Le poids est un facteur déterminant pour la performance automobile.
Si la puissance ou le couple sont souvent mis en avant par les constructeurs comme arguments publicitaires, le poids d’une voiture n’est que rarement utilisé comme élément compétitif. Lorsqu’il l’est, les prétentions de certaines marques peuvent s’avérer surprenantes d’optimisme, alors que d’autres, comme Lotus, en ont depuis longtemps fait une devise: “Light is right”, qu’on pourrait traduire par “la vérité est dans la légèreté” ou “ce qui est léger est bien”. Asphalte.ch a réuni un plateau hétéroclite pour étudier la question.
Principes et tendances
La masse des voitures particulières a considérablement augmenté ces trois dernières décennies, en corrélation avec différents facteurs. L’augmentation du gabarit tout d’abord, pour des questions évidentes de confort. La course aux équipements de confort ensuite, avec un effet d’avalanche sur de multiples composants tels que la batterie ou l’alternateur. L’amélioration de la protection des occupants en cas d’accident, qu’elle soit volontaire (Euro N-Cap) ou imposée pour les modèles importés aux Etats-Unis (NHTSA) a eu des conséquences significatives sur la conception des véhicules et leur poids.
Prenons un exemple. Entre 1977 et 2007, l’emblématique VW Golf GTI a pris plus d’une demi-tonne d’embonpoint (de 820 à 1328kg), près de 50cm en longueur (4.21m contre 3.70m), près de 13cm en largeur et 7 en hauteur. Les performances sont malgré tout en nette amélioration, mais sur les 90 chevaux de bonus qu’offre le 2 litres TSI de la Golf V, 68 sont nécessaires pour compenser l’embonpoint, et seuls 22 contribuent à une amélioration réelle des accélérations. La clé ? Le rapport entre le poids et la puissance (RPP).
Petit résumé de physique élémentaire: la puissance se définit comme la capacité d’accomplir un certain travail par unité de temps. La mise en vitesse d’un véhicule peut ainsi être traduite par la capacité de son moteur à lui donner de l’énergie cinétique, énergie qui est proportionelle à sa masse. Un moteur puissant est ainsi capable de transformer du carburant en énergie cinétique rapidement; sa tâche est d’autant plus aisée que la masse à mouvoir est faible. La réalité est naturellement plus complexe, des facteurs de second ordre tels que la résistance à la pénétration dans d’air (SCx) jouent un rôle prépondérant à haute vitesse.
L’autre gagnante, la vraie: Caterham Super 7, 545 kg, moins de 150kg sous chaque roue !
Les normes
Les normes de mesures du poids d’un véhicule sont pour le moins confuses. La norme DIN 70020 spécifie un conducteur de 68kg, 7kg de bagages et un réservoir plein à 90%. En Suisse, L’Ordonnance sur les Exigences techniques requises pour les Véhicules routiers (OETV) utilise une définition subtilement différente (art 7): Le “poids à vide” équivaut au poids du véhicule non chargé et prêt à rouler, réfrigérant, lubrifiant, carburant (au moins 90 % de la contenance indiquée par le constructeur), équipement additionnel éventuel, roue de rechange, dispositif d’attelage de remorques, outillage, cale, extincteur et conducteur (dont le poids est estimé à 75 kg) compris. Chez nos voisins français, le code de la route (R312-1) stipule que “le poids à vide d’un véhicule s’entend du poids du véhicule en ordre de marche comprenant le châssis avec les accumulateurs et le réservoir d’eau rempli, les réservoirs à carburant ou les gazogènes remplis, la carrosserie, les équipements normaux, les roues et les pneus de rechange et l’outillage courant normalement livrés avec le véhicule”.
Les constructeurs, eux, s’ingénient à semer le trouble, avec une documentation souvent évasive, parlant de poids à vide, de poids à vide DIN sans conducteur, ou autres variations sur le même thème. Porsche, par exemple, documente le poids “DIN” et le poids “EG” (Europäische Gemeinschaft), avec 75kg de différence entre eux. D’autres truffent leur documentation de valeurs incohérentes, certaines affichant plus de 200kg de différence.
Tableau de résultats
Conditions de mesure: corner scales Longacre AccuSet. Voitures en ordre de marche avec le plein d’essence, sans conducteur à bord.
Marque & modèle | Puissance annoncée | Poids mesuré | RPP | AV | AR | Commentaires |
Alfa 75 | 129 | 1151 | 8.92 | 52.8% | 47.2% | |
Audi RS4 (B5)* | 421 | 1685 | 4.00 | 59.5% | 40.5% | Puissance mesurée au banc. |
Audi RS4 (B7) Cabriolet | 420 | 1893 | 4.51 | 56.8% | 43.2% | |
Audi RS6 C5 | 450 | 2012 | 4.47 | 57.1% | 42.9% | |
Audi S4 (B7) | 344 | 1791 | 5.21 | 58.8% | 41.2% | |
BMW 850i | 310 | 1853 | 5.98 | 52.7% | 47.3% | |
BMW M3 E46 | 343 | 1595 | 4.65 | 49.9% | 50.1% | Modéle 2001, jantes 17″ |
BMW M3 E46 SMG2 | 343 | 1562 | 4.55 | 50.6% | 49.4% | Modéle 2002, jantes 18″ |
BMW M5 E39 | 400 | 1806 | 4.52 | 52.0% | 48.0% | |
Buggy VW | 44 | 608 | 13.82 | 35.8% | 64.2% | |
Caterham Super 7 | 190 | 545 | 2.87 | 47.5% | 52.5% | |
Ferrari F355 GTS F1 | 380 | 1512 | 3.98 | 41.9% | 58.1% | Constructeur: 1460 kg |
Ferrari F550 Maranello | 485 | 1754 | 3.62 | 54.4% | 45.6% | Constructeur: 1690 kg |
Fiat Panda 100HP | 100 | 1032 | 10.32 | 62.7% | 37.3% | Sièges baquets. |
Fiat Panda 100HP | 100 | 1023 | 10.23 | 62.8% | 37.2% | |
Ford Fiesta 1600 | 105 | 990 | 9.43 | 64.2% | 35.8% | |
Ford Mustang GT | 300 | 1663 | 5.54 | 53.0% | 47.0% | |
Lancia Fulvia 1.3s | 90 | 954 | 10.60 | 65.3% | 34.7% | |
Lotus Elise mkI | 120 | 743 | 6.19 | 40.2% | 59.8% | |
Lotus Elise mkII | 122 | 807 | 6.61 | 39.4% | 60.6% | |
Lotus Exige mkII | 192 | 894 | 4.66 | 37.6% | 62.4% | |
Mini Cooper S Works | 210 | 1227 | 5.84 | 61.3% | 38.7% | |
Porsche 964 Carrera 4 | 250 | 1437 | 5.75 | 43.1% | 56.9% | |
Porsche 996 Turbo* | 542 | 1508 | 2.78 | 38.6% | 61.4% | Préparation stage 3, puissance mesurée au banc. Sièges baquets, arceau cage, freins GT3. |
Porsche 996 Turbo X50 | 450 | 1603 | 3.56 | 38.4% | 61.6% | Voiture américaine, sièges confort, kit X50. |
Porsche 997 Carrera | 325 | 1459 | 4.49 | 38.0% | 62.0% | Jantes 19″ |
Porsche 997 Carrera S Cabriolet | 355 | 1564 | 4.41 | 38.7% | 61.3% | |
Renault Clio RS III | 197 | 1282 | 6.51 | 63.3% | 36.7% | |
Volvo 850 | 168 | 1435 | 8.54 | 61.0% | 39.0% | |
VW Golf II GTI 16V | 129 | 1011 | 7.84 | 61.8% | 38.2% |
Lotus
A tout seigneur, tout honneur. Les chantres de la légèreté: Lotus. Colin Chapman a appliqué la recette avec succès à ses F1 depuis 1961 et elle reste au coeur des réalisations de la firme de Hethel. En sus de la Caterham, réplique la Lotus 7 lancée en 1957, trois Lotus contemporaines.
La Lotus Elise Mk1 pointe à 743kg; la Mk2 Saffron Yellow, équipée du même moteur Rover à 807kg. L’Exige et son moteur Toyota est plus lourde de 87kg.
Porsche
Double confrontration: entre coupé et cabriolet de la même génération (997), avec comme référence une 964.
La 997 Carrera S Cabriolet affiche 1564kg sur la balance, soit 105 de plus que le la 997 Carrera, équipée de jantes de 19 pouces. La 964, nettement plus compacte, ne pèse que 22 kilos de moins. Malgré des dimensions en augmentation, Porsche a évité la dérive pondérale. A noter que la 964C4 a une répartition plus équilibrée (43/57) que la 997 (38/62).
BMW
Deux M3 E46, une M5 E39, toutes de la même génération.
La M3 bleue (2002) équipée de la boîte robotisée SMGII est plus légère de 33 kilos par rapport à son homologue noire (2001) à boîte manuelle ! L’explication se trouve probablement dans les jantes (18″ contre 17″) et l’équipement (la M3 noire est équipée d’un système de navigation). A noter que l’ajout du système d’actuation se traduit par une très légère variation de la répartition des masses. Traduits en termes de puissance, ces 33 kilos représentent un déficit de 10 chevaux. La M5 accuse 1806kg sur la balance, avec un rapport poids puissance égal à celui de la M3, malgré les 400 chevaux de son V8. La M3 et la M5 sont proches de l’équilibre entre trains (50/50). A relever que la 850i et son V12 pointent à 1853kg.
Ferrari
Ferrari étant réputé pour des prétentions fantaisistes sur le poids de ses berlinettes, des surprises étaient à attendre.
Cette 550 Maranello de 2001 est 64kg plus lourde que les 1690kg revendiqués par Ferrari, alors que la 355 GTS F1 de 1998 affiche 52 kg de trop à 1512kg avec le plein. Ces écarts se montent à peine à 4% du poids total mais sont singuliers. Revendications optimistes à des fins promotionnelles ? Evolution technique depuis l’homologation ?
Audi
Audi s’est construit une solide réputation pour la qualité de ses intérieurs, et ça se ressent sur la balance. Outre la RS6 pointant au-dessus des 2 tonnes, les S4 et RS4 ci-dessous démontrent une dérive significative.
De gauche à droite: RS4 (B5), V6 biturbo, 1685kg; S4 (B6), V8 atmo, 1791kg; RS4 (B7), V8 atmo FSI, 1893kg. Plus de 100kg entre le V6 biturbo et le V8 atmo, et 102kg de renforts en sus du break pour préserver la rigidité du cabriolet RS4. Il est temps d’inverser la tendance chez Audi.
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