La Porsche 997 Turbo examinée par un expert es 996 Turbo.
“Pierre, ça fait longtemps qu’on t’a plus vu, mais faut que tu viennes essayer la nouvelle Turbo.” gneinh ? C’est marrant, mais ma combox m’a fait entendre ce message, mon agenda a poussé un rendez-vous ou deux et hop! Un trou de la taille idoine s’est soudain matérialisé exactement au bon moment. Comme la nature a horreur du vide et que je ne voulais pas être malpoli en refusant cette proposition, le trou s’est rempli illico-presto avec la mention “test 997 TT”.
Depuis la Porsche 911 Turbo a évolué de quasi-supercar un brin scabreuse à une des GT les plus abouties disponible sur le marché. Performances redoutables, polyvalence remarquable, une homogénéité que Porsche sait facturer au prix fort à une clientèle abondante pour le segment. Les tarifs d’une Ferrari F430 ou Lamborghini Gallardo ne sont plus qu’à un éternuement près, ça situe le niveau de la concurrence.
Le jour venu, je troque donc ma 996TT “EPO” contre sa jeune soeur. Visuellement, on connaît. L’intérieur est celui de la 997. La disposition de certaines commandes ne me convainc toujours pas (vitres et mémoire des sièges en particulier), mais c’est une question d’habitude. Quant au nombre de boutons, tout a déjà été dit. Le terrible chronomètre du pack Chrono Sport brille par sa présence et son inutilité totale au milieu du tableau de bord. Ignorons-le.
L’extérieur, on connaît depuis mars et la présentation de la collection printemps été au défilé de Genève 2006. Les jantes sautent évidemment aux yeux. Rupture de style avec ce qu’on avait vu jusqu’ici chez Porsche, mais dommage qu’elles aient une ressemblance frappante avec celles d’une BMW série 7. Le bouclier avant avec ses anti-brouillards semi apparents est discutable. A l’arrière, la nouveauté vient des sorties d’échappement intégrées au bouclier. Sympa, même si leur forme n’est pas des plus plaisantes. Entre-deux, encore de la ressemblance avec des produits existants, puisque la baguette horizontale qui coupe les entrées d’air latérales et l’aileron arrière élargi semblent sortis tout droit du catalogue Techart de 2003 ou 2004. Les designers de Porsche seraient-ils des as du copier coller ?
Bref, l’ensemble est un mélange de 996 Turbo techartisée et de 997. A mon très humble avis, si un tuner nous avait sorti ce bouclier avant il y a 2 ans, pas grand monde ne l’aurait aimé. Maintenant que maman Porsche l’a fait, on aime. Allez comprendre. En ouvrant le capot moteur, il y a encore moins à voir que dans la 996. Tout est très propre et bien rangé, pas de tuyau qui traîne là à ne rien faire. Détail cocasse: la boîte à air dispose maintenant de deux entrées d’air, comme sur la version modifiée de Sportec.
Bon. C’est pas tout, mais faudrait songer à lui faire prendre l’air, à cette petiote! Assis au volant, je suis en terrain connu. Une 911 reste une 911. A noter le levier de vitesse avec le kit ‘débattement court’, très agréable. Ne pas oublier de cocher sur la liste à la commande. En fait, il est identique à celui qu’on trouve depuis quelques années pour la 996. Rien de nouveau donc. Le volant me semble toujours un peu trop fin et trop grand, surtout pour une sportive. L’option ‘volant épais’ est un must.
Tiens ! Et si je tournais la clé de contact ? Bonne idée, ça: vroum. Ouais, vroum. Même pas Vroum et encore moins VROUM. Voilà qui semble confirmer les ouï-dire, la nouvelle Turbo est aphone. On verra ça plus tard à l’air libre. Avant de bouger la bête, petit contrôle des pédales: l’embrayage est normal, les freins (acier, pas PCCB) semblent mordre très vite et la pédale de droite paraît un peu trop éloignée de celle du milieu pour un talon pointe idéal. Ah oui ! C’est une manuelle, pas la fameuse Tiptronic dont Porsche vante la phénoménale accélération. J’aurais bien testé une Tip’ pour me faire mon idée personnelle, mais la manuelle garde pour l’instant ma préférence.
En ville, rien de particulier à signaler. La Turbo est parfaitement à l’aise dans la circulation. Elle n’attire pas non plus spécialement le regard des badauds, ni d’ailleurs leur oreille. On sort enfin de la circulation pour quelques kilomètres de petites routes sinueuses à souhaits. J’en profite pour parler une dernière fois du son, parce qu’il ne vaut pas la peine de s’y attarder plus longtemps: terrible ! Voilà, c’est dit, on n’y reviendra plus avant qu’un tuner nous propose quelque chose de plus affriolant que ce bruit d’aspirateur.
Selon certains journalistes, le mode sport du PASM rend la suspension trop dure pour des routes normales. Ah bon? Mes références sont un peu biaisées, mais je suis loin de trouver cela trop dur au point de vue du confort. En poussant un peu la voiture sur ces petites routes au revêtement pas toujours parfait, la voiture bouge un peu trop sur ses suspensions et secoue passablement. Avec le PASM en mode sport, les secousses apparaissent plus tard, mais elles restent bien présentes et ne donnent pas vraiment un sentiment de stabilité. Assez étrange lors de courbes bien appuyées sur route bosselée. Mais malgré cela, les roues suivent leur trajectoire sans broncher. Etonnant. Ceci aurait-il été voulu pour éviter aux conducteurs trop pressés de dépasser les limites de la physique en leur faisant un peu peur avant ?
En découvrant cela, je me livre à un petit test: à basse vitesse (env. 60km/h), je balance la voiture de gauche à droite plusieurs fois en braquant le volant d’à peine 90° à chaque fois. Résultat, le PSM (Porsche Stability Management, l’ESP de Porsche) ne tarde pas à intervenir sur les roues avant ! Ensuite, la voiture bouge encore un peu même une fois le volant stabilisé. Et ceci tant en mode normal qu’en mode sport. Décidément, ce PASM ne me convainc pas.
En parlant de la direction, je la trouve un peu trop légère à mon goût, mais là encore l’habitude se charge probablement d’effacer se sentiment rapidement.
La première impression au sujet du talon-pointe se confirme: les pédales des gaz et des freins sont juste un peu trop éloignées pour ce genre d’exercice. Cela me gênera tout au long de l’essai, dommage. Normalement, ce détail devrait cependant pouvoir être réglé sans trop de difficulté, soit en chaussant du 47 bien large, soit en faisant ajuster les pédales.
Et les accélérations, me direz-vous ? Ahaaaa ! Sujet intéressant ! Rien à dire, la comparaison avec une 996 Turbo standard (420 ch, 560 Nm) est sans équivoque: la nouvelle 997 Turbo pousse fort, très fort. Mais il faut relever que ma voiture d’essai bénéficie de l’overboost du pack Chrono Sport et de ses 60 Nm additionnels. La différence serait probablement moins flagrante avec une 996 Turbo S (ou X50, 450 ch, 620 Nm) telle que Porsche la vendait ces dernières années. Quoi qu’il en soit, les reprises à bas régime bénéficient grandement de la technologie des turbos à géométrie variable: le couple est présent déjà très tôt. Un petit test d’accélération en sixième de 80 km/h à … plus vite le montre bien:
A propos de ce test, une chose étonnante apparaît encore. Porsche dit que l’overboost ne fonctionne que pendant 10 secondes de suite au maximum. Dans ce cas, pourquoi l’indicateur d’overboost (petite flèche verticale sur le tableau de bord) reste-t-il allumé bien plus que ces 10 secondes ? Erreur d’indication ou l’overboost est-il présent plus longtemps ? Mystère. A l’utilisation, la présence de l’overboost ne se fait pas non plus sentir. Pas de choc d’accélération à attendre.
Après quelques heures en compagnie de la nouvelle diva, il est temps de la ramener. En résumé, je n’ai pas aimé:
– la suspension PASM: trop sauteuse en conditions poussées
– la direction: un peu trop légère
– le son: terrible …
Et mon coup de gueule: sur une voiture à plus de CHF 200’000.- une fois quelques options choisies, et qui plus est sur la légendaire 911 Turbo, je trouve absolument ridicule que Porsche fasse payer 2415 CHF à ses clients pour cette fonction d’overboost ! Un tel gadget à peut-être sa place dans les catalogues de tuning bon marché pour GTi en tout genre, mais certainement pas dans la liste d’options de la 911 Turbo ! Ouf, ça va mieux. Fallait que ça sorte.
Mais bien sûr, j’ai aimé:
– l’accélération (peu spectaculaire car linéaire, mais très efficace)
– les freins (feeling très ferme et précis)
– l’homogénéité globale
Cette nouvelle Turbo est donc redoutable d’efficacité dans son rôle de GT sportive. Parfaitement roulable au quotidien, elle avale les kilomètres sans broncher et avec des performances proches de celles d’une supercar (0-200 en moins de 12.5sec), facilité d’utilisation en prime. Le package complet est donc certainement une réussite, même si les conducteurs plutôt ‘sportifs’ dans l’âme trouveront l’écrin probablement trop douillet et auront tendance à loucher du coté d’une certaine GT3. Mais ceci est une autre histoire …
Caractéristiques techniques:
Moteur: boxer 6, 3600cm3, biturbo à géométrie variable
Puissance: 480ch à 6000 t/min
Couple: 620 Nm (680 Nm en overboost*) de 1950 à 5000 t/min
Accélérations: 0-100 km/h en 3.9s
Vitesse de pointe: 310 km/h
Pneus: 235/35/19 AV, 305/30/19 AR
Poids: 1585 kg à vide, 1660 kg selon CE
Prix de base: 198’900 CHF (*+2415 CHF)
Un grand merci à Gianni Falconi et Paolo Carro d’Amag Lausanne pour le prêt de la voiture.
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