Nous essayons la reine des WRC replicas, face à une concurrente turbulente.
« Silence, puissance, Mitsubishi ». Ces slogans, probablement sortis tout droit d’une agence de pub argovienne très tendance, auraient pu sortir des prophéties de Nostradamus. A une permutation près. Mitsubishi: puissance, puis un long silence. Souvenez-vous. Début des années 80, la Mitsubishi Lancer Turbo affice une puissance insolente de 170 ch en comparaison des 112ch de la Golf GTI, la Starion est un coupé aux formes modernes, un moustachu jovial fait de la pub sur la TSR chaque soir après le 19h30.
Difficile d’être péremptoire sur l’évolution des parts de marché Suisse de la marque sur les 2 décennies suivantes, mais les trois losanges rouges se firent fait plus discrets aux yeux du grand public, jusqu’à ce qu’un certain Tommi Mäkinen ne remporte 4 titres de champion du monde WRC consécutifs de 1996 à 99 au volant de Mitsubishi Lancer. Manque d’opportunisme ? Politique marketing inadaptée ? Toujours est-il que, dans nos contrées, Subaru semble avoir gagné sur le terrain commercial. Les Impreza sont légion, alors que les Lancer font exception: est-ce le reflet fidèle des qualités intrinsèques de ces autos ? Le soutien de Mitsubishi Suisse et de l’équipe sympathique du Garage de la Plaine ont permis à l’équipe d’Asphalte d’apporter des éléments de réponse.
Nous découvrons ainsi une Lancer Evolution VIII en livrée Electric Blue brillant sous le soleil, elle à nous pour quelques heures. A l’intérieur, seuls les excellents sièges Recaro et quelques gadgets : le réglage du différentiel électronique, l’aspergeur de l’intercooler. Sinon, pas un yen n’a été dépensé sur du superflu, mais la finition est correcte. L’habitabilité est bonne, des adultes se logent sans problème à l’arrière et le coffre est assez spacieux.
Les commandes sont précises, direction très … directe, boîte cinq à débattements courts et précis, nous nous extirpons de la périphérie Lausannoise en chauffant consciencieusement le moteur, chatouillant à peine le turbo en passant les intermédiaires. Si le 2 litres est souple et s’acquitte volontiers d’un rythme très tranquille, tenter un dépassement à 2500 tours en cinquième serait téméraire.
Les premiers virages révèlent un comportement assez prometteur. La voiture parait légère, prend peu de roulis, sous-vire légèrement si on régule mal le couple déboulant du 4 cylindres mis sous pression, et l’arrière apparaît joueur au lever de pied, resserrant la trajectoire sans pour autant paraître exagérément nerveux. Les accélérations s’enchaînent selon le même rituel, 3000 tours, léger temps de réponse, sifflement du turbo, franche poussée jusqu’à 6500, avec 500 tours d’allonge pour vous amener jusqu’à la prochaine épingle si nécessaire. Le bruit est assez quelconque, mais avec 355 Nm à 3500 tours et 265 ch 6500 tours, les performances plutôt bonnes en regard du segment. De la pêche, de la motricité, du grip, le cocktail mérite qu’on s’y attarde.
Sur chaussée sèche, il est difficile de discerner un changement de comportement entre les trois réglages du différentiel central. La meilleure technique consiste à se concentrer sur une bonne vitesse de passage en virage, anticiper le temps de réponse du turbo en ouvrant tôt puis essayer de moduler l’ouverture des gaz pour éviter que l’arrivée du couple ne viennent troubler le grip des roues avant. En étant propre, on sent alors la voiture s’extraire avec force et efficacité du virage, les quatre roues mordant dans l’asphalte pour transformer force en accélération. Des provocations au lever de pied entraîneront de légères dérives du train arrière, plus ludiques qu’efficaces. La voiture a un équilibre sain mais est réglée pour être agile, efficace et vive. La contrepartie est que l’Evo VIII ne pardonnera pas toutes les erreurs grossières du maladroit ou de l’imprudent.
Estampillé Brembo, le freinage m’a toutefois surpris par son manque d’endurance lors d’une descente de col à un rythme « soutenu », avec l’Impreza comme lièvre : pédale devenant spongieuse, perte significative de mordant. Peut-être qu’une purge pourrait remédier au problème. Autre très léger bémol, le passage 4-5 n’atteint pas l’excellent niveau des autres rapports, mais c’est du « pinaillage », comme on dit dans la Broye Fribourgeoise.
Le passage à l’Impreza WRX STi, cuvée 2002, amenée en référence sur cet essai, est un choc brutal. La direction, beaucoup moins directe, parait molle et imprécise, impression encore renforcée par le grand volant; les verrouillages de boite sont précis mais le guidage l’est beaucoup moins; le moteur est plus creux, demandant à être cravaché entre 4 et 7000 tours pour soutenir le rythme. En comparaison et sans habitude de ce genre d’auto, on a l’impression de passer du scalpel au couteau en plastique. Devant, Franck prétend qu’il s’amuse peu, mais suivre le rythme de l’Evo dans la WRX devient vite mission impossible. Il faut certes tenir compte de la fraîcheur de l’auto, 8000km pour la Mitsu contre 60’000 pour la Sub’, mais la différence reste flagrante, tant en efficacité pure qu’en plaisir de conduite. La seule concession que je ferais à la Subaru est une sonorité mécanique un peu moins ordinaire, même si les borborygmes caractéristiques du flat four n’ont rien de particulièrement raffiné.
Au final, il n’y a guère de doute. L’Evo VIII offre des prestations similaires tout en étant plus incisive, précise, tactile dans ses commandes comme dans ses réactions, avec un moteur offrant une plage d’utilisation un peu plus large. Le plus gros reproche qu’on puisse faire à l’auto est un appétit vorace pour le sans-plomb 98, 19.9 L/100km mesurés en conduite très sportive, une valeur située loin d’un quotidien réaliste et raisonnable, mais qui à prendre en considération, financièrement et pratiquement (l’autonomie devient alors ridicule). Là encore, l’Impreza ne sent sort guère mieux avec un 16-17 L/100km concédé par notre Subariste de service.
Les dernières Evo VIII disponibles sont une excellente affaire pour les amateurs. Grâce à une remise de 5000 CHF et d’un équipement de série enrichi sur le stock disponible, on peut s’offrir une tranche de WRC quotidienne pour 47950 CHF, intérieur cuir compris. Un prix attractif pour une auto de ce niveau de performance, et qui a le mérite d’une certaine originalité par rapport à l’ubiquité des Subaru.
Un futur match entre l’Evo IX et la nouvelle Impreza WRX STi 2.5L paraît inévitable, la Subaru mérite une revanche …
Deuxième opinion – La réplique d’un Subariste
Evidemment je les ai ratés. D’abord ils étaient embusqués au détour d’un virage, et puis ensuite je cherchais une mitsu, pas une sub. Et leur mitsubishi, elle est bleue, alors du coin de l’œil j’ai confondu. Mais finalement les voilà, les deux rivales habituelles, posés l’une à côté de l’autre dans un dégagement de la route, bleu sombre pour l’Evo, contre bleu électrique pour l’Impreza STI.
Cela fait maintenant trois ans que je roule avec la Mighty Subaru, et mon affection pour cette voiture ne s’est pas démentie. C’est une voiture tout terrains : grands trajets en famille, shopping, et même le circuit, rien ne lui fait peur. Encore que pour cette dernière activité, la traction intégrale ne soit pas la plus palpitante des solutions, visiblement, comme je l’ai découvert. Mais bien sûr, comme tout le monde, je connais bien le duel permanent auquel se livrent les deux voitures, Sub contre Evo. C’est donc avec une certaine impatience que je prends place à bord de la Mitsu.
A peine un petit coup d’œil à l’intérieur de la voiture, qui semble tout à fait quelconque, et je tourne la clé. Vitre ouverte, comme à l’accoutumée… mais je ne peux capter qu’un bruit… quelconque. JC me laisse prendre les devants, j’attaque donc les sinuosités qui nous mènent vers le col avec une ardeur non feinte. Quelques virages rapides mettent en évidence la bonne santé de la bête : accélérations de très bonne tenue, précision de la direction, de la boîte de vitesse… tout cela s’annonce plutôt bien. Mais très vite du trafic m’empêche de donner la pleine mesure de l’Evo. En roulant de manière un peu plus détendue, je remarque que la direction est un peu trop légère, un peu trop vive à mon goût. C’est à un point tel que, lorsque je lâche le volant pour aller passer une vitesse, la voiture fait bien souvent un petit écart sous l’impulsion involontaire. Damned.
Il faudra attendre quelques kilomètres de plus, et l’attaque sur le Marchairuz, pour que la danse reprenne. Je suis en tête, la Sub dans mes rétros en grandeur réelle d’abord, mais petit à petit, au fur et à mesure des épingles qui enchaînent leurs défis divers et variés, la STI rétrécit, encore et encore… Pourtant je n’ai pas l’impression d’aller si vite. Bien sûr la voiture se place impeccablement, accélère sans pitié à partir de 3000 tours, ne sous-vire jamais… mais JC est dans une voiture qu’il ne connaît pas, il a le photographe avec lui, et puis je dois être bien meilleur pilote, forcément.
Ton avis ? me demande JC alors que nous faisons une pause pour remplir l’appareil photo.
Ben, boaf… bof. C’est efficace, mais un peu fade. Et puis la direction est trop vive.
Ah ? tiens… c’est précisément ce que j’apprécie, moi. Et puis j’ai vraiment eu du mal à suivre, sur ce col…
Mouais. Ah, et le bruit du moteur, hein… pas terrible.
Nous décidons de refaire exactement le même trajet, en inversant les voitures. De retour au volant de ma Sub, je remarque tout de suite le volant beaucoup plus grand, la direction plus lourde et la suspension bien plus fatiguée – 62 000 km, alors que la Mitsu est neuve, œuf corse.
Peu importe, j’ai bien l’intention de montrer à JC que la STI vaut largement la Mitsu, et j’attaque le col au moins aussi fort qu’avec l’Evo… ce qui me vaut une fraction de seconde de sous-virage, lors de la deuxième courbe, et un petit moment de frayeur alors que les poteaux du bas-côté semblent pris d’une soudaine affection pour la carrosserie de la Subaru. Et puis, en sortant de la courbe, rien à faire pour décoller le museau de l’Evo des pare-chocs de ma propre voiture. La Sub sous-vire beaucoup plus que la Mitsu, ce qui m’oblige à freiner le plus propre possible pour ne pas manger la partie de la route où je ne devrais pas me trouver. Et en accélération pure, pas de différence notable.
Well, so much pour mes talents de pilote, on dirait. J’arrive bien à grappiller quelques mètres sur la fin de la montée, mais c’est surtout dû au trafic. Et soudain, la Sub me semble moins explosive qu’avant dans les accélérations. Etrange sensation.
Alors voilà, finalement c’est assez simple: d’un côté la Sub, aux jantes dorées et peinture bleu électrique, prise de capot extravertie, bruit de moteur boxer caractéristique, sièges deux tons griffés du logo rouge STI ; dans l’autre coin du ring, la Mitsu, qui pour moi a du mal à cacher sa descendance directe d’une plate limousine asiatique, pas d’aura sonore, intérieur un peu triste, moteur plus linéaire, direction un peu trop légère… mais qui visiblement mène la danse lorsque les deux voitures de rallye entament une valse sur les routes sinueuses de la Vallée de Joux. Et qui réussit le tour de force d’éviter le sous-virage (en mode tarmac, qui, je suppose, dirige plus de puissance sur l’arrière, par rapport aux modes neige et gravier), tout en offrant la sécurité et prédictabilité d’une quatre roues motrices.
Ce que je choisirais ? Moi, c’est le caractère d’abord. La sub, à cause du son et du moteur-à-coup-de-pied-dans-le-biiip. Tant pis, je rattraperai JC lorsqu’il fera le plein, il paraît qu’il consomme encore plus avec l’Evo que moi avec la Sub …
Données techniques
Moteur: | 4 cylindres 1997 cm3, 16 soupapes, turbo & intercooler |
Puissance: | 265 ch à 6500 t/min |
Couple: | 355 Nm à 3500 t/min |
Poids à vide: | 1470 kg |
Pneus: | 235/45ZR17 |
Vitesse de pointe: | 245 km/h |
Consommation: | 19.9L/100km en conduite sportive, 10.9L/100km cycle mixte CE |
Sincères remerciements à M. Pinard de Mitsubishi Suisse et MM. Rossier et Baatard du Garage Carrosserie de la Plaine à Denges.
Galerie de photos
Crédit photos Swisscarsightings
Liens
Le sujet du forum – les articles Mitsubishi – la liste des essais – à lire également: