Asphalte se met au vert avec un essai de la Ford Focus C-Max Flexifuel.
Après le monospace, le microspace, le ludospace et le visiospace, est-ce que voici venu le temps de l’écospace? A moins que ce ne soit des rires dans les champs ? Le soucis écolo-économique se faisant de plus en plus présent (ou pesant, c’est selon) dans l’esprit des gens, les constructeurs se mettent timidement au vert. Bien que Toyota ait ouvert la voie avec l’hybride électrique, la majorité des constructeurs n’ont semble-t-il pas mesuré l’importance du marché émergent et se sont retrouvés à court d’idées devant l’engouement hollywoodien pour la Toyota Prius. La solution à court terme la plus facile à mettre en place rapidement semble être la motorisation à base de bioéthanol, ou E85, qui permet de rouler soit à l’essence traditionnelle, SP95 ou 98, soit de rouler à l’E85, mélange d’essence à 15% et d’alcool à 85%.
En tout cas, pour le client, c’est là où il y a le plus d’alternative pour l’instant. Dans le domaine, les scandinaves sont ceux qui ont la fibre la plus verte puisque Saab et Volvo ont d’ores et déjà doté quasi toute leur gamme d’une motorisation alternative. Deuxième en terme de volume d’offre, Ford décline ses Focus et C-Max, tandis que Renault ne propose que la Megane, et uniquement en break. Les marketeux américains et français semblent donc penser qu’écologie rime avec économie et associent volontiers motorisation alternative et véhicule à vocation familiale. Soit, nous opterons donc pour le seul monospace E85 disponible sur le marché : le Focus C-Max qui nous intéresse ici.
Extérieur
Dans les pas de son grand frère le S-Max, le C-Max adopte en 2006 le Kinetic Design en vogue chez Ford actuellement, et cela lui va plutôt bien. Mis à part le nouveau C4 de chez Citroën, je ne vois aucun concurrent sur le plan du style. Dans la catégorie, s’entend. Les passages de roues marqués, le dessin étirés des feux avant ainsi que l’encastrement des anti-brouillards dans ce qui pourrait être une prise d’air donnent un coté dynamique au véhicule.
L’arrière est un peu moins gâté sur le plan du style, avec une poupe un peu trop verticale, un coup de crayon traditionnel en rupture avec le style avant. Cependant, les feux à diodes font plaisir et rajeunissent l’ensemble. On reste bien sur dans un monovolume, là on ne peux pas faire grand chose, à moins d’acheter un roadster, mais c’est moins pratique pour les enfants.
Intérieur
Au premier coup d’oeil, les plastiques n’offrent pas un aspect très flatteur, et la baguette en faux bois véritable – ou inversement – détonne un peu dans cet environnement. Elle tente d’amener un peu de chaleur dans un environnement un peu tristounet mais semble plus incongrue qu’autre chose. Toutefois, à l’usage, la qualité se révèle bonne et les assemblages corrects. L’ergonomie est satisfaisante aussi, malgré la position de conduite inhérente au genre et à laquelle j’ai un peu de mal à m’habituer. La plupart des commandes tombent bien sous la main, rien n’agace particulièrement, bref la voiture sait se faire oublier, et ça n’est pas plus mal lorsqu’il s’agit de surveiller ce que font les petits monstres installés dans notre dos. D’ailleurs, à ce sujet, le miroir se révèle fort appréciable et apporte une certaine sérénité. Mais comme pour toutes les bonnes choses, attention de ne pas en abuser, il vaut mieux regarder la route qui est devant soi, surtout en roulant.
Au chapitre des gadgets rigolos, le frein à main électrique surprend la première fois, il s’enclenche effectivement tout seul lors de l’arrêt de la voiture, mais on en prend vite l’habitude. Les inévitables porte-gobelets sont évidemment présents, sauf qu’ici, vocation familiale oblige, ils ressemblent plus à des porte-bouteilles. Au moins, on saura quoi faire des menus MacDo King Size.
Le maître argument des monospaces étant la modularité, notre C-Max fait honneur au genre avec une banquette arrière modulable. Comprenez qu’on peut non seulement rabattre les sièges, mais on peut aussi enlever la place centrale et rapprocher les deux places latérales. Le choix entre avoir de la place et avoir des places.
Je m’attendais à un coffre plus spacieux, je l’avoue, mais avec 473L le C-Max n’est pas ridicule, loin de là, surtout si on compare aux 406dm3 d’un Renault Scenic. On atteint le problème du mythe monospace. Non il n’y a pas forcément plus de place dans un monospace que dans une berline. Les berlines offrant autant ou plus de volume de coffre ne sont pas rares, VW Passat en tête dans la catégorie familiale. Le monospace reprendra l’avantage sur le volume total, sièges rabattus et habitacle rempli jusqu’au plafond, mais personnellement, je déteste avoir la vision arrière bouchée par des bagages. Toutefois, il faut bien reconnaître que c’est pratique pour charger de gros objets, on joue un peu moins à Tetris, et on n’est pas pénalisé par un seuil de chargement souvent étroit.
Sur la route, la seule chose qui m’a réellement perturbé est le pare-brise chauffant (de série dans la version Titanium). Il est en effet composé de petits filaments comme ceux qui ornent toutes les lunettes arrières, mais plus fins tout de même.
Comportement
Bon évidemment, ce n’est pas une sportive, donc ça fait un peu peur au début, ça tangue de partout, ça prend du roulis au moindre changement de direction, on est assis très haut… bref, mal de mer garanti. On se dit que le C-Max doit être à l’automobile ce que le pédalo est au bateau. On est loin du 118 Wallypower, vous l’aurez compris.
Et pourtant, une fois passé un moment d’acclimatation fatalement nécessaire en sortant d’un coupé allemand à vocation sportive, le châssis se révèle beaucoup plus sain que ce qu’on pourrait croire. Le fait que le moteur ne soit pas un foudre de guerre aide sûrement à ne pas déborder l’ensemble, mais tout de même, j’avoue avoir été déçu en bien, comme on dit dans le coin. Je n’ai pas eu l’occasion de tester de Ford Mustang sur le Strip de Vegas, mais mon imaginaire me pousse à croire que le confort de notre C-Max est aussi américain que celui de mon coupé est allemand, entendez par là que les suspensions ont pas mal de débattement. Malgré tout, la tenue de route et l’agrément de conduite sont largement supérieurs à ce qu’on peut expérimenter sur d’autres monospaces. J’ai eu l’occasion de conduire le Fiat Ulysse du beau-père, et bien c’est lui le pédalo. Notre C-Max se montre largement plus rassurant et efficace en toute circonstance.
A vrai dire, mise à part la position de conduite, plus proche de la camionnette, on a plutôt l’impression de conduire un gros break. Le châssis basé sur celui de la Focus y est probablement pour beaucoup. La boîte est finalement agréable et verrouille bien, et la direction assistée paramétrable sur 3 niveaux (même si je ne m’en suis aperçu qu’à la dernière minute grâce à la perspicacité de notre photographe) compétente.
Ecologie
Signe des temps, le bioethanol est déjà utilisé dans le championnat suédois des voitures de tourisme où Volvo a déjà engagé un S60 E85 et prépare un C30, toujours E85, pour les 3 prochaines années. Ce carburant s’illustrera aussi en WTCC, le championnat international des voitures de tourisme, où il sera même introduit progressivement dès l’année prochaine pour devenir l’unique carburant autorisé en 2009. Même les Etats-unis s’y mettent avec plus de 1200 pompes distribuées dans le pays, et le bioéthanol qui pointe le bout de son nez en American Le Mans Series (ALMS) via une superbe AM V8 Vantage GT2 préparée par Prodrive et conduite par l’ex ministre britannique de la Défense. Chevrolet y propose 7 modèles de série (dont 6 SUVs et monospaces), Ford 4 Flexible Fuel Vehicles (F150, Crown Victoria, Mercury Grand Marquis et Lincoln Town Car), Chrysler 4 également.
Il faut bien reconnaître que ce carburant n’est pas sans attraits. Pour les sportifs que nous sommes pour la plupart, le bioéthanol a cet avantage de proposer une meilleure combustion et par là même d’offrir à un même moteur plus de puissance que son homologue le SP98. Un exemple ? Jetez un oeil sur la Lotus Exige 265 E85… Oui, 265, c’est la puissance obtenue à 5500 t/min en utilisant du bioéthanol, alors que la version essence culmine à 221 ch à 7800 t/min. L’explication est simple : l’indice d’octane de l’ethanol est de 104 RON au lieu de 95 ou 98 pour l’essence sans plomb, ce qui permet d’adopter un taux de compression plus élevé et donc un rendement thermodynamique plus important. Plus proche de nous, et surtout déjà disponible sur le marché, les versions E85 des Saab développent 175ch en mode E85, alors qu’elles ne fournissent que 150ch en essence pure. Les très médiatisés rejets de CO2 sont un sujet plus épineux, selon le mode de calcul. Selon l’évaluation de la quantité de CO2 absorbée par la plante de maïs ou de canne et la consommation de diesel du tracteur du paysan, les réductions revendiquées s’échelonnent de 13 à 75%.
Avantage flagrant pour le conducteur lambda, et plus encore pour les familles, un moteur flexifuel prend beaucoup moins de place que le moteur électrique et les batteries d’un véhicule hybride. C’est bête à dire, je sais, mais lorsque j’ai vu le coffre d’une Lexus GS 450h pour la première fois, ça m’a fait bizarre : 280L pour une voiture de presque 5m de long (4825mm), ca fait franchement rikiki. Heureusement, la Prius s’en sort plus honorablement avec 408L pour 4450mm, ainsi que la Lexus RX400h (439L pour 4755mm de long). Avec ses 473L pour 4391mm, le C-Max peut faire le fier côté volume de chargement. Sur la balance
Gros avantage du flexifuel sur l’électrique également, du moins pour le moment, la question du recyclage des batteries ne se pose pas ici. On a déjà du mal à se débarrasser proprement de ses piles, alors que vont devenir les moteurs électriques lorsque la voiture devra prendre une retraite bien méritée ? Les casses auto sont-elles équipées pour ce genre de voiture ? L’idée n’est pas de dénigrer l’électrique, mais il faut reconnaître que ce genre de question n’est pas souvent abordé dans les campagnes marketing.
Reste le problème de l’approvisionnement. Avoir une voiture flexifuel, c’est bien, mais si c’est pour mettre uniquement du SP98 dedans, ça devient de la malhonnêteté intellectuelle. Problème d’autant plus épineux que, corollaire implacable du pouvoir énergétique moindre du bioéthanol, la consommation est supérieure. La romandie fait encore office de parent pauvre par rapport à nos amis d’outre-sarine, avec une seule et unique station à Châtel St Denis. Le réseau devrait s’étendre dans le courant de l’année prochaine, avec une nouvelle ouverture à Marly et Delémont, d’après le planning officiel. A noter que d’autres initiatives ont lieu, notamment à Genève et La Chaux-de-fonds, recensées sur ce site suédois.
La France semble un peu plus en retard sur son planning, avec à parution 178 pompes actives sur les 500 promises pour la fin 2007, mais la machine est en route, c’est déjà ça. Nos voisins français peuvent même déjà consulter le site pour avoir la carte des stations ou l’éthanol est disponible aujourd’hui.
De la même manière que les voitures se scindent en diverses catégories (citadines, autoroutières, sportives, …), les carburants vont aussi se partager le marché par la force des choses, et je ne serais pas étonné que le même découpage s’instaure pour les carburants que pour les voitures. Aux sportives le 98, aux autoroutières le diesel, aux familiales l’E85, aux citadines l’électrique. De toute manière, il est illusoire de croire que l’un ou l’autre des carburants va dominer. D’une part parce que la production de bioéthanol sera forcément limitée, pour des raisons pratiques: il faut de la place pour des champs dédiés. De ce point de vue, la Suisse n’est pas vraiment comparable au Brésil, et l’agriculture hélvète ne pourra vraisemblablement jamais couvrir l’entier des besoin énergétiques. D’autre part, pour des raisons éthiques. Le bioéthanol provient de champs de produits alimentaires, qui pourraient servir à nourrir des être humains avant de nourrir des machines. Le cas de conscience est posé, d’autant plus que la loi de l’offre et de la demande risque de faire monter le cours des aliments de base tel que le maïs.
L’E85 reste intéressant, mais il doit être relativisé. Dans une agriculture européenne subventionnée, la production de bioéthanol pourrait aider à rendre leur autonomie aux agriculteurs. Dans un contexte plus global, elle peut permettre à des pays pauvres de se développer, pour autant que la production soit réfléchie et que des gardes-fous soient mis en place, notamment pour éviter la déforestation massive. L’E85 est une solution d’avenir, complémentaires aux carburants classiques et à l’électrique, en attendant peut être que l’hydrogène se développe.
Entretien – Coûts
Sur un peu moins de 1000 km, la consommation s’est avérée plutôt satisfaisante, avec à peine plus de 10L/100km en moyenne. Une surprise d’autant plus agréable que l’ordinateur est un chouia pessimiste avec 11L affichés. Il faut toutefois nuancer ce chiffre en détaillant un peu. L’utilisation du bioéthnaol entraîne une surconsommation qui peut varier de 10% dans notre cas à 30% dans d’autres (test effectué par le TCS sur une Focus E85) Les chiffres constructeurs annoncés (7.1L / 100km) semblent valables en utilisation essence. En utilisation E85, il faut s’attendre à des chiffres plus élevés, mais avec un litre de E85 à CHF 1.20, le bilan économique est plutôt correct. Comptez tout de même qu’avec un surcoût à l’achat de CHF 660 par rapport à son homologue essence. La différence à l’achat est nettement plus faible que sur une Prius (près de 8000 CHF), mais il vous faudra malgré toût plusieurs dizaines de milliers de kilomètres pour rentabiliser l’investissement. En comptant 30% de surconsommation, prévoyez 40’000 km avant de gagner de l’argent. Reste qu’en attendant, vous pourrez avoir bonne conscience, et ça, ça n’a pas de prix.
Ford C-Max Flexifuel | Volvo S40 E85 | Toyota Prius | Renault Megane GrandTour | |
Moteur | 1798cc E85 | 1798cc E85 | 1497cc + électrique | 1598cc E85 |
Poids Kg (CE, constr.) | 1409 | 1377 | 1400 | 1365 |
Puissance (ch@t/min) | 125 @ 6000 | 125 @ 6000 | 78 @ 5000 68 @ 1200-1540 |
105@5750 |
Couple (Nm@t/min) | 165@4000 | 165@4000 | 115 @ 4000 400 @ 0-1200 |
148@3750 |
RPP | 11.3 | 11.0 | 12.5 | 13.0 |
0-100 km/h | 10.8 | 10.9 | 10.9 | 11.9 |
Vitesse Max (km/h) | 195 | 200 | 170 | 190 |
Conso mixte (constr.) | 10 (7,1) | (7.4) | (4.3) | (7.3) |
Emissions CO2(g/km) | 169 | 177 | 104 | 172 |
Pneumatiques | 205/55/16 | 195/65/15 | 195/55/16 | 195/65/15 |
Longueur (mm) | 4391 | 4468 | 4450 | 4500 |
Largeur (mm) | 1825 | 1770 | 1725 | 1771 |
Hauteur (mm) | 1588 | 1452 | 1490 | 1465 |
Empattement (mm) | 2640 | 2640 | 2700 | 2686 |
Coffre (dm3) | 460 | 404 | 408 (+41) | 520 |
Prix de base (CHF) | 30’250 | 34’500 | 38’950 | 27’100 |
Prix de base (EUR) | 20’900 | 24’000 | 25’550 | 19’300 |
Peinture mét. (CHF) | 590 | 1100 | 600 | 590 |
MP3 (CHF) | 400 | 750 | série | 120 |
Clim auto (CHF) | 1000 | série | série | 700 |
Cuir (CHF) | 2050 | — | 2200 | — |
Tempomat (CHF) | 550 | 550 | série | 550 |
Nos plus chaleureux remerciements à Ford Suisse pour le prêt de cette voiture.
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