Essai Fiat Bravo 1.4 T-Jet: lauriers ou tomates ?

La Fiat Bravo 1.4 T-Jet, spécimen précoce du downsizing. 

En ces temps où l’écologie tient une place importante, surtout dans le monde de l’automobile, une nouvelle tendance a fait son apparition : le « downsizing » ou réduction de taille. Mais quéquéksa ? Rassurez-vous cela n’a rien à avoir avec la méthode de réduction de têtes des indiens Jivaro… Il s’agit simplement de réduire la taille du moteur en conservant la même puissance, grâce à la suralimentation via compresseur et/ou turbo. Du réchauffé me direz-vous. Il est vrai que sur le principe général il n’y a rien de nouveau. Cependant, un effort important a été consenti sur la fiabilité et la réduction de consommation, à l’inverse des grands-frères « turbo » des années 80. Tout ceci pour réussir à diminuer les émissions de CO2. Ainsi, grâce également à sa gamme à mazout, Fiat est l’une des marques les plus performantes en matière d’efficacité énergétique et de réduction d’émissions de dioxyde de carbone.

Fort de cette écolo-distinction, Fiat inaugure donc sur sa Bravo un nouveau bloc 1.4 litre turbo, proposé soit en 120 ou 150 CV. Notre version d’essai est la 120 CV, distillant sa puissance au moyen de la nouvelle boîte robotisée à 6 rapports « MTA ».

La « new » Bravo a pour charge de reconquérir l’honorable place qu’avait occupée le couple Bravo/Brava il y a dix ans et que la Stilo a magistralement manquée, à cause à une ligne insipide et des qualités dynamiques déficientes. A ce jour, Fiat n’aura pas encore droit au triomphe romain en termes de ventes : la nouvelle compacte de Fiat peine à s’attirer les faveurs de la clientèle, s’étant écoulée péniblement à 100’000 exemplaires, alors que dans ce segment ultra-compétitif est qualifié de succès un modèle trouvant au moins 300’000 preneurs.

Et ce n’est pourtant pas la faute de son dessin, notre Vénus recelant de fort jolis galbes. La face avant reprend les lignes générales de la Grande Punto, pour laquelle Giugiaro s’est inspiré de son dessin des coupés 3200 GT et 4200 GT/Gransport de Maserati. Une nervure latérale relie les projecteurs débordant sur les ailes aux feux arrière, soulignant ainsi la ceinture de caisse ascendante, tandis que la partie arrière et ses feux arrondis rappellent l’ancienne Bravo. Un détail cependant ; vue de profil, le museau me paraît plat et démesuré et nuit un tant soit peu à l’ensemble. N’empêche que dans un segment connu pour son conservatisme voire sa frilosité stylistique, Fiat joue la carte de la séduction à l’italienne. Et c’est tant mieux ! Bravo !

Comme toujours, un dessin extérieur aguicheur laisse apparaître quelques inconvénients à l’utilisation. Ainsi, la visibilité à l’avant est entravée par les épais montants de pare-brise, tandis que vers l’arrière la grande lunette s’avère être une meurtrière ne facilitant évidemment pas les manœuvres de parking. Fort heureusement, un radar de recul apporte son aide salvatrice et palie à ce manquement.

L’ouverture du coffre se fait soit au moyen de la télécommande ou en déclenchant la serrure électrique en appuyant sur le gros logo Fiat à l’arrière. Excellente idée ! Cependant il aurait été judicieux de prévoir un appendice (languette ou poignée) afin de manœuvrer le hayon. Car une fois déverrouillé, pas d’autre moyen, à moins de s’accrocher à l’essuie-glace, que d’enfiler ses doigts dans l’interstice avec le pare-choc pour l’ouvrir, avec les désagréments d’hygiène que cela implique. Le seuil de chargement élevé et la profondeur de la malle demandent un effort particulier pour charger de lourds objets. Cependant, la contenance est fort respectable, offrant 400 litres en version normale et 1’175 litres banquette arrière entièrement rabattue.

L’habitabilité intérieure est dans la moyenne. Toutefois à l’arrière, les passagers de grande taille se sentiront un peu à l’étroit, notamment en hauteur et si les sièges avant sont reculés au maximum. L’assise des sièges est bonne et le maintien latéral suffisant, vu la vocation plutôt sage de la voiture. La version « Sport » de la Bravo offre des dossiers typés sport avec des appuis latéraux plus marqués.

A bord, l’ambiance se veut plutôt « sport-chic ». La sellerie de notre modèle d’essai est en cuir noir à gros grain, résistant, extrêmement facile d’entretien et au toucher soyeux. Les plastiques de la planche de bord sont moussés et la partie frontale imite un revêtement carbone. Esthétiquement cela apporte une touche sportive agréable et distinguée, mais la qualité du matériau n’est de loin pas à la hauteur. Très sensible au frottement, ce vrai-faux-carbone-mou-en-nylon se marque immédiatement et irrémédiablement au moindre contact d’ongles, bijoux, sac ou autre objet aux arêtes un tant soit peu saillantes ou dures. Dommage pour un véhicule destiné à un usage somme toute familial et par conséquent soumis à des contraintes importantes. Les contre-portes troquent le plastique dur imitant le cuir de bœuf habituellement utilisé, pour un caoutchouc mi-dur, lui aussi texturé. Malheureusement, ici aussi la facilité d’entretien est mise à mal car votre carré de sopalin ou votre chiffon y laisseront quelques fibres au passage. Bon, malgré ce petit désavantage, l’utilisation de ces matériaux est originale et le rendu visuel général inspire la qualité. Bel effort !

La console centrale, légèrement orientée vers le conducteur regroupe les fonctions usuelles de divertissement, climatisation et les commandes des assistances à la conduite (bouton « City » de démulitiplication de la direction, débranchement ESP, etc.).

 

Les cadrans du tachymètre et du compte-tours, engoncés dans leurs « tubes » respectifs à l’image des sportives italiennes des années 60, offrent une bonne lisibilité. Au centre nous trouvons le petit écran officiant à la fois pour l’ordinateur de bord et le GPS « Blue & Me Nav ». Oui, vous avez bien lu, le GPS ! Au demeurant diablement efficace à l’utilisation, sa programmation est par contre digne des Travaux d’Hercule. Vous avez deux possiblités : soit saisir l’adresse au moyen des touches « + » et « – » sur le volant, ou alors tâcher de vous faire comprendre par l’assistant(e) vocale. Dès lors, vaut mieux prévoir quelques minutes à cliquer frénétiquement sur votre volant au lieu de vous crêper le chignon avec une voie de synthèse qui aura vite fait de mettre vos nerfs en boule. Bien entendu, et pour des raisons de sécurité, le système refusera toute commande dès que les roues tournent. Par ailleurs, en prenant connaissance du manuel d’utilisation de la bête, le CD-Rom contenant les cartes est à charger au préalable sur une clé USB (non-fournie) pour l’utiliser dans le véhicule. Et si vous deviez interrompre la programmation de votre destination, les étapes déjà remplies ne seront pas conservées en mémoire. Développé en collaboration avec Microsoft ce système mériterait que son ergonomie soit revue. Rageant, je vous dis !

Du côté des équipements de série, et pour CHF 31’150.-, notre Bravo est fort bien dotée, offrant la climatisation automatique bi-zone, le régulateur de vitesse, le radar de parking arrière, les essuie-glaces automatiques et les antibrouillards avec la fonction de cornering (éclairage du côté de la route vers lequel on braque). Le GPS, l’intérieur cuir, les airbags pour les genoux et la peinture métallisée font partie des options dont la liste affiche des prix très doux.

 

En définitive, la finition a fait un réel bon en avant comparé à ce que Fiat avait l’habitude de nous proposer. Cependant, l’ergonomie n’est pas parfaite et deux ou trois petits détails d’ajustement nous rappellent que nous sommes bien à bord d’une italienne.

Passons sous le capot. Au premier abord, notre vaillant petit 4 cylindres 1.4 l. T-Jet (pour Turbo-Jet) de 120 CV ne semble pas être un foudre de guerre. Détrompez-vous, recelant de réelles qualités dynamiques il n’a rien à envier aux autres propulseurs concurrents. Très souple, il accepte sans rechigner de repartir sur un filet de gaz, même à la limite du sous-régime. Et pour cause ! La valeur maximum de son couple, 206 Nm, trouve son apogée à 1’750 t/min déjà. Même constat en reprise où ses prestations sont dignes des cylindrées bien supérieures. Les montées en régime sont franches et s’arrêtent à 6’500 t/min. Le niveau sonore est un poil plus élevé que chez ses concurrentes, mais n’est pas particulièrement dérangeant de part la sonorité ronde et sympathique produite.

Notre modèle d’essai voit son propulseur accouplé à la nouvelle boîte robotisée « MTA ». Cousine low-cost de la « F1 » ou « Cambiocorsa » de Ferrari ou Maserati et dernière évolution de la « Selespeed » de chez Alfa Romeo, cette boîte offre un mode de fonctionnement automatique ou manuel et consiste donc toujours en une gestion électro-hydraulique d’une boîte manuelle.

En mode automatique, l’utilisation s’avère plutôt plaisante en ville ou lorsque la circulation est congestionnée, passant les rapports en douceur et sans à-coups. Par contre, une fois lancé sur nos routes ou autoroutes, la gestion électronique semble perdre sont latin, éprouvant particulièrement de peine à passer le rapport supérieur. Ce qui se traduit inévitablement par un haut régime incongru et une consommation élevée. Ainsi, il n’est pas rare, après l’entrée sur autoroute par exemple, de voir mouliner le moteur en 4e à 120 km/h durant de longues secondes avant de passer la 5 et enfin la 6e. Même constat lors d’un dépassement où la boîte saute de deux rapports (kick-down) pour la relance et y reste même en relâchant la charge après l’exécution de la manœuvre. Il est alors indispensable « d’aider » la boîte à passer le(s) rapport(s) supérieur(s) avec une impulsion sur le levier.

En mode manuel, l’absence de palettes au volant de série (et facturées CHF 200.-) est à déplorer, obligeant dès lors à passer les rapports au moyen du levier au plancher. En l’espèce, je ne vois pas vraiment l’intérêt de proposer une boîte séquentielle s’il n’y a pas la possibilité de changer les rapports sans lâcher le volant. Le temps de réaction et la gestion du changement de vitesses ont également été améliorés de manière très significative depuis la 156 Selespeed. Il ne faudra pas non plus trop lui en demander, comme des rétrogradages à la volée façon Felipe Massa avant l’entrée dans une épingle. Mais le compromis trouvé correspond bien, encore une fois, à une conduite de sénateur.

Vous l’aurez compris, la Bravo n’accepte pas volontiers d’être menée aussi énergiquement que le permettrait son moteur fougueux. Et cela se ressent dans son comportement, notamment avec la perte de motricité au démarrage, où il n’est par rare de faire cirer les pneus au passage d’un feu au vert. Et l’antipatinage semble très vite dépassé par les chevaux déboulant sur le train avant. Ensuite, la direction à assistance électrique, reprise de la Stilo, s’avère fort peu communicative et floue sur revêtement abîmé. A son avantage, en mode « City », la démultiplication est telle qu’il est possible de manœuvrer l’auto avec un seul doigt. Attention particulièrement appréciée de la gente féminine urbaine. Ce système se désactive automatiquement au-delà de 70 km/h. Les freins quant à eux sont endurants, efficaces, mais à l’attaque très brutale. La pédale est « morte » sur quelques millimètres et mord d’un seul coup les disques. Question d’habitude.

Bien qu’issu de la Stilo, l’amortissement a été profondément remanié et est maintenant digne d’être monté sur un châssis. La filtration des aspérités de la route est excellente et la prise de roulis en appui, bien que conséquente, ne péjore en rien la tenue de route. Sur l’asphalte dégradé, quelques vibrations se font cependant ressentir, mais rien de bien méchant. Le châssis s’avère particulièrement prévenant, les trajectoires et la tenue de cap sont saines.

C’est sur la consommation que j’attendais la Bravo au tournant… et avec raison. Annoncées par Turin à 8.7 L/100km en ville, 5.6 L sur autoroute et 6.7 L en mixte, les mesures de consommation me parurent plus qu’optimistes, surtout avec un turbo. Durant les quelques jours qu’a duré notre essai, j’ai mesuré une moyenne minimum à 6.4 L/100 km sur des trajets à 80% autoroutiers, et le maximum à 14.5 L en conduite soutenue, notamment dans nos cols alpins. La moyenne générale de l’essai se monte à 9.7 L/100km. A noter que l’ordinateur de bord est relativement bien calibré, présentant un écart moyen de 0.2 L/100km avec la mesure à la pompe. Ceci dit, le downsizing de Fiat ne rempli que partiellement ses objectifs de consommation, car au final celle-ci est sensiblement la même qu’un moteur d’une cylindrée de 2 litres, par exemple. Peut-être aurait-il fallu y adjoindre une injection directe, comme sur la VW Golf 1.4 TSI 122.

Au final, Fiat nous délivre une compacte polyvalente à l’esthétique réussie, au caractère et agrément moteur bien italiens, ainsi que des qualités dynamiques conformes aux attentes. L’intérieur est en net progrès avec un choix des matériaux original et une finition plus soignée que dans les modèles précédents, sans toutefois mettre en péril l’hégémonie allemande en la matière. L’aspect pratique n’a pas non plus été écarté en offrant une bonne habitabilité, un coffre au volume conséquent et un équipement riche.

Seuls la consommation, décevante en regard des attentes et le manque de visibilité périphérique sont pour moi les deux points noirs de cette Bravo. Bien que n’étant pas partis d’une page blanche, les ingénieurs transalpins ont su corriger les erreurs commises avec la Stilo. A mon sens la Bravo constitue plus une alternative aux Golf qu’une réelle concurrente, notamment grâce à son style, ses moteurs et surtout son rapport prix/équipement.

Alors, lauriers ou tomates ? La Bravo n’entrera certainement pas au Panthéon des compactes mais ne mérite pas non plus d’être jetée en pâture aux lions. Dans la bataille sanguinaire que se livrent les constructeurs dans le segment des compactes, Fiat s’en sort indéniablement avec les honneurs !

Fiat Bravo 1.4 T-Jet 120 MTA Emotion VW Golf 1.4 TSI 122 Highline DSG Toyota Auris 1.6 VVT-I Linea Sol Multimode Peugeot 308 1.6 VTI 120
Moteur 4 cyl., 1368 cm3, Turbo 4 cyl, 1390 cm3, Turbo 4 cyl, 1598 cm3 4 cyl, 1598 cm3
Transmission Traction Traction Traction Traction
Boite de vitesse 6, automatisée 7, automatisée (double embrayage) 5, automatisée 4, automatique
RPP (kg/ch) 11.13 10.17 11.22 11.56
Poids à vide (constr.) 1378 (1335 kg) (1241 kg) (1380 kg) (1387 kg)
Puissance (ch/régime) 120 / 5000 122 / 5000 123 / 6000 120 / 6000
Couple (Nm/régime) 206 / 1750 200 / 1500 157 / 5200 160 / 4250
0-100 km/h 9.6 sec 9.5 sec 10.4 sec 13 sec
Vitesse max. 197 km/h 200 km/h 190 km/h 188 km/h
Conso. mixte (constr.) 9.7 (6.5) (6.0) (7.1) (7.3)
Pneumatique 205/55 R16 205/55 R16 205/55 R16 195/65 R 15
Prix de base (CHF) 31’150.- 35’470.- 32’940.- 29’600.-
Prix de base (EUR) 18’550.- 25’150.- 21’300.- 21’900.-

Nos chaleureux remerciements à Fiat Group Automobiles Switzerland S.A.

Liens

Le sujet du forum – les articles Fiat – la liste des essais – à lire également:

        

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