cet exercice devient une formalité déconcertante de facilité. Adieu les montées en régimes erratiques et le patinage des disques faisant défiler dans votre esprit les liasses de 1000 francs nécessaires à leur remplacement. Bonjour confort, douceur et sérénité, habituellement l’apanage des boîtes à convertisseur de couple.
En règle générale, la prise en main d’une Ferrari nécessite quelques kilomètres d’adaptation afin d’être à l’aise avec les commandes et surtout l’encombrement de l’engin. Etrangement, il ne m’a suffit que de quelques hectomètres pour me sentir totalement à l’aise à bord de la California. La boîte en mode automatique, le pied droit décontracté, lunettes à soleil sur le nez et coude à la portière, je me faufile dans la circulation dense de Genève en cette fin d’après-midi ensoleillée. Bercé par le ronronnement du V8, je ne me rends même pas compte de la succession des rapports, tant à la montée qu’à la descente, qui s’effectue dans une douceur proverbiale. Absence d’à-coups, aucune hésitation de la gestion électronique laissant inutilement tourner le moteur à des régimes incongrument élevés ou bas, la mécanique répond immédiatement à la moindre sollicitation de l’accélérateur et conserve ses paramètres de fonctionnement dans la normale. Je pousse même la perversité plus loin en tentant un parcage en créneau. D’une simple pression sur le bouton dédié, j’enclenche la marche arrière, pichenette sur l’accélérateur, braquage selon mes repères habituels et la belle s’enfile entre deux chars allemands. Il est vrai, je l’avoue, elle est dotée d’un radar de parking qui facilite aussi l’exercice. Par contre, les ingénieurs ont même pensé à optimiser le passage marche arrière/première en répartissant les pignons respectifs sur les deux arbres de la boîte, ce qui a pour résultat de minimiser le temps de passage de l’un à l’autre rendant ainsi la manœuvre beaucoup moins fastidieuse qu’avec la boîte F1 traditionnelle. Si jusqu’ici les Ferrari éprouvaient quelque peine à évoluer en milieu urbain, la California vient encore une fois bouleverser les paradigmes en démontrant une réelle aisance dans ce domaine. Du jamais vu !
Mais jouer au cador et épater la galerie en ville n’est pas trop ma tasse de thé et peu intéressant lorsqu’on se trouve derrière un volant frappé de la fameuse pastille jaune. Il est grand temps de cravacher notre fier cavallino sur des portions d’asphalte plus roulantes. La circulation se décongestionnant, je passe en mode manuel. Pied au fond, l’aiguille du compte-tours bondit. 6000, 7000 tours, l’octuor hurle à pleins poumons. 2e, 3e, 4e, les rapports s’enchaînent en moins de temps qu’il ne le faut pour y penser, toujours en douceur, accompagnés par les détonations enivrantes émanant de l’échappement. Résultat, des frissons et la banane sur le visage. Les badauds sont éberlués, peinant à associer un style si placide avec une symphonie mécanique si tapageuse.
Le mode automatique de la boîte se révèle tout aussi efficace. Elle semble réfléchir tout comme le pilote, passant le rapport supérieur au bon moment et assistant les freinages en rétrogradant afin de ne pas provoquer de kick-down désagréable à la relance. Le mode « Sport » va même grappiller quelques t/min supplémentaires avant de passer au pignon suivant, pour votre plus grand plaisir auditif.
C’est dans ces conditions que la California révèle son réel visage, largement plus typé grand tourisme que sport, à l’inverse de la F430. Le châssis est cependant parfaitement mis au point : très saines, les réactions sont fluides et distillent leur lot de sensations. La structure reste en outre ultra rigide en toute circonstances. Malgré les quelques 1860 kg accusés sur la balance et son imposant gabarit, l’agilité de notre coupé-cabriolet dans les enchaînements rapides est tout à fait satisfaisante, sans toutefois venir empiéter les plates-bandes de la F430 Spider. La suspension, bien que ferme, assure un confort de premier ordre gommant la plupart des aspérités de la route. En corollaire, évidemment, la prise de roulis est marquée et le rendu de la direction passablement atténué, accompagné d’un léger flou autour du point milieu. En positionnant le manettino sur le mode « Sport », la direction devient plus directe et précise, n’égalant cependant pas la réactivité et la précision millimétrique de celle de la berlinette. L’assistance est consistante, ni trop dure ni trop souple, juste ce qu’il faut pour garantir un minimum d’interactivité avec le pilote. L’inscription en virage se fait avec ardeur, les transferts de masse très perceptibles engendrent à la relance la levée du nez et l’écrasement de l’arrière. En gardant les gaz, il est même possible de provoquer une dérive du train arrière avant que le contrôle de stabilité ne vienne remettre tout le monde dans le droit chemin. En option, Ferrari propose un amortissement piloté électromagnétique qui devrait mieux contenir les mouvements de caisse en conduite sportive.
Le freinage carbone-céramique de série répond progressivement et se place au-dessus de tout soupçon en termes d’endurance et d’efficacité. Menée à la cravache, notre attachante convertible démontre de bonnes qualités dynamiques sans toutefois venir inquiéter l’arme absolue de la gamme dans ce domaine que sont la F430 et sa déclinaison Scuderia. Ceci dit je doute fort que l’acheteur d’une GT découvrable de cet acabit, bien qu’affublée du Cavallino Rampante, ira tester les limites dynamiques du véhicule sur piste. Et entre nous soit dit, le passage de 5 fonctions du manettino sur la 430 à 3 pour la California démontre clairement la vocation de grande routière de notre madone. Impériale sur longue distance et équilibrée à vive allure, elle saura aussi en mesure de répondre à vos attentes lorsque l’envie vous prendra de jouer au Schumi de service. En termes de consommation sachez simplement qu’avec la carte de fidélité de votre pompiste vous aurez vite fait d’avoir droit au panier de pique-nique réfrigéré accompagné de sa nappe en dentelle contre quelques milliers de points… Notre essai ayant été mené à bon train, nous arrivons à une consommation mixte de près de 23 litres/100 km. D’un autre côté, la marque annonce un temps de maintenance de 11 heures pour 80’000 km, ce qui rendrait ce poste de budget presque abordable.
Dernier larron du clan Ferrari, la « Cali » vient se positionner en entrée de gamme devant les F430 en fin de vie, la F599 GTB Fiorano et la 612 Scaglietti. Sans avoir l’aura stylistique irradiante au premier regard de ses consœurs, la petite dernière n’en demeure pas moins une vraie Ferrari en termes d’ambiance intérieure, d’agrément moteur, d’efficacité et de sonorité. Par ailleurs, Ferrari nous démontre avec brio qu’il leur est tout à fait possible de concocter un pur-sang confortable conjuguant polyvalence, facilité de conduite et caractère bien trempé sous une même carrosserie. N’en déplaise aux mécontents ! Pour ma part, bien que sceptique au départ devant un tel cocktail insolite, je suis contraint d’avouer avoir été totalement séduit par le charisme de l’auto, emballé par sa polyvalence et ce savant mélange de fougue et docilité. J’en prendrais bien une dose quotidienne si mon budget me le permettait …
Prix et principales options | |
Prix de base | 269’700.- |
Suspensions Magneride | 5’860.- |
Kit intérieur carbone | 7’750.- |
Volant à LEDs | 4’870.- |
Pinces de freins couleur «Rosso Scuderia» | 1’445.- |
Connexion iPod | 1’010.- |
Ecusson Ferrari sur les ailes avant | 1’770.- |
Couleur à choix des coutures de cuir | 515.- |
Sellerie « Daytona » | 3’785.- |
Set de valises en cuir | 7’120.- |
Face à la concurrence
Ferrari California | Porsche 911 Turbo Cabriolet Tiptronic S | Aston Martin DB9 Volante Touchtronic 2 | Mercedes SL 63 AMG | |
Moteur | V8, 4287 cm3 | flat 6, 3600 cm3 Turbo | V12, 5935 cm3 | V8, 6208 cm3 |
Transmission | Propulsion | Propulsion | Propulsion | Propulsion |
Boite de vitesse | 7, double embrayage robotisée ou 6 mécanique | 5, automatique | 6, robotisée | 7, double embrayage robotisée |
RPP (kg/ch) | 4.04 | 3.67 | 3.95 | 3.75 |
Poids à vide (constr.) | 1860 kg (1735 kg) | (1765 kg) | (1800 kg) | (1970 kg) |
Puissance (ch/régime) | 460 / 7750 | 480 / 6000 | 455 / 6000 | 525 / 6800 |
Couple max (Nm/régime) | 485 / 5000 | 680 / 1950 (overboost) | 570 / 5000 | 630 / 5200 |
0-100 km/h | 3.9 sec | 3.8 sec | 5.1 sec | 4.6 sec |
Vitesse max. | 310 km/h | 310 km/h | 300 km/h | 250 km/h |
Conso. mixte (constr.) | 23 (13.1) | (12.9) | (16.5) | (13.9) |
Pneumatique | AV 245/40 R19 AR 285/40 R19 |
AV 235/35 R19 AR 305/30 R19 |
AV 235/40 R19 AR 275/35 R19 |
AV 255/35 R19 AR 285/30 R19 |
Prix de base (CHF) | 269’700.- | 238’300.- | 269’900.- | 237’100.- |
Prix de base (EUR) env. | 179’163.- | 158’227.- | 177’900.- | 166’000.- |
Nos remerciements à Ferrari (Suisse) S.A. et Monsieur Gino Forgione de Modena Cars, Genève pour la mise à disposition de cette Ferrari California.
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