Nous comparons le BMW X5 au Porsche Cayenne série 956.2.
BMW et Porsche ayant récemment rafraichi leurs SUV (Sport Utility Vehicle) respectifs, l’occasion est rêvée de confronter ces deux marques et accessoirement faire le point sur les qualités et défauts de ce segment. Si la catégorie obtient les faveurs de la clientèle, elle cristallise également les oppositions des milieux de protection de la nature. Plusieurs villes ont vu naitre différentes campagnes anti 4×4, sans effet apparent sur les ventes, pour l’instant du moins. Les constructeurs n’hésitent pas à continuer la course à la performance, avec toutefois une prise de conscience qui devrait aboutir avec la venue prochaine de la propulsion hybride. Les utilisateurs de telles voitures sont ils des « fashion victims » ou bénéficient-ils de qualités propres indisponibles sur une berline ? C’est ce que nous allons essayer de savoir.
Commençons par les présentations. A ma droite, une BMW X5, version E70, dans sa motorisation essence haut de gamme. A ma gauche, une Porsche Cayenne S, milieu de la gamme actuelle comprenant trois versions, V6, V8 et Turbo. La taille de ces voitures frappe, large, longue et surtout haute ; il semble évident que leur terrain de prédilection ne va pas se trouver dans les parkings souterrain de nos villes européennes. Côté X5, le modèle précédent paraissant probablement un peu petit, BMW l’a fait croître significativement avec cette nouvelle version présentée fin 2006, après 7 ans de bons et loyaux services du précurseur de la marque dans ce segment. Avec prêt de 20 cm en longueur, 6 cm en largeur et hauteur, l’addition commence à être lourde.
Chez Porsche, cette deuxième version évolue peu par rapport au modèle précédent, quelques retouches de design au niveau des phares avant, l’attention des ingénieurs s’est surtout portée sous le capot. En taille elle est un peu plus petite que la X5, mais de peu. En termes de design, la BMW cache un peu mieux l’embonpoint de ce genre de voiture, avec des porte-à-faux plus courts, et un pare-brise paraissant légèrement plus incliné.
Ces deux voitures disposent d’un V8 à essence de 4.8 litres de conception moderne. Porsche a fait évoluer la cylindrée, tout en introduisant l’injection directe, ainsi que le calage variable de l’arbre à cames d’admission VarioCam Plus assurant également la gestion de l’ouverture des soupapes. Il développe 385 chevaux à 6200 tr/min et un couple de 500 Nm de 3500 à 5000 t/min. La BMW X5 possède également 4 soupapes par cylindre, avec le double-VANOS (variation de calage sur les deux arbres à cames d’admission et d’échappement). Pas d’injection directe, mais le système de réglage de l’ouverture des soupapes nommé Valvetronic. Le rendement est en léger retrait, avec 355 chevaux à 6300 tr/min et un couple de 475 Nm de 3400 à 3800 t/min.
Le poids est bien sûr conséquent, malgré les efforts des fabricants et l’utilisation de l’aluminium, les 2 tonnes sont largement franchies, BMW annonce 2245 kg, Porsche 2320 kg. La moins puissante des deux étant la plus légère, le rapport poids/puissance s’équilibre, à une valeur juste supérieure à 6 kg/ch. Respectable en regard des masses en présence, même si n’importe quelle berline ou coupé sportif de 3 litres fait mieux. Au niveau des performances le 0-100 km/h est revendiqué en 6.8 s pour la Cayenne S à boite Tiptronic et 6.5 s pour la X5. Un test empirique montrera une parfaite similitude entre ces deux modèles, aucune ne prenant l’avantage sur l’autre.
La transmission permanente aux quatre roues suit une philosophie similaire, avec prépondérance de la transmission du couple sur l’arrière, assistée par les traditionnels systèmes de réglage permettant de minimiser patinage et autres pertes d’adhérence. Sur la BMW, un embrayage multidisque assure le transfert du couple sur l’essieu disposant de la meilleure adhérence, ce système est aussi mis à profit pour contrer le sous ou sur-virage. La Porsche, elle, dispose d’un différentiel central. Les mouvements du châssis sont gérés par des suspensions pneumatiques actives, permettant également l’ajustement de la hauteur du véhicule en fonction des circonstances.
A l’intérieur, à peu près tout ce qui se fait de mieux en ce moment peut être installé. La BMW se distingue avec son affichage tête-haute pour la vitesse, les indications du GPS ainsi que du tempomat. Très utile, il apporte un incontestable plus mais n’est disponible qu’en option pour 1970 CHF. La finition intérieure, plus spécifiquement la qualité des matériaux utilisés jure en comparaison avec la Cayenne. Les plastiques à texture grossière ne donnent malheureusement pas l’impression de haut de gamme qu’on est en droit d’attendre d’une auto de plus de 100’000 CHF. La Porsche fait nettement mieux dans ce domaine avec l’option tout cuir recouvrant le tableau de bord, disponible chez BMW que sur commande spéciale à un tarif prohibitif. Le cuir standard « Nevada » dans cette dernière est aussi en retrait, par rapport au cuir lisse, plissé sur les sièges de notre Cayenne d’essai, certes en option, mais pour la somme modique de 440 CHF.
La BMW X5 n’est disponible qu’en boite automatique 6 vitesses, contrairement à la Porsche Cayenne S également livrable avec boite manuelle. La commande électronique de la BMW s’effectue à l’aide d’un joystick à impulsions, ce qui offre l’avantage de fonctions supplémentaires, comme la mise en position « parc » automatique lorsqu’on arrête le moteur. Chez Porsche, la commande est standard. Les deux boîtes offrent un mode « sport » permettant d’atteindre la zone rouge avant chaque changement de rapport. Ce mode s’avère particulièrement adapté à la conduite en montagne, à la montée comme en descente. Les deux boites rétrogradent correctement lors de ralentissements, assurant de belles sorties de virage. J’ai trouvé le mode « sport » de la Porsche un peu plus brusque en ville, son programme garde également le rapport sélectionné plus longtemps que la BMW, ce qui n’est pas un défaut. La sélection manuelle est disponible sur ces deux voitures et permet de rester maitre de son destin, avec toutefois un avantage à la Cayenne avec la possibilité d’agir au volant, la BMW ne le permettant qu’en actionnant le levier sur la console centrale.
Le siège et le volant réglables dans tous les sens permettent d’obtenir une position confortable. Assis haut et droit, on domine la situation. Particulièrement appréciable sur autoroute, où la vision n’est pas masquée par les véhicules qui nous précèdent. A noter un tableau de bord particulièrement dépouillé sur la BMW X5 pour ce qui concerne les indications vitales sur le fonctionnement du moteur. Pas d’indication de température d’eau ou d’huile, pas de pression d’huile. Je ne doute pas que j’en serais averti si ces valeurs sortent de leur consigne, il est toutefois dommage de ne pas pouvoir vérifier que tout se passe bien à ce niveau. Au lieu de cela, un indicateur de consommation trône au bas du compte tour. Porsche tient le conducteur informé sur ces aspects. L’iDrive BMW, avec son gros bouton de commande, assure l’essentiel de l’accès aux fonctions accessoires. D’utilisation relativement facile, j’ai néanmoins eu de la difficulté à modifier le réglage de la climatisation trop soft à mon goût, ayant de la peine à tempérer l’habitacle, jusqu’à ce que je découvre la présence de plusieurs programmes « auto » et que je sélectionne un mode plus approprié.
A rouler, ces deux voitures frappent par l’exceptionnel niveau de confort. Les bruits de roulement sont bien atténués. La qualité de filtrage des suspensions sur chemin de terre est proprement hallucinante. Nids-de-poules ou saignées d’évacuation d’eau, fréquents sur ce genre de routes, sont avalés avec sérénité, là ou une berline nécessiterait de ralentir et d’éviter ces obstacles, les deux SUV avancent sans histoire à bonne vitesse, et dans un confort remarquable. Indéniablement, c’est ici que la différence avec une berline se creuse. Les montées en régime sont vraiment linéaires, le poids conséquent met à mal les capacités d’accélération de ces V8. La prise de vitesse s’avère toutefois constante et, le silence relatif aidant, je me suis laissé surprendre quelques fois à rouler plus vite que ce que mes sens indiquaient. Le freinage est à la hauteur. Sur la BMW, la pédale s’allonge un peu après quelques ralentissements bien sentis, mais la capacité de décélération reste constante. Sur la Cayenne, et comme pour les autres modèles de la marque, le freinage est encore plus puissant, montrant une capacité de ralentissement exceptionnelle. Après une descente de col à bonne allure, je n’ai pas noté de variation.
La direction assistée de la Porsche est un peu plus dure et précise que celle de la BMW. Vu leur poids et leur inertie, ces deux voitures s’accommodent surtout d’une conduite relaxée. En forçant l’allure, le passage des suspensions en mode « sport » s’impose. Par chance notre Cayenne S d’essai étant équipé du PASM (Porsche Active Suspension Management, option à 4600 CHF), il est possible de sélectionner un amortissement plus ferme. En effet, les modes « normal » et « confort » s’avèrent inutilisables en conduite dynamique. Le roulis et les transferts de masses très importants rendent la conduite difficile, ce d’autant plus que le siège standard n’offre que très peu de maintient latéral. Les enchainements de virages avec le mode « sport » enclenché deviennent moins problématiques, mais le sous-virage reste bien présent.
La BMW s’en sort mieux, les mouvements de carrosserie sont mieux maitrisés et surtout l’équilibre de la voiture permet de passer les virages plus vite. Je n’ai pas constaté de sous-virage, ni de sur-virage d’ailleurs. La voiture commence à glisser des quatre roues lorsque la limite est atteinte. Sur ces deux SUVs les variations de la pédale des gaz n’ont pour ainsi dire aucun effet sur le comportement, l’inertie tuant tout transfert de charge brusque. Les systèmes de correction de trajectoire s’interposent rapidement en freinant la roue délestée, puis en agissant sur le couple moteur. Lors de cet essai j’ai été confronté à des conditions climatiques « estivales » difficiles, et le niveau de sécurité perçu au volant de ces SUV est impressionnant, inquiétant même par le détachement des conditions réelles qu’il suscite. Une pluie battante, avec de véritables ruisseaux traversant la route n’altèrent en rien la sérénité de la voiture.
Enfin, j’ai pu mesurer la consommation de la BMW sur environ 300 kilomètres de routes diverses, et le résultat n’est ni flatteur, ni une surprise : 19.2 L/100 km, bien loin des valeurs normalisées. Le prix de base de ces deux voitures se situe un peu au-dessus des 100’000 CHF, une gamme similaire à des berlines équivalentes (BMW 550i Touring à 99’900 CHF, Audi A6 Avant 4.2 Quattro à 100’340 CHF ou Mercedes E 500 break 4 Matic à 108’800 CHF). Lors de la revente en occasion, l’effet de mode devrait contribuer à garder une cote élevée et à trouver un client plus facilement avec un SUV qu’avec une berline, pour autant que cette mode perdure.
En conclusion, deux voitures assez proches, avec des caractéristiques toutefois bien typées. La BMW avec son meilleur comportement routier sera le choix des amateurs de conduite dynamique. Pour la Cayenne, le passage par la case option est nécessaire pour obtenir un comportement à la hauteur. Nous n’avons malheureusement pas eu l’occasion de conduire un modèle équipé du PDCC (Porsche Dynamic Chassis Control, option à 5120 CHF tout de même !), sensé améliorer notablement le contrôle des mouvements de carrosserie, et qui devrait ainsi amener son comportement au niveau de la BMW, mais au prix fort. Un prix fort également requis pour amener l’intérieur de la BMW X5 au niveau de la Porsche avec un passage par le programme « Individual ».
SUV ou berline ? Chez BMW le choix s’avère plus facile, les breaks haut de gamme ne sont pas disponible en traction quatre roues. Le type d’utilisation devrait dicter le choix, un SUV pèse au minimum 10% de plus qu’une berline, 20% si celle-ci n’est pas « quattro », cela influe nécessairement le comportement dynamique du véhicule. Un SUV devrait rester dans son domaine, les chemins, c’est là que les qualités de confort et la garde au sol s’avèrent déterminants. En dehors de ces conditions particulières, une berline gargera l’avantage, même si les constructeurs ont réussi à conférer à ces SUV dernière génération un comportement remarquable sur belle route, atténuant ainsi l’écart entre les deux catégories. Les acheteurs des SUV, sont, certes pour la grande majorité, des « fashion victims », mais avec des excuses conséquentes à faire valoir.
Commentaire: SUVs, la controverse
Décembre 2006, les jeunes verts suisses lance une initiative populaire « pour une mobilité humaine et durable » visant à interdire les véhicules rejettant plus de 250g de CO2 au km, avec les 4×4 en ligne de mire. Le parti écologiste Suisse leur apporte son soutien un mois plus tard. Au mois de Mai, les Verts jettent l’éponge, avec seulement 18’000 des 100’000 signatures nécessaires au passage de l’objet devant le souverain.
Aux Etats-Unis, où malgré une disgrâce – passagère, liée à la flambée du prix du baryl de pétrole, les pick-ups restent malgré tout en tête des ventes, alors que des voix encore isolées décrient une utilisation des ressources énergétiques jugée aberrante.
Le maire de Londres, Ken Livingstone, de concert avec l’Alliance contre les SUVs urbains, planche depuis le mois d’Août 2007 sur une augmentation du payage urbain à 65 CHF journaliers pour décourager leur usage au centre de Londres.
Greenpeace n’a pas manqué de traîter le sujet, choisissant de toucher à l’image:
Les exemples ne manquent pas, les 4×4 crystallisent des prises de positions qu’on peut juger extrêmes. Qui sème le vent récolte la tempête, dit le proverbe. Les bases de la société libérale permettent à chacun de revendiquer le droit d’acheter et conduire ce qu’il (ou elle) désire, où il le désire. Le bon sens permet à l’individu d’adapter le moyen à l’application et l’outil à l’ouvrage. A ceux qui revendiquent le droit de gravir le Mont Blanc en sandales ou d’aller à la plage en chaussures à crampons comme étendard de leur liberté individuelle, je rétorque que leur incurie affaiblit inéluctablement les principes qui les guident. Les SUVs ont toute leur place dans certaines conditions particulières, mais rien à faire dans nos villes exigües. Le législateur finira par s’en soucier si le citoyen ne le fait avant lui.
BMW X5 et Porsche Cayenne S face à la concurrence
BMW X5 4.8i | Porsche Cayenne S | Mercedes ML 550 | Range Sport SC | |
Moteur | V8 4799 cm3 | V8 4806 cm3 | V8 5461 cm3 | V8 4197 cm3 compresseur |
Poids Kg (DIN, constr.) | 2245 | 2320 | 2250 | 2630 |
Rapport Poids Puissance | 6.32 | 6.02 | 5.79 | 6.74 |
Puissance (ch / régime) | 355 / 6300 | 385 / 6200 | 388 / 6000 | 390 / 5750 |
Couple (Nm / régime) | 475 / 3400-3800 | 500 / 3500 | 530 / 2800 | 550 / 3500 |
0-100 km/ h (constr.) | 6.5 s | 6.8 s | 5.8 s | 7.6 s |
Vitesse max (constr.) | 242 km/h | 250 km/ h | 250 km/h | 225 km/h |
Conso mesurée (constr.) | 19.2 (12.5) | (13.7) | (13.4) | (15.9) |
Pneumatiques | 255/55 R 18 | 255/55 R 18 | 255/50 R 19 | 275/45 R 20 |
Longueur | 4.854 m | 4.798 m | 4.780 m | 4.766 m |
Largeur | 1.933 m | 1.928 m | 1.911 m | 1.928 m |
Hauteur | 1.766 m | 1.699 m | 1.815 m | 1.812 m |
Prix (CHF) | 104’500 | 103’900 (tiptronic) | 108’300 | 115’800 |
Prix et principales options (CHF)
BMW X5 | 104’500 | Porsche Cayenne S Tiptronic | 103’900 |
Peinture métallisée | 1360 | Peinture métallisée | 1360 |
Finition cuir -Nevada | 3’100 | Finition cuir | 4’400 |
Pack Sport M | 4’680 | Pack Aluminium Sport | 1’185 |
Barres de toit | 380 | Pack offroad | 3’620 |
Sièges sport | 840 | Sièges sport | 1’665 |
Jantes 20 pouces | 1’820 | Jantes 20 pouces | 4’700 |
Toit ouvrant | 2’490 | Toit ouvrant panoramique | 5’075 |
Head-up display | 1’970 | ||
Navigation Professional | 4’540 | Navigation | 4’900 |
Système de parcage acoustique | 1’060 | Système de parcage acoustique | 1’245 |
Interface iPod | 440 | ||
PASM | 4’600 | ||
PDCC | 5’120 |
Remerciements au Centre Porsche de Genève et à M. Paolo Carro de Amag Lausanne pour leur amabilité et le prêt de leurs Porsche Cayenne S respectifs, ainsi qu’à BMW Suisse pour le prêt du BMW X5 4.8i.
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