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Essai Bentley Continental GT Speed: Cocooning supersonique

Essai Bentley Continental GT Speed

Notre essai de la sensationnelle Bentley Continental GT Speed. 

Bentley. Voilà près de 90 ans que ces sept lettres associent sportivité au luxe extrême, saupoudré du légendaire flegme britannique. Nos grands-parents étaient tout juste nés que le « B » ailé survolait la mythique course des 24 heures du Mans en 1924 puis quatre fois de rang entre 1927 et 1930, grâce notamment aux « 3 litres », « 4 ½ litres » et les fameuses « Speed Six ». Dès la fin de la seconde guerre mondiale, le destin de Bentley est étroitement lié à celui de Rolls-Royce. Les deux marques se partageant les chaînes de production de Crewe dans le Cheshire, la gamme Bentley consista majoritairement en des clones des modèles du Spirit of Ecstasy auxquels on aura atténué un tant soit peu le côté « bling-bling ». Depuis 2002 et après une âpre bataille opposant les Bavarois de BMW aux Bas-Saxons de VW, Bentley passe sous le giron de la « voiture du peuple ». Shocking ! Est-ce le signe de la décadence de l’aristocratie ?

L’origine des Bentley Continental remonte aux années 50. A cette époque déjà, ce grand coupé était l’incarnation du luxe affilié aux performances ; les propriétaires pouvaient en outre se targuer de posséder l’automobile la plus chère de la production mondiale du moment. A travers les décennies, la gamme Continental a toujours su préserver cette noblesse exclusive des purs-sangs routiers anglais, cachant sous leur robe somptuaire une mécanique n’ayant rien à envier aux GT italiennes. Ainsi donc, sous l’impulsion du Dr Ferdinand Piëch, passé maître en dépoussièrage de noms prestigieux, Bentley nous dévoile en 2002 le dernier poulain de la lignée, la Continental GT, qui permettra au constructeur de décupler sa production entre 2002 et 2007.

C’est non sans une pointe d’anxiété que j’apprivoise la bête. Sans même considérer son prix qui représente à mon échelle plusieurs années de labeur, le pédigrée et les performances annoncées démontrent à eux seuls que nous n’avons point à faire à un docile mulet. Voici le quinté dans l’ordre : 12 (cylindres), 6 (litres), 2 (turbos), 610 (CV), 750 (Nm)…Le style de notre yearling « Speed », malgré son patronyme suggestif, reste très sobre comparativement à une Continental GT « standard ». Ainsi les experts noteront que seules les prises d’air avant, plus larges et aux grilles sombres sur la Speed, les magnifiques jantes teintées « gunmetal » de 20’’ et les sorties d’échappement plus imposantes et rainurées permettent de les différencier. Pour le reste, le patrimoine génétique est conservé. Il faut dire qu’avec sa ligne fuyante sans coupure depuis l’avant, soulignée par une nervure à mi-caisse, son museau à la calandre quasi verticale entourée de quatre gros yeux et les ailes arrières reprenant le dessin bombé de ses ancêtres, le coupé Continental peut se vanter d’avoir l’une des plus belles lignes de la production automobile actuelle, intemporelle et musclée à souhait. J’apprécie également l’attention portée à l’allègement visuel de l’ensemble, surtout dans cette livrée brun « Havana » ; à cet effet, une applique chromée du plus bel effet parcourt le bas de caisse de la proue à la poupe ajoutant ainsi un contraste flatteur à l’oeil. Enfin, les surfaces vitrées réduites accentuent encore le côté racé de notre étalon.Malgré ses dimensions tenant plus du cheval de trait que du sprinter, la Continental GT Speed se fond dans le paysage avec élégance et discrétion, dans une distinction toute british.Mais ouvrons les (lourdes) portes de notre carrosse… Je ne pense pas trop m’avancer en affirmant n’avoir jamais vu un tel niveau de finition et de luxe parmi les nombreuses autos testées par la rédaction d’Asphalte.ch ! Les effluves de la peausserie envahissent immédiatement les narines. A l’œil, toutes les parties non recouvertes de bois verni, moquette épaisse Wilton ou chrome s’habillent de cuir souple et soyeux de la teinte « Burnt Oak ». Le tout est bien entendu ajusté au micron près, dans une rigueur toute germanique. Le souci du détail est tellement poussé à son extrême que je ne comprends pas comment Mr Page, responsable de l’habillage intérieur, ait pu autoriser l’utilisation d’une platine de sélectionneur de vitesses identique aux roturières Passat ainsi que les palettes au volant des taureaux de Sant’Agata Bolognese. Avec le petit écran multifonctions du poste de pilotage, ce sont là les seuls témoins visibles dans l’habitacle de l’appartenance de Bentley au groupe VW. Ouf, God saved the Queen !

L’habitabilité de notre coupé n’a rien du sulky, bien au contraire. Quatre adultes peuvent y prendre place, pour autant qu’ils arborent le profil jockey. En effet, à l’arrière la garde au toit s’avère limitée,

l’espace aux jambes relativement étriqué de part le volume des sièges avant et l’accessibilité aux fauteuils nécessite des talents de contorsionniste. Par ailleurs, notre flegme est rapidement mis à mal lorsqu’il s’agit de manœuvrer électriquement les sièges avant, tant il leur faut de longues dizaines de secondes pour dégager le passage. Vous aurez ainsi tout le loisir d’admirer la trotteuse de la pendulette Breitling coiffant la console centrale. Ceci dit, la Continental GT Speed se déguste en premier à deux et elle n’a pas la vocation d’être un van.
A l’avant, le confort est par contre princier. L’assise des sièges est ferme, de bonne taille et au maintien parfait grâce aux innombrables possibilités de réglage. L’atmosphère de club anglais est accentuée par le garnissage de l’assise et du dossier s’ornant de magnifiques capitons « Diamond » en forme de losange, surmontés d’une broderie à l’effigie du logo Bentley. Le ciel de toit, lui, est recouvert de cuir gaufré.La planche de bord se compose de deux arches, séparées par la console centrale. Face au conducteur, cinq fenêtres sont taillées à-même la ronce de noyer. Le compte-tour et le tachygraphe sont séparés par l’écran multifonctions lui-même surplombant la jauge à essence et l’indicateur de température. Chacun de ces cadrans est serti et chemisé de chrome. Les commodos, spécifiques à la marque, sont moulés dans un polymère soyeux et se voient garnis, en leur extrémité, d’un embout en chrome gaudronné. La Speed est dotée d’un volant sport à trois branches, regroupant les fonctions audio/téléphone ainsi que les commandes du régulateur de vitesse à radar.Hormis la tocante Breitling, la console centrale accueille un écran centralisant les commandes de la radio, la TV, la climatisation, le GPS, le téléphone via Bluetooth, les paramètres d’amortissement du châssis et l’ordinateur de bord. Ici aussi, l’ajustement des panneaux de ronce de noyer est parfait. Petit retour dans le passé avec les magnifiques boutons poussoirs chromés permettant l’ouverture ou la fermeture des aérateurs. Sur le tunnel central, nous trouvons le sélectionneur de vitesses habillé de cuir et alu ciselé, flanqué en son sommet du « B », et devant lui le starter et un combiné de téléphone dans l’accoudoir pour les appels « privés ». Ajoutez enfin à cet inventaire une chaîne hifi « Naim » distillant, via ses 15 hauts-parleurs, pas moins de 1100 watts de musique, et vous ferez de la Continental GT Speed l’auditorium le plus rapide du monde.
  
Sans oublier non plus que la bagagerie de Madame et le set de golf de Monsieur trouveront aisément place dans le coffre large et profond, muni d’une trappe à skis derrière l’accoudoir central arrière pour les vacances hivernales à Gstaad. Enfin, grâce au mécanisme entièrement automatisé de la porte de malle de notre coupé au long-court, les gants blancs des portiers et bagagistes d’hôtels n’auront rien à craindre !Destinée à concourir dans la même catégorie que sa compatriote DB9, la

la germaine CL 65 AMG et la transalpine 612 Scaglietti, la Bentley, fidèle à l’exclusivité liée à son patronyme, s’habille d’une robe sobre et élégante tout en dévoilant sa personnalité dans l’habitacle, où règnent en maîtres luxe et bon goût.Qu’en est-il sous le capot ? Avec l’arrivée de la Continental, le valeureux et increvable V8 6 ¾ litres de Crewe a laissé place au joyau technologique made in Wolfsburg : le 6.0 W12 (issu de deux VR6 de… Golf) que l’on retrouve sur l’A8 ou la confidentielle Phaeton, gavé pour l’occasion de deux turbos. En version « de base » chez Bentley, ce bloc développe 560 CV à 6000 t/min pour 650 Nm de couple maxi à 1600 t/min. Mais ce n’est pas assez pour justifier l’appellation « Speed »… Ainsi, les ingénieurs redessinent les pistons, bielles et vilebrequin afin d’alléger l’ensemble et revoient la gestion électronique. Le carter a également subi un lifting de même que la ligne d’échappement. Résultat des courses, la puissance augmente de 9% à 610 CV à 6100 t/min et le couple culmine à 750 Nm à 1750 t/min, soit 15% de hausse… Oh my God !La première chose qui frappe lorsque nous soulevons le capot est la compacticité du moteur. Certes la baie est bien remplie, et les caches de protection finissent de tout calfeutrer. Mais en y regardant de plus près, le propulseur se trouve totalement en porte-à-faux avant. L’on pourrait supposer qu’ainsi monté, le moteur nuit à la répartition du poids à l’instar des gros cubes équipant certaines américaines. Que nenni ! L’équilibre est quasi parfait avec 53% sur l’avant et 47% sur l’arrière. Grâce à son architecture en « W », ce bloc a un encombrement en profondeur sensiblement similaire à celui d’un gros V8.Clé en poche, j’appuie sur le starter… un grondement sourd traverse l’échappement, les 610 cocos se placent dans leurs stalles. Je lâche doucement les freins, mon destrier s’ébranle. D’emblée, la direction ultra légère en manœuvres fait oublier les quelques 2392 kg (sans conducteur) de l’ensemble. Je m’élance sur la route et le W12 distille ses vocalises de baryton. Indéniablement, un merveilleux travail de mise au point acoustique a été réalisé sur l’échappement. A tous les régimes, même en pleine charge les turbos expirant de tout leur souffle, les borborygmes se font entendre dans d’enivrantes harmoniques, avec en prime de magnifiques retours au lâcher de gaz ou lors des changements de rapport. A noter qu’à aucun moment cette bande-son n’agace ou vous incite à augmenter le volume de la radio. Tel un gamin, je me surprends même à rouler toutes fenêtres ouvertes pour en profiter encore plus.

Pour distiller sa puissance aux quatre roues, le W12 est couplé à une excellente boîte automatique à convertisseur ZF à 6 rapports. Ces derniers se succèdent sans à-coups, catapultant avec flegme notre coupé à des vitesses inavouables. Le kick-down ultra-sensible de la pédale d’accélérateur intervient toujours à bon escient et en douceur, à tel point que j’en oublie les palettes, placées, il est vrai, quelques millimètres trop loin du volant. Il existe également un mode « S » sur le sélectionneur, permettant simplement de grappiller quelques tours/minutes supplémentaires avant le changement de rapport et n’utilisant quasi jamais le 6e pignon afin d’obtenir une réponse encore plus franche en relance, par exemple. Superflu, mais la poussée sans fin du W12 vous collant dans le siège est tellement envoûtante !Sur route, la direction se révèle précise et permet de guider notre mastodonte au millimètre près. Impressionnant ! L’assistance variable est un modèle de progressivité et à haute vitesse la stabilité est impériale. Un petit bémol toutefois, quant à l’ergonomie du volant : les arêtes présentes au niveau des branches se trouvant sous les paumes sont certes douces, mais s’avèrent peu confortables au bout d’un certain temps, obligeant à souvent changer la position des mains.

Question tenue de route, aucun reproche. Avec son arme de guerre sous le capot, on pourrait légitimement croire que le moindre coup de cravache se traduit par une ruade du train arrière. Mais pensez-donc ! Avec ses 4 roues motrices chaussées en PZero spécifiques de 275 au grip exemplaire et sa direction incisive, la Continental GT Speed a un comportement on ne peut plus rigoureux et ultra-sécurisant en toutes circonstances. L’amortissement a également été revu par rapport à la GT classique : l’utilisation de pièces en aluminium réduisant les masses non-suspendues et les ressorts pneumatiques associés aux grosses barres antiroulis plus raides, le tout piloté en mode « Dynamic » par la gestion d’amortissement, permettent à notre coupé d’adopter un comportement sportif, stable et neutre, prenant peu de roulis et ménageant les lombaires des passagers et le confort à bord. Bluffant ! Cependant, l’agilité est quelque peu mise à mal compte tenu de l’embonpoint de notre engin. En conduite normale, nul besoin de préciser que Bentley n’a strictement rien à prouver à qui que ce soit en termes de confort. Le filtrage des aspérités de l’asphalte est tellement excellent qu’il faut bien lire sur le flanc des pneus pour constater que ce sont des « taille basse » qui ont habituellement comme principal défaut de péjorer le bien-être des des passagers à bord. A noter enfin que pour assurer un maximum de stabilité à haute vitesse, un petit aileron placé au bas de la vitre arrière s’extrait à partir de 110 km/h.

Stopper une masse de près de 2.5 tonnes capable d’atteindre plus de 320 km/h n’est pas une mince affaire. Preuve en est, la Continental GT possède les plus grands disques de freins jamais montés sur une voiture de série : 40,5 cm de diamètre… Notre madone est équipée de disques acier répondant malgré tout à toutes les exigences en termes de performances. Pincés par des étriers 8 pistons, le mordant est franc et constant et ce même en répétant quelques freinages bien appuyés. En conduite sportive sur les tracés sinueux du relief romand, un très léger fading apparaît, se traduisant par une course de la pédale légèrement plus longue qu’à l’accoutumée. Rien de bien préoccupant au demeurant. En option il est toutefois possible de monter des disques en carbone céramique (diamètre 42 cm) qui répondront sans faillir aux sollicitations d’une conduite sportive.

Notre gymkhana étant terminé nous rentrons au haras. Il est temps de ravitailler notre étalon… Dotée d’un réservoir d’environ 90 litres, la Continental GT Speed dispose d’une autonomie d’environ 400 km. Notre moyenne de consommation à la pompe sur environ 1’200 km se situe à 21 litres/100 km, avec un minimum de 17.3 en conduite coulée (autoroute) et un maximum à 29.4 en conduite sportive. Encore une fois la maîtrise allemande de

la consommation a frappé, tant ces chiffres correspondent à peu de choses près aux réelles valeurs d’un V8 italien atmosphérique motorisant une auto plus légère de 300 kg et développant 200 CV de moinsEt de toute manière, je doute fort que la consommation soit le critère de choix principal d’un prospect prêt à signer un chèque de CHF 334’800.-, hors options, pour une voiture. A moins qu’il ne soit atteint d’une soudaine crise « d’écologite » aiguë, auquel quel cas je lui conseillerais de se tourner vers une monture plus classique et moins dispendieuse, dont certaines carburent même à l’avoine fermenté…

Sous la houlette de VW et son ancien Président fourmillant d’idées, Bentley confirme sa résurrection en signant un chef d’œuvre tant dans le style que par son homogénéité. Malgré une ligne moins exubérante et sportive qu’une Ferrari 612 Scaglietti ou une Aston Martin DB9, la Continental GT Speed met à disposition de ses passagers un cocon au confort et à la présentation hors normes, sans pour autant renier la part sportive des gènes de la marque en leur proposant de cruiser jusqu’à 326 km/h en toute quiétude.Astonishing !Reste maintenant à convaincre mon banquier…

Prix & Principales options :
Bentley Continental GT SpeedCHF 334’800.-
Jantes alliage 20’’ « teintées »CHF 1’980.-
Freins carbone céramiqueCHF 23’970.-
Tempomat avec radar de distanceCHF 4’490.-
Chauffage auxiliaire programmableCHF 5’310.-
TélévisionCHF 2’055.-
Pack confort (camera de recul, fermeture automatique du coffre,
sièges avant avec massage lombaire, combiné de téléphone, clef
pour voiturier, interface iPod)
CHF 5’455.-
Système audio NAIM 1100 WCHF 10’790.-
Moquette double épaisseur AVCHF 630.-
Tapis haute laine  AVCHF 880.-
Capuchon du réservoir en alliageCHF 385.-
 
   

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