La Porsche 997 Carrera S, référence des GTs, à l’essai.
Si l’Unesco devait inscrire l’automobile au patrimoine de l’humanité, la Porsche 911 figurerait probablement en bonne place dans les monuments classés. Lancée en 1963 avec un 2 litres de 130ch, le modèle a constamment évolué pendant les 42 dernières années tout en conservant une identité propre et unique. Il serait trop long de retracer ici un historique, même succinct, le site Porsche fait cela très bien, mais comment ne pas citer des autos légendaires ou iconiques comme la 911 RS 2.7 de 1972, la 930 Turbo de 1974, la 959 en 1985, la 964 Carrera 4 de 1989 et la 993 de … 1993 ! La 996 vint rompre avec certaines traditions : apparition du refroidissement liquide, augmentation généreuse des dimensions et une évolution de style qui en laissa plus d’un sur sa faim, surtout au niveau des optiques de phare avant.
La Porsche 911 a conservé au cours des décennies un « packaging », comme l’appellent les ingénieurs en automobile, peu fréquent: un moteur arrière en porte-à-faux, solution permettant une configuration 2+2 dans une caisse élégante et de dimensions contenues. D’autres tentatives, par exemple la Ferrari Mondial (2+2, moteur central arrière) furent nettement moins convaincantes en termes de style.
Pour perpétuer le mythe, les ingénieurs de Porsche ont développé des prouesses pour compenser ce qui est une aberration technique: loger une part importante de la masse très loin du centre de gravité et d’inertie de la voiture. La 911 a retrouvé un très joli regard. Est-ce que le ramage vaut le plumage, maître corbeau ?
Mon premier contact avec une 997 Carrera S équipée de l’option « P17 » (châssis sport -20mm et différentiel mécanique) m’avait déçu. La voiture était rétive, présentant une force de rappel de direction artificielle et excessive autour du point milieu et un sous-virage systématique à la réouverture des gaz en appui. Il m’était impossible de conduire vite et proprement, les courbes se transformant en polygones.
Selon les conseillers de vente de Porsche, ce comportement “typé” est à mettre au passif du différentiel autobloquant mécanique. L’option avait été imposée par la maison mère sur les premières voitures de démonstration pour des raisons qui m’échappent. Tous les ingénieurs le savent, le marketing a toujours tort.
Retour chez AMAG Lausanne pour y découvrir une très jolie 911 Carrera S Gris Arctique métallisé, avec des jantes optionnelles « SportDesign » dans les mêmes dimensions que la monte originale.
A l’intérieur, on retrouve avec plaisir ce qu’on peut presque qualifier de sans faute. Design clair et élégant, qualité des matériaux quasiment irréprochable, de la sellerie jusqu’aux plastiques vernis ou bruts, ergonomie excellente, toucher de commandes précis et doux, on se sent immédiatement à son aise. C’est sérieux et de bon goût (et personalisable à souhait si le coeur et le portefeuille trouvent un terrain d’entente).
La prise en main est facile, aidée par les dimensions compactes de l’auto, une bonne visibilité, un excellent rayon de braquage et une garde au sol qui ne fait craindre ni rampe ni gendarmes couchés. La boîte, équipée de l’option au code poétique « XCZ », plus prosaïquement intitulée « réducteur de course », est une absolue merveille. Débattements très courts, sélection douce, précise et rapide, sans conteste la meilleure boîte manuelle qu’il m’ait été donné d’essayer. Option chère (915 CHF) dans l’absolu mais qui vaut vraiment l’investissement.
Sur autoroute, la 997 avale les kilomètres dans un excellent niveau de confort sonore, seul un défaut sur ce modèle d’essai au niveau du rétroviseur conducteur venait perturber la quiétude de l’habitacle. Une petite pression sur l’accélérateur suffit pour s’extraire du trafic, preuve d’un moteur bien rempli à mi-régime, et s’accompagne d’un agréable changement de sonorité, manifestant le fait que la cavalerie répond présent. A environ 3600 t/min pour 150 km/h indiqués et avec une consommation de croisière raisonnable, on peut envisager des longs trajets occasionnels ou fréquents avec sérénité. Le réservoir de 64 litres devrait permettre une autonomie acceptable tant qu’on a pas le pied droit trop lourd, mais pourrait s’avérer un peu juste en conduite sportive.
En haussant le rythme sur route, les choses s’animent. Alors que l’aiguille du compte-tours atteint la verticale, la poussée augmente graduellement et l’ambiance sonore se transforme en un joli miaulement, avec une apogée entre 5000 et 7000 tours. Beau travail des acousticiens: beau bruit d’admission et d’échappement, rond et plein, mais sans exubérance. Malgré un couple appréciable à bas et mi-régime, le moteur et la boîte (fantastique, au risque de me répéter) encouragent à cravacher le flat-six en restant à proximité de la zone rouge.
Le pédalier a une disposition un peu particulière (la pédale de gaz est nettement plus basse que la pédale de frein) mais, une fois assimilé, permet des talon-pointe très propres, ce d’autant plus que la course de la pédale de frein reste ferme et précise. Difficile de juger du freinage (conventionnel sur cette voiture, l’option carbone-céramique PCCB coûte la bagatelle de 12850 CHF), on fait entièrement confiance à la réputation de Porsche sur ce point.
Bien campée sur ses jantes de 19 pouces, le grip en virage met en confiance, mais la voiture dévoile assez vite la traduction dynamique de sa configuration originale. La 997 est vivante en appui, réagissant aux mouvements du pied droit par des changements d’assiette longitudinaux perceptibles, resserrant légèrement la trajectoire sous lever de pied brutal, et sous-virant franchement en cas d’excès d’optimisme. Roulis très contenu, comportement sain et sécurisant, mais qui devient un peu frustrant si on force la voiture : accélérer trop fort en appui campe l’arrière sur les larges Michelin Pilot Sport, et l’avant perd de l’adhérence élargissant la trajectoire irrémédiablement. Activer le mode Sport du PASM (Porsche Active Suspension Management) durcit significativement et quasi instantanément l’amortissement, atténuant ainsi les mouvements de caisse. Un peu trop dur sur chaussée déformée ou faible vitesse dans les localités, il devient vite le réglage de prédilection sur route sinueuse. Il est juste dommage que le bouton soit situé au bas de la console centrale, on aimerait l’avoir à portée de l’index droit, voire sur le volant.
Avec les kilomètres, la 997 se découvre sous un angle nouveau: plutôt que d’essayer de se battre contre son équilibre particulier, autant essayer de l’exploiter avec finesse, de mesurer les impulsions des commandes pour piloter le plus proprement possible. C’est là que la voiture dévoile une touche de charme supplémentaire: la subtilité de ses réactions aux gestes du conducteur. La motricité est irréprochable, sur le sec en tous cas, bien aidée par une monte pneumatique généreuse, au point où le contrôle de stabilité semble être superflu et une Carrera 4S un surcroît pondéral et financier difficilement justifiable, sauf en cas de conduite quotidienne par tous temps.
Au final, un comportement routier sûr et sain, pas scabreux du tout, mais qui pourrait frustrer les attaquants à tous crains. Si plus d’expérience permet d’éviter le sous-virage, la recette n’est pas évidente à trouver, et un habitué de berlinettes au train arrière plus vivant et mobile pourraient rester un peu sur leur faim. Peut-être que ceux-ci trouveront dans la 997 GT3, dont les prototypes – impressionants – achèvent leur développement sur la Nordschleife, une définition plus radicale susceptible de les séduire.
Quelques détails pratiques avant de conclure. Les places arrière permettent théoriquement d’accommoder deux adultes, mais mon svelte mètre quatre-vingt deux s’est retrouvé dans une position plus burlesque que réaliste, même pour un trajet de secours. Le bonus est l’espace de rangement supplémentaire si les dossiers sont rabattus. Une vraie GT, prête au voyage ! Le coffre (sous le capot avant) est profond et de dimensions suffisantes pour avaler vos emplettes du week-end.
Au final, la Porsche 911 Carrera S, millésime 997, est une très belle GT, confortable, performante et sûre, polyvalente, parfaitement utilisable au quotidien et qui saura ravir la plupart des amateurs de voitures de sport. Le prix de base de 127400 CHF est raisonnable en regard des prestations, du prestige du badge et de valeurs de revente élevées (la bonne réputation de fiabilité de la marque n’y est pas pour rien). Chose rare pour l’époque, les délais de livraison sont raisonnables (3 mois). Cependant, piocher dans la liste d’option pléthorique pourrait alourdir considérablement la facture et rendre la comparaison avec l’Aston-Martin V8 Vantage pertinente. A suivre.
Données techniques
Cylindrée : 3824 cm3
Puissance : 355ch @ 6600 t/min
Couple : 400Nm @ 4600 t/min
Pneus : 235/35/19 AV, 295/30/19 AR
Poids à vide (DIN) : 1420kg
Vitesse de pointe : 293 km/h
Consommation en conduite sportive: 15.5L/100km (moyenne sur l’ordinateur de bord pendant l’essai).
Sincères remerciements à M. Carro de AMAG Lausanne pour le prêt de la voiture.
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